Finkenstein, ler mai 1807
A Berthollet (Claude Louis Berthollet, 1748-1822. Le célèbre chimiste avait fondé un laboratoire d’essai, ce qui l’avait conduit presqu’à la ruine.)
J’apprends que vous cherchez à emprunter 100 à 150 000 francs. Je donne ordre à mon trésorier de mettre cette somme à votre disposition, bien aise de trouver cette occasion de vous donner une preuve de mon estime et de vous être utile. (et Berthollet votera la déchéance en 1814….)
Finkenstein, 1er mai 1807
A M. Lacépède
J’ai reçu vos différentes lettres contenant des demandes de permission de porter l’Ordre de Hollande, auxquelles je n’ai pont répondu, parce qu’il ne me parait point régulier que le roi de Hollande accorde son Ordre sans mon consentement à un aussi grand nombre de français. Je vous dis cela pour que vous n’attendiez pas de réponse, et afin que vous puissiez dire à ceux qui vous en parleront qu’il ne faut pas y penser, sans cependant rien dire de positif.
A M. Fouché.
Finkenstein, Ier mai 1807.
Je reçois votre lettre du 21 avril. J’apprends que la ville de Paris n’est plus éclairée et que la police s’y fait plus mal que jamais. Témoignez-en mon mécontentement au préfet de police et prenez des mesures pour obliger les entrepreneurs à mieux remplir les conditions de leur marché. Faites-leur connaître que, s’ils continuent ä faire aussi mal leur service, je leur ferai retenir une somme notable sur ce qui leur revient.
Au vice-amiral Decrès
Finkenstein, ler mai 1807.
Je n’approuve point qu’on désarme le Vétéran. Il faut faire faire, à Concarneau même, les réparations dont il a besoin, afin que, lorsque le mauvais temps éloignera les croisières anglaises, il puisse se mettre en mer et rejoindre l’escadre. Les 700 hommes qu’il a doivent donc y rester pour continuer ä défendre leur vaisseau ; ils me seront aussi utiles là que dans la rade de Lorient. Je n’ai aucun projet sur la sortie de l’escadre de Lorient avant le mois de septembre.
A M. Portalis
Finkenstein, Ier mai 1807.
Monsieur Portalis, il parait qu’on cherche à Rome à nous jeter des brandons de discorde à propos des prêtres constitutionnels; qu’un évêque des Alpes aurait prit là-dessus et que la cour de Rome voudrait intervenir, pour causer sans doute quelque désordre. Faites-moi connaître ce que vous savez là-dessus.
Finkenstein, le 1er mai 1807
A M. le sénateur Berthollet, membre de l’Institut
J’apprends que vous cherchez à emprunter 100 à 150,000 francs. Je donne ordre à mon trésorier de mettre cette somme à votre disposition, bien aise de trouver cette occasion de vous donner une preuve de mon estime et de vous être utile.
Finkenstein, ler mai 1807.
Au roi de Bavière
Monsieur mon Frère, votre ministre m’a remis la lettre de Votre Majesté. J’ai été satisfait du baron de Gravenreuth pendant le temps qu’il a été près de moi, et je désire que Votre Majesté en soit instruite, afin que, lorsqu’elle aura quelque chose d’important à me faire dire, elle en charge ce ministre. Du reste, elle peut être convaincue que je verrai toujours avec plaisir toutes les personnes qui viendront de sa part.
Finkenstein, 1er mai 1807
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, les aides de camp du maréchal Augereau, au lieu de rester à l’armée, l’ont suivi à Paris. Faites-moi connaître à quels corps ils appartiennent, mon intention étant qu’aucun d’eux ne reste à Paris.
Finkenstein, 2 mai 1807
A l’Impératrice
Mon amie, je reçois ta lettre du23. Je vois avec plaisir que tu te portes bien, et que tu aimes toujours la Malmaison. On dit que l’archichancelier est amoureux: cela est-il une plaisanterie, ou cela est-il vrai ? Cela m’a amusé; tu m’en aurais dit un mot.
Je me porte fort bien, et la saison devient belle. Le printemps se montre enfin, et les feuilles commencent à pousser.
Adieu, mon amie; mille choses aimables.
—
4 heures après midi.
Recommande à Hortense de bien être avec son mari. Elle ne fait pas non plus assez de frais, elle met son bonheur où il n’est pas. Quelque chose qu’il y ait, elle doit se plaire à être agréable au père de ses enfants. Les enfantillages doivent cesser; ils commencent l’un et l’autre à être vieux.(C’est le début de la crise entre Louis et Hortense)
Finkenstein, 2 mai 1807
ORDRE
- Duroc fera donner sur les fonds de la caisse des théâtres :
A M. Paër, une boîte avec chiffre en or et la somme de 10,000 fr.;(Fernandino Paër, 1771-1839, compositeur. Il deviendra directeur à vie de la musique des concerts et des théâtres de la cour.)
A madame Paër, la somme de 6,000 francs;
A M. Brizzi, la somme de 4,000 francs.
Finkenstein, 2 mai.1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 22. Le poste de Saint-Cloud doit être fourni par la compagnie des vétérans de la Garde, qui sont, je crois, 200 hommes. Faites former de cette compagnie un détachement de 60 hommes, et faites-le caserner à la caserne de la Garde à cheval. Ce détachement pourra fournir tous les jours 15 hommes pour le service du palais. Il recevra des ordres du général d’Harville ou du général Ordener. J’ai jugé à propos de mettre tous les dépôts de ma Garde sous le commandement du général Ordener. Je vous envoie ci-joint l’ordre.
Le patron de Saint-Valéry-en-Caux qui conduisait les passagers à bord de la station anglaise, et était muni d’un sauf-conduit anglais, doit être traduit devant une commission militaire. Cette commission sera réunie à Rouen; les membres en seront nommés par le général commandant la 15e division militaire, et le prévenu sera jugé dans les vingt-quatre heures. Si, comme il est présumable, le fait se vérifiant, il est condamné à mort, il faut qu’il soit exécuté sur-le-champ. Il faut avoir soin que tout cela ne fasse point de caquetages. Le prévenu sera d’abord transféré dans les prisons de Rouen. Dès son arrivée, le commandant de la 150 division militaire sera prévenu, la commission sera réunie, et le jugement rendu séance tenante.
Finkenstein, 2 mai 1807
A M. de Champagny
Monsieur Champagny, je reçois votre lettre du 22 avril. En matière de gouvernement, c’est toujours le décret qu’il faut prendre pour base. Je n’ai pas pu me contredire, c’est une erreur de secrétaire qui a été faite dans ma lettre. Le n° Ier du prêt que vous avez fait contient des renseignements précis. C’est à la caisse d’amortissement à veiller à ce que son gage ne disparaisse pas.
Je désirerais savoir s’il existe réellement à la Bibliothèque impériale une histoire d’Alexandre en langue persane, qui diffère de celles que nous avons.
Finkenstein, 2 mai 1807
A M. Fouché
J’ai reçu votre lettre du 21 avril. J’ai traduit le patron de Saint-Valery devant une commission militaire. Donnez ordre qu’il soit conduit dans la prison de Rouen, traduit devant la commission, et jugé séance tenante. Cet exemple ne peut être que d’un bon effet sur nos côtes.
Je suis mécontent des menées de l’Opéra. Faîtes connaître au directeur Bonet que ses moyens d’intrigue ne réussiront pas avec moi. Je ne vois pas pourquoi M. Boutron veut empêcher les autres de gagner leur pain et est si exclusif. Je vous prie de faire finir tout cela. En suscitant des querelles à M. de Luçay et devenant persécuteurs, M. Bonet et M. Boutron se feront mettre à la porte. Vous savez que ces moyens ne réussissent. pas, avec moi. On n’est pas content à l’Opéra de M. de Luçay; si cela ne cesse pas, je leur donnerai un bon militaire qui les fera marcher tambour battant. M. Bouet, que je suppose être à la tête de ces intrigues, n’aura rien gagné à tout cela. Arrangez-vous de manière que je n’entende plus parler de tout cela.
Finkenstein, 2 mai 1901.
Au maréchal Augereau
Mon Cousin, vous avez autour de vous beaucoup de mauvais sujets qui répandent et font répandre toutes sortes de mauvaises nouvelles. Chassez-les ou faites-les taire. J’ai ordonné qu’on arrêtât un nommé Poppon, qui est un mauvais sujet et un voleur. Je vous connaîtrais mal si je pouvais vous croire capable d’accueillir des rapports, fruits de l’extrême malveillance, et qui seraient contraires à l’honneur de nos armes. Ces malheureux paraissent avides de recevoir des nouvelles de nos défaites; ils seront confondus et trompés : nous n’aurons que des victoires.
Finkenstein, 2 mai 1807
Au prince Jérôme
Je reçois votre lettre du 29 avril. Je suis fort surpris d’apprendre que le premier détachement de cuirassiers ne soit pas encore arrivé; il devrait l’être depuis longtemps. Tout ce que vous me dites de vos dispositions serait bon, si elles avaient été calculées de manière à ce que vous fussiez arrivé contre l’ennemi dans la première demi-heure où il a attaqué. Votre lettre, d’ailleurs, contient trop d’esprit. Il n’en faut point à la guerre. Il faut de l’exactitude, du caractère et de la simplicité. Dans l’ordre défensif, il faut réunir ses troupes, les tenir sur pied en bataille avant le jour, jusqu’à la rentrée des reconnaissances qu’on a envoyées sur tous les points. Votre correspondance n’est jamais complète. Vous ne m’instruisez pas des raisons qui vous obligent à tenir 600 hommes à Schweidnitz et 400 hommes à Brieg. Je vous ai déjà fait connaître que 600 hommes dans Schweidnitz et 400 hommes dans Brieg seront égorgés si les habitants le veulent, et que, réunis dans un seul point, ils se défendraient mieux. Il me paraît que vous avez 1,000 hommes des dépôts français. Quels secours attendez-vous de ces 1,000 hommes, composés de soldats sans officiers, appartenant à différents régiments ? Tandis que, s’ils étaient à leurs régiments, ils y seraient de la plus grande utilité. Envoyez-moi l’état, par corps, de ces 1,000 hommes.
Je vous ai mandé que je vous avais envoyé 1,400 autres hommes; ils ne doivent pas être loin de Posen. Je désire beaucoup que vous m’envoyiez ces 2,800 hommes. Il est possible que j’aie une bataille, et 2, 800 hommes de cavalerie ne me seraient point indifférents. Pour moi, ils valent plus que leur nombre, parce que mes corps s’en trouvent renforcés et y gagnent plus de moral. Si vous croyez avoir besoin de garder 200 dragons, j’y consens, mais pas un homme de plus, et, en réalité, vous n’en avez pas besoin. Vous avez assez de forces pour contenir l’ennemi qui est devant vous. Il résulte de votre état de situation du 23 avril que vous avez 15,300 hommes, dont 1,500 de cavalerie.
Vous ne m’avez pas fait connaître l’issue de votre sommation de Neisse. Il paraît que vous n’aurez pas cette place si facilement. Il
faudra ouvrir la tranchée et faire un siège en règle. Je ne connais pas bien votre situation. Faites-moi connaître, par le retour de votre aide de camp, les positions que vous occupez devant l’ennemi, les positions que vous occupez devant Neisse, devant Kosel, devant Glatz; joignez-y un croquis sur grande dimension. Entrez dans des détails pour que je connaisse bien votre situation. Ceux qui vous disent qu’il y a 12,000 hommes dans Neisse font des contes; tout porte à penser qu’il n’y en a pas 3,000.
Finkenstein, 2 mai 1807
Au général Lemarois
Je reçois votre lettre du 30 avri 1. Il paraît que la division Gazan, à Willenberg, souffre beaucoup; il faut y diriger des farines. Je
n’écris pas à M. de Talleyrand, parce que je suppose qu’il est parti. Ne manquez donc pas, en son absence, de m’écrire longuement et de m’instruire de toutes les nouvelles que vous apprendrez. Je vois avec plaisir, dans votre lettre, que vous avez actuellement de la poudre et des boulets pour la défense de Varsovie.
Vous ne m’envoyez aucune nouvelle de Galicie. Faites-moi connaître ce qu’on apprend de ce côté.
Finkenstein, 2 mai 1807
Au roi de Naples
Je reçois votre lettre du 15 avril. Je vois que vous avez comme chef d’état-major le général Lamarque, et le général Berthier commandant d’une division de la côte. J’approuve ces dispositions. Je vous recommande de ne rien distraire de mes troupes, officiers, soldats, pour faire entrer dans les troupes de Naples. Tout ce qui revient de Naples n’est plus que squelette, parce qu’on en a ôté le anciens soldats; cela fait beaucoup de mal.
Vous m’annoncez, dans votre lettre du 9 avril, un rapport de Sicile, qu’on a oublié d’y joindre.
Puis-je appeler à la Grande Armée le 1er régiment napolitain ? C’e le seul moyen de former l’armée napolitaine. Je vois avec plaisir que vous avez envoyé en Italie le 32e léger. Je le ferai passer à Toulon afin de reformer ce régiment.
Finkenstein, 2 mai 1807
Au maréchal Jourdan
Je reçois votre lettre du 15 avril. Je ne vois pas d’inconvénient que vous rendiez au roi de Naples tous les services qu’il demande de vous, et que vous acceptiez toutes les places auxquelles vous appelle sa confiance.
Finkenstein, 3 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 23 avril. Il me semble que j’ai écrit à la princesse Pauline qu’elle pouvait aller aux eaux. Je ne m’y étais opposé que comme conseil, parce que je vois que les médecins conseillent les eaux à leurs malades quand ils veulent s’en débarrasser, et je regardais comme préférable qu’elle attendît la santé dans sa maison, sans courir la chercher sur les grands chemins.
Finkenstein, 3 mai 1807
A M. Fouché
Faites-moi connaître ce qu’a fait un nommé Golberrg, qui a été placé dans les haras et qui passe pour un homme malintentionné.
Je reçois votre lettre du 23 avril. Il n’y a ici rien de nouveau. Le maréchal Augereau a autour de lui un tas de coquins qui répandent et font circuler de mauvaises nouvelles. Ayez un peu l’œil sur eux et parlez-en même au maréchal. Il y a un nommé Poppon, que le ministre de la guerre a fait arrêter à Francfort. Indépendamment des mauvais propos qu’il a répandus sur mes derrières, c’est un voleur. Faites-moi connaître qui est-ce qui a baptisé dans les journaux le 1er régiment de Prusse au service de la France, régiment Napoléon. Faites démentir cette dénomination dans les journaux qui l’ont donnée, et, si l’on peut trouver l’auteur de la lettre, dites-le au ministre de la guerre pour qu’on le punisse.
Finkenstein, 3 mai 1807
A M. Fouché
Je reçois votre lettre du 21 avril. J’espère enfin que vous n’aurez plus la faiblesse de remettre sans cesse en scène Mme de Staël, puisque j’entends qu’elle ne doive plus sortir du Léman, c’est une affaire finie. Je la laisse d’ailleurs maîtresse d’aller á l’étranger, et elle est fort maîtresse d’y faire autant de libelles qu’il lui plaira. Les Anglais se moquent des Russes. Pendant que ceux-ci sont en guerre contre tout le monde pour leur plaire, les Anglais font des expéditions importantes pour leur compte particulier. Ils viennent de prendre Montevideo. Voilà donc l’Angleterre engagée dans une guerre qui lui emploiera beaucoup de monde. Elle n’a presque personne au cap; toutes ses armées sont aux Indes. A force de s’étendre ainsi, elle devient plus vulnérable. C’est dans ce sens que vous devez faire écrire dans tous les journaux.
Finkenstein, 3 mai 1807
A M. Fouché
Par votre lettre du ….vous me dites que vos avez engagé M. Lacuée à diminuer la taille de la conscription. Je ne comprends pas bien cela, car je reçois des hommes de 4 pieds 10 pouces, et même on en recevrait de plus petits; ainsi le motif de la taille n’est pas une raison pour gêner la conscription. Faites-moi un rapport là-dessus.
Finkenstein, 3 mai 1807
Au général Dejean
Monsieur Dejean, je vois dans tous les journaux que le 1er régiment de Prusse au service de France est appelé le régiment Napoléon. Faites-moi connaître qui est-ce qui s’est permis d’abuser ainsi de mon nom. Il vous sera facile de savoir qui est-ce qui en a écrit le premier aux journaux. Lorsque vous aurez découvert qui a donné à ce régiment cette dénomination, vous ferez mettre un article dans le Moniteur pour la démentir; et non-seulement vous défendrez qu’on s’en serve à l’avenir, mais vous en punirez sévèrement l’auteur.
Finkenstein, 3 mai 1807
Au vice-amiral Decrès
Je reçois votre lettre du 24 avril. Il parait que les Anglais ont pris Montevideo; ainsi les-voilà engagés dans une guerre qui leur emploiera beaucoup de monde. Il paraît que cette expédition a passé à Rio-Janeiro à la fin de décembre. Il y a, je crois, une autre expédition qui est partie dans le courant de janvier, et dont on a donné dans le temps des nouvelles du cap Vert. On la supposait devoir être pour l’île de France. Dans cet état de choses, faites tout ce qui est possible pour faire supposer que l’escadre de Rochefort et le camp Napoléon doivent se rendre au Cap, la flotte de Brest en Irlande, et qu’il se prépare trois expéditions secrètes pour partir au premier beau temps.
Finkenstein, 3 mai 1807
A M. Daru
Monsieur Daru, je viens de lire les états de situation du 23 avril. Comment n’ai-je pas trois millions de boisseaux d’avoine sur le canal, depuis Küstrin jusqu’à Bromberg ? Je vois que je n’ai que 2,000 boisseauxà Thorn et 1,300 à Bromberg. Comment n’ai-je pas 400,000 pintes d’eau-de-vie à Bromberg ? Je vois qu’à Bromberg et à Thorn il n’y a presque rien. Enfin comment n’ai-je pas 10,000 quintaux de farine et 50,000 de blé à Bromberg ? Je vois que je n’ai que 12,000 quintaux. Il ne faut pas croire que jusqu’à cette heure ce soient vos magasins qui aient fourni l’armée, c’est la ville d’Elbing et l’île de Nogat. Vous savez fort bien qu’il faut 165,000 rations pour nourrir l’armée sur la rive droite, c’est à dire près de 2,000 quintaux par jour. Il faut donc par mois 60,000 quintaux.
Dans cinquante jours, depuis le 24 février au 16 avril, l’on a mangé plus de 70,000 quintaux. Je compte dans ce nombre le gaspillage et les pertes, le pain pillé, etc. Je n’ai donc qu’aujourd’hui à Bromberg que pour huit jours. Elbing ne fournira bientôt plus rien. Il faudra songer à approvisionner tous les magasins par Bromberg; Varsovie même devrait l’être par Bromberg, s’il y avait la moindre administration. Il faut me faire un rapport pour me faire connaître comment va vivre mon armée pendant mai, juin, juillet, août et septembre. Elle ne peut plus se nourrir d’Elbing, il n’y a plus rien; elle ne peut pas vivre de la rive droite, elle est épuisée; il faut donc qu’elle vive des magasins de Bromberg. Il y faut 250,000 quintaux. Varsovie, Kalisz, et tout ce qui peut être fourni par les départements voisins pourront tout au plus fournir les 50,000 restants. Ne perdez pas une heure à mettre en mouvement de Breslau, de Glogau, Küstrin, Magdeburg, Spandau, Wittenberg, etc., des farines, du blé, conformément à la lettre que vous écrit le maréchal Duroc, pour mettre en bonne situation les magasins de Bromberg et de Thorn; faites remplacer par des réquisitions dans le pays ce que vous tirez de ces places. Ayez soin de ne rien demander aux alliés, mais lever tout en pays ennemi.
Dans le rapport. que vous me ferez, vous joindrez le tableau de qui existe au 1er mai dans les magasins sur la Vistule, de ce que vous ferez venir des magasins de derrière et de ce que le pays peut encore fournir; un tableau de répartition d’une réquisition extraordinaire de grains, pour réapprovisionner toutes les places, et ce à compte de la contribution, de manière que l’on puisse, dans le courant de juin et juillet, tirer des mêmes magasins de Glogau, Küstrin, Stettin et Magdeburg, des blés pour remplacer la consommation, sans affaiblir la quantité qui doit toujours rester dans les magasins. Pour le vin, il faut me faire connaître la quantite que l’on a tirée de Stettin, celle achetée à Varsovie et celle consommée. Envoyez des agents des transports pour faire venir tout ce qui est en route. Dirigez sur l’armée toutes les eaux-de-vie qui se trouvent dans les magasins de Stettin, Küstrin, Glogau et Magdeburg, et faites-les remplacer par des réquisitions dans le pays. Suivre le même procédé pour l’avoine et la remplacer par des réquisitions, et, par ce moyen, faire payer quelque chose à la Prusse, qui, jusqu’à présent, a moins payé que si elle était en paix.
Si vous ne réussissez pas dans toutes ces mesures, vous n’aurez aucune excuse, car vous avez des rivières, des canaux. L’artillerie fait venir avec la plus grande activité de ses arsenaux et même de France les fusils et tout ce dont elle a besoin, et vous, vous ne pouvez faire venir un tonneau de vin de Küstrin.
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Je reçois les états au 1er mai. J’y vois que le vin qui est en route depuis le mois de mars n’est pas encore arrivé à Bromberg; que Thorn n’a que 2,200 quintaux de farine ou de blé, et point de pain; Bromberg n’a que 15,000 quintaux de farine ou de blé, et pas de réserve en pain. Je vois à Strasburg 15,000 quintaux de farine ou de blé : qui a ordonné dans cette place un magasin si considérable ? d’où viennent-ils? Varsovie n’a que 3,000 quintaux; c’est une grande faute.
Finkenstein, 3 mai 1801.
Au prince Jérôme
Mon Frère, je vous envoie l’état des détachements de cavalerie, de chasseurs et hussards à pied que je vous ai envoyés en Silésie, pour que vous les montiez. Vous verrez que, le 7 et le 8 mai, tout cela doit être arrivé à Breslau et à Glogau. Prenez donc toutes les mesures pour que tout cela puisse revenir promptement monté à l’armée; j’en ai le plus sérieux besoin.
Finkenstein, 3 mai 1807
Au général Clarke
Je reçois votre lettre du 30 avril. J’ai des nouvelles de Londres du 21 avril. Il parait qu’il y avait une expédition de partie, hormis une de 3,000 hommes destinée pour les Grandes Indes. Il paraît que les Anglais sont encore engagés dans une guerre de l’Amérique méridionale, venant de prendre Montevideo, où ils seront probablement obligés d’envoyer des renforts.
J’attends avec impatience des nouvelles du maréchal Mortier. Dans tous les cas, il est assez fort contre les Suédois. Il doit renvoyer à l’armée tous les régiments provisoires; ils se perdent et ne sont en réalité d’aucune utilité, isolés.
Quand vous lirez ceci, nous serons au 7 mai, et c’est, je crois, le 19 que la division Boudet arrive à Halle. Certains désormais de ne point manquer de renforts derrière, il n’y a donc plus rien à craindre. Faites donc tout partir sans délai, et deux jours de retard peuvent être d’un grand inconvénient ici. Faites donc filer sur l’armée tous les régiments provisoires d’infanterie et de cavalerie.
Finkenstein, 3 mai 1807
Au général Chasseloup
Faites faire une tête de pont sur la rive droite au pont de Dirschau. Vous ferez consister cette tête de pont en deux redoutes établies sur la digue, à 3 ou 400 toises du pont, en trois ou quatre ouvrages intermédiaires entre ces deux redoutes, et un petit réduit ayant tout au plus 200 toises de développement.
Finkenstein, 4 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 25 avril. Vous vous trouvez investi de tous les pouvoirs nécessaires pour remettre l’ordre à l’Opéra, puisque, par un décret spécial que vous devez avoir reçu je vous en ai chargé.
Je trouve que vos observations sur les spectacles gratis sont fondées Mais qui donne ces autorisations ? On dit que M. Bonet commet aussi beaucoup de dilapidations en accordant des billets et des loges gratis.
Finkenstein, 4 mai 1807
Au maréchal Bernadotte
Mon Cousin, j’ai reçu votre lettre. Je vois avec plaisir la bonne situation de votre corps d’armée. D’ici au 15 mai, vos corps recevra un renfort de 4,000 hommes par l’arrivée et l’incorporation des douze derniers régiments provisoires. J’espère donc que vous aurez bientôt de 23 à 25,000 hommes d’infanterie. Nous avons conclu un armistice avec les Suédois, et les hostilités ne pourront être reprises qu’après s’être prévenus un mois d’avance.
Jusqu’à cette heure, il paraît que les Anglais pensent plus à leurs affaires contre l’Amérique espagnole qu’à venir dans la Baltique Toutefois, j’ai sur mes derrières un corps de 14,000 Hollandais et les divisions Molitor et Boudet, fortes de 18,000 hommes, que j’ai fait venir d’Italie et qui arrive à Magdeburg le 12 mai.
Le maréchal Mortier est en marche pour prendre une possession entre Danzig et Kolberg, afin de pouvoir promptement arriver sur l’une ou l’autre de ces places, S’il se tentait quelque chose pour en faire lever. le siège. Il serait possible qu’on tentât quelque opération pour débloquer Danzig; il faut donc, jusqu’à ce que cette place soit prise, se tenir prêt à manœuvrer.
Finkenstein, 4 mai 1807
Au maréchal Mortier
Mon Cousin, il faudrait établir un un cartel avec les Suédois pour l’échange des prisonniers. Vous recevrez des ordres au major général pour votre nouvelle direction. Le choix de votre quartier général est important. Placez vos troupes de manière qu’elles puissent se porter ou sur Danzig, on sur Kolberg, ou sur Marienwerder, avec la plus grande rapidité.
Finkenstein, 4 mai 1807
Au maréchal Lefebvre
Ni hier, ni aujourd’hui, je n ai reçu de nouvelles de vous, de sorte que je n’ai point de nouvelles du siège du 1er mai; cependant, le 2, nous avons entendu une forte canonnade.
Les Suédois ont adopté la modification que j’avais apportée à l’armistice, c’est-à-dire qu’on serait obligé de se prévenir un mois d’avance. En conséquence, je viens de donner l’ordre au maréchal Mortier de se porter à deux journées de Danzig, pour être à portée de protéger Danzig si l’ennemi voulait y faire quelque débarquement. J’espère que vous ne tarderez pas à avoir le Hagelsherg. Les sorties de l’ennemi font penser qu’il craint que vous ne l’enleviez de vive force. Il faut concentrer tous vos feux contre les batteries ennemies.
Ayez toujours l’oeil sur ce qui peut se passer dans la presqu’île, surtout du côté de Pillau.
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Au moment même, votre aide de camp me remet vos lettres des 2 et 3 mai.
Finkenstein, 4 mai 1807
Au général Clarke
Je reçois votre lettre du 1er mai. Le major général vous envoie copie des instructions que je donne aux maréchaux Mortier et Brune, par lesquelles vous verrez toutes les mesures que j’ai prises pour réunir une grande force sur mes derrières, et que je vous ai restitué le régiment de Nassau. Faites donc filer, sans aucune espèce de retard, tous les détachements quelconques de cavalerie, tous les régiments provisoires à pied et à cheval, sur la Grande Armée. Le siège de Danzig avance; il est possible qu’à la dernière extrémité l’ennemi veuille tenter quelque chose; il ne faut donc pas perdre un moment pour m’envoyer tous les renforts possibles.
Je ne demande pas mieux que de payer les officiers, mais le peuple de Berlin ne paye rien. De tous les gouvernements, le vôtre est le seul qui n’ait rien rendu, ni en contributions extraordinaires, ni en contributions ordinaires. Si vous activiez les recettes de l’une et l’autre espèce, il serait possible de faire une caisse du sixième au septième de vos contributions extraordinaires pour payer les officiers, les rentiers et pensionnaires. M. Estève ne fait que des états et n’envoie rien. Je pense qu’il faudrait établir un gouvernement provisoire; présentez-m’en le projet, car il faut que cela parte de vous. Vous y diriez que les rentiers, pensionnaires, officiers invalides, établissements, tombant de toutes parts, ces motifs ont nécessité l’établissement d’un gouvernement provisoire, que vous l’avez établi de telle et telle manière. On établirait autant de chambres de dépenses qu’il y a de provinces, et on arriverait alors à quelque chose. Présentez-moi vos idées là-dessus. Faites-moi connaître combien votre gouvernement me rendrait par mois. Il faudrait que cela remontât jusqu’au mois d’octobre : bien entendu qu’on en ôterait tout ce qui m’a été payé.
Faites mettre dans les journaux de Berlin que tous les rapports qu’ont faits les Suédois sont exagérés et pleins de réticences; qu’ils
ont pris 1,000 fusils, cela est vrai, mais cassés et provenant du désarmement du Mecklenburg; qu’ils ont pris des voitures, cela est
vrai -. mais ce sont des voitures de paysans abandonnées; qu’ils ont fait 1,000 prisonniers, cela n’est pas vrai : mais il est vrai qu’ils en ont pris 420; mais ce sont des hommes isolés; il n’y en a qu’une soixantaine de Français, le reste est en partie des recrues hollandaises qui se sont laissé surprendre; qu’ils ont pris à Rostock deux pièces de canon, cela est vrai; ce sont deux pièces appartenant à la ville de Rostock, d’une livre de balle, comme en ont ces petites villes; que, dans le fait, ils n’ont eu aucun avantage. Nos troupes se retiraient et, dans le combat qui a précédé la journée du 16, les Français ont eu 4 hommes tués et 6 blessés. Au contraire, dans la journée du 16, le maréchal Mortier leur a pris 1,000 à 1,200 hommes, sept ou huit pièces de canon et, sans l’armistice, la perte des Suédois aurait été plus grande. Faites aussi mettre cet article dans le journal d’Altona. Faites mettre aussi l’armistice dans les journaux, mais avec l’article additionnel qu’on se préviendra un mois d’avance. L’article que vous ferez là-dessus, envoyez-le à Bourrienne, pour qu’il le fasse mettre dans la gazette d’Altona.
Je trouve, dans un de vos rapports, un extrait d’une lettre de M. Schleinitz, qui rapporte que je lui ai dit que là Prusse était sous la puissance de la Russie, et la Russie sous la puissance de l’Angleterre; que cela rend la paix difficile; que le roi de Prusse n’a que deux moyens de rentrer dans ses États : l’un que je le ramène à Berlin à la tête de ma Garde; l’autre, qu’il y soit ramené par les Russes; que, pour arriver à ce dernier moyen, il faut que j’aie perdu une bataille avant de passer la Vistule; que j’en aie perdu trois entre la Vistule et l’Oder; mais qu’alors je me rapproche de mes États et j’augmente mes forces; que, dans ce cas, on se demande quelle sera la situation du roi de Prusse. Après avoir fait circuler cela dans le public, vous pouvez le faire mettre dans tes journaux comme un bruit de ville.
Finkenstein, 4 mai 1807
Au roi de Naples
Mon Frère, je reçois votre lettre du 15 avril. Je ne doute pas qu’à la longue M. Roederer ne devienne ce que vous dites. Quand on commence à avoir l’habitude des affaires, on méprise toutes les théories, et l’on s’en sert comme les géomètres, non pour marcher en ligne droite, mais pour continuer dans la même direction. Du reste, je crois à l’attachement de M. Roederer; je crois à sa probité, à ses lumières, mais sa fibre s’accoutumera- t-elle jamais au calme des affaires ? C’est ce que l’expérience seule prouvera.
Il faut vous attendre, dans la correspondance de mes ministres, à être traité comme général en chef de mon armée et à recevoir des marques de mon mécontentement toutes les fois que les règles de l’administration ne sont pas suivies. J’ai été un peu mécontent, par exemple, que plusieurs de mes corps aient été un peu désorganisés. Ce ne sont point des hommes que je compte dans mon armée, mais les hommes qui ont de l’expérience et de la valeur. L’armée française ne peut suffire au recrutement de ma Garde sans que son esprit s’affaiblisse trop; jugez du mal qu’à fait aux armées de Hollande et de Naples l’absence des hommes qui en ont été tirés pour les deux Gardes. Il est tel régiment que M’a ruiné le roi de Hollande, qui était un excellent corps et qui n’est aujourd’hui d’aucune valeur. Mais cela est une affaire finie. Je vous enverrai des conscrits français tant que vous voudrez, mais je vous prie d’avoir soin des régiments qui composent l’armée de Naples et de les tenir en bon état.
Il faut vous fâcher contre les teneurs de propos et contre ceux qui se permettent de se trouver mécontents. Je pense que l’habitude de gouverner, avec votre bon esprit et vos heureuses qualités naturelles renforcera votre caractère, et vous rendra plus Propre à mener cette immense machine, si jamais le destin vous faisait vivre plus que moi
Le prince Jérôme se conduit bien, j’en suis fort content, et je me trompe fort s’il n’ y a pas en lui de quoi faire un homme de premier ordre. Vous pouvez croire cependant qu’il ne s’en doute guère, car toutes mes lettres sont des querelles. Il est adoré en Silésie. Je l’ai jeté exprès dans un commandement isolé et en chef; car je ne crois pas au proverbe que, pour savoir commander, il faut savoir obéir.
