Correspondance de Napoléon Ier – Juin 1809

Ebersdorf, ler juin 1809

QUATORZIÈME BULLETIN DE L’ARMÉE D’ALLEMAGNE.

Les ponts sur le Danube sont entièrement rétablis. On y a joint un pont volant, et l’on prépare tous les matériaux nécessaires pour jeter un autre pont de radeaux. Sept sonnettes battent des pilotis; mais, le Danube ayant dans plusieurs endroits 24 et 26 pieds de profondeur, on emploie toujours beaucoup de temps pour faire tenir les ancres, lorsqu’on déplace les sonnettes. Cependant les travaux avancent et seront terminés sous peu.

Le général de brigade du génie Lazowski fait travailler, sur la rive gauche, à une tête de pont qui aura 1,600 toises de développe­ment et qui sera couverte par un bon fossé plein d’eau courante.

Le 44e équipage de la flottille de Boulogne, commandé par le capitaine de vaisseau Baste, est arrivé. Un grand nombre de bateaux en croisière battent les îles, couvrent le pont et rendent beaucoup de services. Le bataillon des ouvriers de la marine travaille à la construction de péniches armées, qui serviront à maîtriser parfaitement le fleuve.

Après la défaite du corps du général Jellachich, M. Mathieu, capitaine adjoint à l’état-major de l’armée d’Italie, fut envoyé avec un dragon d’ordonnance sur la route de Salzbourg. Ayant rencontré successivement une colonne de 650 hommes de troupes de ligne et une colonne de 2,000 landwehr, qui l’une et l’autre étaient coupées et égarées, il les somma de se rendre, et elles mirent bas les armes.

Le général de division Lauriston est arrive à OEdenburg, premier comitat de Hongrie, avec une forte avant-garde. Il paraît qu’il y a de la fermentation en Hongrie, que les esprits y sont très-divisés et que la majorité n’est pas favorable à l’Autriche.

Le général de division Lasalle a son quartier général vis-à-vis Presbourg, et pousse ses postes jusqu’à Altenburg et jusqu’auprès de Raab.

Trois divisions de l’armée d’Italie sont arrivées à Neustadt. Le vice-roi est depuis deux jours au quartier général de l’Empereur.

Le général Macdonald, commandant un des corps de l’armée d’Italie, est entré à Graz. On a trouvé dans cette capitale de la Styrie d’immenses magasins de vivres et d’effets d’habillement et d’équipement de toute espèce.

Le duc de Danzig est à Linz. Le prince de Ponte-Corvo marche sur Vienne. Le général de division Vandamme, avec les Wurtembergeois, est à Saint-Pölten, Mautern et Krems.

La tranquillité règne dans le Tyrol. Coupés par les mouvements du duc de Danzig et de l’armée d’Italie, tous les Autrichiens qui s’étaient imprudemment engagés dans cette pointe ont été détruits, les uns par le duc de Danzig, les autres, tels que le corps de Jellachich, par l’armée d’Italie. Ceux qui étaient en Souabe n’ont eu d’autre ressource que de tâcher de traverser en partisans l’Allema­gne, en se portant sur le Haut-Palatinat. Ils formaient une petite colonne d’infanterie el de cavalerie, qui s’était échappée de Lindau et qui a été rencontrée par le colonel Reizet du corps d’observation du général Beaumont. Elle a été coupée à Neumarkt, et la colonne entière, officiers et soldats, a mis bas les armes.

Vienne est tranquille. Le pain et le vin sont en abondance; mais la viande, que cette capitale tirait du fond de la Hongrie, commence à devenir rare. Contre toutes les raisons politiques et tous les motifs d’humanité, les ennemis font l’impossible pour affamer leurs compatriotes et cette capitale, qui renferme cependant leurs femmes et leurs enfants. Il y a loin de cette conduite à celle de notre Henri IV, nourrissant lui-même une ville qui était alors ennemie et qu’il assiégeait.

Le duc de Montebello est mort hier à cinq heures du matin. Quel­ que temps auparavant l’Empereur s’était entretenu pendant une heure avec lui. Sa Majesté avait envoyé chercher par le général Rapp, son aide de camp, M. le docteur Franck, l’un des médecins les plus célèbres de l’Europe. Ses blessures étaient en bon état, mais une fièvre pernicieuse avait fait en peu d’heures les plus funestes progrès. Tous les secours de l’art étaient devenus inutiles. Sa Majesté a ordonné que le corps du duc de Montebello fût embaumé et transporté en France, pour y recevoir les honneurs qui sont dus à un rang élevé et à d’éminents services. Ainsi a fini l’un des militaires les plus distingués qu’ait eus la France. Dans les nombreuses batailles où il s’est trouvé, il avait reçu treize blessures. L’Empereur a été extrême­ment sensible à cette perte, qui sera ressentie par tous les Français.

[1]Voir également les pages consacrées aux Bulletins

Ebersdorf, 1er juin 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris.

Empêchez qu’on ne mette dans les journaux tant de choses sur la grande-duchesse de Toscane. Quels sont ceux de ses officiers qui lui rendent ce mauvais service ? Faites-lui connaître que ce n’est point mon intention.

 

Ebersdorf, 2 juin 1809.

A M. Cretet, comte de Champmol, ministre de l’intérieur, à Paris

Monsieur Cretet, je suis mécontent de la situation dans laquelle vous laissez Parme et Plaisance. Faites nommer sur-le-champ les conseils généraux, les conseils municipaux et les maires, et organisez le département du Taro à l’instar des autres départements.

On me porte des plaintes sur le sous-préfet de Plaisance. Faites­ moi un rapport à cet égard, et présentez-moi un homme sûr.

 

Ebersdorf, 2 juin 1809, dix heures du matin.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Hainburg

Mon Cousin, je reçois votre lettre de deux heures après minuit.

Nous avons reçu hier soir l’agréable nouvelle de l’arrivée de l’ar­mée de Dalmatie à Laybach, qui a culbuté tout ce qui s’opposait à son débouchement et a pris le général en chef autrichien qui lui était opposé. Le général Macdonald était arrivé à Graz el s’était emparé de la ville; quelques bataillons de milice s’étaient renfermés dans le fort.

 

Ebersdorf, 3 juin 1809, onze heures du matin

Au maréchal Lefebvre, duc de Danzig, commandant le 7e corps de l’armée d’Allemagne, à Linz

Vous avez eu l’ordre, Monsieur le Duc, de faire occuper le poste de Wallsee, notamment celui d’Ips, et d’y relever les troupes saxonnes. Ces points sont particulièrement sous votre surveillance. On ne sait comment l’ennemi a pu faire un débarquement de quelques centaines d’hommes qui sont allés à Amstetten égorger quelques hommes. L’intention de l’Empereur est que vous teniez toujours à Amstetten une colonne mobile formée de deux pièces de canon, de 500 chevaux et de la valeur d’un bataillon. Cette colonne mobile sera en communication avec les postes d’Ips, de Wallsee, Enns et Melk.

Le prince de Neuchâtel, major général (voir la note du 15 mai à Andreossy)

 

Ebersdorf, 3 juin 1809.

Au général Clarke, comte d’Hubebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, la conscription doit déjà commencer à rendre. Faites-moi un rapport sur l’organisation de mes réserves. Voici comment j’entends qu’elles soient organisées.

Le commandant de ma réserve en Allemagne sera le duc d’Abrantès.

La 1e division, commandée par le général de division Rivaud, sera composée de la brigade Charles Lameth (1e brigade), ayant les 4e bataillons des 19e, 25e et 28e de ligne, de la brigade Taupin (2e brigade), ayant les 4e bataillons des 36e, 50e et 75e, et de la brigade Brouard (3e brigade), ayant les 4e bataillons des 13e léger, 48e et 108e. La division Rivaud aurait  donc 7,200 hommes. La brigade Brouard pourrait se réunir à Gand ou à Louvain, pour ne se porter au corps de réserve qu’en cas de nécessité et lorsque les régiments qui sont destinés à protéger les côtes seraient en état. Les brigades Taupin et Lameth resteraient à Hanau. La division Rivaud devrait avoir un adjudant commandant, un officier d’artillerie, un officier du génie et douze pièces de canon.

La 2e division, qu’on peut provisoirement laisser commander par le général Despeaux, quoique je ne le connaisse pas, serait compo­sée des brigades Clément et Vergès, des 5e et 9e et des 10e et 13e demi-brigades provisoires, que je calcule devoir être, à la fin de juin ou dans le courant de juillet, fortes, chacune, de 2,000 hom­mes. Remettez-moi les états de service du général Despeaux, et faites-moi connaître où il a fait la guerre.

La 3e division serait commandée par le général de division Lagrange et composée des trois bataillons du 65e de ligne, du 11e et du 12e provisoires, qui formeraient également 6,000 hommes. Cette division pourrait se réunir d’abord à Augsburg. Donnez ordre au général Lagrange d’aller en passer la revue, et de correspondre avec vous pour en accélérer la formation.

La cavalerie serait composée des six régiments provisoires de dragons, commandés par le général sénateur Beaumont et par les généraux de brigade Lamotte et Picard; elle aurait six pièces de canon. Je suppose que dans le courant de juillet elle serait à 5,000 hommes.

