Palais des Tuileries, ler mars 1810
MESSAGE AU SÉNAT.
Sénateurs, les principes de l’Empire s’opposant à ce que le sacerdoce soit réuni à aucune souveraineté temporelle, nous avons dû regarder comme non avenue la nomination que le prince Primat avait faite du cardinal Fesch pour son successeur. Ce prélat, si distingué par sa piété et par les vertus de son état, nous avait d’ailleurs fait connaître la répugnance qu’il aurait à être distrait des soins et de l’administration de ses diocèses.
Nous avons aussi voulu reconnaître les grands services que le prince Primat nous a rendus et les preuves multipliées que nous avons reçues de son amitié. Nous avons ajouté à l’étendue de ses États, et nous les avons constitués sous le titre de grand-duché de Francfort. Il en jouira jusqu’au moment marqué pour le terme d’une vie consacrée à faire le bien.
Nous avons en même temps voulu ne laisser aucune incertitude sur le sort de ses peuples, et nous avons en conséquence cédé à notre cher fils, le prince Eugène Napoléon, tous nos droits sur le grand-duché de Francfort. Nous l’avons appelé à posséder héréditairement cet État après le décès du prince Primat, et conformément à ce qui est établi dans les lettres d’investiture dont nous chargeons notre cousin le prince archichancelier de vous donner connaissance.
Il a été doux pour notre cœur de saisir cette occasion de donner un nouveau témoignage de notre estime et de notre tendre amitié à un jeune prince dont nous avons dirigé les premiers pas dans la carrière du gouvernement et des armes, qui, au milieu de tant de circonstances, ne nous a jamais donné aucun motif du moindre mécontentement; il nous a, au contraire, secondé avec une prudence au-dessus de ce qu’on pouvait attendre de son âge, et, dans ces derniers temps, il a montré, à la tête de nos armées, autant de bravoure que de connaissance de l’art de la guerre. Il convenait de fixer d’une manière stable dans le haut rang où nous l’avons placé. Élevé au grand-duché de Francfort, nos peuples d’Italie ne seront pas pour cela privés de ses soins et de son administration. Notre confiance en lui sera constante comme les sentiments qu’il nous porte.
Paris, 2 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je vous envoie le projet de traité avec la Hollande (Traité par lequel la Hollande cédait à la France le Brabant septentrional s’engageait à fournir une flotte de neuf vaisseaux et de six frégates, et se soumettait aux obligations du blocus continental. Il sera signé le 16 mars). Il faut tâcher d’en finir. Il faut que le ministre négocie avec vous, et qu’on ne m’envoie pas des notes; ce n’est pas la forme.
Paris, 2 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Passez une note au ministre de Bade pour lui faire connaître que je vois avec peine que le prince Louis a repris à Carlsruhe son influence; que les catholiques sont vexés; que l’avancement est donné aux officiers qui n’ont pas fait la guerre avec nous ou qui ont servi contre nous, au préjudice de ceux qui ont combattu sous mes ordres; que je désire qu’on cesse de prendre à tâche de me mécontenter; que la conduite de ce cabinet est indigne d’un allié; que je prendrai fait et cause pour les troupes qui ont fait sous moi les campagnes de Prusse, de Pologne et d’Autriche; que j’exige que le prince Louis s’éloigne des États de Bade; qu’il est la cause de tout le mal; qu’il ait sur-le-champ à quitter le pays, sans quoi je le ferai arrêter et enfermer dans une forteresse de France pour l’y faire expier tous ses crimes. Écrivez à mon ministre de dire et de bien faire répandre que j’entends que les places soient données également aux catholiques et aux protestants, que l’avancement soit donné aux militaires qui ont servi avec mes troupes, et non aux nouveaux venus; que j’entends même que les nouveaux venus soient chassés.
Paris, 2 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, je veux profiter de la consolidation de la paix continentale pour porter la plus grande économie dans mes armées. Voici les diverses dispositions que je projette, et sur lesquelles je désire un rapport.
Armée d’Allemagne. – Le grand quartier général, les grandes administrations, les parcs généraux d’artillerie et du génie et tout ce qui appartient à l’état-major général de la Grande Armée seraient dissous. Les états-majors et administrations et tout ce qui tient à l’organisation des 2e et 4e corps et réserve générale de cavalerie seraient dissous. Il ne resterait en Allemagne que l’état-major, l’administration et les parcs du génie et de l’artillerie du 3e corps commandé par le prince d’Eckmühl, l’infanterie du 3e corps composée de quinze régiments, trois bataillons portugais et deux bataillons de tirailleur, la brigade de cavalerie du général Pajol composée de trois régiments et les six régiments de cuirassiers de la division Bruyères, ci-devant Nansouty, formant neuf régiments de cavalerie, et quatre-vingts pièces d’artillerie au plus, attelées et approvisionnées.
La division Molitor, composée de quatre régiments d’infanterie et de deux régiments de cavalerie, resterait jusqu’à nouvel ordre à Hambourg, où elle serait sous le commandement du prince d’Eckmühl.
Toutes les autres troupes françaises évacueraient l’Allemagne.
La le division du 2e corps se réunirait à Mayence et autres places environnantes sur les bords du Rhin. La 2e division se réunirait à Strasbourg et aux environs. La 3e division, c’est-à-dire le 10e léger, le 105e et le 3e de ligne, se réunirait à Metz. Ces trois divisions seraient destinées à se porter immédiatement après sur les côtes pour en assurer la tranquillité pendant la belle saison.
Armées du Nord et du Brabant. – Les armées du Nord et du Brabant seraient dissoutes; toutes les gardes nationales seraient licenciées; la division Puthod entrerait en Hollande; le 5e d’infanterie légère retournerait à Cherbourg; la division Dessaix, avec le 8e de hussards et le 16e de chasseurs, tiendrait garnison dans le Brabant; le 24e de chasseurs se rendrait à Saint-Omer; la division de Saint-Omer serait augmentée de la 6e demi-brigade provisoire, forte de 3,000 hommes, qui se rendrait à Boulogne; la 3e et la 4e demi-brigade provisoire se rendraient à Paris; la 18e demi-brigade provisoire se rendrait dans l’île de Walcheren; la 7e demi-brigade provisoire se rendrait à Paris; la 10e demi-brigade serait dissoute, et, à cet effet, le détachement du 4e de ligne irait rejoindre son corps en Hollande, celui du 72e rejoindrait son régiment à Boulogne, et ceux des l2e, 54e, 14e, 34e et 88e de ligne se rendraient à Versailles pour entrer dans la composition soit des régiments de marche, soit des bataillons auxiliaires; la 21e demi-brigade provisoire serait dissoute; les compagnies de réserve rejoindraient leurs départements, et ce qui appartient au bataillon suisse ferait partie de la 18e demi-brigade provisoire.
Le régiment provisoire de gendarmerie formerait le fond de la gendarmerie du Brabant.
Les places du Brabant seraient organisées comme étant réunies définitivement à l’Empire, soit pour l’artillerie et le génie, soit pour l’état-major de place, soit pour l’administration.
Les gardes nationales de Cherbourg seraient également dissoutes.
Présentez-moi un projet d’ordre à signer dans lequel ces dispositions soient définitivement rédigées et tous les corps compris et nommés.
Où ferez-vous rentrer les bataillons des équipages militaires, ceux du train d’artillerie et du génie et ceux des pièces régimentaires, etc. ?
Je désire que vous joigniez à ce projet d’ordre des mémoires qui me donnent des renseignements à cet égard, et me fassent connaître ce qu’on pourrait faire des employés, officiers de santé, commissaires des guerres, etc., enfin de tout ce qui va se trouver sans destination, par suite de ce désarmement.
Paris, 2 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
L’armement d’Anvers n’est pas suffisant. J’estime qu’il faut pour la place d’Anvers, citadelle comprise, et la rive gauche de l’Escaut (vu que cela ne forme qu’une seule place puisqu’on ne peut couper la communication entre les trois parties), 350 pièces; rive droite, 100; Sud-Beveland, 104; Wolfersdijk, 12; Nord-Beveland, 9; Walcheren, compris Flessingue, 200; île de Cadzand, 80; rive gauche de Cadzand à Anvers, 30; total, 885 pièces, parmi lesquelles quatre cents en fer, dont deux cent cinquante de 36, cent de 24, cinquante de 18, et cinq cents en bronze, dont cinquante mortiers à grande portée, vingt-cinq de 12 pouces ordinaires, vingt-cinq de 8 pouces, en tout cent mortiers, le reste en pièces de bronze de tout calibre.
Faites faire l’armement selon ces bases. Ne perdez pas un moment à faire sérieusement l’armement d’Anvers.
Paris, 2 mars 1810
Au comte de Rémusat, directeur des spectacles, à Paris
Monsieur de Rémusat, mon Premier Chambellan, il faudrait donner la Mort d’Abel le 20 mars; donner le ballet de Persée et Andromède le lundi de Pâques; donner les Bayadères quinze jours après; Sophocle, Armide, dans le courant de l’été; les Danaïdes dans l’automne; les Sabines à la fin de mai. En général, mon intention est que, dans le mois de Pâques, il y ait le plus de nouveautés possible, vu qu’il y aura un grand nombre d’étrangers à Paris à cause des fêtes.
Paris, 3 mars 1810
A M. Fouché, duc d’Otrante, ministre de la police générale, à Paris
Je vous prie de me donner les renseignements les plus détaillés sur le sieur Bourdier (Professeur de pathologie interne à la Faculté de Paris, il fut nommé en avril 1810 médecin ordinaire de l’impératrice Marie-Louise, pour prendre rang après Corvisart), docteur régent de l’ancienne faculté de Paris, professeur à la faculté actuelle de médecine et médecin de l’Hôtel-Dieu, sur sa vie, ses opinions, son caractère.
Paris, 3 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, les nouvelles circonstances de l’Autriche vont m’obliger à augmenter le traitement du comte Otto, je ne puis donc augmenter celui de mon ministre en Russie.
Paris, 3 mars 1810
M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je reçois dimanche le corps diplomatique. Le ministre de Suède me remettra sa lettre; aussitôt que je l’aurai reçue, vous enverrez aux princes, princesses de Guastalla, de Piombino et de Neuchâtel les lettres qui vous ont été remises. Je vous envoie des observations sur les instructions que vous avez faites pour la remise de la Poméranie.
