Quartier général, devant Acre, 12 floréal an VII (1er mai 1799).
AU GÉNÉRAL BERTHIER.
Je vous prie, Citoyen Général, d’expédier un courrier en Égypte
par Tantourah, Jaffa et Damiette. Vous ferez connaître aux différents commandants que, l’équipage de siège étant arrivé, on a commencé depuis hier à battre en brèche le corps de la place ; que l’ennemi, ayant fait une sortie, a été repoussé avec perte de plus de 200 hommes laissés sur le champ de bataille ; qu’un bàtiment anglais a été coulé bas ; que dans la journée de demain les pièces de 24 seront en batterie.
Notre perte a été peu considérable ; mais le chef de la 85e [1]Davroux , qui
était de tranchée, a été tué en poussant l’ennemi trop avant dans ses ouvrages. Le retour du général en chef est très-proche.
Faire passer à Tantourah, de là, par un petit bâtiment, à Jaffa,
et de là, expédier la Fortune à Damiette.
BONAPARTE.
Dépôt de la guerre.
Quartier général, devant Acre, 13 floréal an VII (2 mai 1799).
AU GÉNÉRAL KLEBER.
J’envoie tous les ingénieurs géographes qui sont au camp pour prendre le croquis du pays. Vous sentez combien il est essentiel de leur répartir la besogne, afin que j’aie le plus tôt possible un canevas pays.
Nos pièces de 18 jouent depuis deux jours. La tour n’est plus qu’une ruine; le flanc qui s’opposait au passage du fossé est ruiné.
L’ennemi n’a plus qu’un seul canon qui tire; sentant qu’il ne peut plus défendre ses murailles, il a couronné ses glacis par des boyaux, où il est protégé par la mousqueterie de la place et empêche l’abord des différentes brèches : cela nous engage dans des affaires pénibles.
Une compagnie de grenadiers avait couronné hier la brèche; ils sortirent de leurs boyaux, avec tant d’impétuosité, qu’il fallut passer toute la soirée à les faire rentrer dans la place. Ils ont perdu beaucoup de monde. Nous avons eu 30 blessés et 12 à 15 tués, parmi lesquels le chef de la 85e [2]Le chef de brigade Sanson, remplaçant le général Caffarelli, qui était de tranchée. Après-demain nous plaçons nos pièces de 24 pour faire une brèche, et, dès l’instant qu’elle sera praticable, nous donnons un assaut général et en masse.
BONAPARTE.
Quartier général, devant Acre, 13 floréal an VII (2 mai 1799).
AU COMMANDANT DU GÉNIE.
Je vous prie, Citoyen Commandant, d’envoyer les citoyens Jacotin et Favier, ingénieurs géographes, pour lever à la main le cours du Jourdain et les différentes gorges qui y aboutissent, ainsi que la position du général Kleber. Ils se rendront aujourd’hui au camp de ce général.
BONAPARTE.
Quartier général, devant Acre, 13 floréal an VII (2 mai 1799).
AU GÉNÉRAL JUNOT.
Vous pouvez assurer, Citoyen Général, le cheik Saleh-Dàher que mon intention est de le nommer cheik de Seïdeh, place qui, par son importance, est au-dessus de Chafà-A’mr. Qu’il tâche de rassembler le plus de monde possible, afin de pouvoir se maintenir dans ce poste, que je ne tarderai pas à lui mettre entre les mains.
Faites-moi passer toutes les nouvelles que vous pourrez avoir de Damas.
Nos pièces de 18 et de 24 sont arrivées. Nous espérons, sous peu de jours, malgré la grande obstination des assiégés, entrer dans Acre.
Le feu de leur artillerie est entièrement éteint.
BONAPARTE.
Quartier général, devant Acre, 15 floréal an VII (4 mai 1799).
AU GÉNÉRAL RAMPON.