Je suis content de Louis; mais il a un peu trop l’esprit de charité, ce qui s’allie mal avec avec la dignité du diadème. Ce n’est pas qu’il fasse grand cas des avis que je lui donne, mais je ne cesse pas de les lui continuer, et l’expérience ne tardera pas à lui apprendre que beaucoup de choses qu’il a faites sont mal. J’ai blâmé l’institution de son ordre, non comme mauvais en lui-même, mais comme prématuré; car comment ne pas le donner aux personnes qui nous entourent ? Et comment imprimer ce cachet indélébile sur des personnes qu’on ne connaît pas, et qui, au premier revers peut-être dévoileront qu’elles n’étaient que des misérables ? Ce raisonnement, vous en sentez la force. Attendez que vous ayez un peu connu les hommes qui vous entourent. Et puis l’envie de donner un Ordre ne peut venir comme une envie d’aller à la chasse; il doit se rattacher à un souvenir mémorable. Le moment de votre couronnement, voilà une époque mémorable; alors on sera en paix avec toute l’Europe. Louis vient aussi de permettre que les dames hollandaises reprissent leurs anciens titres; ses chambellans même les leur donnent. Je me suis fâché. Je n’ai pas été content de votre exemple qu’il m’a allégué, comme s’il y avait quelque chose de commun entre un royaume et une république qui a passé par toutes les épreuves qu’a subies la France. Cela ne fait pas honneur à sa pénétration. Si vous avez occasion de lui écrire, dites-lui-en un mot; car comme on croit que tout cela se fait par mes conseils, cela fait un mauvais effet en France. Comme je ne veux pas rétablir en France les anciens titres, je ne veux pas qu’on les rétablisse dans un pays dont j’ai garanti le système constitutionnel, et qui a tant d’analogie avec la France par ses vicissitudes.
Il serait convenable d’établir un chiffre entre vous et moi, et j’ai écrit à M. de Talleyrand de vous en envoyer un.
Je me porte fort bien. Nous commençons enfin à nous apercevoir de la bonne saison. Le siège de Danzig avance. Nous y avons quatre-vingts pièces de canon en batterie; on doit couronner le chemin couvert et faire le passage du fossé dans deux ou trois jours.
Je vous recommande la principauté de Bénévent; traitez-la bien, car je serais fâché que vous fissiez quelque chose de désagréable pour le prince, dont je suis on ne peut plus-satisfait.
Finkenstein, 5 mai 1801.
A M. Portalis
Monsieur Portalis, nous avons appris avec une profonde douleur la mort de notre bien-aimé évêque de Vannes, Maynaud-Pancemont(Anne-Antoine-François-Xavier Mayneaud de Pancemont, 1756-1807, évêque de Vannes. Il avait fait partie des négociations du Concordat). A la lecture de votre lettre, les vertus qui distinguaient ce digne prélat, les services qu’il a rendus à notre sainte religion, à notre couronne, à nos peuples; la situation des églises et des consciences dans le Morbihan au moment où il arriva à l’épiscopat; tout ce que nous devons à son zèle, à ses lumières, à cette charité évangélique qui dirigeait toutes ses actions : tous ces souvenirs se sont présentés à la fois à notre esprit. Nous voulons que vous fassiez placer sa statue en marbre dans la cathédrale de Vannes. Elle excitera ses successeurs à suivre l’exemple qu’il leur a tracé. Elle fera connaître tout le cas que nous faisons des vertus évangéliques d’un véritable évêque et couvrira de confusion ces faux pasteurs qui ont vendu leur foi aux ennemis éternels de la France et de la religion catholique, apostolique et romaine, dont toutes les paroles appellent l’anarchie, la guerre, le désordre et la rébellion. Enfin elle sera pour nos peuples du Morbihan une nouvelle preuve de l’intérêt que nous prenons à leur bonheur. De toutes les parties de notre Empire, c’est une de celles qui sont le plus souvent présentes à notre pensée, parce que c’est une de celles qui ont le plus souffert des malheurs des temps passés. Nous regrettons de n’avoir pu encore la visiter; mais un des premiers voyages que nous ferons, à notre retour dans nos États, sera de voir par nos propres yeux cette partie si intéressante de nos peuples.
Finkenstein, 5 mai 1807
A M. Portalis
Faites-moi connaître quel est le curé qui prêche à Saint-Sulpice, son âge, ses opinions et ses talents.
Camp impérial de Finkenstein – 5 mai 1807
Au Shah de Perse
NAPOLÉON, Empereur des Français, Roi d’Italie, à Feth-Ali, empereur des Persans, salut.
J’ai reçu la lettre que tu m’as fait remettre par ton ambassadeur extraordinaire, le très-noble et très-élevé Mohammed Riza Beg. J’ai reconnu, à ce qu’elle contient, et à ce qu’il m’a dit de ta part, la sincérité de tes sentiments pour moi, ton désir de consolider notre
amitié par les liens les plus étroits, et ta ferme volonté d’unir constamment tes efforts aux miens contre nos ennemis communs. J’ai en conséquence ordonné à mon ministre de conclure avec lui un traité d’alliance dont les ratifications signées de ma main et scellées de mon sceau impérial seront échangées dans ta capitale. Sa fidèle exécution fera la gloire de ton empire et le désespoir de nos ennemis.
J’ai été très-satisfait de la conduite de ton ambassadeur extraordinaire pendant tout le temps qu’i1 est resté près de moi; et tu feras une chose qui me sera agréable, en lui tenant compte du zèle que, dans cette circonstance, il a montré pour ton service.
Je te souhaite les bénédictions du ciel, un règne long et glorieux et une fin heureuse.
Finkenstein, 5 mai 1807
Au maréchal Berthier
Vous partirez à midi pour vous rendre devant Danzig; vous y arriverez avant minuit. De minuit à six heures du matin, vous irez visiter toutes le tranchées; vous verrez quelle est l’opinion du génie; vous verrez le général la Riboisière et le parc ; après cela vous irez trouver le maréchal Lefebvre.
Le maréchal Lefebvre me demande des ordres pour attaquer le 8, de vive force, le Hagelsberg. Cette demande m’est faite le 3, et j’avoue que je n’y comprends rien. Du 3 au 8, il y a cinq jours. Lit sape était éloignée, il y a deux jours, de 22 toises; en cinq jours, en n’en faisant que 3 toises par jour, on ne sera éloigné que de 6 toises. Si la sape était à 6 toises le 8 ou le 10, il y aurait folie à faire attaquer de vive force sans profiter des ressources de l’art. Deux objections sont contre : 1° des palissades non rompues par l’artillerie, à moins qu’il n’y ait une position d’où on puisse les enfiler; 2° les chausse-trapes et piquets au fond des fossés, mais surtout les fougasses, redoutables pour les troupes qui ne sont pas accoutumées à la guerre de siège; officiers et soldats sont fort ignorants là-dessus; aucun d’eux n’en a jamais vu ni fait. Ils se croient minés jusque sous les parallèles. Si le 8 on se trouve sur le chemin couvert, qui empêche de le couronner ? Mais d’ailleurs le couronnement du chemin couvert est inutile. Un chemin couvert ne se couronne que pour établir les batteries de brèche; je n’en ai pas besoin. Du moment que je serai à 10 toises, il faut cheminer par trois ateliers de mineurs, faire sauter le chemin couvert, les contrescarpes, arriver aux palissades, les briser à coups de hache et faire une gabionnade au fond du fossé. Alors plus de difficulté de faire l’assaut, et d’enlever le Hagelsberg enfin. Il est reconnu que les mineurs peuvent faire 3 toises par jour; ils peuvent donc faire 15 toises en cinq jours. Encore une fois, mon opinion est que l’on n’a pas besoin de cheminer à ciel découvert aux 15 dernières toises, puisqu’il n’y a pas besoin de couronner le chemin couvert.
Si cependant, par des raisons que je ne suis pas à même d’apprécier d’ici, il était impossible de s’approcher assez près pour cheminer sous terre, et qu’on fût sûr de briser les palissades et de tenter un assaut, il faudrait le tenter au même moment où l’on menacerait avec les échelles et autres moyens d’attaque les autres points de la place. Si. au contraire on continue à cheminer jusqu’au 10, et que la position de la presqu’île soit utile au cheminement de la sape et pour appuyer son flanc gauche, il faut l’enlever sans délai.
Vous pourrez donc partir de manière à être arrivé le 7 dans la nui à Marienburg, où vous apprendrez si je suis encore au quartier général ou si j’ai été du côté d’Elbing.
Finkenstein, 5 mai 1801
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, donnez ordre au général du génie Chambarlhiac de se rendre devant Kolberg pour prendre le commandement du génie de ce siège.
Faites connaître au prince de Ponte-Corvo et au maréchal Soult que mon intention est qu’ils fassent camper leur armée par divisions.
Ils vous enverront les plans des camps et des positions qu’ils occuperont
Faites connaître également au maréchal Davout que mon intention est qu’il fasse camper la division Morand sur les hauteurs d’Allenstein, la division Friand sur les hauteurs d’Osterode et la division Gudin sur les hauteurs de Hohenstein, ayant soin de choisir des lieux sains et de bonnes positions militaires, et d’exercer les troupes aux manœuvres et aux exercices.
Ces maréchaux vous feront connaître quand ces camps seront établis, parce que l’Empereur ira les voir successivement. Quant au maréchal Ney, vous lui ferez connaître que j’ai fait camper les autres corps d’armée, mais que, sur ses observations, je le laisse maître de faire ce qu’il voudra.
Faites camper les fusiliers de la Garde près de Finkenstein; on laissera la place pour le second régiment.
Finkenstein, 5 mai 1807
Au maréchal Berthier
Le maréchal Lannes commande un corps qui porte le nom de corps de réserve de la Grande Armée.
Ce corps sera composé de la division Oudinot, formée à quatre brigades, et de la division Verdier.
Le division Oudinot aura ses quinze pièces de canon, telles qu’elles a dans ce moment.
La division Verdier sera composée des 2e léger, 3e de ligne, 7e de ligne et du régiment de Paris. Elle aura douze pièces de canon françaises, actuellement attachées à la division italienne qui est devant Kolberg, et qui ont ordre de se rendre à Marienwerder.
Le 3e et le 72e arriveront à Marienwerder avant le 12 mai. Le 2e léger et le régiment de Paris seront joints à la division Verdier après la prise de Danzig.
Le général de brigade Harispe et le général de brigade Vedel feront partie de la division Verdier. L’adjudant commandant Sicard sera le chef d’état-major de cette division.
Une troisième division sera réunie au corps de réserve; elle sera composée de la division italienne. Je donnerai des ordres pour le temps où elle devra rejoindre le corps de réserve. Elle aura ses douze pièces d’artillerie, que lui fournit le 8e corps.
Vous ferez connaître au maréchal Lannes que cette division n’arrivera à Marienwerder que sur la fin de mai, et qu’elle est composée de quatre régiments d’infanterie italiens et d’un régiment de cavalerie.
Le corps de réserve sera ainsi composé de plus de 20,000 hommes.
Il est nécessaire qu’il y soit attaché un ordonnateur, des employés d’administration, et un officier supérieur pour commander l’artillerie.
Finkenstein, 6 mai 1807
A l’Impératrice
Mon amie, je reçois ta lettre du 25 avril. Je vois avec peine que tu as été malade, mais c’est la maladie que tu as tous les mois. S les eaux pouvaient t’en guérir par une petite mer rouge, ce serait bien heureux.
Je me porte fort bien et je désire que tu ne doutes jamais de mon amour.
Finkenstein, 6 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 26 avril. Le temps est ici superbe. Tout commence à végéter. Nous nous apercevons enfin que nous sommes au mois de mai.
Vous trouverez ci-joint un article additionnel à l’armistice conclu avec les Suédois, que vous ferez mettre dans le Moniteur. Du reste, rien de nouveau. Le siège de Danzig se continue avec la plus grande activité.
Vous trouverez ci-joint une lettre au ministre Dejean, dont vous prendrez connaissance et que vous lui ferez passer.
Finkenstein, 6 mai 1807
Au général Dejean
Monsieur Dejean, vous donnerez l’ordre que six compagnies du 3e bataillon du 5e d’infanterie légère, qui seront successivement complétées, à mesure de l’arrivée de la conscription, à 900 hommes, se rendent au camp de Saint-Lô, et aux deux bataillons de ce régiment qui sont au camp de Saint-Lô de se rendre à Paris. Il faudra qu’ils soient complétés à 2,000 hommes. Vous les passerez en revue à leur arrivée à Paris. Vous ne tarderez pas à recevoir l’ordre de les faire venir en poste à Mayence.
Envoyez l’ordre au sénateur Canclaux de renforcer la garnison de Cherbourg de 500 hommes de gardes nationales, de manière que sur ses 3,000 hommes il en ait la moitié à Cherbourg.
Finkenstein, 6 mai 1807
Au général Lacuée
J’ai reçu votre lettre du 25 avril. J’ai lu cette lettre avec peine Comment avez-vous pu supposer que j’aie jamais eu aucune espèce de doute sur votre zèle et sur votre attachement à ma personne ? J’ai lieu de me plaindre de ce sentiment d’injustice de votre part. On ne peut être plus satisfait que je le suis de tout ce que vous faites.
Finkenstein, 6 mai 1807
Au maréchal Bessières
Le maréchal Bessières partira dans la journée pour se rendre à Bischofswerder. Demain, à neuf heures du matin, il passera la revue de la division Saint-Sulpice, en faisant border la haie par compagnie.
Il m’apportera des états bien en règle pour me faire connaître qu’il y a : général de division, généraux de brigade, adjudants commandants, aides de camp et adjoints, colonels et états-majors, chaque compagnie, capitaine et officiers; enfin me faire savoir ce qu’il peuvent mettre devant l’ennemi et ce qu’ils gagneront dans quinze jours.
Il passera cette revue dans les mêmes détails et comme j’ai passé la Garde, et de manière à me donner les mêmes renseignements.
Il la fera manœuvrer une heure ou deux.
Après quoi il se rendra à Strasburg. Il fera la même chose à division Grouchy, et il reviendra me faire un rapport détaillé.
Il me fera connaître où ces corps ont des détachements, en distinguant ceux qui sont en Silésie, ou à Postdam, ou aux petits dépôts sur la Vistule.
Finkenstein, 6 mai 1807
Au prince Jérôme
Mon Frère, un régiment de 1,200 Saxons doit être arrivé le 6 à Breslau. Le 2e régiment de dragons doit y être arrivé le 5. Mon intention est donc que, sans perdre un moment, vous dirigiez sur Thorn toute la cavalerie légère, les dragons et cuirassiers qui seront montés, au moment où vous recevrez cette lettre. Vous leur ferez donner des sabres et des carabines, si vous en avez; si vous n’en avez pas, vous les ferez passer par Posen, et vous écrirez au général Saint-Laurent pour qu’on leur en donne. S’il n’y en avait pas à Posen, on leur en donnerait à Thorn.
Vous ferez partir également sans délai les 1,000 hommes d’infanterie sortis de l’hôpital, en dirigeant ceux du 5e corps sur Varsovie et ceux des autres corps sur Thorn. Ne portez aucun retard dans l’exécution de cet ordre, et envoyez-moi en grand détail l’état de ce que vous faites partir. Vous avez assez de troupes pour contenir la Silésie, surtout avec le régiment de 1,200 Saxons qui vient d’arriver.
Le 15 mai, il vous arrivera le régiment des lanciers polonais; mon intention est que vous portiez les deux premiers escadrons de ce régiment à 500 hommes, c’est-à-dire à 250 hommes par escadron, et que vous les fassiez partir sans délai pour Varsovie. Vous garderez les cadres des 3e et 4e escadrons pour recevoir les recrues qui vont vous arriver.
Par le retour du courrier, envoyez-moi, 1° le détail des hommes d’infanterie que vous dirigez sur les différents corps de la Grande
Armée, en me faisant connaître de quels régiments ils sont; vous leur ferez fournir des gibernes et des armes prussiennes, si vous n’en avez pas d’autres, en recommandant à celui qui les commandera de faire changer ces armes, à Thorn ou à Varsovie, contre des armes françaises; 2° l’état de tous les chasseurs, hussards, dragons, cuirassiers et carabiniers que vous dirigez sur l’armée, en me faisant connaître ceux qui ont des sabres, des pistolets, des carabines, et ce qui leur manque.
Je vous ai déjà fait savoir qu’il est possible que, dans les quinze premiers jours de mai, je livre une grande bataille, et 2,000 hommes
de cavalerie de plus ou de moins sont pour moi d’une grande importance, surtout l’ennemi ayant beaucoup de cavalerie.
Finkenstein, 6 mai 1807
Au général Clarke
Je reçois votre lettre du 3 mai. Vous ne me parlez pas du départ des trois régiments provisoires de cavalerie, ni du régiment qui est à Berlin, ni de détachements quelconques de cavalerie. Mon intention est que vous n’en gardiez aucun; dragons, chasseurs, cuirassiers, que tout parte. Faites aussi partir les deux régiments provisoires qui sont à Berlin. Avec le bataillon de Nassau, vous pouvez garder Berlin et Küstrin jusqu’à ce que le bataillon provisoire de garnison de Küstrin et le 2e bataillon de Nassau soient arrivés N’attendez pas pour faire partir les régiments provisoires que Nassau soit arrivé. Deux jours de différence ne sont rien pour Berlin et sont beaucoup pour moi.
Écrivez à l’intendant et au gouverneur du Mecklenburg pour que les chevaux provenant de ce pays rentrent.
Le 7e provisoire est arrivé, et je vois que les 6e et 8e sont marche; mais les 5e, 9e, et 10e, je n’en entends pas parler. Mettez sans délai ces trois régiments en marche.
Le 4e de ligne italien doit arriver le 12 et le 13 à Potsdam; faite le séjourner à Berlin et passez-le en revue; faites-lui remettre tout ce dont il a besoin. Après cela vous le dirigerez par Stettin sur Kolberg, où il rejoindra la division italienne.
Le régiment des chasseurs italiens arrive le 11 mai à Potsdam; vous l’y ferez séjourner pour réparer sa sellerie, le remettre en bon état, et vous le dirigerez sur Thorn. Je destine ce régiment à faire partie de la réserve de cavalerie.
Le régiment italien des dragons de la Reine arrive à Potsdam 14 mai. D’ici à cette époque, j’aurai le temps de vous envoyer ordres. Je le destine à la division italienne.
Finkenstein, 6 mai 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, vous recevrez du major général l’ordre de faire partir le dernier régiment de dragons italiens qui reste en Italie avec le 14e régiment de chasseurs, chacun complété à 600 chevaux, pour se rendre à Augsbourg avec neuf pièces de canon, dont trois servies par l’artillerie légère. Cette artillerie, personnel, matériel et attelage, sera italienne.
Vous ferez partir également une quarantaine de sapeurs pour compléter la compagnie de sapeurs qui est à la division italienne au siège de Kolberg, et qui est réduite à 80 hommes.
Je pense que le 30 mai tout cela sera rendu à Augsbourg.
Si les deux régiments de cavalerie n’ont pas 600 chevaux, il n’y a pas d’inconvénient à n’en envoyer que 400, pourvu que les 200 hommes restants viennent à pied avec leurs selles et bien armés. S’ils manquaient d’armes, vous auriez soin de m’en instruire, afin qu’ils en trouvent à Magdeburg. Cependant tâchez qu’ils soient dans le meilleur état possible. Ces deux régiments vous seront remplacés par les deux régiments de cavalerie que le roi de Naples vous envoie.
Je remarque dans votre état de situation au ler avril que la division Clauzel n’a que cinq bataillons. Je pense que vous devez y mettre le 4e bataillon du 60e, le 4e du 23e, le 4e du 79e, le 4e du 11e, le 4e du 5e; ce qui ferait dix bataillons. Vous pourriez les composer de sept compagnies chacun, et alors il resterait quatre compagnies aux dépôts. Avec ce qui existe aux dépôts et avec la conscription qui va vous arriver, ces dix bataillons vous formeront bientôt une division de 7 à 8,000 hommes.
Vous pouvez et vous devez considérablement augmenter la division Duhesme. Les 8e, 18e et 3e légers pourraient fournir chacun un petit bataillon de six compagnies, formant un effectif de 72e hommes; le 81e pourrait fournir dans la même proportion. Les dépôts du royaume de Naples qui vous fournissent deux compagnies pourraient vous en fournir quatre; ceux qui vous en fournissent quatre pourraient vous en fournir six; et par ce moyen vous pourrez augmenter cette division jusqu’à 8 ou 10,000 hommes.
Le ler léger, le 42e et le 112e formeraient le fond d’une 5e division. J’espère que, dans le courant de juin, la division Seras aura 10,000 hommes présents sous les armes; la division Broussier, 8,000 hommes, la division Clauzel, 7,000 hommes, la division Duhesme, 8 à 10,000 hommes, et la 5e division, 6,000 hommes, de manière que vous aurez 45,000 hommes d’infanterie, c’est-à-dire une armée de 50,000 hommes, infanterie, cavalerie, artillerie, présents sous les armes, et de 60,000 hommes compris l’armée du général Marmont. En cas d’évènements vous seriez renforcé par 12,000 hommes que j’ai dans le midi de la France; ce qui vous ferait une armée de 72,000 hommes, qui, au milieu de vos places fortes, serait respectable. Mais pour cela, il faut vous occuper sans relâche à former vos troupes, à faire remplacer vos officiers qui ne sont plus dans le cas de servir, renvoyer les hommes réformés et mettre enfin tout en bon état, Les 3e et 4e bataillons des sept régiments que j’ai appelés à la Grande Armée, faisant partie du corps d’observation et composant les divisions Boudet et Molitor, vous formeraient aussi sept petits bataillons qui pourraient compléter une de vos cinq divisions.
Quant à l’artillerie, vous avez envoyé seize pièces de canon; il faut sur-le-champ les remplacer à vos parcs.
Je vois par votre état de situation du ler avril que vous avez au 2e corps 600 chevaux et 700 hommes du train d’artillerie : vous avez donc là des soldats du train pour servir encore 100 chevaux; que vous avez enfin au 4e bataillon principal du train, au 4e bataillon bis, au 7e principal, près de 1,500 hommes et près de 2,000 chevaux : vous avez donc près de 3,000 chevaux français du train. C’est beaucoup plus qu’il n’y en a jamais eu en Italie, et tout autant que cela vous est nécessaire.
Je n’ai pas pu bien voir sur votre état de situation à quoi se monte le train d’artillerie italien, en hommes et en chevaux.
Finkenstein , 6 mai 1807
Au roi de Naples
Mon Frère, si vous faites frapper de la monnaie, je désire que vous adoptiez les mêmes divisions de valeur que dans les monnaies de France, et que vos pièces portent d’un côté votre effigie et de l’autre les armes de votre royaume. J’ai déjà fait la même chose pour mon royaume d’Italie. Les princes confédérés font la même chose. De cette manière il y aura dans toute l’Europe uniformité de monnaie, ce qui sera d’un grand avantage pour le commerce. Il n’y aurait pas d’inconvénient à faire mettre en légende la valeur de la monnaie, comme, par exemple, NAPOLÉON DE 20 FRANCS etc. (la même lettre fut écrite au roi de Hollande)
Finkenstein, 6 mai 1807
Au roi de Hollande
Je reçois voire lettre du 26 avril avec les journaux qui y étaient joints. Je suppose que cette expédition sortie d’Angleterre n’était qu’un convoi marchand ou bien quelque expédition pour les Indes.
Le major général vous aura fait connaître que j’ai réuni vos troupes hollandaises, qui se montent à 14,000 hommes, sous les ordres du maréchal Brune, qui commande un corps d’observation sous le titre de Corps d’observation de la Grande Armée. Vos troupes hollandaises se trouvent partagées en trois divisions, une sur Hambourg, une sur Schwerin et la troisième sur Anklam. J’ai deux divisions françaises, formant 15,000 hommes, réunies à Magdeburg et destinées à appuyer le corps d’observation. l’attends deux divisions espagnoles. Cette armée d’observation devra être encore renforcée de 20,000 hommes de la Confédération du Rhin. Ce qui fera que le corps d’observation sur l’Elbe sera de plus de 70,000 hommes.
Le quartier général du maréchal Brune sera à Schwerin. Il est convenable que vous rinstruisiez de tout ce qu’il y aura de nouveau. Dès que la garnison de Hameln, que j’ai formée d’un bataillon provisoire, sera arrivée, j’en retirerai vos troupes, que j’enverrai au maréchal Brune.
Finkenstein, 7 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 27 avril. Je n’approuve pas la résolution que vous avez prise relativement aux affaires de l’Opéra, parce que, dans l’ordre général de service que j’ai arrêté pendant mon absence, je ne vous ai point donné le droit de prendre des résolutions. Mon intention est donc qu’aucune résolution ne soit prise qu’en vertu d’un décret spécial ou d’une autorisation spéciale. Vous avez le droit de prendre -des résolutions sur un mouvement de guerre, après avoir pris l’avis du conseil militaire. Vous avez le droit de prendre des résolutions sur les affaires de l’Opéra actuellement que vous avez reçu l’autorisation spéciale que je vous ai donnée, mais vous ne l’aviez pas reçue alors. Ainsi donc vous ne pouvez prendre aucune résolution pour lés finances, pour faire arrêter un citoyen, etc. Le ministre doit me faire son rapport, comme si j’étais à Paris, et, s’il y a urgence des circonstances, prendre sur lui. Vous pouvez même l’y inviter dans un conseil des ministres, mais non mettre à couvert sa responsabilité par une résolution à laquelle il ne peut obtempérer.
Tout cela est pour la forme, qui seule m’importe car, pour le fond, vous avez été depuis investi de toute l’autorité nécessaire, et je ne veux pas entendre parler de l’Opéra. Faites les résolutions que vous jugerez nécessaires pour cet objet. Je suis bien aise d’avoir eu lieu de faire cette explication sur un sujet aussi peu considérable que les affaires de l’Opéra.
Finkenstein, 7 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 28 avril. M. Lacuée a reçu ma lettre du 15 avril, dans laquelle je lui ai fait connaître que le conscrits doivent partir le 15 mai. Je lui ai répété la même elles dans ma lettre du 18.
Jugez de ma surprise en lisant votre lettre du 28 avril. Vous dite que j’ai signé le décret, tel qu’il a passé au Conseil d’État cela me confond; c’est une erreur d’expédition. J’ai fait les changements de ma propre main.
Il est ridicule que, lorsque j’ai besoin de la conscription, M. Lacuée ne veuille l’appeler que le 5 juillet. D’ailleurs, tous ces calculs de bureau sont faux. Le 5 juillet sera justement le moment de la récolte qui est une espèce de fête champêtre où les jeunes gens aiment être chez eux. Cette idée d’opérer simultanément dans toute la France est mauvaise. Il faut que chaque préfet, à mesure qu’il reçoit le décret, fasse son travail et effectue les départs. Pourquoi mettre toute la France en crise à la fois, et rester tout le mois de mai et de juin la bouche béante dans de vaines formalités, et ouvrir le champ aux intrigues de la malveillance ? Je suis fâché que dans le Conseil d’État aucun homme n’ait fait sentir cela. Prenez donc, je vous prie, une résolution, pour que la conscription arrive le plus tôt possible. Il faut que chaque préfet, dès qu’il reçoit le décret, selon qu’il lui parvient plus tôt ou qu’il a plus de facilités, fasse partir ses conscrits. Tenez la main à cela.
Mes légions doivent être formées au mois de juin, pour me servir en juillet et août. Ainsi j’espère que les départs s’effectueront au
Ier juin, au moins pour tout le centre de la France. Y-a-t-il de l’avantage on de l’inconvénient à ce que les conscrits de Gènes ou des Pyrénées partent le même jour que ceux de Paris ? Cette rage de régulariser perd tout. Il vaut mieux suivre la nature des choses, surtout dans un aussi vaste empire. Cette affaire a été bien mal menée. Le Sénat a adopté le sénatus-consulte le 6 avril. Il était naturel que sur-le-champ le ministre de la guerre ou le directeur de la conscription fit former les listes; elles pouvaient donc l’être le 17 avril, le 5 mai les conseils de recrutement être tenus, et le 10 toute la conscription partir. Tout cela, ce sont de mauvaises plaisanteries. Y-avait-il besoin d’attendre que je fisse promulguer le sénatus-consulte pour écrire confidentiellement aux préfets de former les listes ? La véritable opération est celle du conseil de recrutement. Cette opération pouvait être faite à l’arrivée du décret. Enfin on a voulu perdre trois mois; c’est bien mal connaître le prix du temps. Quel avantage pour la France d’avoir sa conscription finie dans le mois de juin, au lieu de la faire pendant la récolte ! Faites-moi connaître ce que vous avez fait là-dessus.
La raison que donne M. Dejean pour ne pas envoyer les selles par les caissons de Sampigny n’est pas bonne; c’est, au contraire, faire d’une pierre deux coups, car j’ai besoin de caissons.
Finkenstein, 7 mai 1807
A M. de Champagny
Monsieur Champagny, j’ai reçu votre lettre du 26 avril. Faites payer le prix que j’ai institué à l’Institut pour l’encouragement de la science galvanique; nous régulariserons cela après.
Je vois avec plaisir ce que vous avez fait pour les draps appelés Châlons. Toutes les correspondances de Constantinople demandent que les Français envoient de ces draps par courriers.
Finkenstein, 7 mai 1807
A M. de Champagny
Monsieur Champagny, je reçois votre lettre du 27 avril. Le commissaire général de l’île d’Elbe a mal fait. Vous lui donnerez l’ordre
sur-le-champ de contremander l’envoi qu’il avait fait aux forges de Piombino . Mes décisions doivent parvenir par le canal des ministres et non par le prince de Piombino. Vous lui ferez rembourser la valeur de ce minerai pour l’avoir donné irrégulièrement.
Finkenstein, 7 mai 1807
A M. Fouché
Je vois, dans votre bulletin du 27 avril, que Mme de Staël était partie le 21 pour Genève. Je suis fâché que vous soyez si mal informé. Mme de Staël était, les 24, 25, 26, 27, 28, et probablement est encore, à Paris. Elle a fait beaucoup de dîners avec des gens de lettres. Je ne crois pas qu’elle soit à Paris sans votre permission; toutefois, il ne faudrait pas me dire qu’elle est partie pour Genève. Il est bien ridicule qu’on me fasse renouveler tous les jours un acte aussi simple. Si l’on n’avait pas rempli d’illusions la tête de Mme de Staël, tout ce tripotage n’aurait pas lieu, et elle se serait tranquillisée. En ne lui ôtant pas l’espoir de revenir jamais à Paris et recommencer son clabaudage c’est accroître les malheurs de cette femme et l’exposer à des scènes désagréables; car je la ferai mettre à l’ordre de la gendarmerie, et alors je serai sûr qu’elle ne reviendra pas impunément à Paris.
Finkenstein, 7 mai 1807
A M. Fouché
Je reçois votre lettre du 28 avril. Je comprends facilement la peine que vous avez avec ces faiseurs de journaux, avides d’argent, qui ne veulent point mériter par un travail proportionné.
Finkenstein, 7 mai 1807
Au général Dejean
Monsieur Dejean, vous trouverez ci-joint un rapport que je reçois sur Cassel. Quand j’ai visité cette place, je l’ai trouvée extrêmement faible. Il me parait de la plus grande importance de faire établir une bonne contrescarpe avec chemin couvert tout au pourtour de la place. Cette contrescarpe et ce chemin couvert doivent être l’ouvrage de plusieurs années – Si, dans cette campagne, on pouvait faire les escarpes et contrescarpes des quatre demi-lunes, ce serait déjà une bonne et belle amélioration.
Je persiste toujours dans mon intention de faire de Mayence une très-forte place; j’ai demandé des projets que je pense que le génie fait rédiger, pour savoir le rôle que peut jouer le Mein pour la défense de la place.
Finkenstein, 7 mai 1807
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, je reçois votre lettre du 4 mai. J’ai vu avec plaisir que toutes vos pièces de Praga sont bien approvisionnées actuellement. On m’avait promis qu’au 1er mai la contrescarpe de Praga serait terminée; l’est-elle ? J’attache plus d’importance à la contrescarpe de Praga qu’au pont de pilotis.
Dans la situation des magasins, j’ai vu avec peine qu’il y avait à Varsovie moins de 2,000 quintaux de froment, seigle, grain ou farine, tandis qu’il y en a 8,000 à Klodawa, 9,000 à Lowicz, 10 à 12,000 à Lenczyca. Il est urgent que l’on fasse venir à Varsovie 5 à 6, 000 quintaux de ces différents magasins.
Finkenstein, 7 mai 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois votre lettre du 24 avril. Le général Poitevin demande 4,300,000 francs; cela est tout simple; il ne voit que la Dalmatie. Mon intention est de ne rien dépenser à Sebenico, Spalatro, Trau, Lesina, et je ne veux dépenser quelque chose qu’à Zara. C’est dans ce sens que vous devez écrire au général Poitevin, et vous devez diriger vos dépenses de manière à ne point excéder à Zara ce que j’ai prescrit pour l’année. Si l’on voulait écouter le génie, dix millions ne suffiraient pas; mais qu’ai-je besoin de faire travailler à des places sur la frontière de la Turquie, lorsque je suis bien avec les Turcs ? Qu’ai-je besoin d’en avoir tant sur le littoral, tandis que je n’en veux conserver qu’une, qui est Zara ?
Finkenstein, 7 mai 1807
Au prince Eugène
Mon fils, je vois par votre état de situation du 15 avril que vous avez, dans les dépôts des cinq régiments de chasseurs et des quatre régiments de cuirassiers qui sont à la grande armée, un bon nombre d’hommes et de chevaux disponibles. Vous verrez, par l’ordre dont copie est ci-jointe, que j’en ai formé un régiment provisoire; écrivez au général Pérignon pour le 6e de cuirassiers qui est à Parme, et mettez la plus grande activité dans la formation de ce régiment provisoire. Levez de votre propre autorité tous les petits obstacles, pour qu’il puisse partir sans délai.
Finkenstein, 7 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 29. Je vois avec plaisir que le 5 juin partiront les premières levées de la conscription. Par ce moyen, tout se trouve arrangé.
Vous recevrez demain la suite du journal du siège de Danzig.