Palais des Tuileries, 4 mars 1810
ALLOCUTIONS.
A LA DÉPUTATION DU SÉNAT.
Sénateurs, je suis touché des sentiments que vous m’exprimez.
L’Impératrice Marie-Louise sera pour les Français une tendre mère ; elle fera ainsi mon bonheur. Je suis heureux d’avoir été appelé par la Providence à régner sur ce peuple affectueux et sensible, que j’ai trouvé, dans toutes les circonstances de ma vie, si fidèle et si bon pour moi.
A LA DÉPUTATION DE L’HÉRAULT.
Ce que vous me dites au nom de votre département me fait plaisir.
J’ai besoin de connaître le bien que mes sujets éprouvent ; je ressens vivement leurs moindres maux, car ma véritable gloire, je l’ai placée dans le bonheur de la France.
A LA DÉPUTATION DE LA HAUTE-LOIRE.
Je vous remercie des sentiments que vous m’exprimez. Si j’ai confiance dans ma force, c’est que j’en ai dans l’amour de mes peuples.
A LA DÉPUTATION DES BASSES-PYRÉNÉES.
J’agrée vos sentiments. J’ai parcouru, l’année passée, votre département avec intérêt. Si j’ai porté tant d’intérêt à fixer les destinées des Espagnes et à les lier d’une manière immuable à l’Empire, c’est surtout pour assurer la tranquillité de vos enfants.
A LA DÉPUTATION DE MONTENOTTE.
Le nom que porte votre département réveille dans mon cœur bien des sentiments. Il me fait souvenir de tout ce que je dois de reconnaissance aux vieilles bandes de ma première armée d’Italie. Un bon nombre de ces intrépides soldats sont morts aux champs d’Égypte et d’Allemagne; un plus grand nombre, ou soutiennent encore l’honneur de mes aigles, ou vivent, couverts de glorieuses cicatrices, dans leurs foyers. Qu’ils soient l’objet de la considération et des soins de leurs concitoyens; c’est le meilleur moyen que mes peuples puissent choisir pour m’être agréables. Je prends un intérêt spécial à votre pays; j’ai vu avec plaisir que les travaux que j’ai ordonnés pour l’amélioration de votre port, et pour vous ouvrir des communications avec le Piémont et la France, s’achèvent.
Paris, le 4 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, il convient que vous achetiez le plus tôt possible une maison à Compiègne pour le département des relations extérieures, comme celle que vous avez à Fontainebleau.
Paris, 5 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je viens de voir le cardinal Fesch, qui prétend qu’il n’y a pas besoin de sentence de l’officialité, vu que le courrier du 27 a porté la permission au curé de Vienne de procéder au mariage avec la dispense de promulgation des bans; qu’ainsi cela finit tout. Je désire que vous envoyiez au sieur Otto les deux sentences de l’officialité. Il ne les montrera pas, si cela n’est nécessaire, et il fera sentir que je n’ai rien à démêler avec l’officialité de Vienne: mon juge est 1’officialité de Paris. Écrivez-lui que la dispense des bans a tout fait; que cependant, comme rien ne doit arrêter, il montrera les pièces s’il y a lieu.
Paris, 5 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, j’ai reçu le compte provisoire que vous m’avez remis de vos dépenses de 1809. Je désire que vous me le présentiez en règle, aussitôt que le service sera complètement soldé. Le fonds qui vous a été accordé est de 1.000.000. D’après l’état que vous me remettez de ce qui a été payé et de ce qui reste à solder, la dépense serait de 1.057.500 fr., ce qui ferait un excédant de 57.500 fr. sur le crédit. Mon intention est qu’il n’y ait point d’excédant et que la dépense ne s’élève au-delà du million qui vous est accordé. Je vous autorise pour obtenir la réduction nécessaire à ne payer que 250.000 fr., au lieu de 305.000 fr., pour le premier fonds d’un hôtel des relations extérieures.
Paris, 5 mars 1810
Au général comte de Nansouty, premier écuyer de l’Empereur, à Paris
Je désire que vous envoyiez en présent de ma part, une belle voiture attelée de six beaux chevaux au ministre d’Autriche.
Paris, 5 mars 1810
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Je trouve votre lettre au Transport-office trop roide. Il faut la faire précéder d’une réponse à la réclamation qu’ils font en faveur d’un aspirant de seize ans; dire: que je regrette de ne pouvoir suspendre en sa faveur le cours de la justice; que je ne le puis, parce que cela serait contraire aux lois; mais que j’ai donné l’ordre, tant par égard pour leur réclamation que par intérêt pour l’âge de l’aspirant, que sa grâce lui fût accordée, s’il venait à être condamné. Dites cela en termes honnêtes, et partez de là pour parler des Irlandais; car toute réclamation trop directe à ce sujet serait mal dans notre bouche.
Surtout ne parlez pas de mesures révolutionnaires; cela est ridicule. Avant de parler des Irlandais, annoncez aussi le renvoi des chirurgiens de Talavera.
Paris, 5 mars 1810
Au comte Daru, intendant général de la Maison de l’Empereur, à Paris
Monsieur Daru, je vous renvoie votre rapport [1]« Sur les actes de bienfaisance à faire à l’occasion de mon mariage.» Note de la minute., parce que je désire que vous m’en fassiez un sur les autres titres, afin de ne faire qu’un seul décret. Je désire savoir combien il y a de pères détenus pour dettes de mois de nourrice, préférant les délivrer tous; combien il y a de pères de famille détenus pour dettes et qui méritent grâce, parce que je voudrais, au lieu de mettre des bornes, les délivrer également tous.
Paris, 5 mars 1810
Au prince Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan
Je vous prie d’activer la vente des marchandises coloniales qui sont à Venise, montant à 5 ou 6,000 colis. Je n’admets aucune réclamation: je les ai prises en pays ennemi. Faites-moi connaître où en est la contribution de Trieste; écrivez-en à mon intendant. Le reste des marchandises doit être mis en séquestre à Trieste, à moins qu’on ait fait un arrangement que j’avais autorisé.
Paris, 6 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je vous renvoie le projet de traité avec la Hollande. Finissez cette affaire. Je n’admets aucune des objections du Roi. Vous leur ferez sentir qu’il est inutile de signer ce traité, si l’on veut continuer à protéger la contrebande, et si l’on ne songe pas à tenir neuf vaisseaux de guerre en rade; qu’il m’est impossible de laisser les côtes du Rhin au Weser, qui ont tant de matelots et de moyens maritimes, sans faire aucune diversion en faveur de la cause commune.
Paris, 6 mars 1810
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan
Mon Fils, je reçois votre lettre du 28 février. J’approuve votre message au Sénat italien; vous enverrez le journal italien où il sera imprimé à Aldini, qui le fera traduire et mettre dans le Moniteur.
J’ai signé mon traité avec la Bavière. J’ai ordonné au duc de Cadore de vous l’envoyer, Présentez-moi les documents pour servir à la remise de la partie du Tyrol qui nous échoit. Je suppose que mes peuples d’Italie verront avec plaisir la réunion de Trente.
Je vous ai écrit pour que vous fassiez part au Sénat italien de mon mariage avec l’archiduchesse Marie-Louise.
Aussitôt que vous aurez reçu le traité avec la Bavière, vous pourrez le communiquer au Sénat et le faire mettre ensuite dans les journaux.
A l’Archiduchesse Marie-Louise, à Vienne
[2]C’est la lettre qui sera présentée à Marie-Louise le 8 mars, conjointement avec la demande de sa main par Berthier
Madame ma Sœur, le succès de la demande que j’ai faite à S. M. l’Empereur, votre père, pour m’unir avec vous en mariage, est une marque bien précieuse de l’estime et de la considération qu’il m’accorde. Je suis extrêmement sensible au consentement que vous donnez vous-même à une union qui me comble de la joie la plus vraie et doit embellir toute ma vie. J’attends avec une impatience bien vive le moment qui doit en accélérer la conclusion. J’apprécie surtout dans cette alliance les soins que je veux prendre pour vous rendre heureuse. Mes vœux à cet égard sont d’autant plus sincères que mon propre bonheur sera essentiellement lié au vôtre. J’ai chargé le prince de Neuchâtel, mon ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, de vous remettre mon portrait. Je vous prie de le recevoir comme un gage des sentiments qui sont gravés dans mon cœur et qui seront inaltérables.
Paris, 6 mars 1810
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan
Mon fils; je vous prie de me faire un rapport sur les vaisseaux russes qui ont été cédés à ma marine italienne, soit à Venise, soit à Trieste, et sur ce qu’on peut en faire.
Paris, 8 mars 1810
NOTE POUR LE MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES, A PARIS.
Demander au ministre des relations extérieures : 1 ° si les traités avec Würzburg, Bade et Wurtemberg, sont faits; 2° si le traité avec la Bavière est ratifié; 3° si des commissaires sont nommés pour l’exécuter; 4° si l’on a envoyé à l’intendance générale de mon domaine extraordinaire tous les extraits qui la regardent dans les traités avec la Bavière, arec la Saxe, avec Danzig, avec la Westphalie; 5° si le secrétaire de légation en Suède est nommé. Le ministre propose-t-il quelqu’un ? Le ministre a-t-il annoncé à l’archichancelier de Suède à qui j’ai accordé les cordons ? Je désire envoyer un chambellan porter mes cordons au roi de Suède. Lui parler de mon intention de jeter les fondements d’un système d’alliance permanente avec la Suède et le Danemark.
Paris, 8 mars 1810
NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE.
Il est à présumer qu’un jour ou l’autre j’aurai besoin de beaucoup de transports à Ancône; je désire donc qu’au lieu de désarmer entièrement l’Uranie, comme le ministre le propose, on la désarme, en y laissant tout ce qui sera nécessaire pour pouvoir promptement la réarmer comme flûte. Le cas arrivant, je trouverai des matelots du pays pour ce service.
Il est également présumable que, d’un moment à l’autre, j’aurai besoin de beaucoup de transports à Toulon. Il est donc convenable que les deux bâtiments russes de Toulon soient préparés pour faire deux flûtes.