Le général en chef ordonne, Citoyen Général, que vous fassiez occuper ce soir, entre huit et neuf heures, par vos éclaireurs, le boyau de la droite que l’ennemi a établi sur le glacis, en arrière du masque de l’ancienne mine.
Les troupes qui sortent de la tranchée vous seconderont en cas d’événement. Elles se tiendront, à cet effet, hors de la portée du feu de la place, et ne rentreront dans le camp que lorsque votre opération sera terminée.
Vos éclaireurs déboucheront par l’extrémité du boyau du cavalier de tranchée et seront protégés par cet ouvrage.
Ils auront ordre d’égorger ou de mettre en fuite tout ce qu’ils rencontreront.
Dès que le boyau sera occupé, les sapeurs, conduits par l’ingénieur de tranchée, travailleront de suite à faire les parapets, coupures, traverses et communications nécessaires pour que nos troupes puissent se maintenir dans ce poste et le conserver dorénavant pour la protection de notre droite.
Un quart d’heure après l’occupation, vous enverrez une quinzaine de tirailleurs .pour faire une fausse attaque sur la place d’armes qui couvre l’angle du palais de Djezzar, afin d’empêcher l’ennemi de revenir pour tenter de reprendre le poste d’où il aura été chassé.
Le commandant du génie est tenu de donner ses ordres en conséquence des dispositions ci-dessus. Le général Lagrange est également prévenu qu’il doit se tenir en réserve, en cas que l’ennemi entreprît une sortie générale que vous ne pourriez pas repousser avec vos troupes.
Par ordre du général en chef.
Quartier général, devant Acre, 17 floréal an VII (6 mai 1799).
ORDRE DU JOUR.
Le général en chef a ordonné la formation d’une compagnie d’éclaireurs dans chaque demi-brigade; celles de la 18e et de la 32e se sont déjà distinguées par leur bravoure à l’attaque des places d’armes dans la nuit du 15. Il se ressouvient des services qu’ont rendus ces compagnies toutes les fois qu’on les a formées ; il compte spécialement sur elles :
Par ordre du général en chef.
Quartier général, devant Acre, 18 floréal an VII (7 mai 1799).
AU GÉNÉRAL VIAL,
Le général en chef me charge de vous prévenir, Citoyen Général, que le général Bon monte ce soir la tranchée avec sa division, qu’il a ordre d’attaquer et de chasser l’ennemi de ses boyaux du glacis, et de nous y loger à sa place. Aussitôt qu’il en aura chassé l’ennemi, il a ordre de s’emparer de la tour de brèche et de s’y loger.
L’intention du général en chef est que, lorsque le général Bon sera arrivé au Réservoir, vous renforciez, avec les troupes à vos ordres qui y sont, nos postes de gauche de la tranchée et le Santon. On ne relèvera pas, jusqu’à nouvel ordre, le poste de la tour Maudite. Je donne l’ordre aux éclaireurs de la division Reynier de vous joindre à la tranchée. Vous pourrez renvoyer au camp la 3e compagnie de grenadiers de la 9e, dont vous êtes mécontent.
L’intention du général en chef est que vous attaquiez la place d’armes et les boyaux de la droite de l’ennemi vis-à-vis notre gauche.
Cette attaque a pour but de faire le plus de mal possible à l’ennemi, l’inquiéter, le tenir en échec, afin de protéger l’attaque du général Bon, empêcher l’ennemi de filer par le fossé pour porter du secours à la tour de brèche.
Vous prendrez les ordres du général Bon, qui sera au Réservoir, pour déterminer l’heure à laquelle vous ferez votre attaque.
Les troupes que vous commandez ne quitteront pas la tranchée pour retourner à leur camp, jusqu’à nouvel ordre; il en sera donné suivant les circonstances.
Par ordre du général en chef.
Quartier général, devant Acre, 18 floréal an VII (7 mai 1799).
AU GÉNÉRAL DOMMARTIN.