J’aurais donc dans le courant de juillet trois divisions bien organisées, ayant 21,000 hommes d’infanterie, 5,000 hommes de cavalerie, quarante-deux pièces de canon, une ou deux compagnies de sapeurs, un commandant d’artillerie, un commandant du génie et un commissaire ordonnateur. En y joignant la division hollandaise que commande le général Gratien, on porterait ce corps à plus de 30,000 hommes.

Aussitôt que le duc d’Abrantès sera arrivé à Paris, vous lui ferez connaître mes intentions et vous lui ordonnerez de commencer la revue et l’inspection de son corps, pour assurer et accélérer par tous les moyens sa formation.

Aussitôt que cela sera possible, on remplacera le 22e de ligne, qui est dans les places de Prusse, par une brigade provisoire.

Proposez-moi de retirer quelques régiments d’infanterie, quelques bataillons du train, des équipages, etc., et des officiers d’artillerie et du génie de l’armée d’Espagne, où il y a trop de tout cela. Rappelez aussi d’Espagne tous les colonels, majors el chefs de bataillon à la suite, et tous les officiers à la suite des corps et de l’état-major, et dirigez-les tous sur le quartier général de l’armée d’Allemagne.

Portez attention aux 82e, 66e et 26e de ligne, qui sont dans la 12e division militaire. Il y a dans ces régiments un excellent fond; ils peuvent très-bien fournir douze bataillons, qui, maintenus au complet, seraient une ressource. Portez également attention aux 86e, 70e, 47e et 15e, qui sont au camp de Pontivy. On doit pouvoir tirer de là huit bons bataillons bien complets, dans le courant de l’été.

Faites passer la revue du 103e ainsi que du régiment des chasseurs toscans, et organisez ces corps.

Recommandez au duc de Valmy, qui jusqu’à ce moment commande la réserve, de bien la faire exercer.

 

Ebersdorf, 3 juin 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Écrivez au roi d’Espagne que je ne conçois rien à l’inactivité dans laquelle restent mes forces pendant que l’ennemi cherche à écraser le duc de Dalmatie; que cependant je n’ai cessé de lui répéter qu’il fallait rouvrir, à quelque prix que ce soit, les communications avec le Nord; qu’il y a longtemps que le duc de Bellune aurait du faire des mouvements ; que, au lieu de cela, je vois avec une vive peine qu’on reste dans la plus grande inaction et qu’on laisse l’ennemi ma­nœuvrer à son aise contre le duc de Dalmatie; que, si ce maréchal essuie des échecs, la perte de l’Espagne s’ensuivra. Vous aurez sans doute envoyé au roi les papiers anglais à mesure qu’ils vous parviennent, et vous aurez ordonné des mouvements pour faire diver­sion et secourir le duc de Dalmatie.

 

Ebersdorf, 4 juin 1809, dix heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Ebersdorf (erreur dans l’édition originale : Eugène est à OEdenburg)

Mon Fils, le général Lauriston mande que l’avant-garde du prince Jean paraît se diriger sur OEdenburg, ou du moins qu’au lieu de passer par Körmönd, il s’est dirigé entre Körmönd et OEdenburg par Rechnitz; ce qui ferait supposer que ce corps veut se rallier sur Raab, el qu’alors, voulant prendre la route de Körmönd, il se fait éclairer sur sa gauche à sept ou huit lieues de Körmönd. Il n’y a rien d’impossible même que, instruit par les habitants du pays du peu de troupes qu’il y a à OEdenburg, il veuille tenter un coup de main sur cette ville. Je ne vois pas d’inconvénient que vous portiez votre quartier général à OEdenburg (le général Grouchy peut s’y porter sans passer par Neustadt), et que vous vous mettiez à la poursuite du prince Jean pour lui couper la retraite, avec la seule condition de veiller à ce qu’il ne passe pas sur votre droite, c’est-à-dire entre vous et Bruck, ou entre OEdenburg et Neustadt. Le général Lau riston, qui a trois beaux régiments de cavalerie, pourra rester avec vous, et le général Montbrun, qui est à Bruck, avec une division de cavalerie, pourra combiner son mouvement avec le vôtre. Je vous laisse le maître de vous porter à OEdenburg, sans vous donner d’ordre précis, parce que je suppose que vous avez reçu de Graz, par le général Grouchy, et des postes que vous avez sur la droite, des nouvelles qui vous mettent à même d’agir selon mes intentions, qui sont renfermées dans cette idée: que vous tâchiez de faire du mal au prince Jean. Vous le pouvez, s’il se retire sur Raab; vous ne pouvez rien, sans être obligé à de trop grands mouvements qui vous éloigneraient de l’armée, s’il se retire sur Pest. Enfin à OEdenburg vous ne serez pas plus éloigné de l’armée que de Neustadt. Encore un coup, il suffit que rien ne passe sur votre droite et ne vous coupe d’avec Bruck et le général Macdonald. Vous devez savoir ce qu’il y a à Friedberg et à Hartberg.

 

Ebersdorf, 4 juin 1809, six heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à OEdenburg

Mon Fils, un individu est arrivé à Vienne, se disant congédié par l’archiduc Jean; il faisait partie de son imprimerie; voici ce qu’il dit : « L’archiduc Jean, ayant appris qu’un corps de Français allait  au-devant de lui, sur Graz, a fait un mouvement rétrograde vers Körmönd, où il était le 1er juin. Ce jour-là, il nous a tous licenciés. Un garçon imprimeur, venant hier de Trieste, a fait une description de l’armée autrichienne, qu’il présente comme étant dans l’état le plus pitoyable. »

 

Ebersdorf, 4 juin 1809, six heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à OEdenburg

Mon Fils, je vois par votre lettre du 4 que vous êtes arrivé de bonne heure à OEdenburg. Votre corps sera beaucoup mieux établi là, étant dans un pays de ressources. Prenez vos mesures pour avoir huit jours de pain en réserve. Faites construire des fours à OEdenburg, si cela est nécessaire, pour faire faire du pain biscuité, afin que, lorsque vous rejoindrez l’armée, vous n’ayez pas besoin de nos magasins.

Faites-moi connaître où vous avez placé votre grand parc.

Vous trouverez ci-joint une lettre du général Montbrun, qui vous fera connaître le lieu où il est. Je lui ai laissé carte blanche pour faire du mal à l’ennemi.

Faites replier les postes de cavalerie de la brigade Colbert et les postes d’infanterie du général Lauriston sur OEdenburg; mon intention étant de rappeler cette division, il suffit que ce repliement soit terminé le 6. Je préfère que le 6e et le 9e régiment de chasseurs forment une brigade de cavalerie légère. Je vous enverrai un général de brigade pour la commander. Par ce moyen, vous aurez deux brigades de cavalerie légère et une division de dragons. En cas de réu­nion, le général Grouchy peut commander tout cela. Cette organisation est celle de l’armée pour la cavalerie; les divisions n’en ont jamais.

 

Ebersdorf, 4 juin 1809, six heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à OEdenburg

Mon fils, envoyez vos caissons de 6, vos 8 d’obusiers et vos caissons vides d’infanterie à Vienne, pour les remplir, à moins que vous ne les fassiez remplir à Neustadt, où il y avait un établissement d’artillerie; vous n’avez pas assez de deux caissons de 12, car vos deux pièces de 12, n’ont que 50 coups à tirer ; il vous faudrait au moins quatre caissons.

 

Schönbrunn, 5 juin 1809, neuf heures du matin.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Wolfsthal.

Mon Cousin, puisque l’ennemi occupe l’île et sa tête de pont, il ne faut pas tirer sur la ville, mais concentrer le feu sur la tête de pont. Je désirerais avoir des éclaircissements sur la position qu’oc­cupe l’ennemi. Il me semble qu’il y a trois îles : l’une du côté du haut, qui se trouve opposée à notre gauche, nous faisant face à Presbourg; une seconde serait opposée à notre centre; ce sera là principalement que l’ennemi aura fait ses ouvrages et sa tête de pont, qui aurait 500 toises de développement, parce que c’est là qu’aborde le bac; cette île n’en serait réellement pas une, et l’ennemi y aurait mis de l’eau par le moyen de la rupture d’une digue ou par l’effet d’une écluse ; la troisième île enfin serait opposée à notre droite et ne serait pas occupée. Je désire que vous rectifiiez mes idées là­ dessus. Je pense que les canonniers, les officiers du génie et les voltigeurs doivent avoir des idées précises. Toutefois il me paraît difficile que six bataillons puissent tenir cette position, et s’ils s’y obstinent, ce doit être six bataillons pris. Le parti que vous avez pris de faire des épaulements épargnera nos chevaux et nos hommes. Je donne des ordres pour qu’on vous envoie 50 marins, une compagnie de pon­tonniers et une de sapeurs. Vous trouverez quelques bateaux dans les différents bras de la rivière. Faites bien reconnaître la position de l’ennemi; faites-en faire un tracé, et, s’il y a quelque possibilité, enlevez-la en attendant. Aussitôt que vos batteries seront faites, il faudra nourrir la canonnade, qui doit être funeste à l’ennemi; je ne doute pas que la canonnade n’ait déjà tué beaucoup de monde. On m’assure que les ouvrages qu’il a faits ne sont pas palissadés; mais je crois comme vous que, du moment que les retranchements qu’il occupe sont couverts par un filet d’eau, il ne peut être attaqué que par un plan suivi et bien conçu, sans rien donner au hasard. Il me paraît bien difficile que les officiers d’artillerie ne trouvent pas moyen d’enfiler les retranchements ennemis.