Paris, 8 mars 1810
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan
Mon Fils, j’ai lu avec attention l’état de la marine italienne que vous m’avez envoyé; j’en sens davantage l’importance d’avoir un nombre de bâtiments qui empêche l’ennemi de bloquer le golfe avec une ou deux frégates. J’attendrai votre rapport pour savoir si les vaisseaux de ligne pourront sortir. Je vois que le Rivoli et le Regeneratore ne sont pas loin d’être achevés. Il faut terminer promptement la Favorite. Une fois ces deux frégates terminées, on pourra les armer avec les équipages français des trois bricks qui sont à Venise. On pourrait y joindre la frégate russe qui est à Trieste; ce qui ferait une division de trois frégates qui pourraient se rendre à Ancône, s’y réunir à la frégate et au brick qui s’y trouvent, et former une division capable de se maintenir maîtresse du golfe, ou qui obligerait l’ennemi à y tenir des vaisseaux de guerre. Je dis Ancône et non Venise, parce qu’Ancône a cet avantage, que n’offre point Venise, qu’on peut y entrer et en sortir par tous les vents. En général, vous avez suffisamment d’équipages, mais je vois à Venise des canonnières qui y sont inutiles et qu’on pourrait toujours réarmer à tout événement. Il vaut mieux avoir des bricks qui peuvent sortir et éclairer sans cesse le golfe.
Paris, 8 mars 1810
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan
Mon Fils, je vous envoie un rapport sur Ancône ; je désire que vous fassiez de nouveau agiter la question de savoir : 1° si l’on ne pourrait pas, dans l’état actuel des choses, y désarmer deux ou trois vaisseaux en les rapprochant du môle ; 2° ce qu’il convient de faire pour améliorer le port; 5° s’il y a quelques points extérieurs à armer pour empêcher l’ennemi d’approcher. Je vous envoie aussi un rapport sur Venise. Faites-moi un rapport général qui me fasse connaître, 1° quand les frégates pourront sortir de ce port; 2° quand le Rivoli sera mis à l’eau, et quand, avec des chameaux, on pourra le faire sortir pour se rendre à Ancône ou à Trieste, y achever un armement, et, de là, menacer les Anglais; 3° ce que sont les bâtiments que les Russes nous ont cédés et ce qu’il en faut faire. En faisant venir à Venise les deux frégates russes de Trieste et en armant les bâtiments et frégates que nous avons à Venise, il devrait être possible d’empêcher les Anglais de bloquer tout le golfe avec une seule frégate
Paris, 8 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Envoyez chercher le ministre de Hollande; montrez-lui les dépêches ci-jointes, et demandez-lui quelle satisfaction le roi a à me donner de ces ministres brouillons. Quel est le but du roi en écrivant ces lettres? Quel a été le but de ceux qui les ont fait mettre dans les journaux ? Si le roi veut se conduire ainsi, à quoi sert de faire un traité qui ne durera pas vingt-quatre heures ? Car, à la première impertinence de ce genre, je m’emparerai de la Hollande; et il vaut mieux alors en finir tout de suite (Il s’agit de deux lettres que le roi Louis avait écrites au conseil d’État et au Corps législatif de Hollande, et qui avaient été insérées dans la Gazette d’Amsterdam du 1er mars.
Paris, 8 mars 1810
DÉCISION
Le vice-roi d’Italie demande que le colonel Vallin, du 6e de hussards, privé de l’usage du bras droit, par suite d’une blessure qu’il a reçue au passage de la Piave, aie un congé de quatre mois avec appointements pour prendre les boues de Saint-Amand.
Accordé.
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Paris, 9 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
J’ai examiné le rapport du comité des fortifications sur le classement des places de guerre. Je serais d’avis de rendre aux villes les fortifications d’Ypres, Verdun, Bonn, Cologne, Montmélian, Saint-Tropez, Villefranche, Casale, Valence, Sienne, Volterra, Béziers, San-Remo, château d’Ivrée, fort Monte-Chiarugolo, Pontremoli.
Le comité des fortifications me fera un rapport sur cet objet. Je suis dans l’opinion qu’il n’y a rien à Ypres, Bonn, Cologne, Montmélian, et que Verdun est inutile. Villefranche est dominée de tous côtés et n’est bonne à rien. S’il y a à Sienne une petite citadelle, c’est moins que rien. Je ne sais ce que c’est que la citadelle de Cette. Il n’y a à San Remo qu’un fort qui ne signifie rien. Je ne sais ce que c’est que le val de Barcelonnette. Il faut démolir le château d’Ivrée. Il faut donner à la ville Monte-Chiarugolo. Pontremoli n’est rien. Il faut démolir la citadelle de Parme. L’île Rousse n’est rien. Les tours de Vivario et de Bocognano doivent avoir été démolies dans la révolution.
Il faut mettre des notes qui indiquent ce que sont ces places; distinguer les fortins des places. Dans l’état qu’on m’a présenté, Saint-Tropez est classé comme place ; cet état n’est pas fait avec le soin nécessaire, il faut le rectifier.
D’un autre côté, je crois que Blaye doit être mis parmi les places de première ligne, car cette place défend beaucoup Bordeaux. Gravelines et Nieuport sont places de première ligne. Pour l’ordre des idées, il faut classer avec Anvers tout ce qui est sur l’Escaut.
J’adopte les bases du projet de décret pour le classement des places de guerre. Mais je voudrais que chaque place eût sa dotation particulière, que le génie lui procurerait en faisant verser dans la caisse du génie le produit des affermages des fortifications et de tout ce qui pourrait présenter quelques ressources, en prenant les moyens convenables pour que le ministre de la guerre en soit instruit.
Je suis persuadé que l’affermage des terrains des fortifications triplera entre les mains du génie, lorsqu’il saura que ce produit est destiné à l’entretien des fortifications et qu’il sera intéressé à le porter aussi haut que possible.
Dans les places de seconde ligne, il ne sera fait d’entretien que jusqu’à concurrence des affermages. On ferait une dotation aux places de première ligne, et il y aurait peut-être des moyens d’augmenter cette dotation; il me semble, par exemple, que le génie a souvent, dans des places de dépôt, des magasins qui sont vides et dont il pourrait quelquefois tirer parti. Je demande que ces projets me soient présentés dans un décret et que les tableaux en soient rédigés avec soin.
Paris, 9 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Les fortifications sont surtout appropriées contre l’Angleterre, parce que, cette puissance ne pouvant tenter que des coups de main pour profiter de l’éloignement de l’armée, des dépôts et des arsenaux renfermés dans des places peuvent lui résister suffisamment longtemps. Il est donc vrai de dire que les fortifications sont beaucoup plus importantes contre les Anglais que sur le Rhin contre de fortes armées continentales, qui, remportant de grandes victoires, auraient le temps de prendre des fortifications qui seraient ensuite des obstacles contre nous.
Les Anglais pourraient vouloir pénétrer par l’Escaut pour brûler les chantiers d’Anvers. La réunion du Brabant, d’une part, et, de l’autre, les travaux qu’on exécute de ce côté, le mettront suffisamment à l’abri. Mais, si les Anglais veulent entreprendre une opération importante au commencement d’une grande guerre continentale, peut-être auraient-ils intérêt de s’emparer d’Ostende, ce qui donne une véritable importance à Ostende, Nieuport et Gravelines. On doit tenir en état Dunkerque et Calais. Aire est une place de première ligne. Je désire un mémoire sur Nieuport, Dunkerque, Gravelines et Calais.
On a fait pour Boulogne ce qu’il était possible de faire. Il faudrait prendre un parti pour Montreuil: le démolir, ou le mettre en état s’il était susceptible de défense. Montreuil est sans intérêt; il n’en a qu’à cause de Boulogne. Abbeville est en bon état ; il faut me remettre un plan et des notes sur Abbeville. Cette place est d’un intérêt médiocre; elle ne sert qu’à empêcher l’ennemi d’aller à Amiens. Dieppe a peu d’intérêt et n’est susceptible de rien. Les Anglais ne gagneraient rien à s’en emparer.
Un point important, c’est le Havre. Comme port de mer, le Havre contient toujours des frégates, et une immense quantité de bois; bientôt il y aura quatre vaisseaux de guerre sur les chantiers ; il y a de superbes bassins; enfin c’est le port de Paris. Il est impossible de laisser le Havre dans l’état où il est. Dans les dernières années de la monarchie, on a eu l’ineptie de détruire les fortifications du Havre, ce qui est le comble de l’ignorance. Je désire un mémoire sur le Havre. Mon intention positive est de fortifier cette place, de manière que les établissements du commerce, les chantiers de la marine, les magasins de bois et enfin la place soient non-seulement à l’abri d’un coup de main, mais puissent encore se défendre assez longtemps pour que les secours y arrivent de tous les côtés de la France. Si l’expédition de l’Escaut est débarqué au Havre, la flottille anglaise aurait pu remonter jusqu’à Rouen, et il est hors de doute que l’ennemi serait arrivé à Rouen, aurait saccagé la Normandie, sans qu’on pût s’y opposer. Il faut donc que le Havre soit fortifié, comme la garde de Rouen, comme port marchand et comme ville de dépôt. C’est, dans ce moment-ci, la partie de notre côte où nous sommes le plus vulnérables. Honfleur est-il fortifié ? Je désire un rapport sur l’embouchure de la Seine.
Je désire un rapport sur Cherbourg. Il faut s’en occuper sérieusement. Il y a déjà des vaisseaux en rade; il y en aura bientôt douze ou quinze, et dans trois ans les travaux du port seront terminés. Je désire donc que des officiers du génie de distinction soient envoyés au Havre et à Cherbourg, et rapportent sur ces points importants des projets, afin qu’on puisse commencer à y travailler dès cette année. J’accorderai à cet effet un supplément au budget.
Paris, 10 mars 1810
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
Ne pourrait-on pas faire un marché du jardin de l’abbaye Saint-Martin et supprimer le marché de la porte Saint-Martin ? Cette abbaye, qui sert de dépôt à des objets d’artillerie, n’a pas besoin de jardin.