Le général Drouet a fait une expédition sur une île qui forme un canal sur la rive droite de la Vistule, sous Danzig. Cette île était confiée à la garde de 1,000 Russes, dont 400 ont été tués et 600 pris. Nous avons pris toutes les redoutes qui la défendaient et dix-sept pièces de canon. Notre tranchée était, le 7, à six toises de la place; on couronnait le chemin couvert. Tout porte à penser que cette place ne tardera pas à se rendre.
Je suis à Elbing, où je viens passer la revue de 18,000 hommes de cavalerie en très-bon état et parfaitement disposés. C’est un des plus beaux coups d’œil qu’on puisse voir.
Elbing, 8 mai 1807
A M. Fouché
Je reçois votre lettre du 29. Il n’y a ici rien de nouveau, sinon que le siège de Danzig avance, que 600 Russes de garnison de cette ville ont été faits prisonniers et 400 ont été égorgés, comme vous le verrez dans le journal du siége. Je viens de passer la revue de la plus grand partie de ma cavalerie, de 18,000 hommes. Je n’ai jamais vu une cavalerie en si bon état et mes régiments si nombreux.
Je ne vois pas pourquoi on ne traduit pas Penon Lebry, Steff, Tournier et Malbert, devant les tribunaux. Y a-t-il plus grand crime que d’exciter à la rébellion ? Si cela est du ressort d’une commission militaire, faites-le-moi connaître, sans cela, les traduire au tribunal de la Seine.
Elbing 8 mai 1807
Au général Clarke
Le 1er bataillon de Magdeburg arrive le 13 mai, Il est fort de 400 hommes. Le 15 mai, arrivera le 2e bataillon de même force; ainsi voilà Magdeburg en sûreté. Votre affaire est actuellement de veiller à ce qu’on les habille promptement. J’ai nommé le général
Levasseur, qui a été blessé, pour commander ce régiment, l’inspecter et veiller à son instruction. Je ne saurais trop vous recommander de ne rien laisser à Magdeburg et de tout faire filer.
J’espère que Danzig sera pris avant le 20. L’herbe commence à pousser. Il n’est pas impossible dans la première quinzaine de juin de frapper de grands coups. Vous sentez l’importance que je sois le plus fort possible.
Je viens de passer la revue de 18,000 hommes de cavalerie dans les pleines d’Elbing. J’en ai été très-satisfait. Jamais je n’ai vu la cavalerie en si bon état.
Je vous réitère de ne rien retenir, de tout faire partir. Vous n’avez plus rien à craindre des partisans, tous mes derrières sont systématisés et régularisés. Étudiez où vous avez envoyé les différents détachements de cavalerie, où il y en a, et prenez toutes les mesures pour les faire revenir. Avec les divisions Boudet et Molitor, arrive un millier d’hommes de cavalerie, des régiments qui ont leurs dépôts en Italie. Ordonnez qu’ils se dirigent sur-le-champ sur Potsdam
Écrivez à l’intendant et au gouverneur de Mecklenburg, afin d’activer la levée des chevaux, et qu’il y ait le moins de monde aux dépôts; et que, dans les détachements qui arrivent de France, on puisse changer les chevaux fatigués et leur en donner de meilleurs.
Sur la rive droite, il y a un canal qui revient et qui forme une île sous Danzig. L’ennemi avait conservé cette île, qui était gardée par 1,000 Russes, dont 400 ont été tués et 600 faits prisonniers, parmi lesquels un grand nombre d’officiers. A cette occasion on a pris dix-sept pièces de canon et de toutes les redoutes. Nous nous sommes logés dans-le chemin couvert. Le siège avance et va aussi bien que possible.
Je reçois votre lettre du 4 à minuit; je ne conçois rien à tous ces retardements sur la gravure des planches d’Eylau. Prenez toutes les mesures pour les faire paraître le plus tôt possible. C’est un ouvrage de circonstance qu’il est très-bon de faire paraître sans délai.
Vous me dites bien que le ler régiment provisoire de cavalerie est parti le 5, mais vous ne me dites pas si le 2e est parti. Il ne doit plus y avoir aucun retard, surtout pour la cavalerie.
Je vois que le 19e provisoire était encore à Berlin le 4. Pourquoi ? J’espère qu’il sera parti avant la réception de cette lettre. Écrivez au gouverneur de Hameln pour qu’il prépare ses moyens d’habillement.
Trois compagnies de son bataillon provisoire de garnison doivent déjà lui être arrivées.
Elbing, 8 mai 1807
Au maréchal Kellermann
Mon Cousin, je reçois vos quatre lettres du 30 avril. Je vois avec plaisir que les 17e et 18e régiments provisoires sont déjà formés,
faites-les partir sans délai pour Magdeburg. Vous n’avez rien à craindre de la Hesse d’abord, parce que vous aurez toujours assez de conscrits pour pouvoir y envoyer du monde si cela était nécessaire; ensuite, parce que le 5e, fort de 2,000 hommes, va arriver à Mayence; que 14,000 Espagnols y seront bientôt; que 20,000 hommes, venant d’Italie, arrivent dans cinq jours à Magdeburg. Je ne les fais pas venir à l’armée, parce que ce sont des régiments frais, que je garde en réserve.
Si la Hesse levait le nez, et que vos moyens ne fussent pas suffisants, rien que de savoir cette force-là, la contiendrait.
Mon armée est superbe. Je viens de passer la revue de 8,000 homme de cavalerie dans les plaines d’Elbing Je n’ai jamais vu la cavalerie plus belle. J’attends que la saison devienne meilleure, que Danzig soit pris, et que tous mes régiments provisoires, pour
frapper un vigoureux coup de massue.
Nous nous logeons cette nuit dans le chemin couvert de Danzig. Nous venons de prendre une île qui était défendue par 1,000 Russes, cinq redoutes et dix-sept pièces de canon. 400 Russes ont été tué, 600 ont été faits prisonniers; les redoutes et les dix-sept pièces de canon ont été prises.
Dès le 5 juin, une bonne partie de la conscription va se mettre en marche pour renforcer tous vos cadres. J’apprends avec plaisir que le 1er bataillon de garnison de Magdeburg est parti et arrivera le 13 mai, et que le 2e bataillon partira sous peu de jours. Voilà une belle et bonne besogne.
Elbing, 8 mai 1807
73e BULLETIN DE LA GRANDE ARMEE
L’ambassadeur persan a reçu son audience de congé, Il a apporté de beaux présents à l’Empereur de la part de son maître, et a reçu en échange le portrait de l’Empereur enrichi de très-belles pierreries. Il retourne en Perse directement. C’est un personnage très-considérable dans son pays, et un homme d’esprit et de beaucoup de sagacité. Son retour dans sa patrie était nécessaire. Il a été réglé qu’il y aurait désormais une légation nombreuse de Persans à Paris, et de Français à Téhéran.
L’Empereur s’est rendu à Elbing et a passé la revue de 18 à 20,000 hommes de cavalerie, cantonnés dans les environs de cette ville et dans l’île de Nogat, pays qui ressemble beaucoup à la Hollande. Le grand-duc de Berg a commandé la manœuvre, A aucune époque l’Empereur n’avait vu sa cavalerie en meilleur état et mieux disposée.
Le journal du Siége de Danzig fera connaître qu’on s’est logé dans le chemin couvert, que les feux de la place sont éteints, et donnera les détails de la belle opération qu’a dirigée le général Drouet, et qui a été exécutée par le colonel Aymé, le chef de bataillon Armand du 2e léger, et le capitaine Avy. Cette opération a mis en notre pouvoir une île que défendaient 1,000 Russes et cinq redoutes garnies d’artillerie, et qui est très-importante pour le siége, puisqu’elle prend de revers la position que l’on attaque. Les Russes ont été surpris à la baïonnette sans avoir eu le temps de se défendre, et 600 ont été faits prisonniers. Cette expédition, qui a eu lieu dans la nuit du 6 au 7, a été faite en grande partie par les troupes de Paris, qui se sont couvertes de gloire.
Le temps devient plus doux, les chemins sont excellents, les bourgeons paraissent sur les arbres, l’herbe commence à couvrir les campagnes; mais il faut encore un mois pour que la cavalerie puisse trouver à vivre.
L’Empereur a établi à Magdeburg, sous les ordres du maréchal Brune, un corps d’observation qui sera composé de près de 80,000 hommes, moitié Français, et l’autre moitié Hollandais et confédérés du Rhin; les troupes hollandaises sont au nombre de 20,000 hommes.
Les divisions françaises Molitor et Boudet, qui font aussi partie de ce corps d’observation, arrivent le 15 mai à Magdeburg. Ainsi on est en mesure de recevoir l’expédition anglaise sur quelque point qu’elle se présente. Il est certain qu’elle débarquera; il ne l’est pas qu’elle puisse se rembarquer.
Elbing 9 mai 1807
Au maréchal Lefebvre
Le général Bertrand ma apporté votre lettre. L’aide de camp du général Drouet m’avait apporté celle où vous me rendez compte de la prise de l’île. Vous ne devez pas songer à la division Oudinot, qui est nécessaire à d’autres opérations. Le 72e arrive, le 12, devant Danzig; je le laisserai au siége.
Témoignez ma satisfaction au général Drouet, au colonel Aymé, au chef de bataillon Armand, ainsi qu’au détachement badois qui était à la prise de l’île.
Elbing, 9 mai 1807
Au prince Jérôme
Mon Frère, je reçois votre dernière lettre que vous avez oublié de dater. Je vois avec plaisir que les cuirassiers, la cavalerie légère et les dragons seront tous partis au 20 mai, et seront rendus sur la Vistule au ler juin. Cela est bien nécessaire, car les opérations vont commencer dans quelques jours. L’ennemi ayant beaucoup de cavalerie, j’ai besoin de renforcer tous mes cadres.
Par la distribution de vos forces, je vois que vous n’avez pas besoin de garder les 1,000 hommes d’infanterie française que vous avez, et qui sont très-nécessaires à l’armée. J’en attends le détail par corps.
Finkenstein, 10 mai 1801
A l’Impératrice, à Paris
Je reçois ta lettre. Je ne sais ce que tu me dis des dames en correspondance avec moi. Je n’aime que ma petite Joséphine, bonne, boudeuse et capricieuse, qui sait faire une querelle avec grâce comme tout ce qu’elle fait , car elle est toujours aimable , hors cependant quand elle est jalouse : alors elle devient toute diablesse. Mais revenons à ces dames. Si je devais m’occuper de quelqu’une d’entre elles, je t’ assure que je voudrais qu’elles fussent de jolis boutons de rose. Celles dont tu me parles sont-elles dans ce cas ?
Je désire que tu ne dînes jamais qu’avec des personnes qui ont dîné avec moi ; que ta liste soit la même pour tes cercles; que tu n’admettes jamais à la Malmaison, dans ton intimité, des ambassadeurs et des étrangers. Si tu faisais différemment, tu me déplairais; enfin, ne te laisse pas trop circonvenir par des personnes que je ne connais pas, et qui ne viendraient pas chez toi si j’y étais.
Adieu, mon amie; tout à toi.
Camp impérial de Finkenstein, 10 mai 1807
INSTRUCTIONS POUR LE GÉNÉRAL GARDANE.
- le général Gardane arrivera le plus promptement possible en Perse. Quinze jours après son arrivée il expédiera un courrier, et un mois après il fera partir un des officiers qui l’accompagnent..
A son passage à Constantinople, il prendra toutes les mesures pour que sa correspondance avec le ministre des relations extérieures et celle du ministre avec lui se fassent rapidement. S’il était possible de faire faire ce service par les agents mêmes de la Porte, il serait dans le cas d’écrire tous les huit jours. Toutes ses dépêches de quelque importance, tant pour le ministre des relations extérieures que pour le général Sebastiani, seront écrites en chiffres.
Ses premières dépêches surtout doivent être telles qu’il convient lorsqu’on a à faire connaître un pays sur lequel il n’existe aucun renseignement positif. La géographie et la topographie du pays, les côtes, la population, les finances, l’état militaire dans ses divers détails, tels doivent être les premiers objets des recherches du général Gardane. Ils doivent remplir ses dépêches et lui fournir des volumes.
La Perse doit regarder les Russes comme ses ennemis naturels : ils lui ont enlevé la Géorgie; ils menacent ses plus belles provinces; ils n’ont pas encore reconnu la dynastie actuelle, et depuis son avènement ils ont toujours été en guerre avec elle. M. le général Gardane rappellera tous ces griefs; il entretiendra l’inimitié des Persans contre la Russie; il les excitera à de nouveaux efforts, à des levées plus nombreuses. Il leur donnera, pour la suite de leurs opérations militaires, tous les conseils que lui suggérera son expérience, et il cherchera, dans cette vue, à se lier avec le prince Abbas-Mirzà, qui commande l’armée et qui paraît en avoir toute la confiance. Il faut que la Perse opère sur les frontières de la Russie une puissante diversion et qu’elle profite du moment où les Russes ont affaibli leur armée du Caucase et en ont envoyé en Europe une partie, pour rentrer dans les provinces qu’ils lui ont enlevées par leurs armes par leurs intrigues. La Géorgie, qu’ils se sont fait céder par le dernier prince de ce pays, leur est mal assurée; les habitants paraissent regretter encore leurs anciens maîtres. La chaîne des montagnes qui couvre l’entrée de la Perse et des provinces ottomanes est d’ailleurs située au nord de la Géorgie. Il est important que la Russie demeure pas maîtresse de tous les passages.
- le général Gardane emploiera tous ses soins pour que la Perse et la Porte ottomane se concertent, autant qu’il sera possible, dans leurs opérations entre la mer Noire et la mer Caspienne. L’intérêt des deux empires est le même : tous les pays, au midi de la Russie, sont également menacés, parce qu’elle préfère à ses déserts et à ses glaces une terre plus fertile et un ciel plus doux. Mais la Perse a encore un autre intérêt qui lui est propre : c’est d’arrêter dans l’Inde les progrès de l’Angleterre.
La Perse est aujourd’hui pressée entre la Russie et les possessions anglaises. Plus ces possessions s’étendent vers les frontières de la Perse plus elle doit en craindre l’agrandissement ultérieur. Elle est exposée à devenir un jour, comme le nord de l’Inde, une province anglaise, si, dès aujourd’hui, elle ne cherchait pas à prévenir le danger, à nuire à l’Angleterre, à favoriser contre elle toutes les opérations de la France.
La Perse est considérée par la France sous deux points de vue : comme ennemie naturelle de la Russie, et comme moyen de passage pour une expédition aux Indes.
C’est à raison de ce double objet que de nombreux officier du génie et d’artillerie ont été attachés à la légation du général Gardanne. Ils doivent être employés à rendre plus redoutables à la Russie les forces militaires de la Perse, et à faire des recherches, des reconnaissances et des mémoires qui puissent conduire à connaître où seraient les obstacles que trouverait une expédition dans son passage, quelle route elle devrait suivre pour se rendre dans l’Inde, soi en partant d’Alep, soit en partant d’un des ports du golfe Persique. On suppose que, dans le premier cas, l’expédition française, du consentement comportement de la Porte, débarquerait à Alexandrette; que, dans le second, elle doublerait le cap de Bonne-Espérance et irait débarquer à l’entrée du golfe Persique. Il faut faire connaître, dans le premier et dans le second cas, quelle serait la route depuis le point de débarquement jusque dans l’Inde; quelles en seraient les difficultés; si l’expédition trouverait des moyens de transport suffisants, et de quelle nature; si les chemins lui permettraient de traîner son artillerie; et, dans le cas d’obstacles, quels moyens elle aurait de les éviter ou de les surmonter ; si elle trouverait abondamment des vivres et surtout de l’eau; dans le second cas, quels seraient les ports propres au débarquement; quels seraient ceux où pourraient entrer des vaisseaux à trois ponts, des vaisseaux de 80 canons, des vaisseaux de 74; quels seraient ceux où l’on pourrait établir des batteries afin de mettre les vaisseaux à l’abri des attaques d’une escadre ennemie; quels seraient enfin ceux où l’escadre trouverait de l’eau et des vivres à prix d’argent.
Enfin , il serait également nécessaire de faire connaître si l’on trouverait une assez grande quantité de chevaux pour remonter la cavalerie et l’artillerie.
Si le général Gardane était seul, il ne pourrait répondre à aucune de ces questions, puisque nous voyons dans notre Europe, au sein même de l’Allemagne, que les renseignements donnés par les propres habitants du pays sont toujours inexacts et incompréhensibles. Mais le général Gardane aura à ses ordres des ingénieurs de la guerre et de la marine et des officiers d’artillerie, qui parcourront les routes, examineront les places, visiteront les ports de l’empire de Perse, non-seulement sur le golfe Persique, mais aussi sur la mer Caspienne, dresseront des cartes et lui fourniront le moyen d’envoyer, après quatre mois de séjour, des mémoires détaillés et dignes de confiance sur les divers objets de ces reconnaissances.
Il aura constamment soin de faire ses envois par duplicata, afin que des renseignements aussi précieux ne soient pas perdus, s’il arrivait quelque accident à un courrier.
Ces officiers se rendront également utiles en communiquant aux Persans les connaissances de l’art militaire d’Europe, et en les aidant à construire de, nouveaux ouvrages pour la défense de leurs places.
Les deux principaux objets qu’on se propose seront ainsi remplis, puisque la Perse deviendra plus redoutable aux Russes, et que les moyens de passage, ainsi que tout ce qui regarde le pays, nous seront parfaitement connus. Voilà pour la partie militaire.
Quant à la partie diplomatique, le général Gardane est autorisé à conclure des conventions pour l’envoi à faire, par la France, de fusils avec baïonnettes, de canons et d’un nombre d’officiers et de sous-officiers suffisant pour former le cadre d’un corps de 12,000 hommes, qui serait levé par la Perse. Le prix des armes sera fixé par les officiers d’artillerie selon leur valeur en Europe. Le payement en sera stipulé. L’intention de Sa Majesté, en faisant payer ces armes, n’est pas d’éviter une dépense de 5 à 600,000 francs, mais de s’assurer que le gouvernement persan en fera plus de cas lorsqu’il les a payées que si elles lui avaient été données. On sera certain, d’ailleurs, que, puisqu’il les achète, c’est qu’il a en effet la volonté de s’en servir. Ces armes et les officiers et sous-officiers seront transportés par une escadre de Sa Majesté.
On stipulera dans la convention le lieu du débarquement et le mode de payement des armes, qui pourra être fait, pour la plus grande partie, en vivres, tels que biscuit, riz, bœufs, etc., pour les escadres qui, après avoir débarqué ce qu’elles auront apporté, croiseront dans ces mers. La quantité d’armes qu’on prendra l’engagement de fournir peut s’élever à 10,000 fusils et une trentaine de pièces de canons de campagne. Le sort des officiers et sous-officiers, tant de ceux qui accompagnent le général Gardane que de ceux seront envoyés, doit être également fixé par ces conventions, Sa Majesté leur laissera le traitement dont ils jouissent en France; mais il convient qu’ils reçoivent en Perse un traitement extraordinaire, qui est toujours nécessaire à des Européens qui s’expatrient.
Si la guerre avec la Russie continue, que la Perse désire et que le général Gardane croie utile, lorsqu’il connaîtra bien le pays, l’envoi de quatre ou cinq bataillons et de deux ou trois compagnies d’artillerie pour former une réserve à l’armée persane, cet envoi pourra être convenu par le général Gardane, et l’Empereur y donnerait son approbation.
Ce ministre connaît assez bien la situation des affaires pour savoir que ce n’est qu’au moyen d’un grand secret et de notions exacte sur les lieux de débarquement, qu’on peut envoyer une escadre pour porter des secours en Perse.
Dans le cas d’une expédition de 20,000 Français aux Indes, il conviendrait de savoir quel nombre d’auxiliaires la Perse joindra à cette armée, et surtout, tout ce qui concerne, comme il a été dit plus haut, les lieux de débarquement, les routes à tenir, les vivres et l’eau nécessaires à l’expédition. Il faut connaître aussi quelle serait la saison favorable pour le passage par terre.
Là ne se borne pas la mission du général Gardane; il doit communiquer avec les Mahrattes et s’instruire, le plus positivement possible de l’appui que l’expédition pourrait trouver dans l’Inde. Cette presqu’île est tellement changée depuis dix ans que ce qui la concerne est à peine connu de l’Europe. Rien ne serait plus utile que tous les renseignements qu’il pourrait recueillir, toutes les liaisons qu’il pourrait former.
Enfin, le général Gardane ne doit pas perdre de vue que notre objet important est d’établir une triple alliance entre la France, la Porte et la Perse, de nous frayer un chemin aux Indes, et de nous procurer des auxiliaires contre la Russie. Si l’exécution de cette dernière vue pouvait s’étendre du côté de la Tartarie, ce serait une chose digne d’attention; la Russie se mêlant de ce qui concerne nos frontières, nous recueillerons tôt ou tard le fruit des moyens que nous nous serons préparés pour l’inquiéter sur les siennes.
- le général Gardane examinera quelles ressources la Perse pourrait offrir à notre commerce, quels produits de nos manufactures y réussiraient, et ce que nous pourrions en retirer en échange. Il est autorisé à négocier ensuite un traité de commerce sur les bases de ceux de 1708 et 1715. Il correspondra avec l’île de France, et il s’attachera à en favoriser le commerce avec d’autant plus de soin que l’île de France doit devenir la première échelle du commerce de la métropole avec le golfe Persique.
Finkenstein, 10 mai 1807
Au général Junot
Je reçois votre lettre du 29 avril. Je ne puis qu’être mécontent de ce que vous n’obéissez pas à mes ordres. J’ai ordonné qu’il y aurait parade tous les jours sur la place Vendôme, et que le gouverneur s’y trouverait, n’y aurait-il qu’un piquet de 60 hommes. Vous deviez le faire. Je me flatte que désormais vous remplirez plus exactement mes intentions et ne regarderez pas ce que je dis comme des sornettes. La parade se défile tous les jours à Paris; il n’est pas question de faire une parade d’ostentation, mais une parade de service. Mon intention est qu’elle continue à avoir lieu dans tous les temps.
Je reçois votre lettre du 30 avril. Je ne puis qu’être, aussi, mécontent de ce que, au lieu de partir comme je vous l’avais ordonné, vous restez dix jours à Paris. Vous vous faites une étrange idée de, vos devoirs et du service. militaire. Je ne vous reconnais plus.
Finkenstein, 10 mai 1807
Au général Dejean
Monsieur Dejean, je reçois votre lettre du 30 avril. Le fait est que j’ai été trois mois sans recevoir d’états de situation de l’intérieur. Le dernier qui vient enfin de m’être remis est du 1er avril; nous sommes au 15 mai. On me remettait autrefois deux états de situation par mois. Je devrais donc avoir l’état de situation au 15 avril.
Finkenstein, 10 mai 1807
NOTE POUR LE GÉNÉRAL CHASSELOUP
L’enceinte de Marienburg est d’un mauvais tracé et sans flanc; il faut donc la renforcer. Un fossé rempli d’eau et de 10 toises de largeur est un bon obstacle. Il faut, avant tout, terminer les batardeaux, les contrescarpes et les tambours qui couvrent les portes et batardeaux. On me présentera un projet de démolition et palissadement pour fermer la place le long de la rivière.
Une lunette sur la basse Vistule est l’ouvrage le plus indispensable : 1° il protège le côté faible de la place, le point d’attaque; 2° il éloigne les batteries ennemies qui pourraient voir le pont; 3° il couvre de l’enfilade la longue courtine du front de la place.
Une lunette sur le haut de la Vistule est aussi nécessaire pour éloigner l’ennemi du pont et retarder l’attaque de ce côté de la place.
Le point le plus faible devient alors le saillant de droite, flanqué par deux crémaillères. Une lunette sur ce saillant, sous le feu de la place, ou plutôt un fort comme ceux de Mayence, serait nécessaire pour renforcer ce point.
La lunette sur le saillant de gauche, et celle sur la porte d’Elbing me paraissent bien.
A l’ouvrage coté . . . on préfère une demi-lune flanquée de la place à bonne portée, et empêchant l’approche du front de la haute Vistule.
Il faut terminer le corps de place au mois de mai et masser les trois lunettes des haute et basse Vistule et du saillant de droite; en juin on les revêtira en bois et on massera les trois autres; et on revêtira ces dernières, escarpes et contrescarpes.
On disposera un réduit dans l’intérieur.
On pourra, par la suite, occuper par trois lunettes avancées les hauteurs près du canal et le mamelon de droite.
Ne pourrait-on pas avoir deux cavaliers aux deux saillants de droite et de gauche ou dans les points correspondants de l’enceinte intérieure ?
Finkenstein, 10 mai 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois vos lettres du 29 avril; je n’approuve aucun mouvement de l’Italie sur la Dalmatie. Il faut éviter le passage des troupes sur le territoire autrichien, afin de ne donner lieu à aucune réclamation et à aucun accident.
Par le dernier état de situation que vous m’avez envoyé, j’ai vu que les dépôts de cavalerie qui sont en Italie ont beaucoup de chevaux. Je vous ai demandé d’en former un régiment provisoire. Je désire aussi que vous envoyiez de chaque régiment une centaine d’hommes à pied à Potsdam, où on les montera.
Mon système est de ne jamais changer les emplacements des dépôts; je ne changerai donc pas celui des dépôts des cinq régiments qui sont à la Grande Armée. Il faut que les hussards et chasseurs achètent des chevaux en Croatie et en Dalmatie. D’ailleurs, en m’envoyant exactement l’état de situation de l’armée, je ferai venir à Potsdam les hommes qui ne pourraient être montés, et je les monterai là. Mais veillez à ce que tous ces hommes à pied viennent avec leurs selles et leurs brides.
Finkenstein, 11 mai 1807
Au prince Eugène
Mon fils, je vois que mon armée italienne est composée, selon l’état de situation que vous m’avez remis en date du 7 avril, de cinq régiments de ligne, deux régiments d’infanterie légère, et de trois régiments de cavalerie. Les sept régiments d’infanterie devraient faire 21 bataillons présentant un effectif de 24,000 hommes, et il n’est que de 16,300 hommes.
Vos trois régiments de cavalerie devraient avoir un effectif de 5,000 hommes, et il n’est que de 1,600 hommes. Il manque donc à l’infanterie 7,700 hommes, et à la cavalerie 1,400 hommes.
Finkenstein, 11 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 2 mai. J’approuve fort que vous ayez choisi la Pentecôte pour donner une fête. Il n’y a rien ici de nouveau.
Finkenstein, 11 mai 1807
A M. Fouché
Je reçois votre lettre du 2 mai. Cette folle de Mme de Staël m’a écrit une lettre de six pages, qui est un baragouin où j’ai trouvé beaucoup de prétentions et peu de bon sens. Elle me dit qu’elle a acheté une terre dans la vallée de Montmorency. Elle part de là pour en conclure qu’elle peut demeurer à Paris. Je vous répète que c’est tourmenter injustement cette femme que de lui laisser cet espoir. Si je vous donnais le détail de tout ce qu’elle a fait à sa campagne depuis deux mois qu’elle y demeurait, vous en seriez étonné; car, quoiqu’à 500 lieues de la France, je sais mieux ce qui s’y passe que le ministre de la police.
J’avais eu vent de ces joueurs à la baisse. Le frère Talleyrand y est pour une somme très-notable. Voilà ce que c’est que de fréquenter de mauvaises sociétés. A force de lire des faits dénaturés et d’impudents mensonges, je suis quelquefois étonné de voir ma mémoire altérée sur des faits qui me sont propres.
Finkenstein, 11 mai 1807
DÉCISION
Par un rapport en date du 15 avril, le ministre de la marine avait proposé à l’Empereur les noms suivants pour trois vaisseaux en construction à Venise: le Prince Fugène, le Vénitien, le Milanais. | Ces trois vaisseaux seront nommés le Rivoli, le Castiglione, le Mont-Saint-Bernard – |
Finkenstein, 11 mai 1807
DÉCISION
Le ministre directeur de l’administration de la guerre demande à l’Empereur si les militaires de l’armée d’Italie qui ont été blessés dans la campagne de l’an XIV ont droit à la gratification de trois mois de solde accordée par le décret du 7 février 1806. | M. Dejean ne doit me proposer que des choses qui sont conforme aux lois : personne n’a le droit d’être jaloux. |
Finkenstein, 11 mai 1807
Au maréchal Lefebvre
Je reçois vos trois lettres du 10 et la dernière datée de onze heure du soir. L’ennemi vous inquiète sur Kahlberg; il a débarqué des troupes du côté de Polski, et onze bâtiments se sont laissé voir hier au soir dans le port de Danzig. Il est donc possible que l’ennemi tente à la fois de porter des secours dans Danzig par ces deux voies. J’attends le rapport des marins pour connaître ce que les onze bâtiments peuvent porter. Il ne paraît pas que l’attaque par la langue de terre puisse être sérieuse. Toutefois, j’ai ordonné qu’il fût jeté un pont à Fürstenwerder et que le général Oudinot y tiendrait un bataillon. Le pont une fois établi, la cavalerie qui est dans l’île pourra déboucher sur le flanc de l’ennemi. Si l’ennemi veut tenter quelque chose de sérieux, il est vraisemblable que ce sera par la mer. Jusqu’à cette heure, les secours que portent les onze bâtiments ne sont pas de nature à donner de grandes inquiétudes; et si l’ennemi voulait employer 7 à 8,000 hommes pour secourir Danzig, nul doute qu’il ne les envoyât par mer dans le camp retranché.
Le 72e doit vous arriver le 16; envoyez à sa rencontre; vous pouvez lui faire gagner une journée et le faire arriver le 15. Le maréchal Mortier ne doit pas tarder non plus à appuyer sa droite à deux journées de Danzig, afin de se porter à vous si l’ennemi tentait quelque chose. Vous n’avez rien à craindre des Suédois, ni des Anglais, dont l’expédition ne sera prête qu’à la fin de mai. J’ai des nouvelles d’Angleterre du 28 avril. Le général Oudinot est en mesure, à Marienburg, de se porter partout où il sera nécessaire; mais il ne faut pas que vous en disposiez, puisqu’il n’est pas sous votre commandement, et que vous êtes trop vieux soldat pour ne pas savoir qu’il faut que chacun fasse sa besogne. Jusqu’à cette heure, l’ennemi ne fait aucun mouvement sur la ligne; vous pouvez être certain que, lorsqu’il sera décidé que l’ennemi se porte par mer ou par la langue de terre sur vous, on ne vous laissera pas seul.
Faites armer les redoutes avec des pièces de campagne; faites établir le pont de radeaux dans l’île; envoyez de la cavalerie par un général de brigade pour éclairer la presqu’île, et faites-moi un rapport exact sur la situation de vos troupes; donnez-moi des renseignements sur ce qui arrive de nouveau. Ne vous alarmez pas; instruisez-moi promptement et exactement de tout. Faites avec vos forces tout ce qui est possible, et ne craignez pas qu’on vous laisse sans secours, quand il sera prouvé que l’ennemi s’affaiblit devant la Grande Armée. Mais mon intention n’est pas de déplacer les troupes, ni de disséminer une aussi bonne division que celle d’Oudinot.
Finkenstein, 11 mai 1807
Au roi de Naples
Je reçois votre lettre, dans laquelle vous m’annoncez le débarquement des Anglais à Aboukir. Il faudra voir si cette nouvelle se
confirme.
Finkenstein, 12 mai 1807
A l’Impératrice
Je reçois ta lettre du 9 mai, où je vois que tu te disposes à aller à Saint-Cloud. J’ai vu avec peine la mauvaise conduite de madame ….(le nom manque dans la lettre) Ne pourrais-tu pas lui parler de régulariser sa vie, qui pourrait lui attirer bien des désagréments de la part de son mari ?
Napoléon est guéri à ce que l’on me mande (Il s’agit du fils de Louis et d’Hortense). Je conçois toute la peine que cela a pu faire à sa mère; mais la rougeole est une maladie à laquelle tout te monde est sujet. j’espère qu’il a été vacciné, et qu’on en sera quitte au moins de la petite vérole.
Adieu, mon amie; le temps est très-chaud et la végétation commence; mais il faut encore quelques jours pour qu’il y ait de l’herbe
Finkenstein, 14 mai 1807, 2 heures du matin
Au maréchal Lefebvre
Il est deux heures du matin et je n’ai point de nouvelles de vous depuis le 12 à sept heures du soir, c’est-à-dire plus de 30 heures ! J’aurais bien désiré que vous m’eussiez écrit à six heures du matin pour me faire connaître ce qui avait paru de nouveau. Je vous recommande de m’écrire deux fois par jour et avec quelques détails.
Le maréchal Larmes a dû arriver le 13 de bonne heure. Le 72e doit pas être loin. Je sais que Mortier a passé l’Oder et est en grande marche. Écrivez-lui que le cas prévu par ses instructions a lieu, qu’il ait à diriger toutes ses forces sur Danzig. Soyez instruit de la route qu’il prendra et où il se trouve, afin que vous le puissiez prévenir de tout événement.
Finkenstein, 14 mai 1807, 2 heures du matin
Au général Clarke
Je ne reçois qu’au moment, à deux heures après minuit, deux courriers de Paris, qui m’apportent vos lettres des 10 et 11, auxquelles je répondrai demain. Le ministre de la guerre expédie des ordres au maréchal Brune de se rendre à Stettin et de réunir sur la Peene 6,000 Hollandais, et à la division du général Boudet de se porter à Stettin.
Ainsi le maréchal Brune aura deux divisions hollandaises et la division Boudet sur sa droite, la division Molitor, une division espagnole et la division hollandaise de Hambourg sur sa gauche. J’ai reçu des nouvelles que les troupes espagnoles sont arrivées sur les Pyrénées. Elles seront sur le Rhin dans les premiers jours de juin.
Un convoi de soixante voiles a paru devant Danzig et a commencé à débarquer, sous la protection du petit fort de Weichselmünde, les troupes qu’il a à bord. Je m’attendais à cette expédition et j’y ai envoyé la division Oudinot.