L’intention du général en chef, Citoyen Général, est que la batterie Mangin soit armée de ses trois pièces de 24 et prète à faire feu, dans l’endroit désigné pour la nouvelle brèche, ce soir à neuf heures.
Son intention est également que la batterie Vaille et celle Legrand tirent pour rendre praticable la brèche déjà commencée du flanc; que la batterie Digeon tire quelques coups de canon pour détruire ce que l’ennemi pourrait avoir fait dans la tour de brèche, où nos troupes doivent monter ce soir.
Toutes les batteries par où l’ennemi pourrait déboucher par la gauche doivent également faire tout ce qui dépendra d’elles pour faciliter l’assaut.
Le général en chef ordonne qu’il y ait ce soir au Réservoir quelques ouvriers avec des outils et quelques artificiers avec des fusées ou autres matières combustibles ; qu’il y ait aussi une pièce de 4 à portée du Réservoir, pour être à même de la mettre en batterie sur la tour, si cela paraissait nécessaire et praticable.
Ordonnez à l’officier supérieur de tranchée de se concerter avec le général Bon, pour qu’il connaisse les dispositions qu’il fera ce soir pour l’attaque du glacis et celle de la tour de brèche.
Il serait utile que vous vous concertassiez aussi vous-même, tant avec le commandant du génie qu’avec le général Bon, afin qu’il y ait de l’ensemble.
Par ordre du général en chef.
Quartier général, devaut Acre, 19 floréal an VII (8 mai 1799).
AU GÉNÉRAL KLEBER.
Le général en chef ordonne, Citoyen Général, que vous fassiez partir le plus tôt possible, la brigade du général Verdier, c’est-à-dire la 25e et la 75e, pour se rendre au camp devant Acre, ou il est nécessaire qu’elle arrive sans perdre un instant, l’intention du général en chef étant de la faire participer à la gloire de la prise d’Acre. Nous sommes depuis hier, à dix heures du soir, maîtres de la tour de brèche.
Le général en chef ordonne que la brigade du général Junot, composée de la 2e légère, des compagnies de grenadiers de la 19e, toute la cavalerie que vous avez, vos six pièces de canon, le commissaire des guerres de votre division, restent pour prendre une position qui couvre nos magasins de Tabaryeh et Nazareth, et observer l’ennemi pour bien couvrir l’armée.
Le général en chef vous laisse le maître d’être de votre personne soit à la brigade Verdier qui vient ici, soit à la brigade du général Junot, destinée à garder Nazareth et Tabaryeh et à couvrir l’armée.
Vous voudrez bien, en conséquence des dispositions ci-dessus, donner les ordres convenables aux généraux commandant les deux brigades de votre division.
Par ordre du général en chef.
AU GÉNÉRAL LAGRANGE.
Quartier général, devant Acre, 20 floréal an VII (9 mai 1799).
Le général en chef a remarqué, Citoyen Général, que le retranchement de la grande tour de brèche n’était plus tenable, à cause des feux que le Pharillon dirige dessus. Cependant l’occupation de cette tour est indispensable, soit pour empêcher l’ennemi de s’y établir, soit pour favoriser les abords de la brèche, soit enfin pour tâcher de
descendre dans la ville, ou du moins sur la courtine de gauche. La division Kleber étant sur le point d’arriver, l’intention du général en chef est, lorsque cette division sera reposée, de faire monter à la brèche et de pénétrer dans la ville pour s’en rendre maître. Il désirerait donc que vous fissiez occuper la gauche de la grande tour au delà du retranchement. L’accès en est facile; on y était monté hier soir directement par la brèche et en passant par-dessus les sacs à terre. Les mêmes sacs à terre pourraient servir à couronner le nouveau retranchement, qui se trouverait d’ailleurs abrité sur son flanc gauche des feux du Pharillon par le grand mur de la tour qui est encore debout.
L’officier du génie de tranchée a ordre de s’entendre avec vous pour cet objet.
Par ordre du général en chef.
Quartier général, devant Acre, 20 floréal an VII (9 mai 1799).