Paris, 10 mars 1810
A M. Maret, duc de Bassano, ministre secrétaire d’État, à Paris
Monsieur le Duc de Bassano, présentez-moi à signer, demain matin, des lettres patentes qui érigent la terre de Navarre en duché, avec les biens et revenus que je me réserve d’y ajouter. Je conférerai ce duché à l’impératrice Joséphine, qui le transmettra à un enfant mâle du prince Eugène à sa volonté, et aux descendants mâles de ce prince, par ordre de primogéniture; et, venant à s’éteindre cette branche, les autres enfants mâles hériteront, et, à l’extinction définitive, ce duché retournera à la Couronne.
Paris, 10 mars 1810
A Charles XIII, roi de Suède, à Stockholm
Monsieur mon Frère, les plénipotentiaires de Votre Majesté m’ont remis la décoration de l’Ordre des Séraphins qu’elle m’envoie. C’est avec plaisir que je reçois ce gage de votre amitié. J’ai fait remettre au sénateur comte de Beauharnais, chevalier d’honneur de l’Impératrice, au prince Aldobrandini, son premier écuyer, et au général Reille, mon aide de camp, les décorations du même Ordre que vos plénipotentiaires avaient déposées entre les mains de mon ministre des relations extérieures. Tout ce qui peut contribuer à resserrer les liens qui nous unissent est et sera toujours pour moi du plus grand prix. En offrant à Votre Majesté la grande décoration de la Légion d’honneur, et en en mettant deux autres à sa disposition, je désire qu’elle y trouve une preuve de l’estime particulière que je lui ai vouée. J’aime à lui en renouveler l’expression, et je la prie d’être convaincue que je saisirai toujours avec plaisir les occasions de lui témoigner l’intérêt que je prends à sa prospérité personnelle et à celle de ses États.
Paris, 11 mars 1810
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
Monsieur le Comte Montalivet, l’organisation des différentes provinces de l’Empire regarde votre ministère. Je désire que vous me remettiez un mémoire qui me fasse connaître où en est l’organisation dans le Piémont, à Gênes, à Parme et dans la Toscane. On m’assure que dans ces pays l’organisation n’est pas complète; qu’à Parme les conseils généraux de département n’existent pas ; qu’à Gênes la justice est rendue par la cour prévôtale ; que, dans aucun de ces endroits, la liste des 600 plus imposés n’a été faite; que les collèges de département et d’arrondissement n’existent pas. Faites-moi donc connaître ce qui a été fait et ce qui reste à faire pour donner à ces pays une organisation conforme à celle du reste de la France; quelles sont les lois publiées et celles à publier pour que la législation soit partout la même. C’est un objet très-important. Concertez-vous avec le grand juge, tant pour ce qui est relatif à la promulgation des lois qu’à l’organisation de la justice et des tribunaux. Présentez-moi mercredi ce travail.
Prenez les mêmes renseignements sur les Etats romains, pour être à même de me faire connaître, à la fin du mois, la partie de l’administration qui est en activité à Rome et le parti qu’il faut prendre.
Paris, 11 mars 1810
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
Je vous renvoie les statuts de la société de la charité maternelle. Il me semble que cette société n’est pas autorisée par le gouvernement et que le bien qu’elle fait est peu de chose. Je désire faire une dotation sur mon domaine extraordinaire. Faites-moi connaître de combien cette dotation pourrait être pour remplir le but de secourir les femmes pauvres, en couches, de la ville de Paris. Proposez-moi un projet de règlement pour l’organisation de cette société, ainsi que les nominations à faire. Il est convenable que cela se rattache directement ou indirectement au gouvernement.
Paris, 11 mars 1810
Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris
Monsieur le Comte Bigot Préameneu, je vous envoie un rapport qui m’est fait par une commission extraordinaire que j’en avais chargée l’année passée (Rapport sur les corporations religieuses – Note de la minute). Je suppose que, depuis ce temps, le ministre des finances et vous avez eu de nouveaux renseignements. Je désire que vous me représentiez, mercredi prochain, ce rapport avec les renseignements que vous aurez sur les ordres religieux encore existants. Je désire fort supprimer tous les ordres religieux dans les quatre départements du Rhin, dans le Piémont, en Toscane, à Parme et à Gênes, afin que je n’en entende plus parler, et qu’on soit tout à fait défait de cette vermine de moines. Quant à Rome, ce sera l’objet d’un rapport particulier. Réunissez tous les renseignements; adressez-vous, pour ceux qui vous manqueraient, au ministre des finances, qui écrira à Rome pour vous les procurer. Mais j’ai hâte de profiter de ce moment, qui est un moment de paix, pour supprimer tous les moines et en finir.
Paris, 11 mars 1810
A M. Fouché, duc d’Otrante, ministre de la police générale, à Paris
Les journaux vont trop loin. Où le Publiciste a-t-il pris l’article de Vienne, que j’ai remis la contribution à l’Autriche ? Faites désavouer cela par le journaliste. Devait-on mettre un pareil article sans être assuré de la vérité ? D’où vient cette nouvelle ? Enjoignez-lui d’avoir plus de circonspection. Je n’ai point envoyé de tapisseries à Vienne. Tant qu’ils n’ont dit que ces niaiseries, je n’y ai pas fait attention, mais aujourd’hui ils vont trop loin. Défendez-leur de mettre ainsi des choses hasardées.
Je vous avais dit de faire en sorte que les journaux ne parlassent pas de l’impératrice Joséphine; cependant ils ne font pas autre chose: encore aujourd’hui le Publiciste en est plein. Veillez à ce que demain les journaux ne répètent pas cette nouvelle du publiciste.
Paris, 11 mars 1810
A M. Fouché, duc d’Otrante, ministre de la police générale, à Paris
On vend des gravures du Roi, de la Reine [3]il s’agit de Louis XVI et de Marie-Antoinette, de la princesse Élisabeth, et au coin des rues; tout le monde s’étonne que la police ne l’empêche pas.
Paris, 11 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je ne conçois pas ce que le ministre d’Amérique entend par s’en aller et d’où lui vient ce caprice subit ! – Voyez le comte Defermon et faites connaître à la Prusse que l’obligation des 70 millions sera envoyée en Hollande et qu’on donnera une quantité égale de billets, lorsqu’on aura des sûretés pour l’emprunt.
Paris, 11 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, les consuls qui ont été employés en Sicile, en Espagne et en Portugal doivent avoir un traitement de non-activité, de manière que le trésor public se trouve soulagé.
Paris, 12 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, répondez au prince de Schwarzenberg que tous les papiers concernant l’Autriche, qui se trouveraient parmi ceux pris à Vienne, seront rendus, et que les frais qui ont été faits pour les essayeurs (il s’agit des commissaires autrichiens venus à Paris pour assister au payement d’une partie de la contribution de guerre, qui se fait en lingots d’argent) seront portés en compte.
Mandez au sieur Narbonne qu’il ne pourra venir à Paris que lorsque l’évacuation des provinces de Salzburg et de l’Innviertel aura lieu et que la remise à la Bavière sera consommée.
Paris, 12 mars 1810
A M. Fouché, duc d’Otrante, ministre de la police générale, à Paris
Je me plains souvent des journaux; mais je crois qu’on ne leur a jamais donné des ordres assez positifs. Voici ce qu’il faudrait écrire aux rédacteurs :
Les rédacteurs ne doivent publier aucunes nouvelles relatives à des choses que j’ai faites, tirées soit des journaux étrangers, soit des correspondances étrangères. Cela n’est pas difficile à faire. Si un journal étranger dit que j’ai été à la Comédie, les journaux français ne doivent pas le répéter, que j’ai fait un traité, pris tel ou tel acte, ils ne doivent pas le dire; car une chose relative au gouvernement ne doit pas venir de l’étranger. Ainsi, en suivant cette règle, la moitié des plaintes auxquelles donnent lieu les journaux n’existeraient pas. Il est ridicule que ce soit dans un journal d’Allemagne qu’on apprenne que j’ai envoyé des tapisseries des Gobelins à l’empereur d’Autriche. Il est évident que le journaliste qui tire une pareille nouvelle d’un journal allemand, est un imbécile et n’est pas admissible à justification.
Paris, 12 mars 1810
A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris
Faites-moi faire un petit livret où seront les dispositions de finances; tous les décrets pris en conséquence sur les services de 1809, 1810, sur les services arriérés ; le décret sur les finances de Rome, et autres décrets des finances pris cette année et depuis mon retour.
Tout cela peut être mis dans un carton, afin que vous puissiez augmenter cette collection à mesure que nous avançons. J’ai besoin d’avoir tous les jours cette collection sous les yeux.
Paris, 12 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, envoyez an major général cette dépêche.
Il répondra au duc d’Abrantès qu’il doit lever dans les provinces de Valladolid et de Burgos les fonds nécessaires pour subvenir à tous les besoins de son corps d’armée; que rien ne doit être envoyé à Madrid, et que tout doit être versé dans la caisse de son payeur.
Paris, 12 mars 1810
A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples
Je vous donne l’ordre précis de faire rentrer dans les corps français les hommes pris soit pour la garde, soit pour les régiments napolitains. Il ne faut pas dégarnir mes troupes; sans quoi je me verrai obligé d’en donner le commandement à un général que j’enverrai.
Paris, 12 mars 1810
A l’impératrice Joséphine, à Malmaison
Mon amie, j’espère que tu auras été contente de ce que j’ai fait pour Navarre. Tu y auras vu un nouveau témoignage du désir que j’ai de t’être agréable.
Fais prendre possession de Navarre ; tu pourras y aller le 25 mars passer le mois d’avril.
Adieu, mon amie.
Paris, 13 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je vous renvoie le traité avec la Hollande, que vous pouvez signer; j’adhère à toutes les modifications demandées par le Roi. Mais vous passerez une note au ministre de Hollande pour la rédaction d’un protocole, dans lequel il sera dit que j’entends que les troupes françaises et hollandaises seront sous les ordres d’un général français ; que, s’il arrive dans les rades des bâtiments chargés de marchandises de contrebande, ils y seront arrêtés et déclarés de bonne prise; que j’entends que toutes les marchandises anglaises et coloniales seront confisquées, sans avoir égard à aucune réclamation; enfin il sera dit que, sans affectation, la Hollande cessera insensiblement d’entretenir des ministres en Russie et en Autriche. Il sera dit de plus, dans le protocole, que le roi de Hollande éloignera de sa personne les ministres qui ont voulu, à l’instigation des Anglais, défendre Amsterdam et provoquer la colère de la France; qu’il s’abstiendra, dans ses discours et actes publics, de tout ce qui tendrait à ranimer des haines et à favoriser les passions de la faction anglaise contre la France; que la Hollande ne doit que de la reconnaissance à la France par qui elle a été conquise, et qui, cependant, lui a rendu son indépendance.