Vous aurez vu dans le journal du siége que nous avions couronné le chemin couvert et que nous nous préparions à passer le fossé.
Je ne pense pas que l’armée russe bouge, et l’herbe n’est pas assez avancée pour qu’on puisse rien entreprendre : chevaux de cavalerie, d’artillerie et de charrois mourraient de faim. Il faut encore huit à dix jours pour que l’herbe soit assez haute pour qu’on puisse fourrager.
Je crois que le ministre vous adresse les trois ordres qu’il expédie; faites partir celui pour le maréchal Mortier en toute hâte. Je suppose qu’il sera sous Kolberg.
Finkenstein, 14 mai 1807
A l’Impératrice, à Saint-Cloud
Je conçois tout le chagrin que doit te causer la mort de ce pauvre Napoléon ; tu peux comprendre la peine que j’éprouve. Je voudrais être près de toi , pour que tu fusses modérée et sage dans ta douleur. Tu as eu le bonheur de ne jamais perdre d’enfant; mais c’est une des conditions et des peines attachées à notre misère humaine. Que j’apprenne que tu as été raisonnable et que tu te portes bien ! Voudrais-tu accroître ma peine ? (Charles-Napoléon, fils de Louis et de Hortense, né en 1802, vient de mourir le 5 août).
Adieu, mon amie.
Finkenstein, 14 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois vos lettres des 4 et 5 mai. Ce que vous dites relativement au Corps législatif me parait sensé. Il me semble que, de ma propre autorité, je ne puis nommer M. Fontanes, et qu’il faut que des candidats me soient présentés. Faites-moi connaître si, dans le cas où il le serait, je pourrais le nommer.
Finkenstein, 14 mai 1807
A M. Mollien
Monsieur Mollien, je reçois votre rapport du 3 mai. Je désire bien savoir si vous aviez des piastres à Montevideo et si le trésor est dans le cas de perdre quelque chose à cette conquête des Anglais.
Finkenstein, 14 mai 1807
Au maréchal Lannes, à Pietzkendorf
Mon Cousin , le 3e de ligne va arriver à Marienburg et le 72e va arriver devant Danzig; ainsi ‘demain ou après, votre seconde division sera formée et sera forte de près de 5,000 hommes. Profitez de l’occasion de l’officier que le maréchal Lefebvre expédie, pour avoir des nouvelles des douze pièces d’artillerie qui étaient attachées à la division italienne qui est devant Kolberg, et qui doivent faire partie de votre seconde division,
Mon intention est que vous placiez votre corps de manière à tenir en échec la division ennemie qui a débarqué, mais que vous ne fatiguiez point vos hommes dans des travaux de tranchée, et que vous ne les exposiez pas ainsi à des pertes journalières pour lesquelles je n’ai point destiné ce corps. Dans la journée du 18 au 19 , le maréchal Mortier va arriver devant Danzig avec 9,000 hommes; et alors, si aucune circonstance extraordinaire ne survient au siège, je vous enverrai l’ordre de reprendre votre position à Marienburg. Le bataillon qui était resté à Fürstenwerder doit être rentré; je l’ai remplacé par la 4e brigade du général Oudinot.
Faites la reconnaissance du camp retranché, et faites-moi connaître ce que vous pensez de la force et de la nature des troupes que l’ennemi a débarquées, ainsi que ce qu’il paraît devoir faire.
Vous sentez bien que vos deux divisions, toutes composées de corps qui n’ont pas donné dans la campagne, et vos vingt-sept pièces d’artillerie, me sont nécessaires en bataille rangée. Ainsi, je vous le répète, n’employez vos troupes que contre le corps qui a débarqué, à moins de circonstances extraordinaires et inattendues. J’ai envoyé ce matin le général Beaumont, aide de camp du grand-duc de Berg, à Fürstenwerder, pour passer demain, avec un millier de dragons et la brigade de général Albert, et culbuter tout ce que l’ennemi aurait dans la presqu’île.
Comme les détails du siège ne vous occupent pas, vous êtes à même de bien observer ce que peut faire l’ennemi dans la rade, et je désire que vous m’écriviez deux fois par jour. Envoyez vos lettres à Dirschau, où j’ai fait établir une ligne de poste jusqu’ici.
Je n’entends pas parler du général Verdier, qui doit commander votre seconde division.
Finkenstein, 14 mai 1807, 2 heures après midi
Au maréchal Lefebvre, à Pietzkendorf
Je reçois, à deux heures après midi, votre lettre du 13 à huit heures du soir.
Je viens d’ordonner au général Beaumont, aide de camp du grand-duc de Berg, de se rendre à Fürstenwerder, de prendre une brigade de dragons, de se faire soutenir par les Polonais et toutes les troupes que vous avez envoyées, et par les troupes de la 4e brigade d’Oudinot, et de balayer la presqu’île en envoyant les patrouilles jusqu’à Pilau. J’espère que cette opération sera bien faite demain matin. Comme vous êtes à même d’avoir des renseignements sur les troupes que l’ennemi petit avoir là, faites-le soutenir par quelques troupes d’infanterie, si vous le jugez nécessaire.
Une brigade du maréchal Mortier, composée de 4,000 hommes, se trouvera, le 15, à Jastrow; le 16, à Friedland; le 17, à Konitz. Elle a six pièces de canon; elle peut, de Konitz, se rendre, en deux jours, devant Danzig. La 2e brigade, composée de 5,000 hommes, sera, le 16, à Neu-Stettin. Ainsi, voilà un secours de 9,000 hommes et de douze pièces de canon, tout près de vous. J’ai ordonné au maréchal Mortier d’appuyer ces deux corps sur Danzig.
Le 72e doit arriver demain devant Danzig; instruisez-moi si vous en avez des nouvelles. Comme ce régiment fait partie du corps du maréchal Lannes, il devra rentrer sous les ordres de ce maréchal. Enfin le 3e de ligne va arriver à Marienburg, également appartenant au corps du maréchal Lannes.
Ainsi, vous voyez qu’en quelque force que l’ennemi débarque, il y a là du monde pour lui être opposé. Du moment que le maréchal Mortier vous aura joint, le maréchal Lannes rejoindra Marienburg. Vous avez plus l’habitude de servir avec le maréchal Mortier, et, d’ailleurs étant destiné à assiéger Kolherg, il sera mieux là; et, si l’ennemi faisait quelques mouvements sur la ligne, j’ai besoin de la division Oudinot pour livrer bataille. Cependant le corps du maréchal Lannes restera à Marienburg, jusqu’à ce qu’il y ait des mouvements ennemis sur la ligne, prêt à retourner à Danzig si l’ennemi tentait un nouveau débarquement. Le 18 ou le 20, je suppose que tout le corps du maréchal Mortier sera réuni sous Danzig.
Je vois avec plaisir qu’on ait couronné le chemin couvert du bastion. On doit, du moment que les palissades seront détruites dans le fond du fossé, monter à l’assaut et enlever le Hagelsberg.
Ne mêlez point le corps du maréchal Lannes dans les affaires du siège; qu’il soit seulement toujours en opposition au corps qui a débarqué, afin que, lorsque le corps du maréchal Mortier sera arrivé, il puisse me rejoindre intact, moins les pertes qu’il pourrait avoir faites en culbutant ce qui a débarqué.
Je vous envoie le rapport que me fait le général Songis sur le boulets et approvisionnements, et sur ce qui est arrivé et en route. Il paraîtrait, d’après cet état, que votre situation est satisfaisante. Faites-moi connaître ce qu’il en est.
Finkenstein, 14 mai 1807
Au maréchal Clarke (sic, dans l’édition utilisée – Clarke ne sera maréchal qu’en 1816 !)
Je reçois votre lettre du 10 mai à dix heures du soir. Vous dit que ce ne sont point les chevaux qui manquent au dépôt de Potsdam, mais bien les hommes. Vous n’avez donc pas l’état de situation du dépôt, d’où il résulte qu’il y a 772 hommes disponibles et seulement 83 chevaux. Il est vrai qu’il y a 630 chevaux blessés ou malades et 87 à l’infirmerie, comme galeux ou farcineux; mais il n’y a pas besoin d’employer des soldats de cavalerie pour soigner ces 630 chevaux, on peut les faire soigner par les paysans. Un homme peut soigner trois chevaux. Il y aurait, sur les 600 hommes, 500 ait moins qui pourraient partir s’ils avaient des chevaux; il vous manque donc 500 chevaux. Tâchez donc de procurer des chevaux au dépôt de Potsdam. Il y a des hommes. Il doit y avoir des selles.
Je suppose que les deux régiments provisoires sont partis à l’heure qu’il est. Je suppose que le général Boudet est en marche. Fournissez- lui, à son passage à Berlin, tout ce dont il a besoin.
Je vous ai mandé, cette nuit, que 60 bâtiments avaient débarqué, sous le fort de Weichselmünde, un nombre de troupes prussiennes et russes que l’on ne peut pas évaluer, mais que l’on suppose être de 8 à 10,000 hommes. Ils ont été cernés par la division Oudinot, qui est arrivée sur le rivage en même temps qu’eux; jusqu’à présent ils n’ont pas osé sortir de leurs retranchements.
On a couronné le chemin couvert et fait le passage du fossé. Il ne faut pas s’étonner que ce siège soit ainsi, puisqu’il y a plus de 20,000 hommes dans la place.
Finkenstein, 15 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon cousin, je reçois votre lettre du 6 mai. Je vois, avec plaisir que le code de commerce sera présenté au Corps législatif. Peut-on, sans inconvénient, présenter les deux premiers livres sans le troisième ?
J’ai témoigné mon mécontentement au général Junot de ce qu’il a été si longtemps à partir; mais on quitte Paris bien peu volontiers.
Vous trouverez ci-joint un ordre pour le ministre Dejean; vous veillerez à ce qu’il soit exécuté. Les 9 bataillons qui composent le camp de Saint-Lô auront gagné dans les mois d’avril et de mai plus que l’affaiblissement produit par l’absence du 5e d’infanterie légère. Dites donc à M. Dejean qu’il m’envoie l’état de situation de l’intérieur au ler mai. Je n’ai encore que celui du ler avril, et nous sommes au 15 mai; je devrais avoir celui du ler mai depuis plusieurs jours; cela est fort important pour moi.
Si le général Sanson n’a pas envoyé le travail qu’il a annoncé, faites toujours publier les planches faites, car cet ouvrage n’a que le mérite de la circonstance; faites-les donc paraître sur-le-champ.
Finkenstein, 15 mai 1807
A M. Lacépède
Monsieur de Lacépède, je reçois votre lettre du 4. Je signe les décrets que vous m’avez présentés. Les publicistes pourront discuter le droit de donner des forêts du Domaine sans l’intervention d’une loi. J’ai signé provisoirement, mais il est nécessaire de mettre la chose en règle. Il faut que la Légion d’honneur achète le bois d’Écouen. Elle le peut par compensation de nombreuses créances qu’elle est dans le cas de faire valoir sur l’État. Conférez à ce sujet avec M. l’archichancelier et avec le ministre des finances. Je ne suis pas bien sûr des usages établis à cet égard. Il se pourrait que, le bois d’Écouen étant parvenu au Domaine par la voie de l’émigration, j’eusse plus de latitude que pour d’autres propriétés de ce genre.
J’ai fort approuvé les précautions que vous avez prises sous les rapports de santé. Il est très-important qu’il ne s’établisse pas, dès les commencements, un préjugé contre la salubrité de l’établissement. On a été au moment de me faire détruire le prytanée de Saint-Cyr, parce qu’il y avait eu quelques maladies la première année.
Je vous envoie une note que j’ai dictée sur l’établissement d’Écouen
Finkenstein, 15 mai 1807.
NOTE
sur l’Établissement d’Ecouen
Finkenstein, 15 mai 1807
A M. Portalis
J’ai reçu votre lettre du 5 mai. Je suis bien aise que vous causiez avec le ministre de la police sur la recherche du brigand Saint-Hilaire, qu’il serait très-important d’avoir. Faites-moi un rapport sur les curés de Morra, Sommariva del Bosco et de Cortemiglia. Si ce sont des hommes distingués par leur bonne conduite et leurs mœurs, je pourrai bien les faire légionnaires, ainsi que, dans l’Aveyron, M. de Trémoulet, curé de Mondalazac. Faites-moi un rapport là-dessus.
Finkenstein, 15 mai 1807
Au prince Jérôme
Mon Frère, Napoléon est mort en trois jours, à la Haye; je ne sais pas si le roi vous en a instruit. Cet événement m’a fait d’autant plus de peine que son père et sa mère ne sont pas raisonnables et se livrent à tout l’emportement de leur douleur.
Finkenstein, 15 mai 1807
NOTE POUR LE MAJOR GÉNÉRAL
Écrire au général Beaumont que sa dépêche n’a pas de sens; qu’il n’instruit pas de ce que sont devenus les Polonais qui défendaient Kahlberg et qui, le soir du 13, s’étaient réfugiés à Freienhuben, à une lieue de Fürstenwerder, ni quelle était la position de l’ennemi qui a passé la nuit du 13 au 14 à Vogelsang; qu’il est fâcheux qu’il ait ainsi perdu une journée, et qu’il n’ait rien fait pour se mettre en
communication avec les Polonais et attaquer les flancs de l’ennemi, s’il avait passé; que, si l’ennemi a plus de 5 ou 600 hommes de cavalerie, il se fasse soutenir par la cavalerie légère ou les dragons qui sont le plus près de lui; qu’il culbute l’ennemi et le chasse de cette langue de terre; que j’ai été peu satisfait de son rapport et de ce qu’il a perdu une journée; qu’il me fasse connaître en détail ce qui s’est passé depuis quatre jours, depuis Kahlberg jusqu’à Danzig, ce qu’est devenue la cavalerie de la division Lasalle qui était cantonnée sur la gauche de la Vistule et qui a dû être inquiétée par le mouvement de l’ennemi dans les journées des 13 et 14; et que tout cela valait bien la peine d’être mis dans son rapport.
Finkenstein, 15 mai 1807
Au général Clarke
Le régiment des fusiliers de la Garde part le 19 de Magdeburg et sera le 23 à Berlin. Envoyez des ordres pour qu’il arrive à Berlin le 22, en lui faisant prendre la poste à Brandenburg. Faites-le partir de Berlin le 23, après en avoir passé la revue. Faites-le marcher en poste sur des chariots, de manière qu’il arrive en huit jours à Bromberg, d’où il se dirigera en droite ligne sur Finkenstein, en passant la Vistule à Bromberg, sans aller à Thorn, de manière qu’il soit le 30 mai à Bromberg.
Le bataillon des matelots de la Garde sera le 29 à Magdeburg. Faites-lui, là, prendre la poste en le dirigeant sur Danzig par Stettin, de manière qu’il soit le 10 juin à Danzig. Écrivez même pour qu’il prenne, si cela est possible, la poste à Cassel, où il sera le 20. Par ce moyen, il pourrait se trouver à Danzig dans les premiers jours de juin.
Finkenstein, 15 mai 1807
Au général Clarke
J’imagine que vous aurez dirigé les chasseurs royaux italiens sur Marienwerder.
Le débarquement n’a pas eu de suite. Il ne consistait qu’en 7 à S,000 hommes, qu’ils ont débarqués sous le fort de Weichselmünde, près du camp retranché. Ils sont cernés et n’ont pas encore pu communiquer avec la place. Nous exécutons le passage du fossé devant le Hagelsberg.
Faites filer le plus de cavalerie que vous pourrez sur l’armée surtout les cuirassiers, les chasseurs et les hussards. Vous n’en avez pas mal au dépôt de Potsdam. Qu’ils partent bien montés et bien équipés.
Envoyez savoir ce qui se fait à Kolberg, et tenez-moi au courant des travaux du siège. Si le général Thouvenot ne vous est pas utile envoyez-le à Kolberg; il y a besoin de beaucoup de généraux pour le service de la tranchée.
Vous accusez à tort M. Daru. Il faut que je traite Magdeburg comme j’ai traité Berlin, comme j’ai traité Emden et les autres pays. Quant aux contributions extraordinaires, je ne sais comment vous en parler. La Prusse est la seule province où l’on ne paye que la contribution ordinaire; encore déduit-on les fournitures, de sorte que ce pays est mieux traité que du temps du roi de Prusse. Croyez-vous que je puisse vivre avec des mots ?
Finkenstein, 16 mai 1807
A l’Impératrice, à Saint-Cloud
Je reçois ta lettre du 6 mai. J’y vois déjà le mal que tu éprouve; je crains que tu ne sois pas raisonnable et que tu ne t’affliges trop du malheur qui nous est arrivé.
Adieu, mon amie. Tout à toi.
Finkenstein, 16 mai 1807, à midi
Au maréchal Masséna, à Przasnysz
J’ai reçu votre lettre. Vous verrez par l’ordre du jour le petit succès que nous avons eu sous Danzig, et qui me fait espérer la prompte reddition de cette place.
Le major général vous a écrit pour vous faire connaître mon désir que vous campiez autour d’Ostrolenka, en faisant occuper les hauteurs de la ville par de bonnes redoutes et faisant construire un bon pont. J’ai donné de l’argent et des ordres pour que les transports par eau, d’Ostrolenka à Varsovie, soient organisés. Le pont rétabli, faites faire une bonne tête de pont, et donnez des ordres pour perfectionner et rendre inattaquables les ouvrages qu’a établis le général Lemarois.
Votre camp, ce me semble, sera très-bien sur la rive droite de la Narew vis-à-vis Ostrolenka. Vous pouvez, par des abatis et des redoutes, le bien lier avec l’Omulew et avoir des avant-postes sur la Rosoga. Mêlez des voltigeurs avec les piquets de cavalerie. Il ne faut pas, du reste, s’engager dans une guerre de postes. Il n’y a pas d’inconvénient à camper une brigade bavaroise à Rozan. Si vous prenez ce parti, il faut qu’elle ait aussi son pont et sa tête de pont sur l’Omulew.
Vous comprenez facilement les avantages qui résulteront de la position d’Ostrolenka. Les difficultés pour vivre sont levées par la circonstance de la Narew devenue navigable.
Il faut que vous teniez l’ennemi en haleine. Lorsque vous serez bien établi à Ostrolenka, si vous voyez jour à vous emparer des magasins de Nowogrod, rien n’empêche de le faire. Une fois votre communication établie avec la Gallicie par Wyszogrod et Brok, où l’ennemi ne maintiendra pas de troupes tant que vous serez à Ostrolenka, vous serez plus à portée d’être instruit de ses mouvements et de lui donner de l’inquiétude sur l’une et l’autre rive.
Finkenstein, 16 mai 1807
74e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Le prince Jérôme ayant reconnu que trois ouvrages avancés de Neisse, qui étaient le long de la Biela, gênaient les opérations du siège, a ordonné au général Vandamme de les enlever. Ce général, à la tête des troupes wurtembergeoises, a emporté ces ouvrages dans la nuit du 30 au 1er mai, a passé au fil de l’épée les troupes ennemies qui les défendaient, a fait 120 prisonniers et pris 9 pièces de canon. Les capitaines du génie, Deponthon et Prost, le premier, officier d’ordonnance de l’Empereur, ont marché à la tête des colonnes et ont fait preuve de grande bravoure. Les lieutenants Hohenhorff, Bauer et Mühler se sont particulièrement distingués.
Le 2 mai, le lieutenant général Camrer a pris le commandement de la division wurtembergeoise.
Depuis l’arrivée de l’empereur Alexandre à l’armée, il paraît qu’un grand conseil de guerre a été tenu à Bartenstein, auxquels ont assisté le roi de Prusse et le grand-duc Constantin; que les dangers que courait Danzig ont été l’objet des délibérations de ce conseil; que l’on a reconnu que Danzig ne pouvait être sauvé que de deux manières : la première en attaquant l’armée française, en passant la Passarge, en courant la chance d’une bataille générale, dont l’issue, si l’on avait du succès, serait d’obliger l’armée française à découvrir Danzig, l’autre, en secourant la place par mer. La première opération paraît n’avoir pas été jugée praticable sans s’exposer à une ruine et à une défaite totale, et on s’est arrêté au plan de secourir Danzig par mer. En conséquence, le lieutenant général Kamenski, fils du feld-maréchal, avec deux divisions russes, formant douze régiments, et plusieurs régiments prussiens, ont été embarqués à Pillau. Le 12, soixante-six bâtiments de transport, escortés par trois frégates, ont débarqué ces troupes à l’embouchure de la Vistule, au port de Danzig, sous la protection du fort de Weichselmünde.
L’Empereur donna sur-le-champ l’ordre au maréchal Lannes, commandant le corps de réserve de la Grande Armée, de se porter de Marienburg, où était son quartier général, avec la division du général Oudinot, pour renforcer l’armée du maréchal Lefebvre. Il arriva en une marche dans le même temps que l’armée ennemie débarquait. Le 13 et le 14, l’ennemi fit des préparatifs d’attaque. Il était séparé de la ville par un espace de moins d’une lieue, mais occupé par les troupes françaises. Le 15, il déboucha du fort sur trois colonnes; il projetait de pénétrer par la droite de la Vistule. Le général de brigade Schramm, qui était aux avant-postes avec le 26e régiment d’infanterie légère et un bataillon de Saxons et de Polonais, reçut les premier feux de l’ennemi, et le contint à portée de canon de Weichselmünde. Le maréchal Lefebvre s’était porté au pont situé au bas de la Vistule, et avait fait passer le 12e d’infanterie légère et des Saxons pour soutenir le général Schramm. Le général Gardanne, chargé de la défense de la droite de la Vistule, y avait également appuyé le reste de ses forces. L’ennemi se trouvait supérieur, et le combat se soutenait avec
une égale opiniâtreté.
Le maréchal Lannes, avec la réserve d’Oudinot, était placé sur la gauche de la Vistule, par où il paraissait la veille que l’ennemi devait déboucher; mais, voyant les mouvements de l’ennemi démasqués, le maréchal Lannes passa la Vistule avec quatre bataillons de la réserve d’Oudinot. Toute la ligne et la réserve de l’ennemi furent mises en déroute et poursuivies jusqu’aux palissades, et, à neuf heures du matin , l’ennemi était bloqué dans le fort de Weichselmünde. Le champ de bataille était couvert de morts. Notre perte se monte à 25 hommes tués et 200 blessés; celle de l’ennemi est de 900 hommes tués, 1,500 blessés et 200 prisonniers. Le soir on distinguait un grand nombre de blessés qu’on embarquait sur les bâtiments, qui successivement ont pris le large pour retourner à Königsberg. Pendant cette action, la place n’a fait aucune sortie, et s’est contentée de soutenir les Russes par une vive canonnade. Du haut de ses remparts délabrés et à demi démolis, l’ennemi a été témoin de toute l’affaire. Il a été consterné de voir s’évanouir l’espérance qu’il avait d’être secouru. Le général Oudinot a tué de sa propre main trois Russes. Plusieurs de ses officiers d’état-major ont été blessés. Le 12e et le 2e régiment d’infanterie légère se sont distingués. Les détails de ce combat n’étaient pas encore arrivés à l’état-major.
Le journal du siège de Danzig fera connaître que les travaux se poursuivent avec une égale activité, que le chemin couvert est couronné, et que l’on s’occupe des préparatifs du passage du fossé.
Dès que l’ennemi sut que son expédition maritime était arrivée devant Danzig, ses troupes légères observèrent et inquiétèrent toute la ligne, depuis la position qu’occupe le maréchal Soult le long de la Passarge, devant la division du général Morand sur l’Alle. Elles furent reçues à bout portant par les voltigeurs, perdirent un bon nombre d’hommes, et se retirèrent plus vite qu’elles n’étaient venues.
Les Russes se présentèrent aussi à Malga, devant le général Zajonchek, commandant le corps d’observation polonais, et enlevèrent un poste de Polonais. Le général de brigade Fischer marcha à eux, les culbuta, leur tua une soixantaine d’hommes, un colonel et deux capitaines. Ils se présentèrent également devant le 5e corps et insultèrent les avant-postes du général Gazan à Willenberg; ce général les poursuivit pendant plusieurs lieues. Ils attaquèrent plus sérieusement la tête de pont de l’Omulew, de Drenzewo; le général de brigade Girard marcha à eux avec le 88e, et les culbuta dans la Narew. Le général de division Suchet arriva, poussa les Russes l’épée dans les reins, les culbuta dans Ostrolenka, leur tua une soixantaine d’hommes, et leur prit 50 chevaux. Le capitaine du 64e, Laurin, qui commandait une grand’garde, cerné de tous côtés par les Cosaques, fit la meilleure contenance et mérita d’être distingué. Le maréchal Masséna, qui était monté à cheval avec une brigade de troupes bavaroises, eut lieu d’être satisfait du zèle et de la bonne contenance de ces troupes.
Le même jour (l’affaire dont il est question dans le paragraphe précédent eut lieu le 12 mai) 13, l’ennemi attaqua le général Lemarois à l’embouchure du Bug. Ce général avait passé cette rivière le 10 avec une brigade bavaroise et un régiment polonais, avait fait construire en trois jours des ouvrages de tête de pont, et s’était porté sur Wyskow, dans l’ intention de brûler les radeaux auxquels l’ennemi faisait travailler depuis six semaines. Son expédition a parfaitement réussi; tout a été brûlé, et dans un moment ce ridicule ouvrage de six semaines fut anéanti.
Le 13, à neuf heures du matin (A trois heures du matin, d%près les rapports du général Lemarois maréchal Masséna), 6,000 Russes, arrivés de Nur, attaquèrent le général Lemarois dans son camp retranché. Ils furent reçus par la fusillade et la mitraille; 300 Russes restèrent sur le champ de bataille; et quand le général Lemarois vit l’ennemi, qui était arrivé sur le bord du fossé, repoussé, il fit une sortie, et les poursuivit l’épée dans les reins. Le colonel du 4e de ligne bavarois, brave militaire, a été tué : il est généralement regretté. Les Bavarois ont perdu 20 hommes et ont eu une soixantaine de blessés.
Toute l’armée est campée par divisions en bataillons carrés, dans des positions saines.
Ces événements d’avant-postes n’ont occasionné aucun mouvement dans l’armée. Tout est tranquille au quartier général. Cette attaque générale de nos avant-postes dans la journée du 13 parait avoir eu pour but d’occuper l’armée française, pour l’empêcher de renforcer l’armée qui assiège Danzig. Cette espérance de secourir Danzig par une expédition maritime paraîtra fort extraordinaire à tout militaire sensé et qui connaîtra le terrain et la position qu’occupe l’armée française.
Les feuilles commencent à pousser. La saison est comme au mois d’avril en France.
Finkenstein, 17 mai 1807
Au roi de Prusse
Monsieur mon Frère, Votre Majesté m’ayant annoncé, par sa lettre du 10 mai, que l’admission des diverses parties belligérantes au futur congrès ne souffrait plus de difficultés, il ne me reste dès lors aucune objection à faire. Mes plénipotentiaires et ceux des puissances qui font cause commune avec moi dans cette guerre seront arrivés à Copenhague le jour que Votre Majesté voudra désigner. Quant aux bases qui me paraissent devoir être adoptées pour la conduite dudit congrès, je pense que tout est contenu dans ces deux mots : égalité et réciprocité entre les deux masses belligérantes.
L’Angleterre et la Russie feront pour mes alliés ce que je ferai pour les leurs.
Je ferai pour les alliés de l’Angleterre et de la Russie ce qu’elles feront pour les miens.
Je me flatte que Votre Majesté verra dans la promptitude de cette explication mon désir de faire tout ce qu’il sera possible pour arriver à l’objet tant désiré du rétablissement de la paix et de la tranquillité en Europe.
Finkenstein, 17 mai 1807
Au maréchal Masséna, à Przasnyzs
Mon Cousin, je vous envoie des notes sur la position de votre corps d’armée. Je vous prie de les lire avec attention et de les méditer. Il me tarde d’apprendre que vous soyez maître d’Ostrolenka et que vos deux redoutes en avant de cette ville soient commencées et votre camp tracé et bien assis dans la position de la rive droite, en avant de Drenzewo. Mais, comme vous ne pouvez vivre que par la Narew, il est nécessaire que vous fassiez établir de suite une redoute à la position d’Ostrykol, afin d’en protéger la navigation. Je n’ai pas besoin de vous recommander de marcher à l’ennemi, la division Suchet et les Bavarois réunis. Je pense aussi que vous ferez bien de faire venir un bataillon polonais à Ostrolenka, parce qu’étant du pays ils auront plus de facilités pour la langue et pour l’espionnage. Si vous avez une affaire avantageuse à Ostrolenka et que vous mettiez un peu l’ennemi en déroute, rien ne s’oppose à ce que vous poussiez jusqu’à Nowogrod, car il entre dans mon système de donner de l’inquiétude à l’ennemi sur toute sa gauche, que je suis instruit qu’il a dégarnie.
Si l’ennemi résiste, vous l’attaquerez avec vos deux divisions réunies et vous m’enverrez quelques milliers de prisonniers. N’oubliez pas que c’est votre usage.
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Six mille hommes qui avaient voulu pénétrer par la langue de terre de Pillau à Danzig ont été défaits hier 16; nous leur avons pris 900 hommes et 4 pièces de canon.
Finkenstein, 17 mai 1807
NOTE SUR LA POSITION DU 5e CORPS.
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Le 5e corps a trois buts à remplir : 1° couvrir Varsovie; 2° former la droite de l’armée; 3° se trouver dans une position offensive qui donne de l’inquiétude à l’ennemi sur sa gauche et l’empêche de se dégarnir. Quelle est la position qu’il doit occuper pour remplir ces trois buts ?
L’ennemi peut se porter sur Varsovie le long du Bug, ou bien le long de la Narew. La réunion de ces deux rivières, Sierock, serait donc le meilleur point pour camper le 5e corps d’armée, s’il n’avait pour but que de couvrir Varsovie. C’est dans cette intention qu’on a ordonné une place forte et des magasins dans la position de Sierock. Après le point de Sierock, la position la plus avantageuse pour couvrir Varsovie serait de se tenir à cheval sur la Narew, entre Rozan e Pultusk, à l’extrémité du coude que fait la Narew, près Ostrykol, parce que, de cette position à Branszcryk, sur le Bug, il n’y a que quatre lieues, et qu’il serait impossible à l’ennemi de déboucher, ni le long du Bug, ni le long de la Narew, sans avoir attaqué ce camp.
Après cette position, celle de Pultusk serait la plus convenable pour remplir le but de couvrir Varsovie, mais elle ne serait que la troisième parce que de Pultusk à Wyskow il y a presque autant que de Wyskov à Sierock; ensuite, que l’ennemi qui attaque Sierock a le temps de rétrograder avant qu’on soit sur ses derrières.
La position d’Ostrolenka n’est que la quatrième; elle est moins bonne que les autres, parce qu’il y a d’Ostrolenka à Brock dix lieues, autant que de Brock à Sierock.
Ainsi donc, si le 5e corps n’avait qu’un but, celui de couvrir Varsovie, le lieu où il faudrait camper ses principales forces serait à Sierock, ensuite à Ostrykol, puis à Pultusk, enfin à Ostrolenka, qui sans comparaison, est le plus mauvais des quatre points, car de Pultusk à Sierock il n’y a que peu d’heures de marche; si on prend le parti de renforcer le poste de Sierock, il n’y a qu’une bonne journée de marche, et d’Ostrolenka à Sierock il en faut nécessairement deux.
Mais couvrir Varsovie n’est pas le seul but du 5e corps : il doit appuyer la droite de la Grande Armée; il doit être à même de soutenir le corps qui est à Willenberg; et dès lors, pour conserver la ligne de l’Omulew et remplir ce but, le meilleur point est Ostrolenka.
On pense donc que, pour remplir le second but qu’on se propose le 5e corps devrait être partagé de la manière suivante : la division Gazan campée à Willenberg, ayant un poste de quatre compagnies de voltigeurs et de 200 chevaux à Zawady; la division Suchet campée sur la rive droite de la Narew, vis-à-vis Ostrolenka, occupant Ostrolenka par des grand’gardes placées dans deux bonnes redoutes établies sur les deux mamelons d’Ostrolenka et couvrant la gauche par des abatis qui la lient à l’Oulew, ayant une grand’garde de 100 chevaux et 2 ou 300 hommes d’infanterie à Lelisa et une autre grand’garde à Ksienzylas sur la petite rivière de Rosoga, grand’garde qui doit coucher toutes les nuits dans des positions différentes pour n’être point surprise à la pointe du jour, et qui peut être aisément secourue par le camp.
On peut attacher à la division Suchet un bataillon d’infanterie légère bavaroise, pour lui faire occuper les points les plus importants depuis Zawady jusqu’à Bialobrzeg.
Dans cette position, les cinq régiments du général Suchet sont toujours campés et sous les armes; ils ne craignent point la petite guerre, parce que leurs communications sont derrière l’Omulew, que le poste de Lelisa les protégé suffisamment, que ce poste situé à deux lieues est inforçable et peut, selon les événements, être secouru.
La division bavaroise doit avoir une brigade campée à Ostrykol, où il faut établir un pont, du canon et une redoute servant de tête de pont. Ce point est, comme nous l’avons dit plus haut, le plus important de tous, et cette position a encore cet avantage qu’elle protégé la navigation de la Narew dans le point où elle forme le plus grand coude. Trois bataillons doivent être placés à Krasnosiele, tant pour couvrir Przasnysz que pour défendre l’Orzyca contre les partis de Cosaques qui auraient passé entre Zawady et la Narew.
Ainsi, la division bavaroise, composée de 15 bataillons, aurait 7 bataillons à Ostrykol, 3 à Krasnosiele, 2 à Pultusk et 2 à Sierock comme garnison, 1 bataillon d’infanterie légère détaché à Ostrolenka.