AU GÉNÉRAL MURAT.
Le général en chef ordonne, Citoyen Général, qu’à minuit vous fassiez occuper la crête de la seconde tour, qui tient à celle de brèche que nous occupons, et dans laquelle il y avait, dans la journée, quelques Turcs que vous en feriez chasser s’ils y étaient encore ; rien n’est plus important que l’occupation de cette tour.
Le général en chef fait monter demain matin à l’assaut; les troupes de la division partent de leur camp à dix heures du matin.
Vous recevrez des instructions sur ce que vous aurez à faire à l’assaut.
J’envoie à l’officier commandant la cavalerie en votre absence l’ordre de la faire venir demain, à trois heures du matin, à la butte du camp retranché, ainsi que les 60 hommes à pied.
Par ordre du général en chef.
Quartier général, devant Acre, 20 floréal an VII (9 mai 1799).
AU GÉNÉRAL DOMMARTIN.
Le général en chef a décidé, Citoyen Général, de faire monter demain à la brèche.
Les divisions partent de leur camp à deux heures du matin, pour prendre position et exécuter le projet d’attaque convenu ce soir avec vous et les généraux de division.
Donnez vos ordres, en ce qui vous concerne, pour qu’il y ait des ouvriers avec des outils et des artifices et enfin tout ce qui est nécessaire à l’assaut et à l’occupation de la ville. Désignez ceux qui doivent marcher avec la division Kleber, qui est la première à monter à l’assaut. On doit attaquer vers trois heures et demie.
AU CHEF DE BRIGADE SANSOM, COMMANDANT LE GÉNIE.
Donnez les ordres pour ce qui vous concerne. Faites réunir à la queue de la tranchée les ouvriers, sapeurs, outils, etc.
Désignez l’officier du génie et le détachement de sapeurs qui doivent marcher avec la division Kleber.
BONAPARTE
Quartier général, devant Acre, 21 floréal an VII (10 mai 1799).
AU DIRECTOIRE EXÉCUTIF.
Citoyens Directeurs, je vous ai fait connaître qu’Ahmed-Djezzar, pacha d’Acre, de Tripoli et de Damas, avait été nommé pacha d’Egypte ; qu’il avait réuni un corps d’armée assez considérable, et avait porté son avant-garde à El-A’rych, menaçant le reste de l’Egypte d’une invasion prochaine ; que des bàtiments de transport turcs se réunissaient dans le port de Macri, menaçant de se porter devant Alexandrie dans la belle saison; que, par les mouvements qui existaient dans l’Arabie, on devait s’attendre à ce que le nombre des gens d’Yanba qui avaient passé la mer Rouge augmenterait au printemps.
Vous avez vu, par ma dernière dépêche, la rapidité avec laquelle l’armée a passé le désert, la prise d’El-A’rych, de Gaza, de Jaffa, la dispersion de l’armée ennemie, qui a perdu ses magasins, une partie de ses chameaux, ses outres et ses équipages de-campagne.
Il restait encore deux mois avant la saison propre au débarquement ; je résolus de poursuivre les débris de l’armée ennemie et de nourrit pendant deux mois la guerre dans le cœur de la Syrie.
Nous nous mimes en marche sur Acre.
AFFAIRE DE QAQOUN.
Le 25 ventôse, à dix heures du matin, nous aperçûmes au delà du village de Qàqoun l’armée ennemie qui avait pris position sur nos flancs ; sa gauche, composée des gens de Naplouse (anciens Samaritains), était appuyée à un mamelon d’un accès difficile; la cavalerie était formée à droite.
Le général Kleber se porta sur la cavalerie ennemie ; le général Lannes attaqua la gauche; le général Murât déploya sa cavalerie au centre.
Le général Lannes culbuta l’ennemi, lui tua beaucoup de monde et le poursuivit deux lieues dans les montagnes.