Avant de signer, voyez le ministre de la marine pour savoir si l’île d’Overflakke et celle de Goeree ne seraient pas nécessaires afin d’avoir la principale passe de la Meuse.
Moyennant ce procès-verbal, je consens que vous signiez.
Paris, 13 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, tous les courriers des relations extérieures marchent mal. Il faut faire des réformes et déclarer que toutes les fois qu’ils seront en retard, vous les ferez mettre en prison.
Paris, 13 mars 1810
A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples
Je reçois votre lettre du 3. Si mes troupes sont inutiles, je les ferai revenir; mais il est de principe que vous payiez les troupes françaises qui sont à Naples. Naples devrait payer 90 millions, s’il payait autant que le royaume d’Italie.
Pour faire l’expédition de Sicile, il faut avoir beaucoup de troupes, et sûrement, vous ne la ferez pas avec les troupes napolitaines.
Vous devez déjà beaucoup à la France, et vous devez partir du principe que vous ne serez pas aidé d’un seul écu pour les troupes qui sont nécessaires à votre royaume.
Paris, 13 mars 1810
A Louis Napoléon, roi de Hollande, à Amsterdam
Toutes les raisons politiques voulaient que je réunisse la Hollande à la France. La mauvaise conduite des hommes qui appartiennent à l’administration m’en faisait une loi. Mais je vois que cela vous fait tant de peine, que, pour la première fois, je fais ployer ma politique au désir de vous être agréable. Toutefois, partez bien de l’idée qu’il faut que les principes de votre administration changent, et que, au premier sujet de plainte que vous me donnerez, je ferai ce que je ne fais pas aujourd’hui. Ces plaintes sont de deux natures, et ont pour objet, ou la continuation des relations de la Hollande avec l’Angleterre, ou des discours et édits réacteurs, contraires à ce que je dois attendre de la Hollande et à ce que je dois attendre de vous. Il faut, à l’avenir, que toute votre conduite tende à inculquer dans l’esprit des Hollandais l’amitié de la France et non à leur présenter des tableaux propres à exciter leur inimitié et à fomenter leur haine nationale. Je n’aurais pas même pris le Brabant et j’aurais augmenté la Hollande de plusieurs millions d’habitants si vous aviez tenu la conduite que j’avais droit d’attendre de mon frère et d’un prince français. Mais le passé est sans remède; que ce qui est arrivé vous serve pour l’avenir ! Ne croyez pas que l’on me trompe, et n’en voulez à personne: je lis moi-même toutes les pièces, et probablement vous supposez que je connais la force des idées et des phrases.
Vous m’avez écrit pour l’île de Java. C’est une question bien prématurée ; et, dans l’état de puissance où sont les Anglais sur mer, il faut, avant de se livrer à des entreprises, augmenter ses forces. Je compte que vous pourrez bientôt m’aider, et que votre escadre pourra concourir avec les miennes.
Paris, 14 mars 1810
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris
Mon Cousin, vous voudrez bien donner ordre à la 2e brigade de l’arrière-garde de l’armée d’Espagne de se rendre à Bayonne, sous les ordres du général Brenier qui la commande. Vous la ferez marcher à petites journées, en lui donnant de fréquents repos. Vous écrirez aux ministres de la guerre et de l’administration de la guerre pour faire donner en route les chemises, souliers et les autres effets dont ses troupes auraient besoin. Vous me ferez connaître le jour où cette brigade arrivera à Bayonne, pour que je lui donne des ordres ultérieurs.
Faites-moi connaître quand le 7e bataillon auxiliaire, qui se réunit à Tours, sera prêt à marcher.
Paris, 14 mars 1810
A M. Régnier, duc de Massa, Grand-Juge, ministre de la justice, à Paris
Je vois dans le Journal de l’Empire le détail d’une cause décidée par la cour d’appel de Bordeaux (Il s’agissait d’un sieur Charoncueil, prêtre défroqué, qui, après avoir épousé religieusement une de ses cousines qu’il avait rendue mère et obtenu du pape une double dispense et un bref de sécularisation, cherchait à convoler en d’autres noces. La cour avait rejeté l’opposition de la femme évincée. Mais, « considérant que l’intimé ne pouvait s’engager dans une autre union sans contrevenir aux règles canoniques adoptées en France et remises en vigueur par le concordat », elle avait fait inhibition et défense aux officiers publics de procéder à la célébration du mariage projeté) qui me paraît singulière. Faites-moi un rapport là-dessus.
Paris, 15 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
J’attache une grande importance aux fusées à la Congreve. Aussitôt que la réussite de cette fabrication sera bien constatée, et qu’on pourra en faire envoyer en Espagne pour servir contre Cadix, Ciudad-Rodrigo et Badajoz, envoyez-en aux commandants des 7e et 3e corps en Catalogne et en Aragon.
Prévenez que, aussitôt que l’officier d’artillerie sera sûr de réussir, mon intention est d’assister moi-même à l’essai de ces fusées. Mais il me faut 1,900 toises de portée.
Paris, 15 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, donnez ordre au prince d’Eckmühl d’envoyer un courrier extraordinaire pour ordonner que la division Friant évacue le pays sur la rive droite de l’Inn, en y laissant un régiment de cavalerie et un d’infanterie jusqu’à ce que mes commissaires aient remis le pays au roi de Bavière. Le reste de la division, cavalerie et infanterie, pourra se réunir provisoirement du côté de Ratisbonne, Straubing et Nuremberg.
Paris, 15 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je reçois votre lettre du 12 mars, relative à l’armement de l’Escaut. J’ai demandé, il est vrai, 885 bouches à feu, mais il s’en faut bien qu’il faille deux millions de poudre. Une partie de ces pièces sert aux batteries de côtes, qui n’ont pas besoin de 800 coups à tirer par pièce; je trouve donc ridicule que le bureau de l’artillerie me propose de dépenser des sommes immenses pour la poudre. Le travail du bureau de l’artillerie est, en général, fait d’une manière désagréable. 2,000 hommes pour 800 pièces feraient donc 3 hommes par pièce. Or, certainement, tous les canons qui sont à Anvers, au fort Lillo et autres points, n’ont pas besoin de 3 hommes par pièce.
Il y a dans cela de la déraison. Je suis bien éloigné de laisser dix compagnies d’artillerie de ligne sur l’Escaut ; elles y sont inutiles et elles y périraient pendant l’été par les fièvres. Les îles de Cadzand et de Walcheren sont les seuls endroits importants ; le reste n’est que batteries de réserve, comme cela était avant l’expédition des Anglais.
Je vois qu’il y a Anvers un magasin neuf, contenant 100 milliers de poudre, et de vieilles tours sur les remparts qui en contiennent 200 milliers ; ce qui donne de la place pour 300 milliers. C’est une chose à concerter avec le ministre de la marine. Faites-moi connaître combien de poudre ce magasin contient dans ce moment.
Paris, 15 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Écrivez an duc de Reggio que, bien loin de vouloir tenir 8,000 hommes dans l’île de Walcheren, mon intention est de n’en tenir que 7 à 800, lorsque la mauvaise saison arrivera. Les 3,000 hommes qui y sont beaucoup plus qu’il n’est nécessaire.
Paris, 15 mars 1810
NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE.
Supprimez tout ce qui est inutile; portez la plus grande économie dans les emplois de l’administration de la guerre.
Deux bataillons du train des équipages militaires resteront en Allemagne, attachés au corps du prince d’Eckmühl. Tout le second bataillon rentrera. Il sera d’abord dirigé sur Commercy pour se préparer, et, aussitôt qu’il sera remis en état, il sera envoyé à l’armée de Catalogne. On le chargera de souliers et effets d’habillement que l’on pourra trouver dans les magasins de l’armée d’Allemagne.
Paris, 15 mars 1810
Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris
Monsieur le Comte Mollien, je désire que vous m’envoyiez tous les soirs une note sur la valeur des effets publics et sur les différentes circonstances du change, qui me fasse connaître toutes les variétés qui existent dans cette partie de l’économie politique. Vous me rendrez compte, par la même note, de la quantité de bons de la caisse d’amortissement qu’il y a en émission; quand il y en aura pour quinze ou vingt millions; s’il y en a de nouveaux, ou quand il y en aura.
Paris, 15 mars 1810
A M. Régnier, duc de Massa, Grand-Juge, ministre de la justice, à Paris
Le sieur Desgouttes a obtenu la croix de la Légion d’honneur, sur un faux exposé qu’il vous a fait. Prenez des renseignements à la police et faites-moi un rapport sur cet objet.
Paris, 15 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Envoyez en Catalogne le général Frère. Le général Desperrières n’est bon à rien. Le général Baville n’est pas assez actif. Vous pouvez envoyer le général Lamarque comme chef d’état-major en Catalogne.
Paris, 16 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, j’ai lu avec attention la note qui est envoyée de Munich sur les postes. Vous recevrez du secrétaire d’État un décret pour que les relations des postes avec les États étrangers passent par votre ministère. L’usage était autrefois que le roi se mêlât de ces affaires. Cette question se complique trop avec la politique pour que je laisse les choses dans l’état où elles sont; j’en sens tous les jours l’importance. Le directeur général des postes marche contre les intérêts de ma politique et contre mes intentions. Je désire que vous assigniez un jour de travail par semaine à ce conseiller d’État, pour vous mettre sous les yeux les traités qu’il a faits avec les postes des différents gouvernements de l’Europe, et que vous me fassiez un rapport.
Vous connaissez mes principes par rapport à l’Allemagne. Je n’attache aucune importance à la Confédération comme confédération; mais j’en attache à chaque prince isolément, et je veux que tous jouissent de leur indépendance. Pour le midi de l’Allemagne, je ne veux pas traiter avec la Tour et Taxis que je ne connais pas, mais avec les souverains de Bade, de Stuttgart et de Munich; pour le nord de l’Allemagne, traiter avec les autres souverains. Mon dessein est de favoriser chez eux ce que j’ai fait dans le grand-duché de Berg, où je me suis emparé des postes des villes hanséatiques. Parlez de cela à MM. de Montgelas et de Taube, et écrivez-en à mes ministres en Allemagne, et coordonnez cela avec le service public, sans faire aucune attention aux intérêts particuliers.