La garnison de Sierock, renforcée de Polonais, enverrait en avant de Sierock, sur la route de Wyskow, et même jusqu’à Wyskow, 2 ou 300 chevaux polonais et quelques centaines d’hommes d’infanterie pour observer le Bug; bien entendu que ce poste avancé se placerait de manière à ne pas se laisser surprendre et à se replier devant des forces supérieures.
Si l’ennemi se présente en force sur la rive gauche de la Narew devant Ostrolenka, pendant que le général français fait venir les diverses brigades bavaroises, il peut refuser le combat en se tenant sur la rive droite de la Narew.
Si l’ennemi attaque par la rive droite de la Narew, il attaque donc un camp qui peut s’être couvert de quelques redoutes, appuyé de deux rivières, dans une bonne position, qui, à chaque instant, reçoit les troupes bavaroises et même celles de Willenberg qui viennent le rejoindre, ayant dans l’Omulew un petit ruisseau bon pour appuyer une retraite; il se trouve donc avoir tous les avantages.
Si l’ennemi attaque Willenberg , le général français peut, dans une grande marche, y envoyer du secours.
Si l’ennemi se porte sur Varsovie , le général français peut se porter sur Brok, en débouchant par le pont d’Ostrolenka, et tomber
sur les flancs et les derrières de l’ennemi.
Une fois le camp d’Ostrolenka établi, que fera l’ennemi ? Se divisera-t-il en deux corps , l’un à Zambrow , l’autre à Nowogrod ? ou formera-t-il un seul camp dans une position opposée ?
En occupant la position d’Ostrolenka, l’art consiste à ne point s’éparpiller, à ne faire aucun établissement dans la ville, à n’y avoir que des avant-postes, à ne placer aucun poste fixe de cavalerie au delà des deux redoutes, afin d’éviter une guerre de Cosaques , qui nous est désavantageuse.
Quel intérêt , en effet, quand les troupes sont ainsi réunies, à savoir ce que fait la cavalerie ennemie ! Alors on s’éclaire par de bonnes reconnaissances faites le matin par des détachements d’infanterie et même du canon.
Si on demande pourquoi il faut occuper la ville d’Ostrolenka, la réponse sera simple : c’est d’abord pour que l’ennemi ne l’occupe pas, ensuite pour occuper les deux rives de la Narew, sans la navigation de laquelle il est impossible de vivre; enfin, c’est menacer l’ennemi que d’occuper les deux rives: mais il ne faut pas pour cela s’étabIir à plusieurs lieues des deux rives; il suffit que l’ennemi ne puisse s’y établir. Il peut avoir chaque matin 5 à 6,000 hommes d’infanterie et de cavalerie qui peuvent lui tomber dessus.
Il faut faire faire une reconnaissance de la position que doivent occuper les Bavarois à Ostrykol. On peut les placer à Rozan en
attendant que cette position soit bien reconnue.
Une fois ainsi placé, on pourra attaquer l’ennemi à Nowogrod , par la rive gauche et la rive droite. L’ennemi alors ne peut plus faire aucun mouvement. Ou il est obligé d’évacuer Nowogrod et de s’établir plus loin, ou il sera facile d’attaquer avec avantage la division qui sera là et de lui enlever ses postes.
Mais si Ostrolenka qui, sous le point de vue de couvrir Varsovie, est le moins important des quatre points indiqués, doit être occupé parce qu’il est le plus avantageux pour appuyer la droite de la Grande Armée , deuxième but que doit avoir le 5e corps , il n’y a pas de doute qu’Ostrolenka est la position la plus importante pour remplir le troisième but, c’est-à-dire pour placer le 5e corps dans une position offensive qui menace la gauche de l’ennemi et l’empêche de se dégarnir. Ainsi Ostrolenka doit être occupé, le camp, fortifié par des redoutes et des abatis; deux fortes redoutes doivent être construites sur les deux mamelons d’Ostrolenka, et une bonne redoute, au camp bavarois d’Ostrykol.
Finkenstein, 17 mai 1807, 8 heures du soir
Au maréchal Lefebvre
Il est probable que vous aurez appris l’issue du combat du général Beaumont. Dites au général Chasseloup qu’il faut établir une petite tête de pont au pont de Fürstenwerder. Cette tête de pont empêchera toujours l’ennemi de passer outre, d’autant plus qu’on peut y attacher quelques flèches qui iront jusqu’à la mer. Je pense que vous devez faire établir de bonnes redoutes, la gauche appuyée à la Vistule et la droite à la mer, vis-à-vis le fort de Weichselmünde, à peu près à 300 toises du fort, pour fermer l’espace de 600 toises. Il faut faire également bloquer le camp retranché par deux ou trois redoutes, entre la mer et l’inondation, et entre l’inondation et la Vistule, de sorte que l’ennemi qui voudrait déboucher par là devra enlever, pour y arriver, des redoutes bien palissadées. Ce travail me paraît fort important; les troupes mêmes peuvent le faire; d’ailleurs cela servira au cheminement qu’il faudra bien faire sur le camp retranché; car nous n’aurions pas Danzig, si, ayant la ville, le fort de Weichselmünde voulait tenir.
Il est bien nécessaire que vous culbutiez tous les postes que l’ennemi pourrait encore avoir sur la rive droite le long de l’inondation. J’attends avec impatience que vous m’appreniez enfin la prise du Hagelsberg; il me semble que cela est mûr. J’ai accordé les récompenses que vous m’avez demandées pour ceux qui se sont distingués.
Finkenstein, 17 mai 1807
DÉCISION
Le major général rend compte à l’Empereur que le roi de Wurtemberg augmente son infanterie de 1,800 combattants et sa cavalerie de 300 chevaux, et que ces troupes ont un besoin pressant de souliers, de bottes et de capotes. Il demande les ordres de l’Empereur à ce sujet. | Accorder une paire de souliers par homme et 12,000 francs par régiment pour la masse.
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Finkenstein, 18 mai 1807
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, je suppose que vous êtes à Varsovie, où je désire que vous continuiez à faire ce que vous avez fait jusqu’ici, à voir le gouvernement, l’ordonnateur, et que vous veilliez à ce qu’on travaille à Praga, à Sierock, à Modlin, qu’on active les transports , qu’on approvisionne les magasins , et qu’on fasse filer, par la Vistule, tout ce qui est nécessaire aux différents corps, et par terre ce qui est nécessaire pour approvisionner Osterode et le corps du maréchal Masséna. Enfin envoyez des espions en Gallicie, et envoyez-moi des courriers pour me tenir instruit de tout ce qui se passe là et au corps du maréchal Masséna.
Finkenstein, 18 mai 1807, 11 heures du matin
Au maréchal Lefebvre
J’ai vu avec la plus grande surprise votre lettre; je vous croyais plus de caractère et d’opinion; est-ce à la fin d’un siège qu’il faut se laisser persuader par des intrigants qu’il faut changer le système d’attaque, ainsi décourager l’armée et faire tort à son propre jugement ? Rien ne vous autorise à dire que mon opinion était qu’on attaquât le Bischofsberg : mon opinion était qu’on attaquât d’abord le camp retranché, qu’on investît hermétiquement la place, et qu’alors on attaquât le point que le corps du génie et de l’artillerie aurait jugé le plus faible. Après un conseil que vous avez tenu, vous avez décidé de ne pas attaquer le camp retranché, mais le Hagelsberg; vous avez depuis remédié à l’inconvénient de n’avoir pas attaqué l’île, en la prenant, et cela est très-important. Vous êtes sur le point de prendre le Hagelsberg. Chassez de chez vous à coups de pied au cul tous ces petits critiqueurs. Attaquez le Hagelsberg : maître du Hagelsberg, vous l’êtes de la place, d’abord parce que vous le serez du Bischofsberg , et enfin quand vous ne seriez pas maître du Bischofsberg, cela est très-indifférent; vous cheminerez sur le bas front de la place sous la protection du Hagelsberg. Que veut dire que vous ne pourrez pas mettre sur le Hagelsberg assez de canon ? Vous avez un espace de plus de 400 toises jusqu’à la rivière. Prenez le Hagelsberg , et vous verrez avec quelle rapidité la place tombera. Mais, encore une fois, accordez votre confiance à un ingénieur; accordez-la à Chasseloup, qui est le meilleur et a le plus d’expérience de ces affaires; ne souffrez pas qu’on critique; car enfin, serait-il vrai qu’il eût fallu attaquer le Bischofsberg, qui est-ce, si ce n’est des malveillants, qui pourrait se permettre aujourd’hui de le conseiller ? Danzig a toujours été pris par le Hagelsberg. D’ailleurs, les officiers du génie et d’artillerie ont décidé que ce serait le point qu’il fallait attaquer; ils en savent plus que des subalternes et des bavards qui, au lieu de faire le passage du fossé, s’amuseront à critiquer. Je reconnais bien là la légèreté du caractère français. Faites jeter des sacs à terre et des tonneaux pleins de terre dans le fossé, et sous la protection de cette levée, faites briser les palissades et donnez l’assaut. Ne prenez conseil que de Chasseloup et de la Riboisière, et moquez-vous du reste.
Finkenstein, 18 mai 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois vos lettres du 5 et du 6 mai. Je ne vois pas d’inconvénient à ce que le général Ottavi passe au service de Naples. Vous pourrez faire ce que vous jugerez le plus convenable pour le baptême de la princesse Joséphine. J’ai lu votre lettre au Pape, elle m’a paru fort bien; mais je doute qu’elle produise quelque chose, car ces gens-là sont ineptes au delà de ce qu’on peut imaginer.
Finkenstein, 18 mai 1807
A M. Roederer
Monsieur Roederer, j’ai reçu votre lettre du 26 avril. Je vous remercie de tout ce qu’elle contient.
L’organisation d’un bon système de finances dans le royaume de Naples, adapté aux moeurs et aux usages du pays, vous fera honneur et vous donnera de nouveaux titres à mon estime.
Finkenstein, 18 mai 1807 (date présumée)
NOTES SUR UN PROJET D’EXPOSÉ DE LA SITUATION DE L’EMPIRE.
Situation à l’extérieur. Mais le traité de Presbourg, qui avait rendu la paix au continent, ne l’avait pas rendue aux mers, et l’Angleterre, constante à chercher sa propre sûreté dans les malheurs de l’Europe, s’efforçait de faire continuer la guerre par la Russie et de déterminer la Prusse à des démarches hostiles. Ces trames furent déjouées : le traité de Vienne et la convention de Paris dissipèrent tous les nuages. Il semblait que désormais la paix du continent ne devait plus être troublée. La Russie elle-même en avait senti le besoin, et son ministre, revêtu de ses pleins pouvoirs, venait d’arriver à Paris.
L’Angleterre, entraînée par la force de ces circonstances, se montra disposée à la paix, ou plutôt, ainsi que l’ont révélé depuis ses discussions publiques, à une trêve qui aurait un moment suspendu les effets de la haine et de la jalousie qui l’animent contre nous. En même temps qu’elle ouvrait des négociations, elle préparait de nouvelles intrigues, bien résolue à tout rompre, si elle parvenait à rallumer le flambeau de la guerre continentale. Elle vit triompher ses coupables espérances, et le plénipotentiaire russe, après avoir signé un traité de paix, l’avoir communiqué à son souverain, en avoir obtenu l’approbation, fut désavoué dans un conseil que dominèrent les clameurs des partisans de l’Angleterre.
La Prusse fut de nouveau agitée; des femmes et de jeunes officiers l’emportèrent par leurs déclamations insensées sur les conseils du roi et sur les combinaisons du cabinet. Des cris hostiles se firent entendre, et la guerre fut déclarée, contre l’opinion des ministres et peut-être contre la volonté du roi lui-même. Fatal exemple de la faiblesse des princes ! Influence plus fatale encore d’un ministère qui soudoie les intrigants et les libellistes, qui sème les terreurs et la calomnie, qui soulève toutes les passions dont l’exaltation lui peut être utile, et qui, au milieu de toutes ces menées, calcule froidement les avantages qui peuvent résulter, pour ses intérêts, des dangers, de la ruine même de ceux qu’il appelle ses amis !
Il ne faut pas parler de l’Autriche ni de sa renonciation à l’Empire d’Allemagne.
Il faudrait mettre un article plus positif sur Naples, en rappelant que le même jour où l’ancien souverain de ce pays faisait la paix, il recevait les Anglais et les Russes.
Embellissements de Paris. Il ne faut pas parler du numérotage de Paris. C’est un objet de trop peu d’importance.
Instruction publique. Il faut parler du projet de loi sur l’Université, et dire que l’institution de cet établissement a été différée, à cause des occupations de Sa Majesté, qui ne lui ont pas permis de porter sur cet objet toute l’attention qu’elle voulait y donner.
Finances. Supprimer dans cet article ce que l’on dit sur la Banque. On la représente comme surchargée de ses propres richesses, et cela a son mauvais côté.
Aperçu de la dernière campagne. Ne pas parler de l’indépendance de la Pologne et supprimer tout ce qui tend à en montrer l’Empereur comme le libérateur, attendu qu’il ne s’est jamais expliqué à ce sujet.
Supprimer ce qui regarde la marine. Ce qu’on en dit n’est point assez convenable.
C’est en parlant de la perspective offerte à la France , qu’il faut faire le tableau de sa politique actuelle, qui avait été mis au commencement. C’est le lieu où se place naturellement ce qui concerne Naples, la Hollande, les alliés et la Confédération du Rhin. On évitera ainsi des répétitions.
- de Champagny a le temps de faire ces corrections et de renvoyer son travail, avant la convocation du Corps législatif. Sa Majesté y ajoutera alors ce qui peut être relatif à la politique.
Finkenstein, 18 mai 1807
75e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Voici de nouveaux détails sur la journée du 15. Le maréchal Lefebvre fait une mention particulière du général Schramm, auquel il attribue en grande partie le succès du combat de Weichselmünde.
Le 15, depuis deux heures du matin, le général Schramm était en bataille, couvert par deux redoutes construites vis-à-vis le fort de Weichselmünde. Il avait les Polonais à sa gauche, les Saxons au centre, le 2e régiment d’infanterie légère à sa droite, et le régiment de Paris en réserve. Le lieutenant général russe Kamenski déboucha du fort à la pointe du jour; et, après deux heures de combat, l’arrivée du 12e d’infanterie légère, que le maréchal Lefebvre expédia de la rive gauche, et un bataillon saxon, décidèrent l’affaire. De la brigade Oudinot, un seul bataillon put donner. Notre perte a été peu considérable. Un colonel polonais, M. Paris, a été tué. La perte de l’ennemi est plus forte qu’on ne pensait. On a enterré plus de 900 cadavres russes. On ne peut pas évaluer la perte de l’ennemi à moins de 2,500 hommes. Aussi ne bouge-t-il plus, et parait-il très-circonspect derrière l’enceinte de ses fortifications. Le nombre de bateaux chargés de blessés qui ont mis à la voile est de quatorze.
Dans la journée du 14, une division de 5, 000 hommes, Prussiens et Russes, mais en majorité Prussiens, partie de Königsberg, débarqua à Pillau, longea la langue de terre dite le Nehrung, et arriva à Kahlberg, devant nos premiers postes de grand’garde de cavalerie légère, qui se replièrent jusqu’à Fürstenwerder. L’ennemi s’avança jusqu’à l’extrémité du Frische-Haff. On s’attendait à le voir pénétrer par là sur Danzig. Un pont jeté sur la Vistule à Fürstenwerder facilitait le passage à la cavalerie, cantonnée dans l’île de Nogat, pour filer sur les derrières de l’ennemi. Mais les Prussiens furent mieux avisés et n’osèrent pas s’aventurer. Alors l’Empereur donna ordre au général Beaumont, aide de camp du grand-duc de Berg, de les attaquer. Le 16, à deux heures du matin, ce général déboucha avec le général de brigade Albert, à la tête de deux bataillons de grenadiers de la réserve, le 3e et le 11e régiment de chasseurs et une brigade de dragons. Il rencontra l’ennemi entre Passenwerder et Stegen, à la petite pointe du jour, l’attaqua, le culbuta, et le poursuivit l’épée dans les reins pendant onze lieues, lui prit 1,100 hommes, lui en tua un grand nombre, et lui enleva quatre pièces de canon. Le général Albert s’est parfaitement comporté. Les majors Chemineau et Salmon se sont distingués. Le 3e et le 11e régiment de chasseurs ont donné avec la plus grande intrépidité. Nous avons eu un capitaine du 3e régiment de chasseurs et 5 ou 6 hommes tués, et 8 ou 10 blessés. Deux bricks ennemis, qui naviguaient sur le Frische-Haff, sont venus nous harceler. Un obus, qui a éclaté sur le pont de l’un d’eux, les a fait virer de bord.
Ainsi, depuis le 12, sur les différents points l’ennemi a fait des pertes notables.
L’Empereur a fait manœuvrer, dans la journée du 17, les fusiliers de la Garde qui sont campés, près du château de Finkenstein, dans d’aussi belles baraques qu’à Boulogne.
Dans la journée des 18 et 19, toute la Garde va également camper au même endroit.
En Silésie, le prince Jérôme est campé avec son corps d’observation à Frankenstein, protégeant le siège de Neisse.
Le 12, ce prince apprit qu’une colonne de 3,000 hommes était sortie de Glatz pour surprendre Breslau. Il fit partir le général Lefebvre avec le ler régiment de ligne bavarois, excellent régiment, 100 chevaux et un détachement de 300 Saxons. Le général Lefebvre atteignit la queue de l’ennemi le 14, à quatre heures du matin, au village de Canth; il l’attaqua aussitôt, enleva le village à la baïonnette, et fit 150 prisonniers. 100 chevau-légers du roi de Bavière taillèrent en pièces la cavalerie ennemie, forte de 500 hommes, et la dissipèrent. Cependant l’ennemi se plaça en bataille et fit résistance. Les 300 Saxons lâchèrent pied, conduite extraordinaire, qui doit être le résultat de quelque malveillance, car les troupes saxonnes, depuis qu’elles sont réunies aux troupes françaises, se sont toujours bravement comportées. Cette défection inattendue mit le 1er régiment de ligne bavarois dans une situation critique. Il perdit 150 hommes qui furent faits prisonniers, et dut battre en retraite, ce qu’il fit cependant en ordre. L’ennemi reprit le village de Canth.
A onze heures du matin, le général Dumuy, qui était sorti de Breslau à la tête d’un millier de Français, dragons, chasseurs et hussards à pied, qui avaient été envoyés en Silésie pour être montés, et dont une partie l’était déjà, attaqua l’ennemi en queue; 150 hussards à pied enlevèrent le village de Canth à la baïonnette, firent 100 prisonniers et reprirent tous les Bavarois qui avaient été faits prisonniers.
L’ennemi, pour rentrer avec plus de facilité dans Glatz, s’était séparé en deux colonnes. Le général Lefebvre, qui était parti de Schweidnitz le 15, tomba sur une de ces colonnes, leur tua 100 hommes, et lui fit 400 prisonniers, parmi lesquels 30 officiers. Un régiment de lanciers polonais, arrivé la veille à Frankenstein et dont le prince Jérôme avait envoyé un détachement au général Lefebvre, s’est distingué.
La seconde colonne de l’ennemi avait cherché à gagner Glatz par Silberberg : le lieutenant-colonel Ducoudras, aide de camp du prince, la rencontra et la mit en déroute. Ainsi cette colonne de 3 à 4,000 hommes, qui était sortie de Glatz, ne put y rentrer. Elle a été tout entière prise, tuée ou éparpillée.
Finkenstein, 18 mai 1807
Au prince Jérôme
Votre aide de camp m’a apporté votre lettre, où j’ai vu le petit échec qu’a essuyé le général Lefebvre. J’ai appris avec plaisir que les lanciers polonais vous étaient arrivés. Je viens de donner ordre aux deux régiments wurtembergeois qui sont devant Kolberg d’en partir sans délai, pour se rendre à Breslau. Vous avez mal dirigé le général Lefebvre et avez commis une grande faute militaire. Vous craignez que l’ennemi ne se porte sur Breslau ; vous savez que vous avez à Breslau des forces assez considérables pour, réunies au général Lefebvre, vous assurer la victoire. Il fallait diriger le général Lefebvre sur Breslau en manoeuvrant sur le flanc de l’ennemi, se réunir à toutes les troupes de Breslau, avant de l’attaquer; ainsi réunies, elles eussent obtenu une complète victoire. Ou bien il fallait rendre le général Lefebvre beaucoup plus fort. Il ne fallait pas diviser les Saxons; ensemble, ils eussent eu leurs officiers supérieurs qui les auraient contenus. Je vois que vous êtes dans une fausse route militaire; je vois que vous pensez que deux colonnes, qui en mettent une et demie au milieu, ont l’avantage : mais cela ne réussit pas à la guerre, parce que les deux colonnes n’agissent pas ensemble et que l’ennemi les bat l’une après l’autre. Il faut sans doute tourner l’ennemi, mais d’abord se réunir. Au reste, les 500 chevaux polonais et les 2,600 hommes à pied que vous avez, et qui seront bientôt montés, vous donneront des forces considérables de cavalerie, avec lesquelles vous pourrez protéger le pays. Renvoyez-moi les cuirassiers le plus tôt que vous pourrez. Je vous envoie 400 dragons à Breslau. Vous les monterez quand vous pourrez.
Écrivez à mon ministre à Dresde pour qu’on complète le régiment saxon et qu’on répare ce qu’il a perdu.
……………………….
19 mai 1807
Je reçois au même moment votre lettre du 16 à cinq heures du matin. Je vois avec plaisir les succès que vous avez obtenus, l’ennemi s’étant séparé et s’étant laissé battre en détail. Ces événements, joints au secours de deux régiments wurtembergeois que je vous envoie, et à la cavalerie polonaise, ainsi que la reddition de Neisse, qui ne tardera pas à tomber, car la réponse du gouverneur n’est pas d’un homme bien ferme, me font espérer que je n’aurai plus à recevoir que de bonnes nouvelles de vos côtés.
Finkenstein, 19 mai 1807
Au prince Eugèn
Mon Fils, faites partir pour Augsbourg la légion hanovrienne à cheval.
Finkenstein, 19 mai 1807
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, faites connaître au maréchal Lannes que mon intention est que le corps de réserve soit campé dans les positions les plus saines, à la distance au plus de deux lieues de Marienburg; que la division Oudinot, qui forme la 1e division, campera en bataillon carré; que la 2e division, qui sera composée du 3e et du 72e de ligne, du 2e léger et du régiment de Paris, campera également en bataillon carré, et que ces deux camps seront placés à la distance d’une lieue l’un de l’autre sur la route de Marienburg à Christburg. Le maréchal Lannes s’occupera sans délai de choisir ces emplacements, mon intention étant que le 3e de ligne, qui est arrivé, se baraque sans délai dans la position qu’il doit occuper dans le camp de sa division.
Finkenstein, 19 mai 1807
Au roi de Naples
Mon Frère, j’ai vu le général Mathieu; je lui ai fait connaître que je voyais avec peine que les Anglais eussent le pied sur le continent, Si l’on peut prendre Scilla, il faut le prendre et le fortifier, en y plaçant une bonne garnison et y mettant des vivres pour trois mois. Il faut tenir peu de troupes dans le bas de la botte. Tout ce qui serait nécessaire pour la défense de cette partie doit se retirer, en cas de descente, dans Scilla. 900 hommes, soit infanterie, soit gendarmerie, soit artillerie, vous tiendront maître du bas de la botte et formeront la garnison de Scilla, qui pourrait tenir plus d’un mois, pendant lequel temps l’armée irait la dégager. Je n’ai point vu, dans les projets que vous m’avez envoyés, un projet sur Castellamare; c’est celui auquel je tiens davantage. Cette position ne peut être plus difficile que celle de Gênes, et Gênes passe pour être une bonne place. Dans les positions de montagne, les positions se réduisent ordinairement à deux ou trois points, seuls susceptibles de défense. Mon intention est que la place soit un port de mer. Vous en avez trois, Naples, Castellamare et Tarente. Je préfère Castellamare à tous, parce que je veux établir des lignes qui fermeraient l’isthme jusqu’à Amalfi, et construire dans l’île de Capri un fort qui rendrait maître de la pêche et du littoral de Naples et qui serait à portée d’être secouru de Toulon. Je mets en fait qu’on peut facilement, en deux ou trois ans de temps, et avec 7 ou 8 millions, remplir le but à Castellamare, sauf ensuite à travailler pendant une vingtaine d’années à lui donner de nouveaux degrés de force. Quel est l’ennemi qui voudra s’emparer de Naples, s’il n’a pas des forces telles qu’il puisse s’emparer de Castellamare ? et quelles seront les forces qui prendront Castellamare, si l’isthme et la place sont défendus par 18 ou 20,000 hommes ? Il en faudra au moins 50,000. Vous me demanderez comment le royaume de Naples aura ces 20,000 hommes ? Mais puisqu’il aura les équipages de ses vaisseaux de guerre, les équipages français qui auront pu être envoyés pour ravitailler la place, la garde du roi, le fond de l’armée napolitaine, la gendarmerie et le fond de l’armée auxiliaire française, cela fera plutôt 30,000 hommes que 20,000. Un an de guerre dans cette presqu’île, et le royaume de Naples sera sauvé,. On dit Castellamare montagneux; il ne peut l’être plus que Gênes. Il faut donc faire faire deux projets : des lignes et de la place; le premier, des lignes qui fermeront l’isthme. L’isthme, je le sais, a deux lieues; mais la défense de cet espace doit se réduire probablement à sept ou huit forts qui, soutenus par une armée de 20,000 hommes, ne peuvent pas être pris facilement. Mais enfin, ces forts pris, il doit y avoir à Castellamare une enceinte dans le genre de celle de Gènes. Joignez à cela un bon fort dans l’île de Capri. C’est à ce sujet qu’il faut s’arrêter, donnez ordre positivement qu’on le fasse; et, pour que je comprenne bien la situation des choses, chargez un artiste de faire le relief de toute la presqu’île, afin que je voie bien comment les montagnes se dominent les unes les autres.
Finkenstein, 20 mai 1807
A l’Impératrice, à Laeken
Je reçois ta lettre du 10 mai. Je vois que tu es allée à Laeken. Je pense que tu pourrais rester là une quinzaine de jours; cela ferait plaisir aux Belges, et te servirait de distraction.
J’ai vu avec peine que tu n’étais point sage; la douleur a des bornes qu’il ne faut pas passer. Conserve-toi pour ton ami, et crois à tous mes sentiments.
Finkenstein, 20 mai 1807
A la reine de Hollande
Ma Fille, tout ce qui me revient de la Haye m’apprend que vous n’êtes pas raisonnable; quelque légitime que soit votre douleur, elle doit avoir des bornes. N’altérez pas votre santé, prenez des distractions, et sachez que la vie est semée de tant d’écueils et peut être la source de tant de maux, que la mort n’est pas le plus grand de tous.
Votre affectionné père
Finkenstein, 20 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, j’ai reçu vos lettres du 10 et du 11 . Les bulletins vous instruiront des petits événements qui ont eu lieu.
Les sénateurs commandant des légions, qui iront au chef-lieu de leur légion, doivent y jouir des honneurs qui leur sont attribués, mais seulement dans la ville qui est le chef-lieu de leur légion.
Finkenstein, 20 mai 1807
A M. Monge
Je reçois votre lettre du 9 mai. Je vous remercie de tout ce que vous me dites de la mort du pauvre petit Napoléon : c’était son destin !
Finkenstein, 20 mai 1807
A M. Fouché
Je reçois votre lettre du 10 et celle du 11. Il n’y a rien ici de nouveau que les petits événements que vous verrez dans le bulletin.
La perte du petit Napoléon m’a été très-sensible. J’aurais désiré que ses père et mère eussent reçu de la nature autant de courage que moi pour savoir supporter tous les maux de la vie. Mais ils sont plus jeunes et ont moins réfléchi sur la fragilité des choses d’ici-bas.
Je vous recommande qu’il n’y ait point de réaction dans l’opinion. Parlez de Mirabeau avec éloge. Il y a des choses dans cette séance de l’Académie qui ne me plaisent pas : elle a été trop politique; il n’était pas du ressort du président d’une compagnie savante de parler de Mirabeau. S’il devait en parler, il ne devait pas parler de son style; cela seul pouvait le regarder. Quand serons-nous donc sages? Quand serons-nous animés de la véritable charité chrétienne, et quand donc nos actions auront-elles pour but de ne faire de la peine et de n’humilier personne, de ne point réveiller des faits qui vont au cœur de beaucoup de gens ? Et quand surtout chacun aura-t-il le bon sens de se restreindre dans ses fonctions ? Qu’a de commun l’Académie française avec la politique ? Pas plus que les règles de la grammaire n’en ont avec l’art de la guerre.
Finkenstein, 20 mai 1807
DÉCISION
Les Ursulines de Parme demandent, 1° la restitution des biens-fonds dont elles jouissaient et dont le revenu montait par an à 25,000 francs; 2° la permission de reprendre leur habit. | Renvoyé à M. Portalis. Mon intention est que la seconde demande soit accordée sans délai. Me faire un rapport sur les conséquences qu’entraînerait la première si elle était accordée. |
Finkenstein, 20 mai 1807
A la princesse Marie-Antoinette de Parme
J’ai reçu votre lettre du 2 mai. J’ai donné les ordres les plus précis pour que le collège des Ursulines, qui vous sert de retraite, soit spécialement protégé, et j’ai accordé les deux demandes que vous m’avez faites pour cette maison. Le ministre des cultes prendra les mesures nécessaires pour faire connaître ma volonté aux administrations du pays. Je suis bien aise que vous soyez contente, et d’avoir trouvé cette occasion de vous être agréable.
Finkenstein, 20 mai 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, plus de 100 hommes, Brescians, ont déserté des régiments italiens à leur passage dans le Tyrol. Il faut les faire arrêter et les renvoyer aux corps.
Finkenstein, 20 mai 1807
76e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Une belle corvette anglaise doublée en cuivre, de vingt-quatre canons, montée par 120 Anglais et chargée de poudre et de boulets, s’est présentée pour entrer dans la ville de Danzig. Arrivée à la hauteur de nos ouvrages, elle a été assaillie par une vive fusillade des deux rives et obligée d’amener. Un piquet du régiment de Paris a sauté le premier à bord. Un aide de camp du général Kalkreuth, qui revenait du quartier général russe, plusieurs officiers anglais ont été pris à bord. Cette corvette s’appelle Le Sans-Peur. Indépendamment de 120 Anglais, il y avait 60 Russes sur ce bâtiment.
La perte de l’ennemi au combat de Weichselmünde, du 15, a été plus forte qu’on ne l’avait d’abord pensé, une colonne russe , qui avait longé la mer, ayant été passée au fil de la baïonnette. Compte fait, on a enterré 1,300 cadavres russes.
Le 16, une division de 7,000 Russes, commandée par le général Tutschkof , s’est portée , de Brok sur le Bug , sur Pultusk , pour s’opposer à de nouveaux travaux qui avaient été ordonnés pour rendre plus respectable la tête de pont. Ces ouvrages étaient défendus par six bataillons bavarois, commandés par le prince royal de Bavière. L’ennemi a tenté quatre attaques; dans toutes, il a été culbuté par les Bavarois et mitraillé par les batteries des différents ouvrages. Le maréchal Masséna, évalue la perte de l’ennemi à 300 morts et au double de blessés. Ce qui rend l’affaire plus belle, c’est que les Bavarois étaient moins de 4,000 hommes. Le prince royal se loue particulièrement du baron de Wrede, officier général au service de Bavière, d’un mérite distingué. La perte des Bavarois a été de 15 hommes tués et de 150 blessés.
Il y a autant de déraison dans l’attaque faite contre les ouvrages du général Lemarois dans la journée du 13, et dans l’attaque du 16 sur Pultusk, qu’il y en avait, il y a six semaines, dans la construction de ce grand nombre de radeaux auxquels l’ennemi faisait travailler sur le Bug. Le résultat a été que ces radeaux , qui avaient coûté six semaines de travail, ont été brûlés en deux heures, quand on l’a voulu, et que ces attaques successives contre des ouvrages bien retranchés et soutenus de bonnes batteries leur ont valu des pertes considérables sans espoir de profit.
Il paraît que ces opérations ont pour but d’attirer l’attention de l’armée française sur sa droite; mais les positions de l’armée française sont raisonnées sur toutes les bases et dans toutes les hypothèses, défensives comme offensives.
Pendant ce temps, l’intéressant siège de Danzig continue à marcher. L’ennemi éprouvera un notable, dommage en perdant cette place importante et les 20,000 hommes qui y sont renfermés. Une mine a joué sur le blockhaus et l’a fait sauter. On a débouché sur le chemin couvert par quatre amorces, et on exécute la descente du fossé.
L’Empereur a passé aujourd’hui l’inspection du 5e régiment provisoire. Les huit premiers ont subi leur incorporation. On se loue beaucoup dans ces régiments des nouveaux conscrits génois, qui montrent de la bonne volonté et de l’ardeur.
Finkenstein, 21 mai 1807
A M. Fouché
Le non-éclairage de Paris devient une dilapidation. Il faut porter enfin un terme à un abus dont le public commence à se plaindre.
Finkenstein, 21 mai 1807
Au général Lacuée
J’ai reçu votre lettre du 6 de ce mois. Ce qui me paraît convenable, c’est de ne plus nommer aux emplois d’officiers dans la légion du Midi, et, d’ici à quelque temps, de la resserrer en un seul bataillon. Continuez néanmoins son recrutement. Je l’ai toujours destinée à être embarquée et à être envoyée aux colonies. C’est pour cela que je la faisais recruter d’anciens soldats du roi de Sardaigne, afin de ne pas laisser en Piémont des hommes qui ont fait la guerre contre nous.