Je vous ai mandé hier que l’armée d’Italie est à OEdenburg, et Montbrun marchant pour rosser les insurgés.

Si l’ennemi avait évacué l’île pour se reporter sur la rive gauche, il serait nécessaire que vous fissiez rétrograder les sapeurs et les pontonniers.

Envoyez-moi la note des distinctions que vous demandez pour les Hessois qui se sont distingués.

 

Schönbrunn, 5 juin 1809, neuf heures du matin.

Au général comte Bertrand, commandant le génie de l’armée d’Allemagne, à Ebersdorf

Monsieur le Général Bertrand, Chambarlhiac est rendu à Linz, Je ne sais pas s’il a des officiers de génie pour diriger les travaux; je crois qu’il n’a pas non plus d’argent. Donnez-lui l’instruction positive de faire de bonne besogne. On a perdu un mois à Linz, ce qui a été funeste; on a voulu raccommodailler (sic) des maisons, et on a fait de mauvaise besogne. Prescrivez qu’on rase le village, qu’on y fasse un bon réduit dans le genre de celui de Praga, en le faisant soutenir par trois, quatre ou cinq flèches, et qu’on fasse des redoutes fermées, palissadées, d’un bon relief et défendues par l’enceinte. Les fortifi­cations de la montagne de gauche pourront servir à une de ces redoutes, de sorte que 2 ou 3,000 hommes mettent ce poste si important à l’abri de toute espèce d’insulte.

 

Schönbrunn, 5 juin 1809, onze heures du matin.

Au maréchal Bernadotte, prince de Ponte-Corvo, commandant le e corps de l’armée d’Allemagne, à Saint-Pölten

L’Empereur, Prince, ordonne que votre corps reste tout entier à Saint-Pölten. Faites relever tous les postes que vous occupez par le duc de Danzig, pour ceux depuis Linz jusqu’à Melk, et par les troupes du général Vandamme, depuis et compris Melk jusqu’à Vienne. L’intention de l’Empereur est que votre corps soit tout réuni et prenne quelques jours de repos, pour ensuite lui donner une destination particulière; il faut donc que tous les postes que vous pou­vez avoir du côté de Krems et de Melk soient relevés dans le jour.

 

Schönbrunn, 5 juin 1809, midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à OEdenburg

Mon Fils, je reçois votre lettre du 4 à neuf heures du soir. J’approuve le mouvement que vous avez fait sur Körmönd; mais la cavalerie n’aurait pas pu y aller sans l’infanterie. Je crains que ce bataillon badois, si loin des forces, ne soit compromis. Comme il paraît par la lettre du général Macdonald que l’ennemi est toujours vis-à-vis Wildon et que le corps du Gyulai est du côté de Radkersburg, une forte division de cavalerie sur Körmönd, poussée sur les derrières de l’ennemi, pourrait protéger nos communications, surtout si elle est soutenue par un fort détachement du général Macdonald sur le même point. Écrivez-lui dans ce sens. Il ne faut pas que le général Macdonald envoie seulement une reconnaissance, mais une forte avant-garde sur Fürstenfeld, et de là sur Körmönd.

 

Schönbrunn, 5 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à OEdenburg

Mon Fils, le Tyrol s’étant de nouveau insurgé et le général bavarois ne se croyant pas assez fort à Innsbruck, s’étant retiré sur Kufstein, il est nécessaire d’en prévenir le général Rusca, pour qu’il se tienne en force au débouché de Spital, et que vos derrières ne soient pas occupés par ces brigands

 

Schönbrunn, 5 juin 1809.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à OEdenburg

Mon fils, il faut punir les principaux auteurs de l’attentat de Mühlhof, et, en cas qu’on ne veuille pas vous les livrer, faites brûler le village. Il est  tout simple que le général Lariboisière ait écrit pour demander des munitions, mais nous n’en sommes pas à ce point de pénurie. Nos pièces ont 450 coups à tirer, et les vôtres n’en ont que 60. Vous demandez quelle doit être votre conduite envers le pays : elle est très simple : celle d’amis ou d’ennemis. Ou le Comtat s’insurge, rappelle sa noblesse et s’abstient de toute hostilité contre moi, ou il est ennemi; alors il faut le traiter comme tel, mais en, le ménageant.

Voilà la manière de traiter le pays. Qu’ils déclarent donc que l’insurrection qui s’est levée était pour se défendre, mais non pour me faire la guerre, que la première  diète qui a été tenue est nulle, et qu’ils en demandent une seconde: OEdenburg est une ville de 12,000 âmes; si vous ne vous y procurez pas des vivres, et tout ce dont vous avez besoin, c’est que vous ne savez pas prendre des mesures rigoureuses. Quant aux gardes nationales, il faut faire prendre des otages et faire prendre des otages et faire quelques exemples, s’ils se comportent mal. Maintenez la discipline parmi vos troupes, et faites fusiller quelques pillards, car le désordre ne sert à rien. Faites construire des fours. Je me suis rendu ici pour passer la revue de ma garde qui est superbe : elle a 60 pièces de canon, 4,000 hommes de cavalerie, et 12,000 hommes de la meilleure infanterie de l’Europe.

P. S. Réunissez tout votre corps d’armée à OEdenburg, afin que, si, comme on le dit, l’ennemi était entre Körmönd et Raab, vous l’empêchiez de se porter sur Presbourg, devant lequel est le maréchal Davout.. J’ai nommé pour commander le 6e et le 9e de chasseurs le général de brigade Gérard, qui est un excellent officier de cavalerie légère.

 

Schönbrunn, 5 juin 1809.

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, vous donnerez ordre que les princes de Colloredo, de Metternich père, Frédéric de Hardeck, de Pergen, soient arrêtés dans cette nuit et transférés, dans deux voitures et en poste, France. On leur montrera l’ordre du jour de l’Empereur François et votre lettre (voir plus loin, 28 juin, 23e Bulletin), et on leur fera connaître qu’ils doivent répondre de la vie des généraux français prisonniers.

 

Schönbrunn, 5 juin 1809.

Au maréchal Masséna, duc de Rivoli, commandant le 4e corps de l’armée d’Allemagne, dans l’île Lobau

Mon Cousin, le général du génie Rogniat et le général d’artillerie Foucher ont dû se porter près de vous pour concerter toutes les mesures préparatoires pour l’opération du passage. Ces mesures consistent à désigner une compagnie de pontonniers pour préparer trois ou quatre ponts de radeaux, savoir: un sur l’île que nous avons été visiter, un autre sur l’île qui voit dans la plaine et flanque notre ancien pont, et deux sur la grande île dont l’ennemi est maître, vis-à-vis Enzersdorf. Une autre compagnie de pontonniers doit être, depuis ce matin, chargée de réunir les bateaux, poutrelles, cordages et tout ce qui est nécessaire pour jeter notre ancien pont. Une autre compagnie de pontonniers doit être chargée de réunir et de placer sur les haquets vingt-cinq pontons avec tout le bois nécessaire pour jeter un pont du côté de la Maison-Blanche. Une autre compagnie doit réunir des bateaux et ce qui est nécessaire pour jeter un pont à l’embouchure du canal, sur la partie droite de l’île. Le génie doit faire combler, sans cependant que l’ennemi puisse s’en apercevoir, les marais qui se trouvent de ce côté-ci de l’île, et jeter une chaussée. En général on doit remplacer par des chaussées tous les petits ponts existant dans l’île sur des bras morts. Un autre pont doit être préparé pour être jeté plus haut que la Maison-Blanche, afin de débou­cher de là sur le continent. Plusieurs batteries de 18 doivent être préparées pour être jetées dans l’île que nous avons visitée l’autre jour, et de là balayer la plaine depuis Enzersdorf jusqu’au bois. D’autres bouches à feu doivent être placées dans l’île qui est à portée d’Enzersdorf, pour raser cette ville. Les gabions, les fascines, etc., doivent être préparés dès aujourd’hui, afin que cette opération puisse se faire avec rapidité. Envoyez chercher les généraux, et tenez-moi au courant de la manière dont cela avance. On me fait espérer que sous quatre ou cinq jours tout cela doit être terminé.

 

Schönbrunn, 5 juin 1809.

Au général Marmont, duc de Raguse, commandant l’armée de Dalmatie, à Laybach

Je suppose que vous êtes arrivé à Laybach ; que là vous recevrez votre artillerie et un régiment de cavalerie, et qu’en même temps vous veillerez sur toule la frontière et sur la ligne de communication.

J’ai nomme généraux de brigade les colonels Bertrand, Bachelu et Plauzonne. Présentez-moi des chefs de bataillon pour les rem­placer. Vous pouvez garder un de ces nouveaux généraux de brigade. Envoyez-moi les deux autres ici.

 

Schönbrunn, 5 juin 1809.

Au général Vandamme, commandant les troupes wurtembergeoises (8e corps), à Judenau

Mon intention est de mettre l’abbaye de Melk à l’abri d’un coup de main, de manière que 5 à 600 hommes et cinq à six pièces de canon puissent défendre longtemps ce poste important. Faites, je vous prie, cette reconnaissance, et mandez-moi vos idées là-dessus. Faîtes-en faire le plan par un officier du génie, si vous en avez dans votre corps.