Le général Kleber, après une légère fusillade, mit en fuite la droite des ennemis et les poursuivit vivement; ils prirent le chemin d’Acre.
COMBAT DE HAYFA.
Le 27, à huit heures du soir, nous nous emparâmes de Hayfà ; une escadre anglaise était mouillée dans la rade.
Quatre pièces d’artillerie de siège, que j’avais fait embarquer à Alexandrie sur quatre bâtiments de transport, furent prises à la hauteur de Hayfà par les Anglais.
Plusieurs bateaux chargés de bombes et de vivres échappèrent et vinrent mouiller à Hayfà ; les Anglais voulurent les enlever ; le chef d’escadron Lambert les repoussa, leur blessa ou tua 100 hommes, fit 30 prisonniers et s’empara d’une grosse chaloupe avec une caronade de 36.
Nous n’avions plus à mettre en batterie devant Acre que notre équipage de campagne. Nous battîmes en brèche une tour qui était la partie la plus saillante de la ville. La mine manqua ; la contrescarpe ne sauta pas. Le citoyen Mailly, adjoint à l’état-major, qui se porta pour reconnaître l’effet de la mine, fut tué.
Vous verrez, par le journal du siège, que les 6, 10, 18 et 26 germinal, l’ennemi fit des sorties vives, où il fut repoussé avec de grandes pertes par le général Vial ; que le 12 nos mineurs firent sauter la contrescarpe, mais que la brèche ne se trouva pas praticable.
Le 11, le général Murât prit possession de Safed, l’ancienne Béthulie; les habitants montrent l’endroit où Judith tua Holopherne.
Le même jour, le général Junot prit possession de Nazareth.
COMBAT DE NAZARETH [3]Ou de Loubych.
Cependant une armée nombreuse s’était mise en marche de Damas; elle passa le Jourdain le 17.
L’avant-garde se battit toute la journée du 19 contre le général Junot, qui, avec 500 hommes des 2e et 19e demi-brigades, la mit en déroute, lui prit cinq drapeaux et couvrit le champ de bataille de morts ; combat célèbre et qui fait honneur au sang-froid français.
COMBAT DE CANA [4]Ou de Chagarab. .
Le 20, le général Kleber partit du camp d’Acre ; il marcha à l’ennemi et le rencontra près du village de Cana ; il se forma en deux carrés : après s’être canonné et fusillé une partie de la journée, chacun rentra dans son camp.
BATAILLE DU MONT THABOR [5]Ou d’Esdrelon. .
Le 22, l’ennemi déborda la droite du général Kleber, et se porta dans la plaine d’Esdrelon, pour se joindre aux Naplousains.
Le général Kleber se porta entre le Jourdain et l’ennemi, tourna le mont Thabor et marcha toute la nuit du 26 au 27 pour l’attaquer de nuit.
Il n’arriva qu’au jour en présence de l’ennemi ; il forma sa division en bataillon carré ; une nuée d’ennemis l’investit de tous côtés ; il essuya toute la journée des charges de cavalerie ; toutes furent repoussées avec la plus grande bravoure.
La division Bon était partie, le 25 à midi, du camp d’Acre, et se trouva, le 27 à neuf heures du matin, sur les derrières de l’ennemi, qui occupait un immense champ de bataille. Jamais nous n’avions vu tant de cavalerie caracoler, charger, se mouvoir dans tous les sens.
On ne se montra point ; notre cavalerie enleva le camp ennemi, qui était à deux heures du champ de bataille ; on prit plus de 400 chameaux et tous les bagages, spécialement ceux des Mameluks.
Les généraux Vial et Rampon, à la tête de leurs troupes formées en bataillons carrés, marchèrent dans différentes directions, de manière à former, avec la division Kleber, les trois angles d’un triangle
équilatéral de 2,000 toises de côté; l’ennemi était au centre.
Arrivés à la portée du canon, ils se démasquèrent ; l’épouvante se mit dans les rangs ennemis ; en un clin d’œil, cette nuée de cavaliers s’écoula en désordre et gagna le Jourdain ; l’infanterie gagna les hauteurs ; la nuit la sauva.