Finkenstein, 21 mai 1807
Au général Lacuée
Je reçois et lis avec un grand intérêt votre état A présentant la situation, après la réception des conscrits de 1808, 1° des dépôts de l’infanterie de l’armée de Naples et de la Grande Armée, 2° des régiments du Frioul, de la Dalmatie, etc. Cet état est si bien fait, qu’il se lit comme une belle pièce de poésie.
J’y ai remarqué quelques erreurs. Dans les dépôts de la Grande Armée, le long du Rhin, vous deviez porter le 3e bataillon du 17e; je ne l’y trouve pas. Au camp de Saint-Lô, je vois le 15e de ligne, qui n’y est pas, et le 31e léger, qui n’y est pas davantage; il fallait mettre en place le 5e léger. Il ne fallait pas porter au camp Napoléon le 5e léger, qui n’y est pas, mais porter en place le 3e et le 4e bataillon du 15e de ligne et le 3e bataillon du 31e léger. Dans le Frioul, il ne fallait pas mettre le 112e, qui n’y est pas. Dans les divisions Boudet et Molitor, il ne fallait pas mettre le 7e de ligne, dont le 3e bataillon est en Piémont, et les deux premiers bataillons à Braunau. Le 42e ni le 1er d’infanterie légère ne sont plus à l’armée de Naples, non plus que le 32e d’infanterie légère; il est tout réuni à Toulon. Il faut faire disparaître ces petites erreurs.
Par la lettre que je vous ai écrite ce matin, vous verrez les dispositions que j’ai faites de la réserve. J’y ai laissé 3,000 hommes pour la cavalerie et l’artillerie. Les carabiniers me paraissent complets; cependant on ne saurait trop donner à ces deux beaux régiments. Vous pouvez donc donner sur la réserve 25 hommes à chacun, pour réparer ce qu’ils perdront ou ce qu’ils ont peut-être déjà perdu par
les hôpitaux et par les événements de la guerre.
Le 2e de cuirassiers a besoin de 60 hommes; le 30e de 25; le 41e de 50; le 6e, de 100; le 90e de 45; le 12e, de 100; les deux régiments de carabiniers en ont besoin de 50. Total, 435.
Le 12e de dragons a besoin de 50 hommes; le 80, de 50; le 11e, de 50; le 12e, de 50; le 18e, de 50; le 19e, de 25; le 20e, de 25;
le 26e, de 50. Total, 350.
Le ler de chasseurs a besoin de 100 hommes; le 2e, de 100; le 3e, de 60; le 5e, de 60; le 7e, de 70; le 12e, de 100; le 13e, de 20; le 15e, de 50; le 24e, de 150. Total, 710.
Le 2e de hussards a besoin de 50 hommes; le 4e, de 100; le 7e, de 20; le 9e, de 50. Total, 220.
L’artillerie à cheval a besoin de 400 hommes.
Il vous restera donc près de 1,000 hommes pour l’artillerie et les sapeurs.
Finkenstein, 21 mai 1807
Au vice-amiral Decrès
Je reçois votre lettre du 11. Le roi de Naples pense que, si une division de quatre vaisseaux de ligne et de quelques frégates venait à Naples, elle pourrait s’emparer de la Sicile, où il n’y a que quelques frégates. J’ai cinq vaisseaux actuellement à Toulon. Il me tarde bien de savoir ces cinq vaisseaux en rade. Vous ne me répondez pas là-dessus. Je dois avoir à Toulon de meilleures frégates que la Muiron. Je désire que cette frégate, sur laquelle je suis revenu d’Égypte, soit gardée comme un monument et placée de manière à ce qu’elle se conserve, s’il est possible, plusieurs centaines d’années. D’ailleurs son équipage servirait à monter un vaisseau. J’éprouverais une peine superstitieuse s’il arrivait un malheur à cette frégate. Placez-la quelque part dans l’arsenal de Toulon.
Faites donc finir à Gènes le Superbe.
La Sicile est d’une grande importance, et, si j’ai cinq vaisseaux à Toulon dans le courant de l’été, cela peut nous redonner cette île. Informez-moi si un vaisseau à trois ponts peut entrer dans le port de Castellamare et dans le port de Naples.
Finkenstein, 21 mai 1807
ORDRES
Envoyer un courrier extraordinaire à Hambourg pour qu’on vende les bois.
Écrire confidentiellement à M. Bourrienne et au commandant de Hambourg qu’il faut prévoir le cas où les Anglais pourraient y arriver, et que, dès ce moment, il est nécessaire de faire filer sur Magdeburg tous les effets d’habillement à mesure qu’ils sont confectionnés, ainsi que l’argent.
Vendre les marchandises anglaises.
Finkenstein, 21 mai 1807
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, je reçois votre lettre du 19 mai. Vous voyez les choses d’une manière trop absolue. Voyez fréquemment les membres du gouvernement, et n’employez pas trop de mécontents.
Duroc a dû vous écrire hier pour vous demander beaucoup de renseignements dont j’ai besoin. Je désire que vous me les envoyiez le plus tôt que vous pourrez. Voyez souvent les membres du gouvernement, et surtout le comte Stanislas Potocki. Tâchez de m’envoyer toutes les nouvelles que vous aurez de la Gallicie.
Finkenstein, 21 mai 1807
Au général Clarke
Je reçois votre lettre du 17. J’imagine que la division Boudet est en marche sur Stettin. J’ai mandé également au maréchal Brune de se porter à Stettin; je le trouve mieux placé là. Je n’ai encore pris aucun parti pour la division Molitor, qui, je crois, n’est arrivée que le 17 à Magdeburg, où elle aura besoin de reposer quelque temps. Je suppose qu’à l’heure qu’il est la division Boudet a passé Berlin. Il ne faut pas manquer de faire exagérer sa force dans tous les journaux, ainsi que celle des troupes espagnoles qui doivent, à l’heure qu’il est, avoir de beaucoup dépassé Augsburg.
Je vois par votre lettre du 18 que le roi de Suède est arrivé à Stralsund. S’il rompt l’armistice, il trouvera à qui parler.
Vous verrez que j’ai frappé une réquisition de 2,000 chevaux; mais je n’en approuve pas moins l’achat de 500 que vous avez ordonné. Il est arrivé de Paris un millier de selles à Magdeburg. Faites-les mettre à la disposition du général Bourcier, à Potsdam. Quand vous aurez plus de chevaux que d’hommes, il serait assez avantageux d’envoyer, avec les différents détachements, quelques chevaux en sus, qu’on distribuerait aux régiments. Donnez, par exemple, trois chevaux par deux hommes. Mais il faudrait qu’ils fussent tous sellés et bridés.
22 – 30 Mai 1807
Finkenstein, 22 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, j’attends à demain pour vous envoyer le bulletin qui probablement vous annoncera la reddition de Danzig. Hier, à neuf heures du soir, comme on allait monter à l’assaut, le gouverneur a demandé à entrer en pourparler. Il est cependant inutile de rien faire mettre dans les journaux; mais vous pouvez le faire dire en société. Cette prise sera très-importante, parce que, outre les grandes ressources que je trouverai dans cette place, j’aurai l’avantage d’avoir un grand nombre de troupes disponibles.
Finkenstein, 22 mai 1807
Au roi de Hollande
Je m’empresse de vous prévenir qu’au moment même où l’on montait à l’assaut, le gouverneur a demandé à entrer en pourparler. Il n’y a, du reste, rien de nouveau. Il ne faut cependant pas mettre encore cette nouvelle dans les journaux (mais vous pouvez le dire), parce qu’il serait possible qu’on ne s’arrangeât pas dans les articles de la capitulation.
Faites connaître cette nouvelle à l’Impératrice, à l’endroit où elle se trouve.
Finkenstein, 22 mai 1807
Au général Clarke
Je reçois votre lettre du 19. Les bulletins de l’armée vous auront fait connaître l’heureux résultat du combat du 15 contre le général Kamenski, et la prise d’une belle corvette anglaise. J’ai à vous instruire aujourd’hui qu’au moment où l’on allait donner l’assaut au Hagelsberg cette place a demandé à capituler. Il est donc probable qu’au moment où vous lirez cette lettre mes troupes seront entrées dans Danzig.
Je suppose que la division Boudet est arrivée, à l’heure qu’il est, à Berlin. Vous ne m’en parlez pas dans votre lettre. Vous ne manquerez pas d’en passer la revue et de m’en rendre un compte détaillé.
Finkenstein, 22 mai 1807
Au maréchal Berthier
Il est nécessaire cependant de jeter un coup d’œil sur la situation de l’armée, pour tirer au clair beaucoup de choses qui paraissent très-obscures.
Les états du 10 mai porteraient plus de 45,000 hommes aux hôpitaux, et les états de l’intendant général, à la même époque, ne portent que 19,500 malades français.
Les états portent également que les cinq corps d’infanterie ont 10,000 hommes aux petits dépôts ; par exemple, le ler corps, 2,100 hommes; cependant l’état du dépôt de Schwetz, au ler mai, ne porte que 1,400 hommes. Le 3e corps porte plus de 3,000, et le dépôt de Wloclawek, au 12 mai, ne porte que 2,100 hommes.
Il faudrait donc voir d’où viennent ces différences, et charger un inspecteur aux revues intelligent de faire un mémoire sur cela.
D’abord il faudrait distinguer les hôpitaux en trois colonnes
1° Hôpitaux en France;
2° en Bavière ou Autriche;
3° en Prusse, depuis rentrée en Saxe.
Et pour éclaircir la question, il faudrait une quatrième colonne qui fit connaître le nombre d’hommes qui sont encore aux hôpitaux et qui y sont entrés depuis le le, novembre, les autres pouvant être à peu près supposés comme morts.
Je crois très-important de fixer nos idées sur cet objet, car voilà 25,000 hommes qu’on ne trouve pas. Je suis certain que, dans les situations des corps, il est des hommes que l’on porte aux hôpitaux depuis le départ de Boulogne.
Il faut d’abord que l’état-major demande un état conforme aux présentes observations, et faire passer dans chaque corps d’armée la revue de rigueur par un inspecteur aux revues, qui rapportera un état exact des hommes.
On pourrait prendre dans les corps d’armée ceux qui portent le plus de monde aux hôpitaux; par ce moyen, nous éclaircirons cette question.
Finkenstein, 22 mai 1807, 3 heures après midi
Au maréchal Lefebvre, à Pietzkendorf
En chargeant le général Drouet d’entrer en négociation avec l’officier qu’a envoyé le général Kalkreuth, vous ne manquerez pas de lui recommander de faire connaître que je l’ai autorisé à sortir, pour le général Kalkreuth, des règles ordinaires, voulant donner à cet officier général une preuve particulière d’estime, due à son caractère et à la conduite qu’il a toujours tenue envers les Français; que cependant la capitulation de Mayence ne peut être prise pour base; qu’on doit se souvenir que, lorsque cette place s’est rendue, l’armée française en était encore loin, et que le siège était moins avancé que celui de Danzig l’est aujourd’hui; que j’ai fait dans le temps une capitulation honorable au général Wurmser renfermé dans Mantoue, et que je veux en accorder une plus avantageuse au général Kalkreuth, qui tienne le milieu entre celle de Mayence et celle de Mantoue.
Finkenstein, 22 mai 1807
Au maréchal Lefebvre
Mon Cousin, il est bien dur de laisser échapper 10 à 12, 000 hommes, quand on pourrait les avoir prisonniers dans quinze jours; cependant, par la considération qu’un grand nombre désertera avant d’avoir rejoint les avant-postes, je consens aux conditions suivantes :
1° La place sera remise à l’armée française.
2° La garnison défiera avec les honneurs de la guerre, mais elle remettra ses armes.
3° Les chevaux seront également remis; on déterminera le nombre que les officiers pourront emmener.
4° Les magasins, munitions, artillerie, etc., tout ce qui appartient au Roi et aux régiments sera remis à l’armée française.
5° Les officiers, sous-officiers et soldats conserveront leurs bagages, les officiers et sous-officiers, leurs épées et leurs sabres.
6° La garnison ne pourra servir pendant un an contre les armées françaises ni ses alliés, sous la parole du général Kalkreuth, du prince russe et des officiers.
7° Les prisonniers français seront rendus.
8° La garnison sera échangée jusqu’à concurrence des prisonniers qui peuvent exister dans les armées russes ou prussiennes.
Cet article est très-important; les Russes peuvent avoir 2,000 prisonniers à nous, les Prussiens 1,000; il serait fort avantageux d’avoir ces 3,000 hommes.
Quant au fort de Weichselmünde, je laisse toute latitude. Les troupes débarquées peuvent se retirer, même sans aucune condition; mais on pourrait obtenir que la garnison du fort sortît avec les mêmes conditions que celle de la place.
Finkenstein, 23 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 14. Vous pouvez faire mettre dans les journaux que les Anglais ont reçu des échecs considérables en Égypte, et que de nombreux renforts ont dû partir de Sicile pour venir au secours des troupes de l’expédition.
Finkenstein, 23 mai 1807
A M. Fouché
Je vois avec plaisir que la conscription commence à marcher.
Les entrepreneurs des lumières de Paris sont des fripons, qui s’imaginent bien éclairer les rues de Paris lorsqu’ils ont payé les bureaux du préfet de police. Je vous prie de porter un grand soin pour que cette partie importante du service de la capitale soit bien administrée. (on s’éclaire alors à Paris au réverbère à huile – 1 centime 3/4 par bec et par heure – que les entrepreneurs « oublient » d’allumer les soirs de lune…)
Finkenstein, 23 mai 180
NOTE POUR LE MARÉCHAL BERTHIER
Le major général donnera l’ordre au maréchal Victor de se rendre sur-le-champ à Graudenz pour y prendre le commandement du siége. Mon intention est de lui confier cette opération. Il y a dans ce moment-ci peu de troupes, mais il va en arriver de Danzig. Il faut, en attendant, qu’il se rende à Graudenz dans la journée de demain, qu’il se concerte avec le général Lazowski, tant pour bloquer la place et empêcher les bateaux d’y entrer que pour arrêter le plan d’attaque et l’équipage de siège.
Demander au général Songis quel est l’officier auquel il veut confier le commandement de l’artillerie de siège de Graudenz.
Finkenstein, 23 mai 1807
NOTES POUR M. MATHIEU FAVIERS, ORDONNATEUR DU QUARTIER GÉNÉRAL
Envoyer de Neuenburg 1,000 quintaux de grains à Dirschau; de Marienwerder, 1,000 à Marienburg; de Thorn, 4,000 à Elbing; de Thorn, 4,000 à Neuenburg.
Notre situation devenant alarmante sous le rapport des subsistances, envoyer un courrier à Bromberg et à Thorn pour faire arriver et savoir ce qui s’y trouve.
Écrire au général Belair, qui est chargé de la navigation du canal, pour qu’il presse l’arrivée de tout ce qui s’y trouve.
Écrire à Küstrin pour presser le départ de ce qui doit en partir.
Il devrait y avoir 100,000 quintaux à Bromberg; il doit y avoir 10,000 quintaux à Wloclawek; ce point étant sur la rivière, il est plus facile d’en tirer.
Enfin, proposer les mesures pour hâter l’arrivée des approvisionnements et leur bonne direction. Il faut éviter qu’Elbing arrête ou suspende un seul jour ses envois sur les différents corps d’armée.
Varsovie doit fournir aussi; il doit y être rentré ce que le gouvernement polonais devait en vertu de son marché, et il a reçu son payement.
- Wybicki, à Plock, doit avoir reçu de l’argent et continuer ses fournitures.
S’occuper des hôpitaux et des ambulances. Il faut que le 10e corps fasse ses évacuations sur Bromberg et Posen, et qu’il ne revienne pas sur nous. Quand Danzig sera pris, il sera facile d’y établir un grand hôpital.
Finkenstein, 23 mai 1807
Au général Lemarois, à Varsovie
Monsieur le Général Lemarois, je ne reçois pas assez souvent de vos nouvelles. Il doit y avoir à Varsovie 7 à 800,000 rations de biscuit, faites-en partir les deux tiers par eau pour Marienwerder, et envoyez au maréchal Masséna, par la Narew, ce qui peut lui être nécessaire.
Je désire savoir, par le retour du courrier, où se trouve, depuis votre affaire et celle de Pultusk, le général russe. Occupe-t-il toujours Wyskow et Brock ?
Duroc a dû vous faire de ma part un grand nombre de demandes, je suppose que vous y aurez déjà répondu.
Faites mettre dans les journaux de Varsovie que les Anglais ont éprouvé des pertes considérables en Égypte. Faites-y mettre aussi que Danzig a demandé à capituler, et capitule dans ce moment.
Finkenstein, 23 mai 1807
Au général Clarke
Je reçois votre lettre du 20. Le débarquement des Russes et des Prussiens à Stralsund est un conte. Ils ont bien autre chose à faire que d’envoyer des troupes à Stralsund. Du débarquement des Anglais, il n’y a encore aucune nouvelle.
Je suis étonné qu’au 20 vous ne me parliez pas encore de la division Boudet.
Finkenstein, 24 mai 1807
A l’Impératrice, à Laeken
Je reçois ta lettre de Laeken. Je vois avec peine que ta douleur est encore entière et qu’Hortense n’est pas encore arrivée; elle n’est pas raisonnable et ne mérite pas qu’on l’aime, puisqu’elle n’aimait que ses enfants.
Tâche de te calmer et ne me fais point de peine. A tout mal sans remède il faut trouver des consolations.
Adieu, mon amie. Tout à toi.
Finkenstein, 24 mai 1807
A M. de Champagny
Monsieur Champagny, on se plaint à Marseille qu’il y a beaucoup de dilapidations dans l’administration des octrois. Il paraît que les
soupçons n’épargnent pas même le préfet. Il faudrait s’adresser au corps municipal pour lui demander secrètement et confidentiellement des renseignements sur cet objet; car enfin il n’est pas dans mon intention de livrer une ville comme Marseille à la cupidité de qui que ce soit.
Finkenstein, 24 mai 1807
A M. Portalis
Je reçois votre lettre. Le curé de Saint-Sulpice est-il un sujet distingué ? Je suis fort embarrassé pour le choix de l’évêque de Vannes.
Finkenstein, 24 mai 1807
A M. Fouché
Les dernières nouvelles de la Méditerranée sont que les Anglais n’ont pas pris Alexandrie et qu’ils y ont essuyé un échec assez considérable. S’ils prennent cette ville, ils ne la prendront qu’avec beaucoup de sang.
Faites faire, dans les journaux, des articles qui présentent le roi de Prusse comme ayant chassé d’auprès de lui MM. Zastrow, Stein, Schulenburg, Moellendorf et les vrais Prussiens; comme étant aujourd’hui tout à fait mené par M. de Hardenberg, entièrement à la disposition de la Russie. Faites sentir que ce monarque , dans son abaissement, est encore plus petit par la conduite qu’il tient que par ses malheurs; qu’à la suite de l’empereur de Russie, dont il est moins que l’aide de camp, il entend souvent des propos durs contre sa nation et son armée; qu’en réalité on ne fait aucun cas de ses intérêts et de ceux de ses peuples, dont la détresse ne parait point le toucher; qu’il ne fait autre chose que de chasser les ministres qui avaient l’opinion d’être pacifiques, pour s’entourer de ceux connus par une haine furibonde contre la France; que, du reste, son armée se monte à peu près à 12,000 hommes; qu’il n’a presque plus rien de sa province de Silésie, et que le peu qui lui en reste est brûlé, ruiné, saccagé par les Cosaques.
Finkenstein, 24 avril 1807
ORDRE
- de Caulaincourt répondra à cette lettre (Lettre du colonel Krasinski , qui annonce l’arrivée du comte de Tarnowski, député par la noblesse de Volhynie pour offrir ses services à l’Empereur) que ces offres sont acceptées, tant pour la province de Volhynie que pour l’autre; qu’il faut se tenir prêt et alerte, que le moment ne tardera pas à venir; mais qu’il faut, en attendant, ne faire aucune imprudence et se con- tenter d’envoyer des renseignements, en acquérant des chevaux et des armes et se mettant en état d’être le plus nombreux possible quand le moment arrivera.
Finkenstein, 24 mai 1807
NOTE POUR LE MAJOR GÉNÉRAL
Le major général écrira au général Ritay que je ne puis que lui témoigner mon extrême mécontentement de son extrême et coupable négligence; qu’un bateau chargé d’eau-de-vie s’est échappé du port de Marienwerder et s’est rendu à Graudenz. S’il avait visité tous les jours les magasins, monté à cheval pour aller an port, exigé que les commissaires des guerres fissent leur devoir, cela ne serait pas arrivé. Il ne manque pas de troupes pour placer des gardes.
L’ordre exprès de l’Empereur est que, tous les jours, il passe une heure au port et dans les magasins. C’est lorsque les généraux montrent l’exemple que les subalternes font leur devoir.
Chaque bateau qui arrive doit être consigné au port, déchargé dans les vingt-quatre heures, et on doit y mettre une garde.
Le commissaire des guerres Roch, de Marienwerder, sera arrêté et mis à l’ordre de l’armée.
Finkenstein, 24 mai 1807
Au général Clarke
Vous pouvez faire mettre dans les journaux que les Anglais ont débarqué en Égypte; qu’ils ont attaqué Alexandrie, dont ils n’ont pu s’emparer, et qu’ils ont essuyé des échecs considérables qui les ont obligés à réclamer des renforts; qu’ainsi, s’ils s’emparent de cette place, ce ne sera pas sans y perdre beaucoup de monde.
Je vous ai déjà mandé que, si le général Bourcier a des chevaux, il serait convenable qu’il envoyât trois chevaux par deux hommes, parce que, arrivés à l’armée, ces chevaux seront donnés aux hommes qui en auraient le plus besoin.
Le régiment qui porte à Malte le nom de Royal s’est insurgé, s’est emparé d’un fort et s’y est battu plusieurs jours. Les Anglais ont fait venir des troupes pour le réduire, mais y ont eu beaucoup de peine. Faites mettre cela dans les journaux.
Je vous ai mandé que Danzig demandait à capituler. J’ai envoyé des ordres pour la capitulation et n’en ai point encore de nouvelles.
Il faut faire parler dans les journaux contre M. de Hardenberg, et faire sentir combien il est imprudent au roi de Prusse d’avoir nommé un ministre avec lequel la France n’avait pas voulu négocier; que cette conduite du Roi l’avilit; qu’il entend chaque jour des propos contre le courage de sa nation. Il faut beaucoup écrire dans ce sens.
Finkenstein, 24 mai 1807
Au prince Jérôme
Mon Frère, je charge Duroc de vous écrire pour accélérer les envois de subsistances sur l’armée, par eau et par terre. Ce pays est épuisé et nous avons plus de bouches.
Depuis quarante-huit heures je n’ai pas de nouvelles de Danzig, ce qui me fait penser qu’on rédige la capitulation.
Je vous expédie votre courrier; je garde l’officier qui m’a apporté vos lettres du 20.
Finkenstein, 24 mai 1807
Au roi de Hollande
Monsieur mon Frère, j’ai reçu vos lettres que m’ont remises les députés que vous m’avez envoyés; je leur ai donné une longue audience. J’ai été satisfait de leurs connaissances, et surtout des sentiments qu’ils m’ont exprimés. Ils diront à Votre Majesté tout l’intérêt que je porte à elle et à la nation hollandaise.
Finkenstein, 24 mai 1807
ORDRE
Il faut que tous les bateaux qui sont à Marienwerder remontent à Thorn par convoi. S’il y a des malades à évacuer, on peut s’en servir. Arrivés à Graudenz, il y a des marins de la Garde qui les feront passer. En prévenir le général Rouyer, afin de veiller à ce qu’ils n’aillent pas se jeter dans Graudenz.
Finkenstein, 25 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 16 mai. Vous verrez par le bulletin que Danzig nous a ouvert ses portes. Nous trouvons dans cette importante place une immense artillerie, des magasins considérables de marchandises anglaises et du blé pour nourrir l’armée pendant deux ans.
Les Anglais prennent toutes sortes de moyens pour tirer des armes de France et de Hollande. Écrivez an roi de Hollande et voyez les ministres de la police et des finances , pour que toutes les mesures soient prises afin qu’il ne sorte aucune arme ni de France, ni de Hollande, pas même pour aller en Amérique, ce qui, vous le concevez bien, n’est qu’un prétexte.
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Ci-joint la continuation du journal du siège de Danzig pour le Moniteur.
Finkenstein, 26 mai 1807
A l’Impératrice, à Laeken
Je reçois ta lettre du 16. J’ai vu avec plaisir qu’Hortense est arrivée à Laeken. Je suis fâché de ce que tu me mandes de l’espèce de stupeur où elle est encore. Il faut qu’elle ait plus de courage et qu’elle prenne sur elle. Je ne conçois pas pourquoi on veut qu’elle aille aux eaux; elle serait bien plus dissipée à Paris, et trouverait plus de consolations. Prends sur toi, sois gaie et porte-toi bien.
Ma santé est fort bonne.
Adieu, mon amie; je souffre bien de toutes tes peines; je suis contrarié de ne pas être près de toi.
Finkenstein , 26 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 17 mai. Les troupes françaises sont entrées ce matin à Danzig. Vous recevrez demain le bulletin. Il y a dans cette place une quantité considérable de canons et des magasins de toute espèce, de blé, etc., pour nourrir l’armée plusieurs années. Si vous croyez utile de faire tirer le canon , vous pouvez le faire. Ne considérez que le bien que cela peut faire sur la conscription.
Les premières fonctions comme les premiers devoirs du sénateur Ordener sont ceux qui rattachent à la personne de l’Impératrice. Quand je lui ai donné le commandement des dépôts de la Garde, c’est que je pensais que l’Impératrice était à Paris. Mon intention est que, si l’Impératrice était encore à Laeken, il y retourne, et qu’il ne garde le commandement des dépôts qu’autant qu’il est compatible avec ses devoirs auprès de l’Impératrice.
Finkenstein , 26 mai 1807
A M. Fouché
Je reçois votre lettre du 17 mai. Soyez bien certain que la personne qui a dîné à Paris avec Mme de Staël, chez des hommes de lettres, y a certainement dîné. Je ne vous en ai parlé que pour vous instruire d’une chose que vous ne saviez pas.
Danzig est pris. Nos troupes y sont entrées ce matin.
Finkenstein, 26 mai 1807
Au maréchal Berthier
Vous ferez mettre à l’ordre du jour que Danzig a capitulé; qu’au jourd’hui à midi nos troupes y sont entrées; que Sa Majesté témoigne sa satisfaction aux troupes assiégeantes ; que les sapeurs se sont couverts de gloire.
Vous écrirez confidentiellement aux maréchaux de faire faire aux avant-postes des démonstrations de joie qui en imposent aux soldats ennemis et leur fassent voir que nous avons de bonnes nouvelles.
Finkenstein, 26 mai 1807
Au maréchal Lefebvre
Je vous fais mon compliment sur la prise de Danzig.
Avec plus d’habileté votre négociateur eût obtenu les chevaux et les fusils, ce qui n’eût pas laissé d’être important; et d’ailleurs cela donnait un caractère plus décisif au succès de l’armée.
Il faut au moins pousser rapidement les travaux contre le fort de Weichselmünde et le camp retranché, afin de débarrasser ensuite tout cela le plus tôt possible. Je crois qu’avec des mortiers et des pièces de 24 on doit pouvoir faire beaucoup de mal à l’ennemi et accélérer son embarquement; mais pour cela il faut s’approcher.
Que la Riboisière compose le plus tôt possible l’équipage de siége de Graudenz et s’occupe d’y faire arriver promptement des approvisionnements d’artillerie et des pièces.
Finkenstein, 26 mai 1807
Au grand-duc de Berg
La garnison de Danzig commence à défiler demain. Envoyez au pont du Frische-Haff des officiers de cavalerie intelligents pour prendre note de ce qui passera et le compter exactement. Il faut aussi qu’il y ait au pont une brigade de cavalerie, et envoyer des patrouilles sur les derrières jusqu’à ce qu’ils soient à Pillau.
Du reste renvoyez la cavalerie dans ses cantonnements. Je ne vois pas d’inconvénient que vous vous rendiez à Danzig. J’en ai donné le commandement à Rapp.
Vous m’écrirez à votre arrivée à Danzig tout ce que vous aurez vu.
Finkenstein, 26 mai 1807
A M. de Talleyrand
Faites partir sur-le-champ M. Lavoura, qui portera à Constantinople et à Vienne la nouvelle de la prise de Danzig, où l’on a trouvé des magasins immenses.
Finkenstein, 26 mai 1807
Au général Clarke
Danzig a capitulé. Mes troupes y sont entrées. Ainsi c’est une affaire finie. Faites mettre cette nouvelle dans les journaux de Berlin. Faites tirer le canon de Spandau, et des autres places si vous voulez. Vous pouvez même, si vous le jugez d’un bon effet, faire chanter un Te Deum. Enfin donnez à cette prise un grand éclat.
Finkenstein, 26 mai 1807
Au roi de Hollande
Danzig a capitulé. Mes troupes y sont entrées ce matin. Il y a des magasins immenses. Votre lettre du 16 m’apprend que vous avez conduit la Reine à Laeken. J’espère qu’un peu de mouvement la remettra promptement.
Finkenstein, 26 mai 1807
Au prince Jérôme
Mon Frère, j’apprends que vous avez des hémorroïdes. Le moyen le plus simple de les faire disparaître, c’est de vous faire appliquer trois ou quatre sangsues. Depuis que j’ai usé de ce remède, il y a dix ans, je n’en ai plus été tourmenté.
Quand donc prendrez-vous la place de Neisse ? 3,000 Saxons doivent être arrivés ou sont en marche pour renforcer votre armée; mettez-les tous ensemble. Les deux régiments de Wurtemberg sont partis il y a longtemps de Kolberg et doivent être près d’arriver.
J’attends avec impatience ma cavalerie. Je vous envoie encore 400 cavaliers à pied, qui, à l’heure qu’il est, doivent avoir dépassé Posen.
Nous avons trouvé à Danzig de grandes ressources. Cette place est un trésor pour nous et nous offre des avantages inappréciables.
On dit qu’une maladie épidémique règne à Graudenz. Ce serait une bonne chose que d’avoir cette forteresse.
Je vous ai déjà demandé un récit général de toutes vos campagnes de Silésie; cela peut être important.
Du moment que la place de Kolberg sera prise, je renforcerai votre corps d’armée, si cela est nécessaire.
Finkenstein, 26 mai 1807
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, je reçois vos deux lettres du 24. Toutes les nouvelles que l’on publie de la Turquie sont fausses, comme vous le verrez par l’extrait ci-joint de dépêches officielles que vous ferez mettre dans les journaux de Varsovie.
Dirigez les 600,000 rations sur Marienwerder.
Danzig a capitulé; mes troupes y entrent aujourd’hui à midi. Il y a des magasins immenses de blé, de vin et d’autres objets nécessaires à l’armée.
Le maréchal Duroc vous a demandé beaucoup de renseignements; je ne sais si vous les lui avez envoyés.
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Widdin, 5 mai 1807. – Les Russes ont évacué Giurgevo le 20 avril. Moustafa-Pacha, a fait avancer de la cavalerie pour suivre leur arrière-garde. Des bruits courent de l’évacuation de Bucharest; elle n’est cependant pas encore certaine.
L’évacuation de Giurgevo n’est pas le seul échec que les Russes aient essuyé devant les troupes de la Porte. Pelivan-Aga, gouverneur d’Ismaïl, a remporté un succès marquant contre eux; il a pris 6 chaloupes canonnières, 13 canons et 600 Russes qui voulaient pénétrer dans une île du Danube. Et cependant l’armée du grand vizir n’était pas encore en ligne; elle était, le 30, à Andrinople. Elle est très-forte, mais elle marche lentement.
Les Serviens ont été également battus par le pacha de Nissa, qui leur a pris 6 drapeaux et tué 400 hommes, dont les têtes ont été envoyées à Constantinople.
Le général Michelson dit publiquement qu’il sera obligé de se retirer et d’évacuer la Valachie, s’il ne reçoit pas de renforts.
Finkenstein, 27 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, vous trouverez ci-joint un décret pour former un corps d’observation de l’Escaut. Si l’on a dirigé la légion hollandaise sur Brest, il faut lui donner contre-ordre. Ces 7 à 8,000 hommes seront nécessaires à Anvers, tant pour couvrir l’Escaut que pour défendre la Hollande. Il faudra, en cas de descente des Anglais, que le général Marescot se rende à Anvers avec un inspecteur de l’artillerie et quelques officiers des deux armes, pour donner ses soins à ce que les places de Berg-op-Zoom et Breda soient mises en état de défense.
Si jamais il arrivait que l’ennemi fit une grande expédition en Hollande, vous enverriez la moitié du camp de Boulogne et la moitié du camp de Saint-Lô, sous les ordres du général Saint-Cyr, pour renforcer l’armée de Hollande. Le général Saint-Cyr, qui est un homme prudent, manœuvrerait avec ce second corps de manière à ne pas exposer Boulogne. Il faut recommander au général Ferino de bien exercer et discipliner ses troupes, afin d’en tirer tout le parti possible.
Finkenstein, 27 mai 1807
A M. de Champagny
Monsieur Champagny, je reçois votre lettre du 14 et l’état qui y était joint. Il ne faut point prêter sur hypothèque de biens. Si l’on faisait cela, ce serait manquer le but de la mesure. Il ne faut pas non plus songer à prêter aux chambrelans; il n’y a point de plus désastreux projet que celui-là. Il n’y a rien que j’approuve moins que ces commissions près des maires. Ainsi je refuse absolument la permission demandée pour les chambrelans. Si l’on considère cet objet sous un autre point de vue, d’humanité et de secours public, il est certain que les six millions pourront y passer tout entiers. Ce sont les grandes fabriques que je veux aider; l’argent que j’ai assigné pour les manufactures ne peut être employé qu’à cela. Si ensuite la misère à Paris est telle qu’il faille donner 400,000 francs pour les chambrelans , c’est un nouveau fonds à faire , et je ne m’y refuse pas; mais il faudrait que cela fût fait sur un billet du préfet, par l’entremise du mont-de-piété, qui prêterait sans intérêt jusqu’à concurrence de 400,000 francs. Mais cela fera du désordre et de la confusion.