Vous devez continuer à être chargé de toute la défense du Danube, depuis Melk jusqu’auprès de Vienne, et vous devez porter votre quartier général à Saint-Pölten et à Sieghatskirchen, selon les circonstances et les mouvements de l’ennemi.

 

Schönbrunn, 5 juin 1809.

Au général comte Bertrand, commandant le génie de l’armée d’Allemagne, à Ebersdorf

Monsieur le Général Bertrand, envoyez au duc d’Auerstaedt une compagnie de 50 marins avec un bon officier, une compagnie de pontonniers et une compagnie de sapeurs avec des outils. Tout cela lui est nécessaire pour l’attaque du pont en avant de Presbourg.

Chargez spécialement un officier intelligent, avec 50 on 60 marins bien armés, de faire des patrouilles jusqu’à cinq lieues d’Ebersdorf, en suivant toujours la rive droite, franchissant tous les bras d’eau qui s’y trouvent, fouillant ces espèces d’îles, reconnaissant les bateaux et envoyant des corvées pour les prendre. Le but principal de cette expédition n’est pas seulement de prendre des bateaux, mais aussi de bien reconnaître que l’ennemi n’y a aucun poste.

 

Schönbrunn, 5 juin 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Il parait évident que le rapport fait au duc de Trévise est envoyé par les Anglais pour ralentir la marche des troupes et l’empêcher de se parler au secours du duc de Dalmatie. On ne comprend plus rien aux affaires d’Espagne; témoignez-en mon mécontentement au major général de celle armée.

 

Schönbrunn, 6 juin 1809, neuf heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à OEdenburg

Mon Fils, je reçois votre lettre du 5 à dix heures du soir, où je vois que Colbert a enfin rencontré l’archiduc Jean. La première de toutes les choses que vous avez à faire est de marcher ensemble et réunis. Je n’estime pas que les divisions Seras et Durutte et les cinq régiments de cavalerie du général Grouchy soient suffisants; il faut que le corps de Baraguey d’Hilliers el la garde soient avec vous, de sorte que vous ayez dans la main 30,000 hommes, qui marchent réunis de manière à donner ensemble et à se trouver sur le même champ de bataille en trois heures de temps. Je laisse à votre disposition le corps de Lauriston; ce qui vous renforcera de 3,000 hommes d’infanterie et de trois régiments de cavalerie de Colbert. Je laisse à votre disposition également la division Montbrun, qui est de quatre régiments de cavalerie. Par ce moyen, vous aurez onze régiments de cavalerie légère et trois régiments de dragons et un corps de près de 36,000 hommes. Envoyez la moitié au moins de ces 36,000 hommes en avant-garde pour marcher sur Körmönd. Le duc d’Auerstaedt est vis-à-vis Presbourg avec la division Gudin et la division de cavalerie légère du général Lasalle. Vous ne recevrez pas cette lettre avant midi; il est impossible que vous n’ayez pas alors des nouvelles du général Lauriston, du général Montbrun, du général Colbert et même du général Macdonald, qui vous donneront des notions claires sur la situation du prince Jean.

Dans des plaines comme la Hongrie, il faut manœuvrer d’une autre manière que dans les gorges de la Carinthie et de la Styrie. Dans les gorges de la Styrie et de la Carinthie, si l’on gagne l’ennemi de vitesse sur un point d’intersection, comme Saint-Michel par exemple, on coupe une colonne ennemie; mais dans la Hongrie, au contraire, l’ennemi, aussitôt qu’il sera gagné de vitesse sur un point, se portera sur un autre. Ainsi je suppose que l’ennemi se dirige sur Raab, et que vous arriviez avant lui dans cette ville: l’ennemi, l’apprenant en route, changera de direction et se portera sur Pest.

Dans la situation où se trouve l’ennemi, que doit-il faire ? Doit-il abandonner la Styrie, la Carinthie, le corps de Gyulai et tout le midi de la Hongrie, mettre à découvert Pest des mouvements de Macdonald et de Marmont, pour passer sur la rive gauche du Danube ? Ou doit-il, au contraire, servir de noyau pour réunir toute l’insurrection hongroise, rallier les troupes qui ont fui devant le général Marmont, inquiéter votre ligne de communication de Graz à Laybach et couvrir Pest, qui après tout est la capitale de la Hongrie ! Dans ce dernier cas, il serait possible que l’ennemi manœuvrât sur Körmönd, derrière la Raab, inquiétât la communication de Graz à Laybach et se tînt toujours en mesure de couvrir Pest; alors votre mouvement sur Raab vous éloignerait de lui, et pourrait même lui faire naître l’idée (car l’ennemi n’est pas comme nous, étant chez lui il est bien informé) d’attaquer Macdonald et de le culbuter. Je pense donc que le mouvement, d’abord sur Güns (actuellement : Köszeg, en Hongrie, près de la frontière austro-hongroise), ensuite sur Stein am Anger, ensuite sur Körmönd, ou de Güns sur Sárvár (située à mi-chemin entre Raab/Györ et Szombathely), est le mouvement le plus sage, si toutefois vous n’avez pas d’autres renseignements que ceux que j’ai dans ce moment-ci. Ce soir, vous pourrez marcher sur Güns avec la brigade Colbert, les sept régiments de la division Grouchy et beaucoup d’artillerie (il faut mettre votre artillerie légère, au moins douze pièces, avec votre cavalerie), et les divisions Seras et Durutte. Le corps de Baraguey d’Hilliers peut arriver ce soir à OEdenburg, ou même arriver jusqu’à Güns, ou marcher à l’intersection de la route de Sárvár et de Raab sur Zinkendorf. Selon les renseignements que vous recevrez, vous pouvez combiner demain le mouvement de vos deux colonnes sur Sárvár ou sur Körmönd. Le général Montbrun a dû être hier au soir, 5, à Gols, et, comme il doit se lier avec le général Lauriston, vous ne manquerez pas d’avoir des nouvelles.

Pour moi, il ne me paraît pas encore prouvé que l’ennemi se retire sur Raab ni sur Körmönd. Je pense qu’il restera en observation et qu’il se conduira selon ce qu’il verra des manœuvres qu’on fait contre lui, en se ménageant toujours la retraite de Pest, et que, s’il se retirait sur Raab, il vaut mieux le déborder par son flanc gauche que par son flanc droit, puisque par ce moyen vous passeriez la rivière du côté de Sárvár et le jetteriez dans le Danube ; car, à Raab et à Körmönd, il lui faut au moins trois jours pour passer le Danube; et enfin dans cette manœuvre vous protégez le général Macdonald et le général Marmont, et vous pouvez vous faire réunir par ceux-ci. Quant à la crainte qu’il puisse marcher sur Presbourg, le duc d’Auerstaedt est vis-à-vis. Il suffit que, si vous vous aperceviez de ce mou­vement, vous le poussiez vivement. La simple précaution à prendre serait de laisser le général Montbrun reculer devant lui sur Bruck, tandis que vous le poursuivrez vivement; mais cette combinaison me paraît extravagante.

 

Schönbrunn, 6 juin 1809, dix heures du matin,

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Wolfstahl (sur la rive droite du Danube, en face de Presbourg/Bratislava)

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 5 juin à minuit. La division Demont s’est mise en marche et sera ce soir où vous désirez. Je lui fais recommander de faire marcher au trot son artillerie légère. Comme vous le remarquez fort bien, c’est surtout de l’artillerie qu’il faut; vous ne sauriez en avoir trop.

Si vous pouviez jeter un pont dans l’île de gauche et placer des batteries à l’extrémité, alors il ne restera plus qu’à attaquer l’ennemi et le prendre, car, enfilé ainsi, il ne tiendra pas contre des colonnes d’attaque.

Envoyez-moi l’état, des places vacantes dans la 3e division et proposez-moi les remplacements.

Vous avez sans doute des nouvelles de Montbrun, qui doit être aujourd’hui sur Raab. Le général Colbert a rencontré hier la cavalerie du prince Jean entre Körmönd et Stein am Anger. Le vice-roi part d’OEdenburg avec 35,000 hommes pour se mettre à sa poursuite. Le général Lauriston, doit être aujourd’hui à Moriczhida sur la Raab, Ainsi vous êtes suffisamment couvert. Indépendamment de toutes ces précautions, Lasalle doit vous éclairer très au loin, et en peu d’heures Nansouty et la plus grande partie de ma grosse cavalerie seraient sur vous.

J’ai peine à concevoir l’entêtement de l’ennemi de tenir dans une si mauvaise position. Vous savez qu’il y a sur la droite une autre grande île, presque aussi grande que celle de Lobau; est-ce que l’ennemi se serait assuré une retraite par sa gauche dans celte île ? Au reste, son obstination s’explique par ce que m’a dit le major prisonnier, qu’ils avaient eu ordre de s’y défendre jusqu’à l’extrémité. Ce major m’a assuré que les ouvrages n’étaient pas palissadés. Tout porte à penser qu’une fois que vous aurez huit pièces de canon dans l’île l’ennemi sera battu.

 

Schönbrunn, 6 juin 1809, midi.

Au général comte de La Riboisière, commandant l’artillerie de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur le Général la Riboisière, le duc d’Auerstaedt, qui a vingt pièces de canon vis-à-vis Presbourg, a usé beaucoup de munitions et va en user encore. Ayez soin que les caissons soient remplis à fur et mesure.