Paris, 16 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, mon consul à Naples fait des questions qui n’ont pas de sens. Quand mon décret admet l’introduction des denrées coloniales confisquées avant le 1er février, il est ridicule qu’il demande si les dispositions de ce décret sont applicables aux confiscations qui auront lieu après cette époque. Il suffit pour cela qu’il entende le français. Faites-lui bien comprendre que, s’il ne met pas la plus grande précision dans l’exécution de cet ordre, et que s’il ne prend pas des mesures pour être instruit de l’entrée des marchandises prohibées et de leur vente au profit du roi de Naples, il ouvrira par là une filière à la contrebande.
Paris, 16 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, préparez un courrier pour Saint-Pétersbourg, par lequel vous ferez connaître au duc de Vicence combien je trouve ridicules les plaintes que fait la Russie; qu’il doit répondre ferme à l’empereur et à Romanzof, s’il est question de cela; que l’empereur me méconnaît lorsqu’il pense qu’il y a eu double négociation; que je ne connais pas les traités éventuels; que je suis trop fort pour cela; que l’on a quatre fois demandé dix jours pour donner une réponse; que ce n’est que quand il a été clair que l’empereur n’était pas le maître dans sa famille, et qu’il ne tenait pas les promesses faites à Erfurt, que l’on a négocié arec l’Autriche, négociation qui a été commencée et terminée en vingt-quatre heures, parce que l’Autriche avait pris des précautions et avait envoyé toutes les autorisations à son ministre pour s’en servir dans l’événement; que, quant à la religion, ce n’est pas la religion elle-même qui a effarouché, mais l’obligation d’avoir un pope aux Tuileries; que, quant à la convention (Convention relative à la Pologne), je n’ai pu ratifier un acte qui a été fait sans observer aucuns égards et qui avait le but, non d’avoir des sûretés, mais de triompher de moi en me faisant dire des choses absurdes.
Paris, 16 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, j’ai donné l’ordre au ministre de la guerre de faire relâcher l’officier galicien qu’on veut retenir à Strasbourg. Faites-le connaître à M. de Schwarzenberg.
Paris, 16 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre des relations extérieures, à Paris
Écrivez au duc de Castiglione que mon intention est que la Catalogne, qui ne possède qu’à peu près 800,000 habitants, ne forme qu’une seule division militaire. Elle pourra être composée de trois ou quatre arrondissements (équivalents de départements), dont les chefs-lieux seront Girone, Barcelone; le troisième pourra être placé par la suite à Tortose. Je le laisse maître de placer les limites de ces arrondissements comme il le jugera convenable, suivant la nature du pays.
Paris, 16 mars 1810
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris
Mon Cousin, écrivez au duc d’Abrantès qu’il est nécessaire qu’il frappe des contributions dans les provinces de la Vieille-Castille, de Valladolid et de Léon, assez fortes pour qu’il puisse solder ses troupes.
Écrivez au duc d’Elchingen pour qu’il fasse la même opération dans les pays qu’il occupe, et pour qu’il s’entende avec le duc d’Abrantès pour les limites respectives des pays qu’ils imposeront. Vous donnerez le même ordre au général Bonet, afin qu’il puisse mettre la solde au courant.
Écrivez au général Hédouville pour qu’il me fasse connaître la situation des fonds qu’il a à Bayonne et ce qu’il a envoyé en Espagne jusqu’au 1er avril; recommandez-lui de ne rien envoyer en Navarre, Aragon, Biscaye, Santander, Vieille-Castille, 6e corps. Je désire connaître les quantités de fonds qui se trouvent à Bayonne disponibles pour l’Espagne, afin que je décide. Voyez le ministre du trésor public pour savoir ce qu’il a de disponible pour l’Espagne pour mars et avril, et ne disposez de rien qu’après m’avoir rendu compte.
Paris, 16 mars 1810
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris
Mon Cousin, témoignez au général Bonet ma satisfaction de la manière dont il s’est conduit dans les affaires des 14 et 15 février, contre les insurgés des Asturies. Voyez le ministre de la marine pour qu’il fasse partir de Bayonne des bricks ou autres bâtiments de moindre grandeur pour aller prendre à Gijon les prisonniers et tout ce qui embarrasse le général Bonet.
Écrirez aussi au duc d’Abrantès pour qu’il fasse attaquer aussitôt Astorga, afin de soutenir le général Bonet dans les Asturies, établir une communication avec lui, et porter l’alarme dans la Galice.
Paris, 16 mars 1810
Au comte Marescalchi, ministre des relations extérieures au royaume d’Italie, résidant à Paris
Qu’est-ce que c’est que M. le comte d’Orio, conseiller d’État actuel de l’empereur de Russie et son agent général à Milan ? Je n’ai rien signé qui autorise cette mission. Faites-moi un rapport là-dessus.
Paris, 16 mars 1810
A M. Fouché, duc d’Otrante, ministre de la police générale, à Paris
La Gazette de France d’aujourd’hui donne des détails sur l’archiduchesse Marie-Louise qui sont indécents, d’autant plus qu’ils ne sont pas d’un style clair; on ne sait ce qu’il (le rédacteur) veut dire.
Paris, 16 mars 1810
Il est ordonné au général de division Vandamme, commandant le camp de Boulogne, d’évacuer dans les vingt-quatre heures de la réception du présent ordre, la maison du maire de Boulogne qu’il a occupée d’une manière illicite et inconvenante; il habitera l’un des logements qui avaient été désignés pour lui par la municipalité de Boulogne, avant son arrivée, ou tout autre auquel il voudrait pourvoir à ses frais.
Il est également ordonné au général Vandamme de garder les arrêts pendant vingt-quatre heures, à cause de la conduite qu’il a tenue envers le maire de la ville de Boulogne. L’officier général le plus élevé en grade recevra du général Vandamme le commandement du camp de Boulogne qu’il exercera pendant la durée des arrêts de ce général.
Paris, 17 mars 1810
A M. Fouché, duc d’Otrante, ministre de la police, à Paris
Monsieur le Duc d’Otrante, un étranger qui arriverait à bord d’un parlementaire anglais dans un de mes ports, porteur de dépêches, ne doit pas y être admis. Ses dépêches doivent être remises à l’autorité maritime, si elles sont adressées à l’un de mes ministres, et à l’agent de police, si elles le sont à un ministre étranger; lesquels auront soin de les faire parvenir à leur destination; ou bien à vous, si ces dépêches sont adressées à un ministre d’une puissance étrangère. Quant aux Américains, il n’y a pas d’inconvénient à permettre, comme par le passé, à leurs courriers chargés de dépêches et arrivant sur leurs propres parlementaires, de les porter directement à leur ministre.
Paris, 17 mars 1810
A François II, empereur d’Autriche, à Vienne
Monsieur mon Frère et Beau-Père, le comte de Schönborn m’a remis la lettre de Votre Majesté Impériale du 6 mars. Je suis fort touché des sentiments qu’elle renferme. Votre Majesté n’aura qu’à se louer de m’avoir confié sa fille chérie. Elle fera mon bonheur et celui de la France. Si le sien doit dépendre de la vérité de mes affections, personne ne sera plus heureuse que Marie-Louise. Elle verra partout, en traversant la France, le besoin que mes peuples ont de l’aimer et de le lui dire. Que Votre Majesté Impériale compte constamment sur les sentiments que je lui dois, et qui me sont bien chers.
Paris, 17 mars 1810
A la reine Louise de Bourbon, d’Espagne, à Nice
Je reçois la lettre de Votre Majesté du 10 mars. Je la remercie de tout ce qu’elle contient d’aimable et des vœux que Votre Majesté veut bien m’adresser à l’occasion de mon mariage. Je prie Votre Majesté de ne pas douter de la vérité de mes sentiments, ni du désir que j’ai de lui être agréable.
[4]Une lettre à peu près semblable a été écrite au roi Charles IV. -Note de la·minute.
Paris, 19 mars 1810
A prince Cambacérès, archichancelier de l’Empire, à Paris
Mon Cousin, présentez-moi un projet de décret pour disposer de la dotation qu’avait en Westphalie le sénateur Laboissière montant à 20,000 fr., le sénateur étant, je crois, mort sans enfants (Erreur. Il laissait un fils, Jean-Frédéric Garnier de la Boissière, page de l’empereur, officier de cavalerie, député et représentant de la Charente, 1796 – 1873), en faveur du général Souham.
Paris, 19 mars 1810
A M. Fouché, duc d’Otrante, ministre de la police générale
Je vous prie de me faire un rapport sur le sous-préfet de Turnhout. Les notes du ministre de l’intérieur sont bien différentes de votre dernier bulletin.
Paris, 20 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, faites un projet de réponse au ministre d’Amérique. Il vous sera facile de lui faire comprendre que je suis le maître de faire chez moi ce que l’Amérique fait chez elle; que, l’Amérique ordonnant l’embargo des bâtiments français qui entrent dans ses ports, j’ai droit d’ordonner la réciproque. Vous lui expliquerez comment cette loi nous a été connue depuis peu, et que ce n’est que lorsque j’en ai eu connaissance que j’ai aussitôt prescrit la même mesure; que, peu de jours avant, je m’occupais de dispositions tendant à lever les prohibitions existantes sur les marchandises américaines, lorsque la voie du commerce m’a fait connaître que notre honneur était compromis, et qu’il n’y avait pas à transiger; que je conçois que l’Amérique a droit d’empêcher ses bâtiments d’arriver en Angleterre et en France; que j’approuvais cette première mesure, quoiqu’il y eût déjà beaucoup de choses à dire sur cette mesure; mais que je ne puis reconnaître qu’elle s’arroge le droit de saisir les bâtiments français dans ses ports, sans se mettre dans le cas d’encourir la réciprocité.