Les ustensiles d’une manufacture ne peuvent pas être engagés. Quant à M. Perrier, il ne mérite pas l’intérêt qu’on croit qu’il
mérite. Je l’ai employé, il y a quelque temps, à Liège, dans une opération pour laquelle je n’ai qu’eu lieu d’être mécontent de lui. Je ne dirai pas que M. Perrier est un fripon, mais c’est un homme dont la conduite n’est pas claire.
L’état que vous m’avez envoyé du prêt de 2,900,000 francs est parfaitement clair. J’approuve fort ce que vous avez donné à MM. Des malter, Chaumont, Pujol et Deviolaine; ou du moins j’approuve fort la forme dans laquelle cela est fait. C’est juste pour cela que j’ai imaginé la mesure; mon but est de suppléer à la vente.
Quant à votre question avec la caisse d’amortissement, voici mon opinion : si cette mesure n’était que temporaire, et que je ne voulusse y employer que six millions une fois payés, je serais de votre avis, et je ne craindrais pas le risque de perdre quelques cent mille écus; mais, comme cette première mesure est un essai sur lequel je veux bâtir un établissement stable et perpétuel, que je veux doter de quarante ou cinquante millions, de manière que le défaut de débit momentané soit moins cruel pour les manufacturiers, vous sentez que cette mesure ne peut être bonne qu’autant que je n’y perdrai rien du tout. Cependant vous faites quelques objections bonnes; M. Bérenger en fait de son côté qui méritent considération. Il me semble que vous pouvez être d’accord si je décide, 1° que, tous les six mois, le fabricant peut changer les marchandises en dépôt, et que les frais d’estimation seront imputés sur les deux pour cent que perçoit la caisse d’amortissement, bien entendu que les marchandises ne seront retirées qu’après que leur remplacement aura eu lieu; 2° toutes les fois qu’un négociant voudra changer ses marchandises avant les six mois, il en sera parfaitement le maître : mais alors les frais d’estimation et d’écritures que cela occasionnera à la caisse d’amortissement seront à la charge du négociant, et il faudra toujours que le nouveau gage soit déposé avant que l’ancien soit retiré.
Finkenstein, 27 mai 1807
A M. de Lacépède
Écrivez une lettre au caporal Bernaudat, du 13e de ligne, pour qu’il ne boive plus et qu’il se comporte mieux. Il paraît que la croix lui a été donnée parce que c’est un brave. Il ne faut pas, parce qu’il aime un peu le vin, la lui ôter. Faites-lui sentir cependant qu’il a tort de se mettre dans un état qui avilit la décoration qu’il porte.
Finkenstein, 27 mai 1807
Au maréchal Berthier
Écrire au général Chasseloup qu’il serait convenable d’établir un pont sur pilotis à Marienburg et un autre à Dirschau; les terminer avant le mois d’octobre, et élever la chaussée, entre les deux, de trois pieds, pour que la communication soit au-dessus des inondations et toujours assurée; que la prise de Danzig rend Marienburg plus important; en étendre les fortifications et les terminer avec activité; on doit trouver à Danzig des ouvriers, des charpentiers et des sonnettes.
Demander au corps de réserve où se trouvent les 250 hommes du 3e de ligne portés comme absents ?
Faire venir les caissons d’infanterie restés devant Kolberg.
Donner l’ordre à M. Daru de faire donner des capotes à la division Boudet.
Finkenstein, 27 mai 1807
A l’empereur d’Autriche
Monsieur mon Frère, Votre Majesté m’ayant proposé son intervention amicale pour mettre un terme aux maux de la guerre, une réciprocité de confiance envers elle est devenue une obligation et, bien plus encore, un besoin pour moi. C’est ce qui me porte à communiquer confidemment à Votre Majesté tout ce qu’il y a eu de correspondances et de négociations entre les puissances ennemies et moi. Quoique tout paraisse encore bien indécis et que j’attende, pour fixer mes idées, la réponse que Sa Majesté le roi de Prusse annonce dans sa lettre du 21 de ce mois, je n’ai pas voulu différer de faire connaître à Votre Majesté l’état des choses. Votre Majesté verra, par cette communication, le prix que j’attache à son amitié et la haute confiance qu’elle m’inspire.
Finkenstein, 27 mai 1807
Au maréchal Berthier
Écrire au commandant de Marienburg pour savoir si l’on a travaillé au chemin de Marienburg à Christburg.
Charger un officier du génie de faire travailler au chemin de Marienburg à Dirschau, de manière que, pendant l’hiver et les inondations, il soit au-dessus des eaux et toujours praticable; et de même pour celui de Marienburg à Christburg; cela devient de la plus grande nécessité, Danzig étant pris; il faut y travailler pendant l’été être employer par corvée les paysans du pays.
Écrire à M. Daru que la prise de Danzig donne une tout autre importance à la place de Marienburg ; que, tant que cette place n’avait pas été prise, l’Empereur n’avait ordonné aucun établissement important à Marienburg, qu’aujourd’hui il devient nécessaire d’y établir deux hôpitaux de 600 lits chacun, d’autant plus que cette place est à l’abri d’un coup de main.
A Danzig, il faut avoir pour principe de n’avoir aux hôpitaux que des Français ou des étrangers de la garnison, également à Marienburg, également à Thorn, et placer les hôpitaux des Polonais et étrangers dans d’autres lieux.
Finkenstein, 27 mai 1807
Au roi de Hollande
Je reçois votre lettre du 20 mai. J’ordonne que la légion irlandaise et le régiment de Westphalie, ainsi que le ler régiment de Prusse, se rendent à Anvers. Cela doit faire 4,000 hommes disponibles qui se porteraient sur Walcheren et les autres points de la Hollande qui seraient attaqués, ainsi que trois bataillons français formant à peu près 2,400 hommes. Ayez, dans tous les cas, douze pièces de canon à pouvoir leur donner.
Je donne ordre au maréchal Brune de diriger une division de 6,000 hommes hollandais sur Coeverden, où elle sera en mesure, selon les circonstances, de se porter chez vous ou sur Hambourg.
Le général Saint-Cyr dirigerait aussi, en cas d’événements, et lorsque l’attaque des Anglais serait décidée, une brigade de 3,000 hommes du camp de Boulogne sur la Hollande.
Ne manquez pas de faire publier dans tous les journaux que 16,000 hommes arrivent en Hollande, venant de France et de la Grande Armée, pour défendre le pays. Faites atteler une trentaine de pièces de campagne, car c’est du canon qu’il faut.
Finkenstein, 27 mai 1807
Au roi de Naples
Mon Frère, je reçois votre lettre du 10 mai. Je vous recommande ma cavalerie : elle s’abîme à Naples. Le pacha de Janina est ennemi des Russes, mais cet homme est faux. Il n’y a donc point d’inconvénient que vous lui ayez envoyé quelques secours; mais il ne faut pas pousser cela trop loin, il suffit de belles paroles. Faites contre-dire dans les journaux de Naples toutes les fausses nouvelles qu’on répand sur les affaires de la Turquie; faites-y insérer les notes suivantes.(voir ci-dessus, dans la lettre à Lemarois du 26 mai, la note ajoutée du 5 mai).
Danzig est pris; j’y trouve des magasins immenses de toute espèce. Vous lirez les détails de la reddition de cette place dans les différents bulletins. L’expédition russe que commandait le général Kamenski, après avoir été battue, s’est rembarquée et a disparu.
Il commence enfin à faire un peu chaud ici.
Camp impérial de Finkenstein, 28 mai 1807
MESSAGE AU SÉNAT
Sénateurs, par nos décrets du 30 mars de l’année 1806, nous avons institué des duchés pour récompenser les grands services civils et militaires qui nous ont été ou qui nous seront rendus, et pour donner de nouveaux appuis à notre trône et environner notre couronne d’un nouvel éclat.
C’est à nous à songer à assurer l’état et la fortune des familles qui se dévouent entièrement à notre service et qui sacrifient constamment leurs intérêts aux nôtres. Les honneurs permanents, la fortune légitime, honorable et glorieuse, que nous voulons donner à ceux qui nous rendent des services éminents, soit dans la carrière civile, soit dans la carrière militaire, contrasteront avec la fortune illégitime, cachée, honteuse, de ceux qui, dans l’exercice de leurs fonctions, ne chercheraient que leur intérêt , au lieu d’avoir en vue celui de nos peuples et le bien de notre service. Sans doute, la conscience d’avoir fait son devoir et les biens attachés à notre estime suffisent pour retenir un bon Français dans la ligne de l’honneur; mais l’ordre de notre société est ainsi constitué qu’à des distinctions apparentes, à une grande fortune, sont attachés une considération et un éclat dont nous voulons que soient environnés ceux de nos sujets, grands par leurs talents, par leurs services, et par leur caractère, ce premier don de l’homme.
Celui qui nous a le plus secondé dans cette première journée de notre règne. et qui, après avoir rendu des services dans toutes les circonstances de sa carrière militaire, vient d’attacher son nom à un siège mémorable où il a déployé des talents et un brillant courage, nous a paru mériter une éclatante distinction. Nous avons aussi voulu consacrer une époque si honorable pour nos armes, et par les lettres patentes dont nous chargeons notre cousin l’archichancelier de vous donner communication, nous avons créé notre cousin le maréchal et sénateur Lefebvre duc de Danzig. Que ce titre porté par ses descendants leur retrace les vertus de leur père, et qu’eux-mêmes ils s’en reconnaissent indignes s’ils préféraient jamais un lâche repos et l’oisiveté de la grande ville aux périls et à la noble poussière des camps, si jamais leurs premiers sentiments cessaient d’être pour la patrie et pour nous ; qu’aucun d’eux ne termine sa carrière sans avoir versé son sang pour la gloire et l’honneur de notre belle France; que dans le nom qu’ils portent ils ne voient jamais un privilège, mais des devoirs envers nos peuples et envers nous. A ces conditions, notre protection et celle de nos successeurs les distinguera dans tous les temps.
Sénateurs, nous éprouvons un sentiment de satisfaction en pensant que les premières lettres patentes qui , en conséquence de notre sénatus-consulte du 14 août 1806, doivent être inscrites sur vos registres, consacrent les services de votre préteur.
Donné en notre camp impérial de Finkenstein, le 28 mai 1807.
Finkenstein, 28 mai 1807
A M. Fouché
Je reçois votre lettre du 20. Vous verrez par le bulletin que le fort de Weichselmünde a été pris. Vous aurez vu dans les journaux les bonnes nouvelles de la Turquie. Les Russes ont évacué la Valachie, et il règne un bon esprit dans l’empire ottoman.
Vous pouvez hardiment taxer de faux les bruits que l’on fait courir sur les prétendus succès des Russes. Les nouvelles que j’ai me sont envoyées officiellement par mes ministres. S’il y avait des nouvelles désastreuses pour les Turcs, je serais le premier à le faire dire. Il faut beaucoup exalter les Turcs, car ils lisent nos gazettes et cela fait parmi eux un bon effet. Il faut que nos journaux ne parlent des relations et des rapports mensongers des Russes que pour les contredire; causez-en avec les rédacteurs.
28 mai 1805
Au vice-amiral Decrès
Donnez des ordres pour qu’on ferme la batterie Napoléon, du fort de Cherbourg, avec des palissades ou avec un mur crénelé, afin que l’ennemi ne puisse s’emparer des batteries.
Finkenstein, 28 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois vos lettres des 18 et 19. Il me semble que la cérémonie de la remise de l’épée de Frédéric aux Invalides s’est fort bien passée, et que tout cela s’est fait convenablement.
Ni le courrier d’hier ni celui d’aujourd’hui ne m’ont apporté les planches de la bataille d’Eylau que vous m’avez annoncées.
Finkenstein, 28 mai 1807
A M. Fouché
Je ne conçois pas comment la maison Hope a mis un diamant en gage; cela me paraît fort extraordinaire.
Finkenstein, 28 mai 1807
Au vice-amiral Decrès
Je vois avec plaisir les nouvelles que vous me donnez de Saint-Domingue. Il me semble que le sénat du Port-au-Prince n’est pas seulement composé de mulâtres; j’y vois un certain Télémaque qui, je crois, est un noir.
Je vois avec plaisir tous les préparatifs que vous faites pour l’expédition d’Irlande.
Je verrai avec un grand plaisir le Vétéran rentrer à Lorient. Donnez des ordres pour qu’on ferme la batterie Napoléon, du port
de Cherbourg, avec des palissades ou avec un mur crénelé, afin que l’ennemi ne puisse s’emparer des batteries.
Finkenstein, 28 mai 1807
Aux évêques
Monsieur l’Évêque, après la mémorable bataille d’Eylau, qui a terminé la dernière campagne, l’ennemi, chassé à plus de quarante lieues de la Vistule, n’a pu porter aucun secours à la ville de Danzig. Malgré la rigueur de la saison, nous en avons fait sur-le-champ commencer le siège. Après quarante jours de tranchée, cette importante place est tombée au pouvoir de nos armes. Tout ce que nos ennemis ont pu entreprendre pour la secourir a été déjoué. La victoire a constamment suivi nos drapeaux. Des magasins immenses de subsistances et d’artillerie, une des villes les plus riches et les plus commerçantes du monde, se trouvent par là en notre pouvoir dès le début de la campagne. Nous ne pouvons attribuer des succès si prompts et si éclatants qu’à cette protection spéciale dont la divine Providence nous a donné tant de preuves. Notre volonté est donc qu’au reçu de la présente vous ayez à vous concerter avec qui de droit et à réunir nos peuples pour adresser de solennelles actions de grâces au Dieu des armées, afin qu’il daigne continuer à favoriser nos armes et à veiller sur le bonheur de notre patrie.
Que nos peuples prient aussi pour que ce cabinet persécuteur de notre sainte religion, tout autant qu’ennemi éternel de notre nation, cesse d’avoir de l’influence dans les cabinets du continent, afin qu’une paix solide et glorieuse, digne de nous et de notre grand peuple, console l’humanité et nous mette à même de donner un plein essor à tous les projets que nous méditons pour le bien de la religion et de nos peuples.
Finkenstein, 28 mai 1807
Au général Clarke
Je suis étonné que le maréchal Brune ne soit pas encore arrivé à Stettin. Je suppose que le général Boudet y est à l’heure qu’il est.
Je vous ai annoncé la prise de Danzig. Weichselmünde est aussi rendu, de manière que tout est fini de ce côté. Nous y avons trouvé des magasins immenses surtout en blé.
Il serait possible que l’ennemi tentât quelque chose pour débloquer Kolberg; dans ce cas, c’est au maréchal Brune à aller à son secours. J’attends de connaître la situation de la division Molitor.
Écrivez au maréchal Kellermann et aux préfets de la rive du Rhin relativement aux prisonniers qui s’échappent de France.
Si vous pouvez trouver à Berlin quelque bon agent qu’on pourrait envoyer par mer à Königsberg, ce serait un espionnage fort utile. Le voyage en poste se fait très-rapidement, et par cette saison on va très-facilement sur la Baltique.
Finkenstein, 28 mai 1807
Au général Clarke
Je reçois votre lettre du 24 mai. Il faut que la division Boudet se cantonne autour de Stettin, de manière à vivre chez les habitants et à être à son aise. Vous avez bien fait de retenir tous les chevaux trop fatigués des régiments provisoires (car à quoi bon s’encombrer de chevaux qui ne peuvent pas servir ?), en ayant soin de les faire partir à mesure qu’ils guérissent.
Le régiment d’Aremberg fera partie de la division Boudet.
Finkenstein, 28 mai 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois votre lettre du 10 mai. Il est convenable que vous fassiez passer au ministre Dejean toutes les charges que vous avez contre le général Malet. Je viens de le faire suspendre de ses fonctions jusqu’à ce que le Conseil d’État ait jugé.
Tout ce que vous écrit de Bosnie M. David est faux; les Serviens sont battus de tous les côtés ainsi que les Russes. Ainsi cette espèce d’orage est tout à fait dissipé. Les Russes ont rétrogradé de plus de trente lieues en Valachie, et cependant le grand vizir n’était pas encore arrivé. Il est arrivé en ce moment. Il n’y a donc plus rien à craindre de ces gens-là. Mes lettres de Widdin sont du 1er mai.
Faites contredire dans les journaux d’Italie toutes les fausses nouvelles qu’on répand sur la Turquie; faites-y insérer la note ci-jointe (voir également la lettre à Lemarois)
Finkenstein, 28 mai 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, vous trouverez ci-joint la copie d’une circulaire à mes évêques d’Italie, que le ministre des cultes expédiera à tous, et vous veillerez à ce que des prières aient lieu dans tout le royaume.
Vous aurez soin de faire publier dans tous vos journaux les nouvelles ci-jointes de Constantinople. Il faut souvent contredire les mauvais bruits que les agents de l’Angleterre et de la Russie se plaisent à faire courir.
Finkenstein, 28 mai 1807
Au roi de Naples
Mon Frère, faites une lettre aux évêques de votre royaume, pour ordonner dans tout votre royaume des prières publiques en action de grâces des succès des armées françaises et de la prise de Danzig. Vous ferez publier dans tous vos journaux les nouvelles ci-jointes de Constantinople. Il faut faire contredire fréquemment les mauvais bruits que les agents de l’Angleterre et de la Russie se plaisent à faire courir.
Finkenstein, 28 mai 1807
Au roi de Hollande
Vous trouverez ci-joint les dernières nouvelles de Turquie. Vous leur donnerez la plus grande publicité. Vous ferez faire des prières dans tous les temples pour le succès de nos armes et pour la prise de Danzig.
Finkenstein, 28 mai 1807
Au roi de Hollande
Vous trouverez ci-joint un décret que j’ai pris pour la formation d’un corps d’observation de l’Escaut. Ainsi vous aurez deux corps, à Coeverden et à Anvers, l’un et l’autre à quatre marches d’Amsterdam. Avec votre Garde et ce qui vous reste en Hollande vous devez pouvoir réunir à peu près 8,000 hommes, ce qui vous ferait 120,000 que vous pourrez avoir sous la main en deux jours. Une partie des camps de Saint-Lô et de Boulogne sera prête à venir à votre secours, si les circonstances le veulent. Il faut donc, en cas qu’un débarquement sérieux s’effectuât, prévenir sur-le-champ le général Ferino, le général commandant le camp de Coeverden, le maréchal Brune, le maréchal Kellermann et l’archichancelier.
Exagérez de toutes les manières les forces qui vous arrivent. Dites qu’il est formé un camp à Coeverden, un à Anvers, un à Zeist. Les Anglais, seuls, ne se hasarderont pas à une expédition continentale un peu considérable.
Voilà des mesures qui vous donneront un peu de tranquillité. Je suppose que vous avez une trentaine de pièces d’artillerie. Faites armer les places de Berg-op-Zoom, Breda et celles qui couvrent nos frontières, afin que les garnisons puissent se défendre le temps nécessaire pour que les forces arrivent.
Finkenstein, 29 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 20. Je vois avec peine ce qui est arrivé au sieur Chassin. Mais tuer un homme, c’est un peu fort. La loi est pour tous. Vous verrez par les bulletins les bonnes nouvelles de Turquie.
Finkenstein, 29 mai 1807
DÉCISION
M. Lacuée se plaint que deux conscrits du département de Gênes, arrêtés par la gendarmerie italienne, aient été conduits à l’île d’Elbe et incorporés dans le 6e d’infanterie de ligne italien. | Je ne peux concevoir comment le vice-roi s’est permis une telle opération; il faut réclamer et le faire tancer par le ministre. Je conçois encore moins comment la gendarmerie obéit aux ordres du vice-roi et comment le général Menou n’est pas intervenu. Il y a dans tout cela un peu d’anarchie; il faut que le ministre y porte ordre en grondant, et rappeler tout le monde à son devoir. |
Finkenstein, 29 mai 1807
Au maréchal Lefebvre
Je n’ai pas encore reçu l’état ni le contrôle de la garnison de Danzig. J’ai accordé toutes les récompenses que vous m’avez demandées pour les officiers qui vous ont bien servi.
De ce que j’ai été fâché que la garnison prussienne s’en soit allée à cheval et avec ses fusils, je n’en suis pas moins très-satisfait de vos services, et je vous en ai déjà donné des preuves , que vous apprendrez aux premières nouvelles de Paris et qui ne vous laisseront aucun doute sur le cas que je fais de vous.
Finkenstein, 29 mai 1807
A M. Mathieu Faviers, à Danzig
Je reçois votre lettre, sans date, que me remet le colonel Lacoste, dans laquelle je vois qu’il y a 285,000 quintaux de froment dans la place de Danzig; mais vous ne me dites pas si ce sont des quintaux de France on de Prusse.
Je vous ai mandé d’envoyer 20,000 quintaux de blé à Elbing. Envoyez-y aussi 500,000 bouteilles de vin. La distribution s’en fera plus facilement à Elbing qu’à Danzig. Faites donner à l’armée assiégeante une bouteille de vin par chaque soldat.
Dirigez aussi sur Elbing 20,000 pintes d’eau-de-vie de France et 20,000 de rhum.
Finkenstein, 29 mai 1807
Au vice-amiral Decrès
J’ai reçu votre lettre du 20 mai. J’espère que vous m’instruirez de la direction que vous apprendrez qu’ont suivie les 250 bâtiments anglais.
Finkenstein, 29 mai 1807
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, donnez ordre au commandant de la Garde de réunir tous ses marins à Danzig, hormis un détachement de 10 hommes qu’il laissera à Elbing pour garder les bâtiments.
Il désignera un officier pour prendre le commandement de la corvette anglaise, la regréer et réarmer, afin qu’elle puisse servir si l’on faisait quelque croisière devant la place. Il désignera aussi un officier pour commandant du port. Il fera faire le recensement des bâtiments de guerre qui pourraient servir, soit en pleine mer, soit sur le Frische- Haff.
Finkenstein, 29 mai 1807
Au général Rapp, gouverneur de Danzig
Je reçois votre lettre du 28. Je désire connaître la force de la garnison, ce qu’elle a perdu pendant le siège, ce qu’elle a perdu à la reddition par la désertion, et ce que M. de Kalkreuth a emmené avec lui, bataillon par bataillon, en distinguant les Russes et les Prussiens. Faites-moi connaître aussi le nombre des malades que l’ennemi a laissés dans la ville.
Il faut faire voir à la poste; on trouvera des lettres qui donneront toujours des renseignements.
Finkenstein, 29 mai 1807
Au général Rapp
Je reçois votre lettre du 28. Je désire beaucoup savoir le nom des corps qui composent la garnison de Danzig, le nombre des déserteurs et le nombre d’hommes des ennemis qui sont restés aux hôpitaux. On dit qu’un prince russe est resté prisonnier ; il faut le faire passer en France.
J’ai donné le commandement de la place sous vos ordres au général Ménard. Il faut demander le nombre d’adjoints nécessaire. J’ai nommé le général de brigade Ritay pour commander le fort de Weichselmünde.
Finkenstein, 29 mai 1807
A M. Mathieu Faviers
Il faut faire emmagasiner tout le blé qui est à Danzig dans les magasins royaux. J’imagine qu’il y en a de très-beaux. Il faut faire construire trois autres fours, de manière que nous ayons une manutention de six fours, capables de faire une vingtaine de milliers de rations, ce qui, avec les 15,000 de la place, ferait 30 à 40,000. Il faut faire moudre sans délai, de manière à avoir 50,000 quintaux de farine. Il faut envoyer 25,000 quintaux de blé à Elbing, où on les convertira en farine, ce qui assurera le service pour quarante jours. Il ne faut du reste rien envoyer autre part. Il faut faire confectionner 200,000 rations de biscuit. Il faut faire établir quatre hôpitaux, chacun de 500 lits, dans lesquels on ne mettra que des Français.
Il faut faire connaître la quantité de draps, de cuirs et autres objets nécessaires à l’armée, ainsi que la contribution que peut payer la ville.
Finkenstein, 29 mai 1807
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, faites mettre les nouvelles suivantes dans les journaux de Varsovie :
« Des lettres reçues de Widdin, en date du 12 mai, confirment la nouvelle que les Russes ont évacué Giurgevo; que Moustafà-Baraïc-tar était à la porte de Bucharest; que l’avant-garde de l’armée du grand vizir était arrivée à Ismaïl; qu’elle avait sur-le-champ attaqué la division russe qui bloquait la ville, l’avait mise en déroute et lui avait fait lever le siège; que la cavalerie turque avait des avant-postes jusque sous Bender; que les Serviens avaient été battus par le pacha de Widdin et par le pacha de Nissa; que le grand plan des Russes avait manqué de tous côtés; que cependant ces succès s’obtenaient lorsque le gros de l’armée du grand vizir n’était pas encore arrivé, mais qu’elle était attendue pour le 15. »
Nous avons trouvé à Danzig 300,000 quintaux de blé; ce qui nous sera d’une grande utilité.
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J’imagine que vous avez communiqué au gouvernement la nouvelle de la prise de Danzig.
Finkenstein, 29 mai 1807
NOTE POUR L’INTENDANT GÉNÉRAL
Voici quelques idées sur le rapport qui doit m’être fait sur l’approvisionnement de l’armée. Il faut distinguer trois points différents et qui, pendant l’hiver, n’ont point de communication entre eux :
1° Droite. – Varsovie.
2° Centre. -Thorn, Wloclawek, Bromberg.
3° Gauche. – Danzig, Marienwerder, Marienburg, Elbing, Dirschau, Mewe, Neuenburg.
Il est assez difficile de calculer dans quels rapports doivent être ces différents approvisionnements, car il est difficile de prévoir exactement quelle sera la position de l’armée; mais, si on le fait pour huit mois, à compter du 1er juin, cela nous conduit aux glaces, et alors on peut facilement faire des versements d’un point sur un autre.
D’ailleurs, un de ces trois points, qui sera approvisionné pour huit mois, pour un corps de troupes, le sera pour plusieurs corps, pour un certain espace de temps, pendant lequel on aura celui de pourvoir à un supplément d’approvisionnements sur ce point.
80,000 quintaux par mois ne sont pas suffisants, car ils ne font que 213,000 rations par jour; en ôtant 13,000 rations, il ne reste
que 200,000 rations pour la rive droite de la Vistule et la lisière de la rive gauche, à une lieue. Cette lisière comprend Danzig, Dirschau, Mewe, Neuenburg, Schwetz, Thorn, Wloclawek et Varsovie. Il y a, dans ces points, des hôpitaux, des dépôts et des administrations qui consomment au moins 25,000 rations. Il reste donc 175,000 rations pour la rive droite, sur lesquelles on nourrit encore les Polonais.
Dans le calcul, il faut comprendre les ligues d’étape :
De Posen à Thorn, de Posen à Varsovie, de Stettin à Danzig, et de Stettin à Posen.
Il faut d’autant plus calculer ainsi, que, dans les ressources, on comprend ce qui se trouve à Kalisz, Posen et autres intermédiaires.
De cette manière, on verra qu’il faut 100,000 quintaux par mois, et pour les huit mois 800,000 quintaux.
L’approvisionnement nécessaire pourrait être distribué ainsi :
Droite. – Varsovie . . . . . . .80,000 rations par jour.
Centre. – Thorn, etc . . . . . .100,000 id.
Gauche. – Danzig, etc. . . . . 80,000 id.
Ou bien
Varsovie. 30,000 quintaux par mois; pour huit mois, 240,000 quintaux.
Thorn. 40,000 id. id. 320,000
Danzig. 30,000 id. id. 240,000
Total. . 100,000 Total. 800,000
Il faut commencer par bien déterminer l’arrondissement de chacun des trois points et le bien tracer sur une carte.
La droite ira de Varsovie jusqu’à Wloclawek, et comprendra en profondeur tout ce qui est arrondissement de Varsovie et de Kalisz.
Le centre ira de Wloclawek à Graudenz, et comprendra en profondeur tout ce qui est arrondissement de Posen et de Bromberg.
La gauche ira de Marienwerder à la mer, et comprendra en profondeur tout ce qui est en Poméranie.
Alors, dans chaque arrondissement, on déterminera les lieux les plus propres pour former les magasins, en ayant égard à la consommation, aux lieux où il est le plus prudent et le plus facile de faire les rassemblements, car il ne faut pas tout mettre sur le même point.
Il y a cinq manières de se procurer des ressources :
1° Ce qui existe au 1er juin;
2° Ce que chacun des arrondissements polonais doit fournir;
3° Ce que la Poméranie doit être appelée à fournir;
4° Ce que l’on doit faire venir des magasins existant sur nos derrières;
5° Ce qui doit provenir par achat, soit pour le complément du marché existant avec le gouvernement polonais au 1er juin, soit de nouveaux marchés.
Avant de faire des marchés, il faut faire le calcul de ce que coûte un quintal de grain à son arrivée de Breslau, Küstrin ou Magdeburg.; car, si le transport équivalait la marchandise, et que l’on pût trouver encore du blé dans le pays, il serait plus expéditif et plus avantageux de tirer des ressources du pays.
Voici un moyen sûr pour faire des marchés. Faire parcourir les bords de la Vistule; il n’y a pas de doute que l’on n’y trouve des magasins établis pour l’usage du pays. On en a trouvé à Culm; on en a trouvé à Wloclawek. Je suis persuadé qu’en parcourant le pays jusqu’à Rawa on en trouvera beaucoup. Ces magasins trouvés, mettre la main dessus, en dresser les inventaires de séquestre, et ensuite passer des marchés avec les propriétaires pour les indemniser.
Quand je dis la lisière de la Vistule, j’entends quatre lieues de chaque côté. Il doit y avoir beaucoup de grains à Plock.
Un employé intelligent serait chargé de parcourir le pays depuis Danzig jusqu’à Marienwerder;
Un second, de Marienwerder à Wloclawek;
Un troisième, de Wloclawek à Rawa et la frontière.
Même opération devrait être faite le long du canal et de la Netze. Avoir des conférences avec les marchands de blé de Danzig et de
Bromberg; ils feront connaître où se trouvent les magasins et les rassemblements de grains.
Danzig a du froment, mais manque de seigle; il serait avantageux d’en envoyer de la rive gauche, afin de ne pas consommer purement du froment, qui est si précieux dans ce pays.
Il ne faut pas compter comme ressource ce qui se trouve à Danzig, où il faut toujours un approvisionnement de siège.
Finkenstein, 29 mai 1807
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois votre lettre du 18. Il ne faut pas songer au général ….. on ne peut compter ni sur sa probité, ni sur sa fidélité.
Vous serez toujours à temps; il faut laisser le général Miollis encore à Venise; mais c’est un homme très-propre à commander une division; le général Grenier également. En attendant, les généraux qui commandent la division de Vérone sont suffisants pour la former.
Finkenstein, 29 mai 1807
77e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Danzig a capitulé. Cette belle place est en notre pouvoir. 800 pièces d’artillerie, des magasins de toute espèce, plus de 500,000 quintaux de grains, des caves considérables, de grands approvisionnements de draps et d’épiceries, des ressources de toute espèce pour l’armée, et enfin une place forte du premier ordre appuyant notre gauche, comme Thorn appuie notre centre, et Praga notre droite : ce sont les avantages obtenus pendant l’hiver, et qui ont signalé les loisirs de la Grande Armée; c’est le premier, le plus beau fruit de la victoire d’Eylau. La rigueur de la saison, la neige qui a souvent couvert nos tranchées, la gelée qui y a ajouté de nouvelles difficultés, n’ont pas été des obstacles pour nos travaux. Le maréchal Lefebvre a tout bravé. Il a animé d’un même esprit les Saxons, les Polonais, les Badois, et les a fait marcher à son but. Les difficultés que l’artillerie a eu à vaincre étaient considérables. Cent bouches à feu, 5 à 600 milliers de poudre, une immense quantité de boulets, ont été tirés de Stettin et des places de la Silésie. Il a fallu vaincre bien des difficultés de transport; mais la Vistule a offert un moyen facile et prompt. Les marins de la Garde ont fait passer les bateaux sous le fort de Graudenz avec leur habileté et leur résolution ordinaires. Le général Chasseloup, le général Kirgener, le colonel Lacoste et en général tous les officiers du génie, ont servi de la manière la plus distinguée. Les sapeurs ont montré une rare intrépidité. Tout le corps d’artillerie, commandé par le général la Riboisière, a soutenu sa réputation. Le 2e régiment d’infanterie légère, le 19e et les troupes de Paris, le général Schramm et le général Puthod, se sont fait remarquer. Un journal détaillé de ce siège sera rédigé avec soin. Il consacrera un grand nombre de faits de bravoure dignes d’être offerts comme exemples, et faits pour exciter l’enthousiasme et l’admiration.
Le 17, la mine fit sauter un blockhaus de la place d’armes du chemin couvert. Le 19, la descente et le passage du fossé furent exécutés à sept heures du soir. Le 21, le maréchal Lefebvre ayant tout préparé pour l’assaut, on y montait, lorsque le colonel Lacoste, qui avait été envoyé le matin dans la place pour affaires de service, fit connaître que le général Kalkreuth demandait à capituler aux mêmes conditions qu’il avait autrefois accordées à la garnison de Mayence. On y consentit. Le Hagelsberg aurait été enlevé d’assaut sans une grande perte; mais le corps de place était encore entier. Un large fossé rempli d’eau courante offrait assez de difficultés pour que les assiégés prolongeassent leur défense pendant une quinzaine de jours. Dans cette situation, il a paru convenable de leur accorder une capitulation honorable.