Faites-moi connaître quand les cinquante pièces de canon, mortiers et obusiers de siége destinés pour l’île seront embarqués ici et débarqués dans l’île.

Faites-moi connaître quand vous aurez trois mille cartouches à balles ou à boulet de 12, cinq mille de 8, dix-huit mille de 6, quatre mille de 4, trois mille de 3, trois mille d’obusier de 6 pouces, quatre mille cinq cents d’obusier de 5 pouces 4 lignes; au total, 10,000 coups de canon et un ou deux millions de cartouches. Ceci est indépendant de tout ce qui sera porté sur les caissons.

Faites- moi connaître quand l’embarquement de tous ces objets commencera, combien de bateaux il faudra pour les transporter et quelles mesures ont été prises pour mettre dans l’île ces munitions à l’abri de la pluie.

 

Schönbrunn, 6 juin 1809.

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Envoyez ordre sur-le-champ au général Puthod (4e division du 3e corps) de se mettre en marche avec sa division et de marcher tant qu’il pourra dans la direction de Presbourg. Il enverra un aide de camp prendre les ordres du duc d’Auerstaedt. Il fera marcher plus vite toute son artillerie légère. Il est indispensable que son infanterie arrive de bonne heure à Petronel et son avant-garde à Hainburg.

 

Schönbrunn, 6 juin 1809.

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, je trouve que le corps du prince de Ponte-Corvo, le corps du duc de Rivoli, le corps du duc d’ Auerstaedt, celui du général Oudinot, la Garde, toute la cavalerie de l’armée et l’armée d’Ita­lie, sans comprendre les corps de Macdonald et de Marmont, doivent me faire un présent sous les armes de 11 0,000 hommes d’infanterie française, de 20,000 alliés, de 24,000 hommes de cavalerie et de quatre cents pièces de canon; total, 155,000 à 160,000 hommes. Le corps du général Vandamme et celui du duc de Danzig ne sont pas compris dans le calcul. Vérifiez, je vous prie, ces calculs.

 

Schönbrunn, 7 juin 1809, deux heures et demie du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Güns

Mon Fils, je reçois votre lettre du 5 à six heures du soir. Je suis surpris que vous n’ayez point reçu celle que je vous ai écrite à neuf heures du matin. Vous y verrez que j’avais pressenti les nouveaux renseignements que vous venez d’obtenir sur les projets de l’archiduc Jean; ce qui confirme surtout dans ces idées, c’est le renseignement que donne Macdonald, que des hommes battus par le général Mar­mont s’étaient laissé voir par ses avant-postes, ce qui suppose une concentration sur Saint-Gotthard. Le général Macdonald doit marcher sur le prince Jean avec toutes ses forces, en ne laissant que ce qui est strictement nécessaire pour bloquer la citadelle, qui tombera par la bataille que perdra le prince Jean. Il faut manœuvrer de manière que la brigade Colbert et Lauriston soient tout entiers à la bataille. Écrivez au général Montbrun pour qu’il s’y trouve aussi; ce n’est point une chose à dédaigner que cinq à six régiments de cavalerie légère de plus. Faites suivre votre parc; sans quoi vous manquerez de munitions. Aussitôt que j’aurai de vos nouvelles, je ferai occuper OEdenburg par un autre corps d’observation.

Je voulais vous faire connaître ce matin que, dans votre poursuite du prince Jean depuis le Tagliamento, vous n’aviez pas marché assez réuni, et il pouvait vous arriver des malheurs. En effet, si le prince Jean avait concentré ses forces à Tarvis, il était possible que vous ne pussiez le battre. Vous étiez partagé en trois corps : Macdonald, Seras et vous. Le mouvement de Seras était une vraie faute militaire; la position que l’ennemi avait retranchée à la Chiusa di Pletz devait retarder le général Seras, et c’était une division perdue pour une affaire. J’estime que la colonne du général Macdonald était trop forte, et qu’enfin vous étiez trop faible. Vous sentez que je fais ces observations pour votre règle. Il faut donc marcher tous bien réunis, et point de petits paquets. Voici le principe général à la guerre: un corps de 25 à 30,000 hommes peut être isolé; bien conduit, il peut se battre ou éviter la bataille, et manœuvrer selon les circonstances sans qu’il lui arrive malheur, parce qu’on ne peut le forcer à un en­gagement, et qu’enfin il doit se battre longtemps. Une division de 9 à 12,000 hommes peut être sans inconvénient laissée pendant une heure isolée; elle contiendra l’ennemi, quelque nombreux qu’il soit, et donnera le temps à l’armée d’arriver; aussi est-il d’usage de ne pas former une avant-garde de moins de 9,000 hommes, d’en faire cam­per l’infanterie bien réunie, et de la placer au plus à une heure de distance de l’armée. Vous avez perdu le 35e parce que vous avez méconnu ce principe: vous avez formé une arrière-garde composée d’un seul régiment, qui a été tourné; s’il y avait eu quatre régiments, ils auraient formé une masse de résistance telle, que l’armée serait arrivée à temps à leur secours. Sans doute que dans des corps d’observation, comme était Lauriston, on peut mettre un détachement d’infanterie avec beaucoup de cavalerie; mais c’est qu’alors on suppose que l’ennemi n’est point en opération réglée, qu’on va à sa découverte, et qu’enfin cette infanterie formée pourra imposer à la cavalerie ennemie, aux paysans et à quelques compagnies de chasseurs ennemis. En général, dans les pays de plaine, la cavalerie doit être seule, parce que seule, à moins qu’il ne soit question d’un pont, d’un défilé ou d’une position donnée, elle pourra se retirer avant que l’infanterie ennemie puisse arriver.

Aujourd’hui, vous allez entrer en opérations réglées; vous devez marcher avec une avant-garde composée de beaucoup de cavalerie, d’une douzaine de pièces d’artillerie et d’une bonne division d’infan­terie. Tout le reste de vos corps doit bivouaquer à une heure der­rière, la cavalerie légère couvrant, comme de raison, autant que possible. Vous devez penser qu’il est dans l’esprit du colonel Nugent, qui dirige le prince Jean, qu’aussitôt qu’il verra que vous marchez à lui d’un côté, et Macdonald de l’autre, il marchera sur l’un de vous, et, comme il a l’avantage d’avoir les gens du pays, il marchera réuni, sans se faire éclairer par sa cavalerie légère, et peut tomber sur vous sans que vous vous en doutiez. n faut par conséquent bien organiser votre marche; que l’artillerie soit dans les divisions et que chacun soit à son poste, en marche comme au bivouac; que l’on bivouaque comme en temps de guerre et de manière à prendre les armes et se battre au point du jour. Il ne serait pas impossible que le prince Jean eût choisi une bonne position et vous attende ; dans ce cas, je vous recommande de la bien reconnaître et de bien établir votre système avant de l’attaque!. Un mouvement en avant, sans fortes combinaisons, peut réussir quand l’ennemi est en retraite ; mais il ne réussit jamais quand l’ennemi est en position et décidé à se défendre; alors c’est un système ou une combinaison qui font gagner une bataille. Je suppose qu’avec Macdonald, Lauriston et Montbrun vous aurez 45,000 hommes. Si Marmont était arrivé à Marburg, comme on veut me le faire croire, faites-le marcher à l’ennemi; il peut alors marcher en se réunissant par sa gauche au général Macdonald. Je crois vous avoir mandé qu’il fallait ordonner au général Rusca de se renforcer à Klagenfurt et Villach, d’observer le Tyrol, qui s’est de nouveau insurgé, et de protéger votre ligne de communication.

Faites-moi connaître combien vous aurez de pièces de canon et de coups à tirer. De votre avant-garde à la queue de votre parc il ne doit pas y avoir plus de trois à quatre lieues. Quant à l’artillerie, voici l’attention qu’il faut avoir : aussitôt que vous aurez décidé votre attaque, faites-la soutenir par une batterie de trente à trente-six pièces de canon, rien ne résistera ; tandis que le même nombre de canons disséminés sur la ligne ne donnerait pas les mêmes résultats.

 

Schönbrunn, 7 juin 1809, huit heures du matin

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Wolfstahl

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 6 juin à minuit. Je suis bien aise que vos nageurs n’aient pas passé. Je préfère que vous organisiez des moyens de passer de vive force dans l’île avec des bateaux et des radeaux. Vous avez bien fait d’éclairer le général Montbrun sur la situation des choses. Écrivez-lui d’appuyer sa droite au général  Colbert et au vice-roi; je désire qu’il aide et soit à la bataille que le vice­ roi va donner au prince .Jean. Le vice-roi a aujourd’hui son quartier général et toute son armée à Güns, et son avant-garde probablement à Stein am Anger. Le général Montbrun pourrait se grouper avec le général Lauriston; il ne faut pas qu’il néglige de contenir l’ennemi du côté de Raab, mais il faut qu’au moment de la bataille que livrera le vice-roi il appuie sur lui pour y être. Je vais donner ordre au général Marulaz de se porter sur Bruck; ce qui renforcera le général Lasalle d’autant et le rendra suffisamment fort pour seconder vos dispositions.

 

Schönbrunn, 7 juin 1809, huit heures du matin

Au général Marmont, duc de Raguse, commandant l’armée de Dalmatie, à Laybach

Monsieur le Duc de Raguse, je vous réexpédie votre aide de camp.