Paris, 20 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je ne puis qu’être mécontent de la manière dont s’est faite la remise du Hanovre. Le sieur Reinhard a fait l’inverse de ce que j’avais ordonné et a outrepassé ses instructions. Le traité porte que mes troupes seront nourries comme en Allemagne, c’est-à-dire sur le pied de guerre et non sur le pied de paix. Déclarez, par une note au ministre de Westphalie, que je n’approuve pas ce qu’a fait le sieur Reinhard, à moins que cela ne s’entende que mes troupes seront sur le pied de guerre, c’est-à-dire auront des vivres de guerre.
Votre rapport ne relate pas les articles 9 et 10 du traité de Berlin, de sorte que je ne suis pas à même de comprendre ce qu’on a voulu dire par là.
Vous ferez connaître par votre note que je n’approuve pas que le sieur Reinhard ait transgressé le traité ratifié par moi, et qu’il ait déclaré que les possessions des donataires en Hanovre seront diminuées par l’application des lois westphaliennes et moyennant compensation. Cette compensation n’aura point lieu. Vous déclarerez que, selon le traité, il n’y a lieu à aucune modification; que je n’approuve pas les clauses du sieur Reinhard, qui n’avait pas le droit de faire des changements au traité de remise; que j’entends que les donataires en Hanovre ne soient soumis à aucune imposition pendant dix ans, et n’éprouvant aucune diminution de revenus.
Le sieur Reinhard aurait dû se rendre à Hanovre. Il a très mal rempli mes intentions dans cette affaire. Blâmez-le de sa conduite, et envoyez-lui un projet de note à présenter au ministre de Westphalie, et dont la copie sera également remise ici.
Paris, 20 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je vous renvoie votre projet sur l’école de Saint-Germain. Je vois que les dépenses qu’il faut pour cette école sont immenses. Il faut l’organiser pour 200 élèves, mais le plus pressant est d’acheter 100 chevaux. Faites-moi un rapport sur les écuries à mettre à votre disposition, en se servant de ce qui existe, et sur les mesures à prendre pour se dispenser de payer des terrains si cher; 250,000 francs me paraissent une somme énorme. A qui appartiennent ces terrains ? Dans tous les cas, il me parait fort important d’avoir le budget de cette école pour cette année; je vous prie de me le remettre. La caisse d’amortissement ne peut rien avancer; il faut que le ministre y pourvoie.
Puisqu’on ne peut pas avoir le régiment à cheval, il faut s’arranger pour avoir un escadron.
Paris, 20 mars 1810
Au comte de Lavallette, conseiller d’État, directeur général des postes, à Paris
Je pars pour Compiègne. Donnez l’ordre que les officiers et courriers qui me seraient expédiés de Strasbourg quittent la route à Châlons et viennent droit à Compiègne.
P. S. Envoyez le même ordre à Château-Thierry, afin que, si des courriers y arrivaient, ils soient dirigés sur Compiègne.
Paris, 20 mars 1810
A Louis Napoléon, roi de Hollande, à Amsterdam
J’ai lu avec attention le rapport du sieur Labouchère. Je pense qu’il est convenable que vous le renvoyiez à Londres, non plus au nom du ministre hollandais, mais en votre nom. Il sera chargé de s’expliquer dans les termes de la note ci-jointe, et sera porteur d’un écrit non signé, à peu près pareil à celui qu’il a remis. Enfin, si le gouvernement anglais a la moindre volonté de paix, on peut se servir du sieur Labouchère ou de tout autre agent pour porter des paroles. Il est très important que Labouchère n’ait aucun titre, aucun caractère officiel, et que, dans aucun cas, il ne puisse montrer aucune pièce signée, ni d’une écriture connue.
NOTE.
Le Roi, à force de sollicitations et de sacrifices, a obtenu que tout le pays sur la droite du Rhin resterait indépendant, ce qui ne laisse pas d’être un avantage important pour les Anglais. Mais des troupes françaises et des détachements de douanes occupent les débouchés, ce qui rendra impossible l’introduction d’aucun bâtiment en Hollande. N’y aurait-il pas un moyen d’arriver à un arrangement sur les arrêts du Conseil de 1807 ? Car, le jour où ces arrêts seraient levés, les troupes françaises évacueraient la Hollande; peut-être même, ce jour-là, pourrait-on obtenir qu’elles évacuassent les villes hanséatiques; et ne serait-il pas d’un grand intérêt pour l’Angleterre de reprendre paisiblement ses relations avec le continent ?
C’est une erreur de croire que la France souffre de l’état actuel. Les denrées coloniales sont en si grande quantité qu’elle ne peut en manquer de longtemps, et le sirop de raisin et le miel suppléent partout au sucre. Les cotons de Macédoine, de Naples et du Levant, entretiennent ses manufactures, abondamment pourvues. Mais cet état de choses est contraire à l’industrie de tout le continent. D’abord, on conçoit bien que la paix ne peut venir qu’en faisant d’abord la guerre d’une manière moins acerbe. L’Angleterre gagnera, de plus, à ce système d’arrangement de voir ses différends levés avec les États-Unis d’Amérique. Elle aura sauvé la Hollande, l’indépendance des villes hanséatiques, maintenu sa paix avec l’Amérique, rétabli ses relations habituelles avec le continent, rendu à son commerce sa consommation et ses retours naturels, et fait faire un pas vers le rétablissement de la paix.
Quant à la paix elle-même, nul doute qu’aucune circonstance n’est plus favorable, et, si l’Angleterre est le moindrement disposée à la faire sur le pied d’une parfaite égalité et indépendance, la paix peut se conclure.
Pour n’avoir pas fait la paix plus tôt, l’Angleterre a perdu Naples, l’Espagne, le Portugal et le débouché de Trieste. II est évident que, si elle tarde à la faire, elle perdra la Hollande, les villes hanséatiques, et qu’elle soutiendra malaisément la Sicile.
Compiègne, 21 mars 1810
NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR.
On doit créer pour le Pô une magistrature comme celle du Rhin. Sa résidence serait à Parme.
Proposer une commission mixte pour dépenser un million qui provient uniquement de la France, c’est une idée nouvelle. Une magistrature tient à des idées déjà exprimées par Sa Majesté. Cette magistrature ne peut se mêler de l’emploi des fonds français; mais elle doit arrêter des plans généraux pour contenir le fleuve dans ses limites, et empêcher qu’on ne fasse des travaux qui nuisent à l’un ou à l’autre territoire. Il est de fait que le gouvernement italien, étant sur les lieux et profitant de la faiblesse du gouvernement de Parme, a rejeté les eaux sur les États de Parme et a occasionné à ce pays des pertes considérables. Le gouvernement, n’osant pas résister aux entreprises du gouvernement de la rive opposée, a fait des digues en arrière, abandonnant ainsi le terrain qu’il ne savait pas disputer. C’est cet état de choses qui a fait naître l’idée d’une magistrature mixte.
La question de la réparation de la digue du Pô n’a rien de commun avec les précautions à prendre pour empêcher l’envahissement de l’autre rive. On ne travaille plus à cette digue depuis longtemps, et l’on s’expose à des dégâts de plusieurs millions.
Compiègne, 21 mars 18l0
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je pense que vous devez écrire au prince Kourakine une lettre en réponse à celle qu’il vous a écrite le 19. Vous lui ferez connaître que vous avez mis sa lettre sous mes yeux; que j’ai été sensible à son contenu, et que je compte faire partir un officier avec une lettre de ma main à l’empereur Alexandre, pour le remercier des bons sentiments qu’il a témoignés en cette circonstance. Il est probable que cet officier partira dès que l’Impératrice sera arrivée.
Faites connaître au sieur Ledoux les plaintes portées contre lui, mais légèrement, et seulement pour sa gouverne et pour savoir à quoi m’en tenir; car vous sentez que je ne puis pas faire un crime au sieur Ledoux, quand même il aurait été exigeant pour mon service. Demandez-lui un mémoire sur les événements qui se sont passés à l’armée russe. Demandez-lui également des notes sur le général Belleval; nous en avions mauvaise idée à Paris.
J’ai lu avec intérêt le mémoire qu’il vous a remis; mais je désire de plus amples informations, d’abord pour une statistique des provinces de Moldavie et de Valachie, enfin de plus grands détails sur tout cela.
Paris, 21 mars 1810
DISCOURS SUR L’UNIVERSITÉ (EXTRAITS)
En général, j’ai organisé l’Université en corps, parce qu’un corps ne meurt jamais et parce qu’il y a transmission d’organisation, d’administration et d’esprit. Je lui ai donné la formation et surveillance des écoles secondaires, des collèges et des lycées; c’est par les lycées que dans l’état actuel, les autres établissements d’instruction tiennent à l’organisation générale, et, considérant ces lycées comme devant être à l’avenir aux frais des parents, j’ai prévu le moment où cet objet ne serait plus pour moi d’un intérêt direct. Il fallait qu’un corps fût chargé de cette grande entreprise qui, aussitôt qu’elle cesserait d’être maintenue dans les sentiments et dans les voies d’une bonne organisation, se discréditerait rapidement. Dans la situation présente des choses, un particulier, homme de talent et de bonnes mœurs, établit une école ; cette école a la vogue et la mérite; mais s’il survient quelque malheur à ce particulier, l’instruction se trouve arrêtée sur-le-champ, et un moment où tout change, est funeste pour les jeunes gens. Il n’est même pas besoin de supposer un cas fortuit. Si rien n’interrompt la carrière de ce particulier, elle aura son terme, et, à sa mort, ou l’entreprise se détruira, ou elle passera dans d’autres mains et dans un autre système. Ainsi, en supposant les choses dans le meilleur état possible, ce serait toujours une inconséquence funeste de laisser, pour ainsi dire, à fonds perdus l’un des plus précieux établissements de l’Etat. L’Université a l’entreprise de toutes les institutions publiques et doit tendre à ce qu’il y ait le moins d’entreprises particulières possible. J’espère que bien avant trente ans, l’Université aura augmenté ses établissements, de manière à satisfaire à tant de besoins publics. Les derniers des professeurs de lycées sont des magistrats importants; ils ne sont pas comme des entrepreneurs de pensions, des maîtres d’hôtel et des stipendiés; ils marchent le front levé avec les parents, dont ils sont les égaux; ils n’ont point devant eux une contenance de salariés; ils n’assujettissent pas leurs principes au caprice et à la mode; ils ne sont point obligés à de fâcheuses et puériles condescendances; ils peuvent faire tout le bien qu’ils sont appelés à produire. Enfin j’ai voulu réaliser dans un état de quarante millions d’individus ce qu’avaient fait Sparte et Athènes, ce que les ordres avaient tenté de nos jours et n’avaient fait qu’imparfaitement, parce qu’ils n’étaient pas un. Je veux un corps qui soit à l’abri des petites fièvres de la mode, un corps qui marche toujours quand le gouvernement sommeille, un corps dont l’administration et les statuts deviennent tellement nationaux, qu’on ne puisse jamais se déterminer légèrement à y porter la main. Si mes espérances se réalisent, je veux trouver dans ce corps même une garantie contre les théories pernicieuses et subversives de l’ordre social dans un sens ou dans un autre. Il y a toujours eu dans les Etats bien organisés un corps destiné à régler les principes de la morale et de la politique. Telle fut l’Université de Paris et ensuite la Sorbonne; telles sont, en Italie, les Universités de Pavie, de Pise et de Padoue; en Allemagne, celles de Göttingen et d’Iéna; en Espagne, celle de Salamanque ; en Angleterre, celle d’Oxford; chez les Turcs, le corps des Ulémas. Cos corps, étant les premiers défenseurs de la cause de la morale et des principes de l’Etat, donneront les premiers l’éveil et seront toujours prêts à résister aux théories dangereuses des esprits qui cherchent à se singulariser, et qui, de période en période, renouvellent ces vaines discussions qui, chez tous les peuples, ont si fréquemment tourmenté l’opinion publique.