Le 27, la garnison a défilé, le général Kalkreuth à sa tête. Cette forte garnison, qui d’abord était de 16,000 hommes, est réduite à 9,000, et sur ce nombre 4,000 ont déserté. Il y a même des officiers parmi les déserteurs. « Nous ne voulons pas, disent-ils, aller en Sibérie. » Plusieurs milliers de chevaux d’artillerie nous ont été remis, mais ils sont en fort mauvais état. On dresse en ce moment les inventaires des magasins. Le général Rapp est nommé gouverneur. de Danzig.
Le lieutenant général russe Kamenski, après avoir été battu le 15, s’était acculé sous les fortifications de Weichselmünde; il y est demeuré sans oser rien entreprendre, et il a été spectateur de la reddition de la place. Lorsqu’il a vu que l’on établissait des batteries à boulets rouges pour brûler ses vaisseaux, il est monté à bord et s’est retiré. Il est retourné à Pillau.
Le fort de Weichselmünde tenait encore. Le maréchal Lefebvre l’a fait sommer le 26; et, pendant que l’on réglait la capitulation, la garnison est sortie du fort et s’est rendue. Le commandant abandonné s’est sauvé par mer. Ainsi, nous sommes maîtres de la ville et du port de Danzig.
Ces événements sont d’un heureux présage pour la campagne. L’empereur de Russie et le roi de Prusse étaient à Heiligenbeil. Ils ont pu conjecturer de la reddition de la place par la cessation du feu. Le canon s’entendait jusque-là.
L’Empereur, pour témoigner sa satisfaction à l’armée assiégeante, a accordé une gratification à chaque soldat.
Le siège de Graudenz commence sous le commandement du général Victor. Le général Lazowski commande le génie, et le général d’Anthouard l’artillerie. Graudenz est fort par sa grande quantité de mines.
La cavalerie de l’armée est belle. Les divisions de cavalerie légère, deux divisions de cuirassiers et une de dragons, ont été passées en revue à Elbing, le 26, par le grand-duc de Berg. Le même jour, Sa Majesté s’est rendue à Bischofswerder et à Strasburg, où elle a passé en revue la division de cuirassiers d’Hautpoul et la division de dragons du général Grouchy. Elle a été satisfaite de leur tenue et du bon état des chevaux.
L’ambassadeur de la Porte, Sid-Mohammed-Emin-Vahid, a été présente le 28, à deux heures après midi, par M. le Prince de Bénévent, à l’Empereur, auquel il a remis ses lettres de créance. Il est resté une heure dans le cabinet de Sa Majesté. Il est logé au château et occupe l’appartement du grand-duc de Berg, absent pour la revue. On assure que l’Empereur lui a dit que lui et l’empereur Selim étaient désormais inséparables comme la main droite et la main gauche. Toutes les bonnes nouvelles des succès d’Ismaïl et de Valachie venaient d’arriver. Les Russes ont été obligés de lever le siége d’Ismaïl et d’évacuer la Valachie.
Finkenstein, 30 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, j’ai écrit à M. Dejean pour que des mesures soient prises pour que l’infanterie espagnole, qui vient par les Pyrénées, soit transportée en poste à Mayence, afin qu’elle arrive dans le tiers moins de temps qu’elle n’en mettrait sans cette précaution. Tenez la main à l’exécution de cette mesure, et instruisez-moi du jour où les Espagnols devront arriver sur le Rhin.
Finkenstein, 30 mai 1807
A M. Cambacérès
Mon Cousin, il n’y a rien de nouveau. Je crois que j’irai demain voir Danzig. Nous y découvrons tous les jours de nouveaux magasins, qui rendent cette conquête encore plus importante.
Finkenstein, 30 mai 1807
A M. de Champagny
Monsieur de Champagny, après avoir examiné attentivement les différents plans du monument dédié à la Grande Armée, je n’ai pas été un moment en doute. Celui de M. Vignon est le seul qui remplisse mes intentions. C’est un temple que j’avais demandé et non une église. Que pourrait-on faire, dans le genre des églises, qui fût dans le cas de lutter avec Sainte-Geneviève, même avec Notre-Dame, et surtout avec Saint-Pierre de Rome ? Le projet de M. Vignon réunit à d’autres avantages celui de s’accorder beaucoup mieux avec le palais du Corps législatif, et de ne pas écraser les Tuileries.
Lorsque j’ai fixé la dépense à 3 millions, j’ai entendu que ce temple ne devait pas coûter beaucoup plus que ceux d’Athènes, dont la construction ne s’élevait pas à la moitié de cette somme.
Il m’a paru que l’entrée de la Cour devait avoir lieu par l’escalier vis-à-vis le trône, de manière qu’il n’y eût qu’à descendre et à traverser la salle pour se rendre au trône. Il faut que, dans les projets définitifs, M. Vignon s’arrange pour qu’on descende à couvert. Il faut aussi que l’appartement soit le plus beau possible. M. Vignon pourrait peut-être le faire double, puisque sa salle est déjà trop longue. Il sera également facile d’ajouter quelques tribunes. Je ne veux rien en bois. Les spectateurs doivent être placés, comme je l’ai dit, sur des gradins de marbre formant les amphithéâtres destinés au public; et les personnes nécessaires à la cérémonie seront sur des bancs, de manière que la distinction de ces deux sortes de spectateurs soit très-sensible. Les amphithéâtres garnis de femmes feront un contraste avec le costume grave et sévère des personnages nécessaires à la cérémonie. La tribune de l’orateur doit être fixe et d’un beau travail. Rien dans ce temple ne doit être mobile et changeant; tout, au contraire, doit y être fixé à sa place. S’il était possible de placer à l’entrée du temple le Nil et le Tibre qui ont été apportés de Home, cela serait d’un très-bon effet; il faut que M. Vignon tâche de les faire entrer dans son projet définitif, ainsi que des statues équestres qu’on placerait au dehors, puisque réellement elles seraient mal dans l’intérieur. Il faut aussi désigner le lieu où l’on placera l’armure de François Ier et le quadrige de Berlin.
Il ne faut pas de bois dans la construction de ce temple. Pourquoi n’emploierait-on pas pour la voûte, qui a fait un objet de discussion, du fer ou même des pots de terre ? Ces matières ne seraient-elles pas préférables à du bois ? Dans un temple qui est destiné à durer plusieurs milliers d’années, il faut chercher la plus grande solidité possible, éviter toute construction qui pourrait être mise en problème par les gens de l’art, et porter la plus grande attention au choix des matériaux; du granit et du fer, tels devraient être ceux de ce monument. On objectera que les colonnes actuelles ne sont pas de granit; mais cette objection ne serait pas bonne, puisqu’avec le temps on peut renouveler ces colonnes sans nuire au monument. Cependant, si l’on prouvait que l’emploi du granit entraînerait dans une trop grande dépense et de trop longs délais, il faudrait y renoncer, car la condition principale du projet, c’est qu’il soit exécuté en trois ou quatre ans, et au plus en cinq ans. Ce monument tient en quelque sorte à la politique; il est dès lors du nombre de ceux qui doivent se faire vite. Il convient néanmoins de s’occuper à chercher du granit pour d’autres monuments que j’ordonnerai, et qui, par leur nature, peuvent permettre de donner à leur construction trente, quarante ou cinquante ans.
Je suppose que toutes les sculptures intérieures seront en marbre, et qu’on ne me propose pas des sculptures propres aux salons et aux salles à manger des femmes des banquiers de Paris. Tout ce qui est futile n’est pas simple et noble; tout ce qui n’est pas de longue durée ne doit pas être employé dans ce monument. Je répète qu’il n’y faut aucune espèce de meubles, pas même de rideaux.
Quant au projet qui a obtenu le prix, il n’atteint pas mon but; c’est le premier que j’ai écarté. Il est vrai que j’ai donné pour base de conserver la partie du bâtiment de la Madeleine qui existe aujourd’hui; mais cette expression est une ellipse : il était sous-entendu que l’on conserverait de ce bâtiment le plus possible, autrement il en aurait pas eu besoin de programme; il n’y avait qu’à se borner à suivre le plan primitif. Mon intention était d’avoir non pas une église, mais un temple, et je ne voulais ni qu’on rasât tout, ni que l’on conservât tout. Si ces deux propositions étaient incompatibles, savoir, celle d’avoir un temple et celle de conserver les constructions actuelles de la Madeleine, il était simple de s’attacher à la définition d’un temple. Par temple j’ai entendu un monument tel qu’il y en avait à Athènes et qu’il n’y en a pas à Paris. Il y a beaucoup d’églises à Paris; il y en a dans tous les villages. Je n’aurais pas assurément trouvé mauvais que les architectes eussent observé qu’il y avait contradiction entre l’idée d’avoir un temple et l’intention de conserver les constructions faites pour une église. La première était l’idée principale, la seconde était l’idée accessoire. M. Vignon a donc deviné ce que je voulais. Quant à la dépense fixée à 3 millions, je n’ai pas entendu qu’un million de plus ou de moins entrât en concurrence avec la convenance d’avoir un monument plus ou moins beau. Je pourrai, s’il le faut, autoriser une dépense de 5 ou 6 millions, si elle est nécessaire, et c’est ce que le devis définitif me prouvera.
Vous ne manquerez pas de dire à la quatrième classe de l’Institut que c’est dans son rapport même que j’ai trouvé les motifs qui m’ont déterminé.
(Le projet de temple fût abandonné par Napoléon en 1813, qui ordonna la reconversion de la Madeleine en église. Celle-ci ne sera terminée qu’en 1842)
Finkenstein, 30 mai 1807 (Date présumée.)
NOTE POUR L’INTENDANT GÉNÉRAL
M. Daru fera une nouvelle demande de fonds.
Il est nécessaire qu’il y comprenne la solde et toutes les dépenses à faire à la Grande Armée, tant celles qu’il proposait que celles qui étaient comprises dans le travail du ministre de la guerre.
Toutes les dépenses se trouvant comprises, pour chaque mois, dans un seul décret, ces décrets, réunis au rapport général dont va s’occuper M. Daru, mettront dans le cas de connaître, tous les mois et à toutes les époques, la situation des dépenses de l’armée.
M. Daru aura soin de distinguer ses demandes en argent, et ses demandes en crédit sur les contributions extraordinaires, en payement de réquisitions.
Ainsi la Silésie doit fournir des effets d’habillement. M. Daru demandera un crédit sur les contributions de la Silésie, lequel crédit sera payé en habits.
Ainsi il demande, pour la boulangerie, à acheter 560,000 quintaux de blé, en remplacement de ce qu’il tire des derrières. Cette dépense est nécessaire; mais on peut en distinguer le montant, partie en argent, partie en crédit sur les contributions extraordinaires.
Ainsi Magdeburg va verser 15 ou 220,000 quintaux sur Bromberg. Il est très-sage de prendre, dès aujourd’hui, des mesures pour remplacer ces 20,000 quintaux; mais il serait imprudent de les payer. Il est bien plus naturel d’en faire faire la répartition sur les districts du pays de Magdeburg.
Ainsi Stettin doit fournir une quantité quelconque de vin. Il faut également, pour la valeur de ce vin, se faire donner un crédit imputable sur les contributions de Stettin.
Il faudrait faire de même pour l’eau-de-vie. Une partie de celle qui se tire des derrières pourrait être fournie par réquisition, et il en serait tenu compte sur les contributions.
Il est convenable de suivre la même marche au sujet des chevaux à tirer de Silésie pour les lanciers.
On conçoit que ces arrangements mettront M. Daru dans le cas de demander un crédit plus fort.
Il suivra cette marche pour tous les chapitres qui en seront susceptibles, dans sa demande de fonds sur le mois de mai, et il en sera
de même pour les mois suivants.
Quant aux fournitures de réquisitions qui ont été faites antérieurement au mois de mai, l’imputation sur les contributions devant également avoir lieu, M. Daru demandera des crédits en conséquence; mais cette demande sera l’objet d’un travail particulier.
Finkenstein, 30 mai 1807
Au général Dejan
Monsieur Dejean, mon intention est que le sénatus-consulte relatif à la levée de la conscription de 1808,soit ponctuellement exécuté; qu’en conséquence aucun homme ne soit envoyé à la Grande Armée ni hors des frontières du royaume d’Italie avant le mois de janvier. Je désire que, sur tous les états de situation, il y ait une colonne à part des hommes de cette conscription qui doivent être armés, exercés, habillés, niais n’être disponibles que dans l’intérieur de la France.
Ces hommes doivent être destinés à renforcer les camps de Saint-Lô, Pontivy et Boulogne, et ne mettre à même de retirer de ces camps des anciens soldats.
Finkenstein, 30 mai 1807
A M. Lacuée
Je reçois votre lettre du 16 mai, par laquelle je vois que vous avez retiré 4,000 hommes aux légions sur la dernière répartition que, vous m’avez envoyée. Je vous avais fait connaître mon intention sur la répartition de la réserve, mais la nouvelle répartition que vous avez faite ne doit pas changer celle de la réserve. Cependant alors, les légions ne seront avec la réserve que de 21,000 hommes, c’est-à-dire de 4,200 chaque; il est donc convenable de ne former que quatre bataillons; je ne formerai le 5e et le 6e que l’année prochaine, car il serait ridicule de n’avoir que des cadres décharnés; un bataillon de 1,100 hommes formera toujours 7 à 800 hommes présents sous les armes, et les quatre présenteront une force de 3,200 pour marcher contre l’ennemi. Or 3,200 hommes dans l’intérieur sont autant que 5,000 à la Grande Armée. Comme mon intention est de joindre aux légions toutes les compagnies départementales et les gardes nationales du lieu que l’ennemi attaquerait, je trouverai moyen que le sénateur, en se battant, ait un corps de 7 à 8,000 hommes sous ses ordres.
Si vous trouvez que, dans la réserve, je n’ai pas assez donné à la cavalerie, je vous laisse le maître de lui donner un millier d’hommes de plus. J’approuve ce que vous ferez.
Je vous sais gré de votre travail. Je sais combien de peine il doit vous donner. Croyez donc bien constamment que ma confiance en vous est entière, et que la perspective que j’ai d’avoir des occasions de vous prouver d’une manière éclatante et solennelle toute ma reconnaissance me console seule du peu d’humeur que je vous ai montrée dans ma dernière lettre.
Aussitôt que vous aurez fait la répartition définitive de la réserve, envoyez un tableau qui me fasse connaître la situation des corps en 1806, ce qu’ils ont reçu pour la conscription de 1806 et réserve, pour 1807 et réserve, pour 1808 et réserve; ce que forme le total; et ce qu’ils ont à recevoir sur la conscription de ces trois ans, afin que cet état me serve de règle et mette de côté tous les états que j’ai.
Comme mon intention n’est pas de me jouer des lois, mais d’exécuter ponctuellement le sénatus-consulte, qu’ils doivent rester en France et ne peuvent être envoyés à l’armée qu’en janvier, faites distinguer dans les états, par une colonne à part, les hommes provenant de cette conscription.
La prise de Danzig nous vaut au delà de ce qu’on peut penser. J’y ai trouvé du froment pour nourrir mon armée pendant un an; et, ce qui est plus précieux ici, à peu près 3 on 4 millions de bouteilles de vin de Bordeaux, 800 pièces de canon.
Finkenstein, 30 mai 1807 (Date présumée)
NOTE POUR L’INTENDANT GÉNÉRAL
- Daru écrira au prince Jérôme et à l’administrateur général de la Silésie qu’ayant imposé une contribution extraordinaire de trente millions, que des services ayant exigé d’elle pour une valeur de dix millions, et sachant que ces peuples sont innocents de la guerre dont ils supportent le poids, Sa Majesté désire venir à leur secours;
Qu’en conséquence elle autorise à disposer d’une valeur de quarante millions en domaines nationaux et à émettre un papier-monnaie de pareille somme, admissible en payement de ces biens royaux, qui seront vendus et dont Sa Majesté garantira la vente; que ce papier-monnaie sera employé à rembourser à tous les particuliers ce qu’ils auront payé, soit pour la contribution extraordinaire de guerre, soit pour les services qui ont été faits; qu’ainsi le pays sera soulagé sans que les intérêts de l’armée en soient lésés.
- Daru aura soin de ne laisser imputer sur les trente millions de contribution extraordinaire aucune fourniture qui ne se trouverait pas spécialement ordonnée par les décrets. Ainsi les vins, les bœufs, les fourrages, etc. , qui ont été envoyés à l’armée, ne viendront point en déduction des trente millions, mais seront remboursés en papier-monnaie.
On affectera aussi un fonds suffisant en domaines royaux pour payer en papier-monnaie les pensionnaires, les fonctionnaires et toutes les dépenses civiles.
La vente des biens royaux se fera, pour les cinq sixièmes en papier-monnaie, et un sixième en numéraire. Le sixième en numéraire sera versé dans une caisse particulière et employé à venir au secours des habitants pauvres du pays, qui, ayant des réclamations à former, ne seraient pas dans le cas d’acheter des domaines.
La même mesure pourra être prise tant pour Berlin que pour les autres pays faisant partie du royaume de Prusse. Il convient, en conséquence, de consulter aussi sur cet objet le gouverneur général, les administrateurs et les intendants.
Il doit être établi comme règle générale, pour tous ces pays, que les remboursements aux particuliers ne pourront commencer, dans ces provinces ou dans une intendance, que lorsque la totalité de la contribution extraordinaire y aura été acquittée.
Finkenstein, 30 mai 1807
A M. Daru
Monsieur Daru, il faut aujourd’hui mettre de l’ordre dans la Poméranie. Il me semble que je vous ai demandé un rapport sur la division de cette province en ses différents cercles. Il faut me présenter un décret pour affecter différents cercles à la division qui assiège Kolberg, et les mettre sous les ordres du général Loison; mettre les autres cercles qui avoisinent Danzig sous les ordres du gouverneur de Danzig; les cercles d’Elbing sous les ordres du commandant d’Elbing, et ceux de Marienwerder sous les ordres du commandant de Marienwerder. Ce décret me paraît fort important.
Finkenstein, 30 mai 1807
NOTE POUR L’INTENDANT GÉNÉRAL
Écrire à M. Belleville que la conduite des États de Hanovre commence à être ridicule et devient tout à fait absurde ; ils n’ont encore donné :
En imposition ordinaire, que . . .. . . . . . .
chevaux . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Approvisionnement de l’armée . . . . . . . .
Total . . . . . . .
Or, au compte de 600, 000 francs par mois qu’ils offrent depuis le mois d’octobre jusqu’au 1er juin, cela ferait 4,800,000 francs.
Il faut donc exiger que, sans délai, ces 4,800,000 francs soient payés, sans quoi il serait trop ridicule qu’on attendît davantage.
Vous direz bien que vous n’avez point d’autorisation de vous désister des 9,100,000francs que j’ai imposés de contribution extraordinaire, mais que vous ne pouvez me faire aucun rapport à cet égard que les 4,800,000 francs ne soient payés.
Finkenstein, 30 mai 1807
ORDRES
Le général de brigade Bron se rendra sans délai à Danzig pour y commander un dépôt de cavalerie qui sera composé de tous les hommes à pied des divisions Lasalle, Latour-Mau bourg, Grouchy, Nansouty, Saint-Sulpice et Espagne, qui s’y rendront à cet effet. Ils y seront organisés par les soins du général Bron, pour pouvoir servir en cas d’événement, et de manière qu’on puisse y maintenir une bonne police. Ils seront remontés sans délai.
Il sera fait, dans la ville de Danzig et dans la partie de la Poméranie qui n’a point été comprise dans la répartition faite à Elbing, une levée de 2,000 chevaux, dont 150 seront donnés aux cuirassiers, 300 aux dragons et 550 aux chasseurs et hussards, 500 à l’artillerie et 500 aux transports.
Le général commandant l’artillerie enverra des hommes du train, et l’inspecteur des transports, des hommes des transports, pour recevoir les chevaux qui leur reviennent.
Il sera mis sans délai, à Danzig, en confection, 2,000 selles et harnachements complets, savoir : 300 selles de cuirassiers, 800 de dragons et 900 de chasseurs et hussards. Il sera confectionné sans délai un pareil nombre de manteaux et un pareil nombre de paires de bottes.
Tous les hommes à pied des dragons et hussards de Bade feront partie dudit dépôt et y seront également remontés.
Les 100 chevaux qui sont à la disposition du maréchal Mortier, dans le Mecklenburg, ainsi que les 300 qu’il doit en recevoir, seront dirigés sur Danzig et consignés au général Bron.
Le général Delaroche, commandant le dépôt de cavalerie établi à Nackel, est autorisé à faire des marchés pour se procurer 500 chevaux, afin de remonter son dépôt. Il sera mis, à cet effet, à sa disposition les fonds nécessaires pour ces achats; et, pour qu’il puisse pourvoir sur-le-champ aux besoins les plus pressants, il lui sera remis une somme de 50,000 francs.
Le major général fera faire le relevé de tous les hommes à pied qui se trouvent présents aux différents régiments, et tiendra la main à ce qu’aucun colonel n’ait d’hommes à pied à son corps, et que tout ce qui n’est pas monté soit envoyé sans délai à Danzig.
Il sera mis en réquisition, à Danzig, 50 chariots pour les transports militaires, si on les trouve tout faits; sinon, on en fera faire sans délai 50.
Le major général et l’intendant général prendront toutes les mesures nécessaires pour la prompte exécution de toutes ces dispositions.
Finkenstein, 30 mai 1807
Au général Songis
Il faut vous occuper sans délai de faire transporter à Danzig deux millions de cartouches, 300,000 livres de poudre ; il y faut réunir également quelques ouvriers pour travailler aux affûts, afin que la place puisse soutenir un nouveau siège.
J’ai donné ordre de mettre vingt ou trente pièces de canon, bonnes ou mauvaises, à Marienburg; faites-en mettre dix aux ouvrages de la tête de pont de Marienwerder; toutes ces pièces dans les calibres de 6 et de 12, en fer et en bronze parmi le grand nombre de ce qui est à Stettin.
Occupez-vous aussi, sérieusement, d’en faire venir de Silésie, on du moins des munitions, d’armer Thorn et de préparer l’armement de Modlin et de Sierock.
Mais surtout poussez avec activité le siège de Graudenz et celui de Kolberg.
Finkenstein, 30 mai 1807
NOTE POUR LE GÉNÉRAL BERTRAND
Le major général doit envoyer un courrier à Kolberg, Le général Bertrand écrira par ce courrier au commandant du génie, pour lui faire connaître que mon intention est qu’on commence à s’emparer de l’embouchure du port pour que la place soit exactement cernée, et qu’on place une batterie à l’embouchure du port pour éloigner les croisières ennemies.
Finkenstein, 30 mai 1807
Au maréchal Brune, commandant le corps d’observation de la Grande Armée
Votre corps d’observation doit être composé de troupes hollandaises, de troupes espagnoles, de troupes de la Confédération et de troupes françaises.
Les troupes hollandaises, par les derniers ordres que vient de vous envoyer le major général, doivent avoir leur gauche à Coeverden, leur centre à Hambourg et leur droite sur la Peene.
Les troupes espagnoles arrivent en Hanovre le 10 juin, du moins la division qui était en Étrurie. Les deux autres divisions espagnoles arriveront dans le courant de juillet. Cette division d’Étrurie a besoin de se reposer en Hanovre. En cas d’événement, vous avez donc cette division forte de 5,000 hommes, dont 800 chevaux, que vous pouvez porter sur Hambourg, sur la Hollande ou sur Stralsund.
Les troupes françaises consistent dans la division Boudet et dans la division Molitor.
La division Boudet doit être, à l’heure qu’il est, à Stettin. Je vous envoie l’ordre pour qu’elle soit placée entre Stettin et Kolberg, et pour qu’elle ait un régiment à Kolberg, qui renforce l’armée de siège.
La division Loison est sous vos ordres; c’est à vous à protéger le siège. Je ne désire pas que vous vous y rendiez, parce que vous seriez trop loin des renseignements dont vous devez avoir besoin, et qu’un courrier, qui serait intercepté par les partisans, entre Kolberg et Stettin, pourrait porter un retard très-préjudiciable dans vos mouvements. Mais vous devez vous faire rendre un compte fréquent de ce siège.
Il faut exiger avant tout que le général Loison cerne la place, s’empare de l’embouchure du port, et ouvre même, s’il le faut, la tranchée vis-à-vis la redoute que l’ennemi a faite pour défendre cette entrée. Une fois que nous serons maîtres de cette position, l’ennemi ne pourra plus communiquer avec la mer, et la reddition de la place sera fort avancée.
De votre position de Stettin, il vous sera très-facile de presser le départ des équipages de siège, d’employer la cavalerie hollandaise qui est sous vos ordres et le régiment d’Aremberg à bien appuyer les derrières de Loison, de manière que le millier d’hommes qu’il emploie à fourrager et à recueillir et escorter ses approvisionnements y soit remplacé.
Le régiment de Nassau se rend devant Kolberg.
Le général Loison a aujourd’hui 7,500 hommes. Le régiment français de la division Boudet et le régiment de Nassau augmentent ses forces de 3,500 hommes, il aura donc 10 à 11,000 hommes; c’est plus que suffisant pour ce siège.
Les deux régiments de la division Boudet, placés en échelons, pourront accourir devant Kolberg, si l’ennemi tente de débarquer 5 à 6,000 hommes.
Mais je ne désire pas que, pour les travaux du siège, vous disposiez de plus d’un régiment de cette division, parce que le mauvais air qu’on respire dans les environs de Kolberg fera probablement beaucoup souffrir les troupes. Si donc vous pensiez que, pour pousser le siège, il fallût plus de monde, vous pourriez disposer de 8 ou 900 Hollandais parmi ceux dont vous seriez le plus sûr.
Rendez-moi fréquemment compte de ce siège; écrivez tous les jours au général Loison, et poussez-le vivement.
La division Molitor restera à Berlin, prête, selon les événements, à se porter sur la Peene, sur Kolberg, sur Hambourg ou sur la Silésie.
Enfin les troupes de la Confédération consistent en 6,000 Bavarois, 2 ou 3,000 Wurtembergeois et 3,000 hommes des autres petits princes; tout cela commence à se mettre en mouvement. La 11e brigade bavaroise de 3,000 hommes doit même être arrivée à Magdeburg; là, elle sera à portée de se rendre sur l’Elbe avec les Espagnols ou les Hollandais, et de se porter partout ailleurs, selon les événements. Mais, comme les Anglais sont instruits de toutes ces dispositions, je doute qu’ils hasardent rien.
J’espère que vous vous serez arrangé avec les Suédois. D’ailleurs, avec les forces que vous avez, vous pourriez, en cas d’hostilités, prendre une bonne position en Poméranie, vivre aux dépens de cette province, et continuer à suivre vos dispositions contre Kolberg. Ayez de grandes honnêtetés pour les Suédois; évitez de parier du Roi, dont on ne peut dire que du mal, et dès lors il vaut mieux se taire. Faites un grand éloge et dites beaucoup de bien de la nation. Mais, comme on ne peut pas compter sur le roi de Suède, il est possible que, d’un jour à l’autre, ce soit par là que les Anglais tentent de débarquer. Ètudiez donc bien la position de la Peene et de la Trebel, afin qu’en cas d’événements vous ayez tous vos plans faits, toutes vos positions reconnues, et que vous puissiez couvrir Berlin et Stettin.
S’il était vrai que la petite place de Rostock fût facile à mettre à l’abri d’un coup de main et même à mettre en état de soutenir un siège, peut-être serait-il convenable d’y faire travailler. Si l’on pouvait en faire autant à Demmin, ce ne pourrait être qu’avantageux. puisqu’alors vos magasins et vos ambulances renfermés dans ces places ne courraient aucun risque.
Visitez vous-même les îles de Wollin et d’Usedom, et faites pratiquer à Wollin quelques ouvrages en terre qui couvrent le siège de Kolberg de ce côté. Faites élever des batteries qui ferment les passes aux chaloupes canonnières suédoises et aux bâtiments ennemis.
Votre armée d’observation est considérable, puisque, lorsque tout sera réuni, vous aurez, y compris la division Loison, plus de 60,000 hommes d’infanterie et près de 6,000 hommes de cavalerie, et qu’enfin votre cavalerie va encore être augmentée par l’arrivée du 14e régiment de chasseurs français, par celle du régiment des dragons Napoléon, qui arrive d’Italie. Vous avez en outre plusieurs bataillons d’élite italiens qui arrivent d’Italie.
Indépendamment de ce, les places de Hameln, Magdeburg, Stettin, Spandau, Küstrin, vont avoir des bataillons provisoires de garnison, formant 7 à 8,000 Français qu’on babillera là.
Vous sentez que tant de forces réunies, que je laisse ainsi sur mes derrières, n’ont pas seulement pour but de tenir en échec les Anglais et les Suédois, mais aussi de pouvoir être portées rapidement en Silésie et en Gallicie, si l’Autriche faisait la folie de se déclarer; ce que, jusqu’à cette heure, elle proteste ne vouloir pas faire. Cette armée serait alors augmentée de 20,000 Polonais et des 20,000 hommes que j’ai en Silésie, qui me mettraient à même, sans affaiblir ma Grande Armée, d’opposer 100,000 hommes à la Maison d’Autriche. Il faut donc tenir toutes ces troupes le plus reposées possible et leur faire faire le moins de marches qu’on pourra. N’en disposez qu’en cas d’événement, parce que moi seul je puis, tous les jours, selon les événements généraux, les remuer.
Il faut aussi que votre commandant d’artillerie s’occupe sérieuse- ment des moyens d’augmenter votre artillerie. Les divisions Boudet et Molitor n’ont que seize pièces de canon. C’est la moitié de ce qu’il leur faudrait. Je ne sais pas ce qu’ont les Espagnols. Les Bavarois auront douze pièces. La division italienne a douze pièces. Je ne sais pas ce que les Hollandais peuvent avoir en artillerie. Je ne vous vois, donc, jusqu’à cette heure, qu’une cinquantaine de pièces de canon; il vous en faut un bien plus grand nombre. Vous devez vous occuper sans relâche de cet objet. Neuf pièces de canon attelées, servies par des Italiens, m’arrivent d’Italie ; 500 chevaux du train avec leurs charretiers m’arrivent également d’Italie; ils seront pour doubler l’artillerie des divisions Boudet et Molitor. Tâchez de renforcer aussi l’artillerie des Hollandais, afin que vous puissiez avoir, vers juillet, une centaine de pièces de canon à votre corps d’observation.
Occupez-vous aussi de composer votre état-major, afin qu’en cas d’événements vous puissiez faire une bonne guerre.
Finkenstein, 30 mai 1807
Au général Clarke
Faites partir sans délai 1,600 hommes de Nassau pour le siège de Kolberg. Il faut que ces troupes payent leur dette et essuient leur portion de fatigues. Il faut aussi qu’elles puissent s’aguerrir. Il vous restera assez de monde pour le transport des prisonniers. D’ailleurs la division Molitor a ordre de se rendre à Berlin. Mon intention est de la tenir cantonnée dans les environs de la ville, mais de manière à épargner mes magasins. Quand même elle devrait partir, à moins d’événements urgents, un régiment vous restera pour le service de Berlin.
Les troupes du prince Primat ont, depuis longtemps, eu ordre de se rendre à Berlin. Écrivez à Erfurt, à Minden, etc., pour savoir pourquoi elles ne sont pas en route. Ce régiment sert bien. Pressez son arrivée, afin que je puisse disposer du régiment de Molitor.
Une brigade de Bavarois, composée du 9e de ligne, d’un bataillon léger et d’un régiment de chevau-légers, doit être arrivée à Magdeburg. Enfin la tête de la colonne espagnole doit arriver le 10 juin en Hanovre.
S’il arrivait que la brigade bavaroise fût encore à Bamberg, ce qui est facile à savoir par le ministre de Bavière, vous lui enverriez l’ordre du major général de se rendre sur-le-champ à Magdeburg. Mais, d’après les nouvelles de Munich, je les crois arrivés dans cette place ou bien près.
Je donne ordre que la seconde brigade bavaroise d’égale force se rende à Bayreuth.
Non-seulement il faut presser l’arrivée des troupes du prince Primat, mais il faut vous informer si le 5e de contingent que doivent fournir Würzburg, Nassau, Wurtemberg, le prince Primat, Hesse-Darmstadt, etc., est parti; quelle est la force de ces suppléments de contingent, quelle est leur composition, et quand ils arriveront.
Finkenstein, 30 mai 1807
Au général Rapp
Je reçois votre lettre du 29. Répondez-moi aux questions suivantes :
1° Avez-vous désarmé tous les hommes ?
2° Avez-vous renvoyé tous les prisonniers prussiens et russes, même le prince russe qui a voulu rester, pour les faire partir sur-le-champ pour France ?
3° Avez-vous fait fouiller la poste aux lettres ? Y avez-vous mis un inspecteur pour lire les lettres ? Aujourd’hui la correspondance va se trouver renouvelée avec Hambourg et Berlin;
4° Avez-vous fait le recensement des chevaux ? Mon intention est de prendre tous les chevaux de selle pour la cavalerie. Faites-en faire secrètement le recensement, afin de pouvoir les prendre tous dans un jour. Mon intention est de prendre aussi une grande partie des chevaux de voiture, au moins jusqu’à une certaine concurrence. Faites aussi faire secrètement le recensement de ce qu’il y a, car il faut que je puisse tirer 2, 000 chevaux de Danzig et du pays environnant. J’ai ordonné à tous les hommes de cavalerie
à pied de se rendre à Danzig, et le général Bron, qui commandera ce dépôt, prendra toutes les mesures pour les faire monter ainsi que pour faire confectionner les manteaux, les selles et les bottes. Vous sentez combien il est important pour moi d’avoir promptement ces 2,000 chevaux.
Je désire que vous fassiez chercher si l’on ne trouverait pas une cinquantaine de caissons pour les transports militaires. A Danzig, je suppose qu’il doit y avoir une grande quantité de fer pour ferrer les chevaux de cavalerie.