Marchez sur Chasteler pour rétablir nos communications. Chasteler veut, ou simplement passer, ou maintenir un foyer d’insurrection dans ces provinces. Dans le second cas, vous l’exterminerez; dans le premier, vous le suivrez et vous règlerez, selon les circonstances, de manière à vous porter sur Graz ou Marburg.

Le prince Jean paraît vouloir tenir derrière la Raab; le vice-roi marche à lui.

Si, en poursuivant Chasteler, vous êtes conduit près de Spital, enlevez le fort de Sachsenburg.

Faites bien armer et mettre en état Klagenfurt.

P. S. Les dernières nouvelles qu’on avait du prince Jean portent qu’il était à Saint-Gotthard, derrière les sources de la Raab. Le vice­ roi est aujourd’hui à Günz, et le 8 ou le 9 l’attaquera. Le généra! Macdonald marchera à lui par Graz. C’est à vous,d’après les ren­seignements généraux, à vous conduire de manière à être le plus utile possible. Il ne serait pas impossible que le prince Jean descendit encore.

 

Schönbrunn, 7 juin 1809, onze heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Guns

Mon Fils, je vous ai expédié ce matin l’officier d’ordonnance Mar­beuf. Vous devez avoir eu dans la journée des renseignements positifs sur la position de l’ennemi. Il est impossible que vous n’ayez pas déjà fait un certain nombre de prisonniers. Il faut pour cela que la cavalerie légère perde l’usage de s’éparpiller, mais fasse de bonnes reconnaissances en force; c’est le moyen d’empêcher qu’elle ne soit ramenée, et d’avoir des nouvelles. Lauriston est en communication avec Montbrun. Ainsi votre gauche s’étend jusqu’au Danube, et votre communication de droite avec Macdonald embrasse tout le cercle; le pays est donc bien éclairé. Il faut que le prince Jean soit bien faible, puisqu’il n’a pas osé attaquer Macdonald, qu’il a su être seul. Il n’a pu ignorer que vous étiez sur Neustadt avec une partie de l’armée. Je n’entreprends rien de ce côté que le débordement du Danube ne soit passé; on attend un débordement dans trois ou quatre jours; il dure trois jours. J’espère que dans cet intervalle vous me déferez entière­ment de l’archiduc Jean.

P. S. J’ai nommé le colonel Pellegrin directeur du parc d’artillerie de ma Garde. Donnez-lui l’ordre de se rendre ici.

 

Schönbrunn, 7 juin 1809, onze heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Guns

Mon Fils, les intendants que vous avez nommés ne valent rien.

Les intendants sont chargés non-seulement de la perception des con­tributions, mais encore de l’administration des provinces. Il faut donc pour cela des hommes d’un caractère reconnu, tels que des auditeurs au Conseil d’État et des inspecteurs aux revues. Si dans mon Conseil d’État du royaume d’Italie il y a des auditeurs qui soient capables de remplir ces fonctions, je ne vois pas d’inconvénient à ce que vous les fassiez venir; mais des contrôleurs des vivres, que vous avez mis dans ces places, ne me conviennent pas.

Boinod [2]Jean-Daniel-Mathiu Boinod, 1765-1842 portera le titre d’ordonnateur en chef de l’armée d’Italie, et Joubert, celui d’intendant des provinces de Trieste, de Carniole et du Frioul autrichien.

Il ne faut plus faire venir aucun argent de Milan, et mon ordre du jour du 28, dont copie est ci-jointe, doit être suivi à l’armée d’Italie comme à l’armée d’Allemagne. Les villes de Trieste, de Laybach, de Klagenfurt et de Graz doivent vous fournir quelque argent; mais, si vous en avez besoin, l’intendant général vous en enverra de Vienne. Il faut dépenser ici leur papier et épargner nos écus.

 

Schönbrunn, 7 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Guns

Mon Fils, je vous envoie la copie d’un rapport du général Montbrun. Le duc d’Auerstaedt, qui connaît mes intentions, lui a écrit de ne faire aucun mouvement  rétrograde, mais, au contraire, qu’il ait à s’appuyer sur vous. L’aide de camp du général Marmont est parti : j’ordonne à ce général de poursuivre Chasteler, qui peut-être voudrait établir un foyer d’insurrection à Villach. Il faut que vous écriviez en double à Marmont par Macdonald. Marmont, doit marcher sur Chasteler, s’il séjourne sur mes derrières; et, s’il est passé, s’éloigner en marchant sur Saint-Gotthard, se liant avec Macdonald. Il n’est pas impossible que le prince Jean descende encore en se rapprochant de Macdonald. Il faut faire connaître les événements par des officiers que vous instruirez d’avance, plutôt que par des lettres qui peuvent être interceptées et donner des renseignements utiles à l’ennemi. Je suppose que vous préviendrez votre cavalerie et votre infanterie qu’il est possible qu’ils voient beaucoup d’hommes à cheval, mais que c’est la levée hongroise, qu’il ne faut pas confondre avec des troupes réglées. Vous trouverez ci-joint un décret qui ordonne le séquestre des biens de la maison d’Autriche dans le royaume d’Italie. Veillez à ce qu’il soit bien exécuté.

 Napoléon, Empereur des Français, roi d’Italie, protecteur de la confédération du Rhin, etc., etc.,

Nous avons décrété ce qui suit :

Tous les biens et domaines appartenant à des princes et princesses de la maison d’Autriche dans notre royaume d’Italie, dans nos départements français, et notamment dans ceux formés des Etats de Toscane, seront mis sans délai dans le séquestre.

 Nos ministres d’Italie et de France sont chargés de l’exécution du présent décret.

 

Schönbrunn, 7 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Guns

Mon Fils, le 15, il arrive 500 cuirassiers et 300 hommes de cavalerie à Vérone. Donnez ordre qu’ils soient dirigés sur Osopo, et que de là ils partent ensemble avec l’infanterie, l’artillerie et la cavalerie qu’on pourra réunir. Ecrivez au général Bisson (Baptiste-Pierre-François-Jean-Gaspard Bisson, 1767 – 1811. Connu pour ses capacités digestives étonnantes !), qui, je crois, commande dans le Frioul, de former de tout cela une bonne colonne, et de la mettre en marche, sous un bon commandement, pour Klagenfurt, d’où elle viendra vous rejoindre.

 

Schönbrunn, 8 juin 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Donnez ordre au général la Riboisière de faire partir demain une partie des quarante-huit pièces d’artillerie pour l’île, pour armer les batteries.

 

Vienne. 8 juin 1809.

DIX-SEPTIÈME BULLETIN DE L’ARMÉE D’ALLEMAGNE

Le colonel Gorgoli, aide de camp de l’empereur de Russie, est arrivé au quartier impérial avec une lettre de ce souverain pour Sa Majesté. Il a annoncé que l’armée russe, se dirigeant sur Olmutz, avait passé la frontière le 24 mai.

L’Empereur a passé avant-hier la revue de sa Garde, infanterie, cavalerie et artillerie, Les habitants de Vienne ont admiré le nombre, la belle tenue et le bon état de ces troupes.

Le vice-roi s’est porté avec l’armée d’Italie à OEdenburg en Hongrie.

Il paraît que l’archiduc Jean cherche à rallier son armée sur la Raab, Le duc de Raguse est arrivé avec l’armée de Dalmatie le 3 de ce mois à Laybach.

Les chaleurs sont très-fortes, et les gens pratiques du Danube annoncent qu’il y aura un débordement d’ici à peu de jours. On pro­fite de ce temps pour, indépendamment des ponts de bateaux et de radeaux, achever de planter les pilotis.

Tous les renseignements qu’on reçoit du côté de l’ennemi annoncent que les villes de Presbourg, Brünn et Znaim sont remplies de blessés. Les Autrichiens évaluent eux-mêmes leur perte à 18,000 hommes.

Le prince Poniatowski, avec l’armée du grand-duché de Varsovie, poursuit ses succès. Après la prise de Sandomir, il s’est emparé de la forteresse de Zamosc, où il a fait éprouver à l’ennemi une perte de 8,000 hommes et pris trente pièces de canon. Tous les Polonais qui sont à l’armée autrichienne désertent. L’ennemi, après avoir échoué devant Thorn, a été vivement poursuivi par le général Dom­browski. L’archiduc Ferdinand ne retirera que de la honte de son ex­pédition. Il doit être arrivé dans la Silésie autrichienne, réduit au tiers de ses forces.

Le sénateur Wybicki s’est distingué par ses sentiments patriotiques et son activité.

M. le comte de Metternich est arrivé à Vienne. Il va être échangé aux avant-postes avec la légation française, à qui les Autrichiens avaient, contre le droit des gens, refusé des passeports, et qu’ils avaient emmenée à Pest.