Pour atteindre le nouveau but qui vient d’être indiqué, il faudra donner à l’établissement de l’Université impériale divers accroissements ; il faudra faire des modifications dans quelques-unes de ses parties. Il est dans mon intention de m’en occuper, quand je verrai cet établissement formé et en situation de comprendre et d’exécuter mes vœux.
Compiègne, 22 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, j’ai lu avec intérêt les détails des cérémonies qui ont eu lieu à Vienne. Je désire que vous chargiez une commission de votre ministère d’examiner si ce cérémonial est conforme à celui qu’on suivait autrefois, et de s’assurer si l’on n’a fait aucun tort aux droits de mon ambassadeur extraordinaire, surtout pour ce qui est relatif à ses rapports avec les archiducs.
Compiègne, 22 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je vois que les Suisses m’ont envoyé un ambassadeur, que le roi de Prusse veut m’en envoyer un, que le roi de Saxe m’en envoie un. Voyez le grand maître des cérémonies pour savoir comment doivent être reçus ces porteurs de lettres. Est-ce comme ambassadeurs ou autrement ?
Compiègne, 22 mars 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre des relations extérieures, à Paris
Répondez au roi de Naples que je désire faire l’expédition de Sicile, être dans une situation offensive du côté du détroit; mais que cela ne peut se faire sans une augmentation de troupes; qu’il faut qu’il prenne des mesures pour pourvoir aux besoins de ces troupes.
Compiègne, 23 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, vous avez répondu au ministre de Saxe, qui vous a consulté sur le choix du ministre que le Roi voulait envoyer à Vienne, que je ne me mêlais pas de ces choses-là. Je trouve que vous avez eu tort de faire cette réponse, et que vous deviez dire que vous m’en rendriez compte, et, si l’individu était bon, que le choix m’était agréable. C’est une influence naturelle que je ne dois pas dédaigner d’exercer sur les légations de mes alliés.
Je pense qu’il est convenable que vous écriviez à mes ministres à Munich, à Stuttgart et à Carlsruhe, de faire connaître aux souverains de ces trois cours qu’il me serait agréable que le séquestre qui a été mis sur les biens des princes de Schwarzenberg et Metternich fût levé, et que ces biens fussent restitués à leurs propriétaires, ces souverains pouvant, s’ils le jugent à propos, imposer l’obligation de la vente dans un temps donné.
Compiègne, 23 mars 1810
Au général comte Andréossy, président de la section de la guerre au Conseil d’État, à Paris
J’ai reçu la lettre que vous m’avez envoyée du grand maître de l’archiduchesse. Je vous prie de me dire si vous connaissez la réclamation qu’il a faite en France et si l’on pourrait trouver des traces de ce qu’il réclame là-dessus.
Compiègne, 24 mars 1810
A Ferdinand-Joseph, Grand-Duc de Würzbourg, à Paris
Mon Frère, je reçois la lettre de Votre Altesse Impériale. Je vois avec grand plaisir son arrivée à Paris. Ayant des nouvelles que l’Impératrice approche, je compte l’attendre à Compiègne et rentrer à Paris avec elle. Je serais fort aise de voir Votre Altesse Impériale ici, et de lui témoigner tous les sentiments que je lui porte et que resserrent les liens de parenté qui nous unissent.
Compiègne, 24 mars 1810 [5]Cette lettre ne sera envoyée que le 31 mars
A François II, empereur d’Autriche, à Vienne
Monsieur mon Frère et Beau-Père, je charge mon ambassadeur de remettre à Votre Majesté Impériale le grand aigle de la Légion d’honneur. Je la prie de s’en décorer. Je la prie également de permettre que mon ambassadeur remette un de ces cordons au prince Charles, arec la lettre par laquelle je le remercie d’avoir bien voulu me représenter au mariage. J’en envoie cinq à Votre Majesté, pour qu’elle veuille bien les donner à ceux de ses sujets qui lui seront le plus agréables. Si elle le trouve bon, j’en offrirai un au comte de Metternich, son ministre d’État, et un à son ambassadeur, le prince de Schwarzenberg. Que Votre Majesté Impériale voie dans ceci mon désir de cimenter notre union, et aussi un témoignage d’estime pour ses sujets.
Compiègne, 25 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, faites connaître à tous mes ministres près les princes de la Confédération qu’ils doivent avoir le pas sur tous les princes dans ces cours. Présentez-moi là-dessus un projet de lettre.
Compiègne, 27 mars 1810
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
Vous aurez reçu mon décret relatif aux actes de bienfaisance à l’occasion de mon mariage. Les mariages faits par les communes doivent être aux frais du domaine extraordinaire, comme encouragement accordé aux militaires. Entendez-vous avec l’intendant du domaine extraordinaire sur les mesures à prendre pour le payement.
Compiègne, 27 mars 1810
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
On me dit du mal du maire d’Anvers. Faites un rapport sur lui.
Compiègne, 27 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Mon Cousin, je vous envoie un projet assez important.
Je vous prie de le soumettre au conseil d’État et de me faire connaître votre avis raisonné. Ayez bien soin que ne soient pas compris ceux qui seraient condamnés par les tribunaux; ce n’est que ceux dont la sentence ne serait pas prononcée dont je veux prononcer l’amnistie.
Soignez cette affaire.
Compiègne, 27 mars 1810
A M. Fouché, duc d’Otrante, ministre de la police générale, à Paris
On écrit beaucoup de lettres anonymes aux cardinaux qui sont à Paris. Il y a un foyer d’agitation établi autour d’eux. Jetez-y les yeux, et sachez quels sont les intrigants ou intrigantes qui écrivent ces lettres et agitent ces vieux imbéciles.
Compiègne, 28 mars 1810 (Cette lettre ne sera envoyée que le 31 mars)
A l’archiduc Charles, à Vienne
Mon Cousin, je dois bien des remerciements à Votre Altesse Impériale d’avoir voulu me représenter à mon mariage avec l’archiduchesse Marie-Louise. Elle est depuis deux jours ici, et je lui ai, bien de cœur, renouvelé les promesses que vous avez faites en mon nom.
Votre Altesse sait que l’estime que je lui porte est déjà ancienne, et fondée sur ses grandes qualités et actions. Je suis bien désireux de lui en donner une marque authentique, et je la prie d’accepter le grand aigle de la Légion d’honneur. Je la prie de recevoir aussi la croix de la Légion que je porte, et qui est portée par vingt mille soldats qui ont été mutilés ou se sont distingués sur le champ d’honneur. L’une est un hommage à son génie comme général, et l’autre, à sa rare valeur comme soldat.
Compiègne, 29 mars 1810
A François II, empereur d’Autriche, à Vienne
Monsieur mon Frère et Beau-Père, la fille de Votre Majesté est depuis deux jours ici. Elle remplit toutes mes espérances, et, depuis deux jours, je n’ai cessé de lui donner et d’en recevoir des preuves des tendres sentiments qui nous unissent. Nous nous convenons parfaitement. Je ferai son bonheur, et je devrai à Votre Majesté le mien.
Qu’elle permette donc que je la remercie du beau présent qu’elle m’a fait, et que son cœur paternel jouisse des assurances du bonheur de son enfant chéri.
Nous partons demain pour Saint-Cloud, et, le 2 avril, nous célébrerons la cérémonie de notre mariage aux Tuileries. Que Votre Majesté Impériale ne doute jamais de mes sentiments d’estime et de haute considération, mais surtout de toute la tendresse que je lui ai vouée.
Saint-Cloud, 31 mars 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, vous trouverez ci-jointe, sous cachet volant, la lettre à l’Empereur et à l’archiduc Charles. Vous mettrez la lettre à l’archiduc sous l’enveloppe de l’Empereur, de sorte que le sieur Otto n’aura à remettre qu’une lettre à l’Empereur. Vous verrez que j’ai daté les deux lettres de Compiègne, et qu’elles sont censées écrites plusieurs jours avant l’arrivée des cordons autrichiens et s’être croisées en route.
Saint-Cloud, 31 mars 1810
A M. Fouché, duc d’Otrante, ministre de la police générale, à Paris
Tenez la main à ce que les journaux n’impriment aucun des discours tenus à l’impératrice, avant que vous les ayez vus. Celui qui lui a été adressé à Bar-sur-Ornain n’a pas le sens commun.
References[+]
↑1 | « Sur les actes de bienfaisance à faire à l’occasion de mon mariage.» Note de la minute. |
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↑2 | C’est la lettre qui sera présentée à Marie-Louise le 8 mars, conjointement avec la demande de sa main par Berthier |
↑3 | il s’agit de Louis XVI et de Marie-Antoinette |
↑4 | Une lettre à peu près semblable a été écrite au roi Charles IV. -Note de la·minute. |
↑5 | Cette lettre ne sera envoyée que le 31 mars |