Le lendemain, je fis brûler les villages de Genyn, Nourès, Soulyn, pour punir les Naplousains.
Le général Kleber poursuivit les ennemis jusqu’au Jourdain.
COMBAT DE SAFED.
Cependant le général Murât était parti le 23 du camp, pour faire lever le siège de Safed et enlever les magasins de Tabaryeh ; il battit la colonne ennemie et s’empara de ses bagages.
Ainsi cette armée, qui s’était annoncée avec tant-de fracas, aussi nombreuse, disaient les gens du pays, que les étoiles du ciel et les sables de la mer, assemblage bizarre de fantassins et de cavaliers de toutes les couleurs et de tous les pays, repassa le Jourdain avec la plus grande précipitation, après avoir laissé une grande quantité de
morts sur le champ de bataille. Si l’on juge de son épouvante par la rapidité de sa fuite, jamais il n’y en eut de pareille.
Vous verrez, dans le journal du siège d’Acre, les différents travaux qui furent faits de-part et d’autre pour le passage du fossé et pour se loger dans la tour, que l’on mina et contre-mina ; Que, plusieurs pièces de 24 étant arrivées, on battit sérieusement la ville en brèche ; Que, les 7, 10 et 13 floréal, l’ennemi fit des sorties et fut vigoureusement repoussé ;
Que, le 19 floréal, l’ennemi reçut un renfort porté sur trente bâtiments de guerre turcs ;
Qu’il fit le même jour quatre sorties ; qu’il remplit nos boyaux de ses cadavres ;
Que nous nous logeâmes, après un assaut extrêmement meurtrier, dans un des points les plus essentiels de la place.
Aujourd’hui nous sommes maîtres des principaux points du rempart.
L’ennemi a fait une seconde enceinte ayant pour point d’appui le château de Djezzar.
Il nous resterait à cheminer dans la ville ; il faudrait ouvrir la tranchée devant chaque maison et perdre plus de monde que je ne le veux faire.
La saison, d’ailleurs, est trop avancée; le but que je m’étais proposé se trouve rempli : l’Egypte m’appelle.
Je fais placer une batterie de 24 pour raser le palais de Djezzar et les principaux monuments de la ville ; je fais jeter un millier de bombes qui, dans un endroit aussi resserré, doivent faire un mal considérable. Ayant réduit Acre en un monceau de pierres, je repasserai le désert, prêt à recevoir l’armée européenne ou turque qui,
en messidor ou thermidor, voudrait débarquer eu Egypte.
Je vous enverrai du Caire une relation des victoires que le général Desaix a remportées dans la haute Egypte ; il a déjà détruit plusieurs fois les gens arrivés d’Arabie, et dissipé presque entièrement les Mameluks.
Dans toutes ces affaires, un bon nombre de braves sont morts, à la tête desquels les généraux Caffarelli et Rambeaud ; un grand nombre sont blessés; parmi ces derniers, les généraux Bon et Lannes.
J’ai eu, depuis mon passage du désert, 500 hommes tués et le double de blessés.
L’ennemi a perdu plus de 15,000 hommes.
Je vous demande le grade de général de division pour le général Lannes, et le grade de général de brigade pour le citoyen Songis, chef de brigade d’artillerie.
J’ai donné de l’avancement aux officiers dont vous trouverez ci-joint l’état.
Je vous ferai connaître les traits de courage qui ont distingué un grand nombre de braves.
J’ai été parfaitement content de l’armée dans des événements et dans un genre de guerre si nouveaux pour des Européens. Elle fait voir que le vrai courage et les talents guerriers ne s’étonnent de rien .et ne se rebutent d’aucun genre de privations. Le résultat sera, nous l’espérons, une paix avantageuse, un accroissement de gloire et de prospérité pour la République.
BONAPARTE.
References[+]