 

Schönbrunn, 9 juin 1809, trois heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Wolfstahl

Mon Cousin, je vous envoie copie d’une lettre que je reçois du vice-roi. Il paraît qu’il sera aujourd’hui à Sarvar, où il se trouvera réuni avec le général Montbrun et le général Lauriston. J’ai donne ordre au général Marulaz d’être rendu cette nuit à Bruck, où il sera sous les ordres du général Lasalle. J’ai fait donner l’ordre au général Lasalle d’être sous vos ordres tout le temps que vous resterez devant Presbourg ; ce qui ne t’empêchera pas de correspondre avec le duc d’Istrie. L’archiduc Jean se retire-t-il sur Raab, comme le pense le vice-roi, ou se retire-t-il sur Bude ? Toutefois le vice-roi le poursuivra vivement. S’il s’est retiré sur Raab, le général Lasalle se trouvera en communication et pourra faire passer des nouvelles. Le cas arrivant, il ne serait pas hors de propos que ce général éclairât de fort loin tout ce qui se passe à Raab. Le Danube se divise en deux bras du côté de Rajka, et un bras va jusqu’à Raab. Je suppose que les postes du général Lasalle ont passé ce bras pour éclairer cette immense île (il s’agit de l’île Schütt), qui a dix ou douze lieues de long sur trois ou quatre de large. S’il ne l’avait pas fait, ce serait une très-grande faute, à laquelle il fau­drait sur-le-champ remédier.

Espérez-vous quelque chose de votre attaque ? Quand aurez-vous les matériaux pour jeter un pont ? Faites-moi connaître où vous placez le général Demont. Faites-moi connaître l’état de situation de ce corps, et les places vacantes dans les régiments.

P. S. J’ai passé avant-hier la revue de la division Friant; je l’ai trouvée fort belle.

 

Schönbrunn, 9 juin 1809, trois heures après midi.

Au général Lasalle, commandant la cavalerie légère de réserve, à Karlburg

Je vous préviens, Monsieur le Général Lasalle, que j’ai communiqué votre lettre à l’Empereur. Sa Majesté m’a autorisé à donner l’ordre au général Marulaz de partir ce soir pour se rendre à Bruck, afin de vous renforcer et de vous mettre à même d’éloigner toute incursion de la part de l’insurrection hongroise, et enfin de vous lier, s’il est possible, avec le général Montbrun.

Le prince de Neuchâtel, major général.

 

Schönbrunn, 9 juin 1809, trois heures après midi.

Au général Pajol, commandant la cavalerie légère du 3e corps, à Grinzing

Ordre au général Pajol de prendre ses cantonnements autour de Vienne et de Schönbrunn, et de faire les patrouilles nécessaires, depuis Tulln jusqu’à Vienne.

 

Schönbrunn, 9 juin 1809.

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la cavalerie de réserve de l’armée d’Allemagne, à Penzing

Le duc d’Istrie répondra que je ne vois pas s’il (il s’agit du général Lasalle) a passé le bras du Danube qui se divise près de Ragendorf et se réunit près de Raab, sur une longueur de neuf lieues et deux de large vis-à-vis Altenburg. Dans l’île est le village de Halászi, et plus bas le village de Hedervár. Cette île doit nécessairement être fouillée, car c’est au gros Danube qu’il faut s’appuyer, et non à une branche qui forme une rivière mé­diocre. S’il ne l’a pas fait, qu’il se dépêche de le faire et de réunir son infanterie sur un point, pour protéger le passage. C’est un point de la plus grande importance et très-urgent.

 

Schönbrunn, 9 juin 1809, cinq heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Sárvár

Mon Fils, Marbeuf m’apporte votre lettre du 8 à onze heures du soir. Le général Lasalle est à Altenburg poussant des postes jusque près de Raab. Vous trouverez ci-joint une lettre du général Montbrun; vous verrez qu’il doit se trouver sur Szany.

Le prince Jean se retire-t-il sur Raab ou sur Pest ? C’est ce qui me paraît douteux. S’il se retire sur Raab, il est évident que vous arriverez sur ses flancs. Il paraît que l’embranchement de la route de Raab et de Pest est à Sümegh, où vous supposez que le prince Jean sera rendu le 9. Toutefois je pense que le parti que vous avez pris d’aller sur Sárvár est fort raisonnable, puisque de Sárvár à Sümegh il n’y a guère plus loin que de Körmönd à Sümegh. S’il se retire sur Pápa vous arriverez avant lui à cette position. Si vous vous battez à Pápa ou à Raab , vous aurez le général Lauriston, le général Mont­ brun, et vous pourrez appeler à vous une partie de la division Lasalle, qui est du côté d’Altenburg.

Je suppose que vous aurez fait prendre les lettres à Körmönd, et que vous aurez fait venir le maître de poste et le bailli, pour avoir des renseignements. Si le général Lauriston a envoyé de Sárvár, non pas seulement le 20e régiment de chasseurs, mais toute la brigade Colbert, il aura atteint la queue de l’ennemi et aura fait un bon nombre de prisonniers qui éclaireront tous les mouvements. J’attends avec intérêt les nouvelles que vous aurez eues dans la nuit.

P. S. Si le prince Jean se retire réellement sur Raab, le général Montbrun pourra longer son flanc gauche, l’inquiéter et lui faire bon nombre de prisonniers.

 

Schönbrunn, 9 juin 1809.

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, commandant le 10e corps de l’armée d’Allemagne, à Cassel

Mon Frère, j’ai reçu votre lettre du 4 juin. J’avais déjà reçu des lettres de Stettin du général Liébert [3]Jean-Jacques Liébert, 1758-1814. Rien ne constate les intentions ni la force des Anglais. Pour s’emparer de l’île de Rügen , il ne leur faut que 1,200 hommes; toutes leurs forces sont en Espagne et en Portugal; ils ne feront rien, ils ne pourront rien faire en Allemagne; d’ailleurs, alors comme alors.

Je suis bien loin d’adhérer à votre vœu et de faire marcher une de mes divisions en Hanovre; je ne puis également vous donner aucune espèce d’instructions. Vous avez 3 à 4,000 hommes de vos troupes; le roi de Saxe en a à peu près autant; la division hollandaise est aussi du même nombre; cela fait 12,000 hommes; bientôt j’en aurai 18,000 à Hanau; cela fera donc en tout 30,000 hommes, Ce n’est pas en les disséminant et en les éparpillant au moindre bruit qu’on arrivera à un résultat. Schill est peu de chose et s’est déjà mis hors de procès en se retirant du côté de Stralsund; le général Gratien et les Danois en feront probablement justice. Le duc de Brunswick n’a pas 800 hommes; l’ancien électeur de Cassel n’en a pas 600. Avant de faire un mouvement, il faut voir clair, et c’est parce que je me suis aperçu que vous agissiez trop promptement et avant d’avoir vu se développer les projets des ennemis, que j’ai défendu que mes troupes sortissent de Hanau. L’expérience vous apprendra la différence qu’il y a entre les bruits que l’ennemi répand et la réalité. Jamais, depuis seize ans que je commande, je n’ai donné de contre­ ordre à un régiment, parce que j’attends toujours qu’une affaire soit mûre et que je la connaisse bien avant de faire manœuvrer. Mes troupes ne sortiront de Hanau que lorsque je connaîtrai ce qu’elles auront à faire. Vous supposez qu’une grande expédition anglaise vienne à débarquer; comment dans ce cas pouvez-vous désirer qu’une faible division de mes troupes s’engage dans le centre de l’Allemagne ?

Exercez vos troupes; faites-vous aimer par de l’économie, de l’ordre et une certaine bonhomie, qui est le caractère des Allemands. Inquiétez-vous moins, vous n’avez rien à craindre; tout cela n’est que du bruit.

 

Schönbrunn, 9 juin 1809.

A l’Impératrice, à Strasbourg

J’ai reçu ta lettre ; je vois avec plaisir que tu vas aller aux eaux de Plombières ; elles te feront du bien.

Eugène est en Hongrie avec son armée.

Je me porte bien ; le temps est fort beau.

J’ai vu avec plaisir Hortense et le duc de Berg en France.

Adieu mon Amie

Tout à toi.

 

Schönbrunn, 10 juin 1809, onze heures du matin.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Wolfstahl

Mon Cousin, j’ai reçu votre lettre du 9 et celle du 10 à quatre heures du malin. Le général Marulaz a reçu l’ordre hier à cinq heures du soir; il a dû partir à sept heures et arriver à minuit. .Ie ne mets pas en doute qu’il n’y soit (A Bruck) ce matin. Sa présence vous rendra inutile l’arrivée de Pajol. Le général Piré a très-légèrement fait une très-importante reconnaissance. Je pense qu’il faut savoir à quoi s’en tenir sur les mouvements que l’ennemi fuit dan s la grande île (île Schutt) , que j’appellerai l’île de Raab. Vous y aurez sans doute déjà envoyé une avant-garde d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie qui ramassera des moulins et des barques et se mettra à même de faire une forte reconnaissance dans cette île.

Le vice-roi a dû être le 9 à Sárvár. Je n’ai point de nouvelles qui me fassent connaître où il sera aujourd’hui, mais j’en attends à cha­que instant.

Si vous occupez aujourd’hui l’île de notre gauche, c’est-à-dire celle qui est sur la droite de la tête de pont de l’ennemi, vous aurez quelques prisonniers qui vous donneront des renseignements précieux. Vous m’avez annoncé l’interrogatoire des dix prisonniers que vous avez faits en dernier lieu et parmi lesquels se trouve un lieutenant­-colonel; je n’ai encore rien reçu. Il me semble qu’une fois que vous serez maître de l’île de gauche, l’ennemi ne pourra pas tenir dans sa tête de pont.

P. S. Si le vice-roi rejetait l’archiduc Jean sur Raab, il devien­drait encore plus important que vous eussiez un pont pour déboucher dans l’île et ôter cette retraite à l’archiduc.

 

Schönbrunn., 10 juin 1809,  cinq heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Wolfstahl

Mon Cousin, je reçois une lettre du vice-roi du 9, à dix heures du soir. Le général Grouchy était à Vasvár et avait poursuivi la cavalerie du prince Jean jusqu’à Türgye. Le vice-roi était à Sárvár, le général Lauriston à Jánosháva et à Kis Czell, et le général Montbrun à Pápocz. Le général Grouchy avait fait une vingtaine de prisonniers de cavalerie. Une avant-garde de Macdonald était à Fürstenfeld. On n’avait pas de nouvelles précises du prince Jean. On avait envoyé de fortes reconnaissances sur Papa. Le général Marulaz doit être actuellement arrivé à Bruck.

 

Schönbrunn, 10 juin 1809, six heures après midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Sárvár

Mon Fils, je reçois votre lettre datée de Sárvár le 9 juin à neuf heures du soir. Il faut bien recommander au général Grouchy et à vos généraux de cavalerie de vous faire connaître quelle cavalerie ils suivent: si c’est de la cavalerie de l’insurrection, de la cavalerie du prince Jean ou des régiments de ligne qui ne feraient point partie du corps du prince Jean. Tout porte à penser que vous ne devez pas tarder à avoir des nouvelles positives de l’ennemi. Si vous vous appro­chez de Raab, vous prendrez cette ville. II n’y a pas d’inconvénient que l’ennemi soit entre vous et moi: le général Montbrun assure votre communication de gauche. Le général Lasalle a ses avant-postes à Wieselburg; je lui envoie Marulaz pour le renforcer. Le duc d’Auerstaedt est avec un bon corps d’armée devant Presbourg. Au point de Rajka, à trois lieues de Presbourg, le Danube détache un bras qui va jusqu’à Raab, et forme une île de huit à dix lieues de long sur trois de large. Ce matin, l’ennemi avait des postes à l’extrémité du village de Ragendorf; j’ai ordonné au duc d’Auerstaedt de l’attaquer. Lorsque vous marcherez sur Raab, le général Montbrun peut maintenir votre communication avec le général Lasalle, lequel se rapprochera de Raab, et, par ce moyen, nous ne serons jamais séparés. Je ne sais pas ce qui se passe sur vos derrières; il n’y a pas de nouvelles du général Rusca. J’ai fait dire au général Marmont de se porter sur Klagenfurt pour chasser Chasteler. Comme il est possible que les courriers n’arrivent pas, il est nécessaire de ne pas trop engager Macdonald, afin que, lorsqu’on aura des nouvelles positives de l’ennemi, s’il y a des craintes pour Klagenfurt et pour les derrières de l’armée d’Italie, le général Macdonald puisse s’y porter pour rétablir l’ordre. J’ai envoyé un escadron de chevau-légers polonais sur le Semmering, pour avoir des nouvelles. Il faut obliger les gens à parler; il faut faire enfermer les maîtres de poste et ceux dont on croit pouvoir tirer des nouvelles, s’ils ne veulent prien dire, et, quand on les a forcés à dire ce qu’ils savent, les retenir jusqu’à ce que leurs avis soient vérifiés.

Répandez les proclamations que je vous envoie.

P.S. Il ne faut cependant pas se presser de donner une autre direction à Macdonald ; mais il ne faut pas trop l’engager, si on continue à avoir des inquiétudes pour les derrières.

 

Schönbrunn, 10 juin 1809, neuf heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Sárvár

Mon Fils, un officier qui arrive de Neustadt rend compte qu’un aide de camp du général Rusca a passé ce soir se rendant à votre quartier général avec la nouvelle que Rusca a fait 600 prisonniers, et que Chasteler, après les avoir investis deux jours à Klagenfurt, s’était retiré le 7 du côté de Marburg. Il paraîtrait donc que les com­munications sont rétablies avec l’Italie. Mais, comme Macdonald a dû partir le 9 pour se rendre du côté de Körmönd, il serait convenable de s’assurer qu’il a laissé assez de monde devant Graz pour résister à ce qui pourrait se porter contre lui du côté de Marburg ou de Pettau.

Les dernières nouvelles que j’ai de vous sont du 9 à dix heures du soir. Il me tarde de savoir ce que vous avez fait aujourd’hui et d’avoir des nouvelles de l’ennemi. Je verrai aussi avec plaisir la relation que vous a portée l’aide de camp du général Rusca. Écrivez à Marmont, comme instruction générale, de s’approcher de Graz, et de balayer tout ce qui inquiéterait la communication de Marburg, Instruisez-le que Chasteler n’a avec lui que 4 à 5,000 landwehre, qui ne peuvent pas soutenir les regards d’un corps organisé.

 

Schönbrunn, 10 juin 1809

Au général Vandamme, commandant les troupes wurtembergeoises (8e corps), à Judenau

J’ai reçu le croquis que vous m’avez envoyé sur Melk; mais, comme il n’y avait pas d’échelle, je désire que vous en fassiez faire un plus étendu et qui ait une échelle, de manière que je puisse voir les distances.

La partie qui regarde le Danube paraît n’avoir besoin que d’être escarpée et que de quelques créneaux dans les flancs. La partie qui regarde le village n’a, je crois, besoin de rien. Je ne sais s’il y a moyen de la flanquer de manière qu’on en voie le pied.

Le vrai point d’attaque paraît être le long du mur du jardin, du côté de l’entrée; c’est donc là qu’il faut élever un ouvrage solide. Je ne pense pas qu’il y ait plus de 150 toises d’étendue. Il faudrait donc tracer là un beau front qu’on revêtirait en bois, en considérant ce mur actuel comme un second obstacle et portant le tracé à quelques toises en avant. Alors il me semble que l’abbaye de Melk serait un poste important. Quant aux pièces de canon, il en faut au moins huit pour défendre le front d’attaque, deux ou trois pour le côté du Danube et quatre ou cinq pour les autres parties de l’enceinte. Comme il y a ici, à Vienne, beaucoup d’artillerie de fer, on en enverra ce qui sera nécessaire.

Ayez soin que l’hôpital, les magasins d’artillerie et des vivres soient placés dans l’abbaye.

Faites faire une reconnaissance de l’abbaye de Göttweig, car, si elle était aussi facile à fortifier que Melk, ce pourrait être très­ avantageux.

Le major général vous enverra des ordres que je viens de donner pour que l’abbaye de Göttweig soit mise à l’abri d’un coup de main et que les murs de Mautern soient démolis.

 

Schönbrunn, 10 juin 1809.

Au général Walther, commandant la garde impériale, à l’armée d’Allemagne

Donnez l’ordre au chef d’escadron Lubienski de partir avec 100 chevau-légers polonais, ses meilleurs coureurs. Il se rendra cette nuit à Neustadt, où il restera en position; il aura de cette ville tous les renseignements venant d’Italie, et, comme la communication de l’armée d’Italie passe par cette ville et OEdenburg, il prendra des renseignements de tous les passants et visitera les lettres de la poste pour être instruit s’il y a des partis sur les derrières de l’armée. Il rendra compte s’il y a un commandant d’armes et une garnison, et comment sont les subsistances; s’il n’y a point de garnison, il laissera 20 hommes et filera sur Neunkirchen avec les 80 hommes restants, s’il n’y a pas de nouvelles précises. Si, au contraire, il a des nouvelles de Leoben et que les courriers passent, il placera son quartier à Neustadt ou Neunkirchen, et enverra 20 hommes sur Semmering pour questionner et rendre compte. Il est autorisé, s’il n’a pas de nouvelles à Neustadt, d’aller avec sa troupe jusqu’à Bruck pour en avoir.

Il enverra des renseignements deux fois par jour.

 

Camp impérial de Schönbrunn, 10 juin 1809.

ORDRE.

1° Il sera armé six bateaux. Chaque bateau sera armé de deux à trois pièces de canon et de douze jusqu’à trente avirons. Deux de ces bateaux, les plus légers, seront armés de pièces de 3; deux seront armés de pièces de 6, un d’un obusier et un d’une pièce de 12.

2° Il sera construit une petite batterie flottante, ayant un parapet ou un bordage à l’abri de la mitraille et des petits canons. Elle sera armée de trois pièces de 18. Cette batterie aura ses ancres et tous ses agrès pour pouvoir s’embosser où il sera nécessaire.

3° Le général du génie fera armer ces bateaux. Le général d’artil­lerie donnera l’artillerie nécessaire.

Le capitaine commandant la marine donnera des noms à ces ba­teaux, et à chacun un commandant et un équipage fixe. Ces bateaux auront toujours des vivres pour six jours.

 

Schönbrunn, 10 juin 1809.

NOTE POUR M. DARU, INTENDANT DE L’ARMÉE D’ALLEMAGNE, A VIENNE

L’intention de l’Empereur est qu’il ne soit accordé aucune indemnité à MM. les officiers pour perte de cuirasses. La cuirasse est une arme ; comme l’épée, elle ne peut jamais être prise qu’avec l’officier qui la porte, Ce n’est donc que dans le cas où un officier aurait été fait prisonnier sur le champ de bataille qu’il pourrait réclamer une indemnité pour perte de sa cuirasse; mais, dans ce cas ,l’Empereur décide qu’il ne sera point accordé d’indemnité et qu’il sera fourni des magasins de l’État un casque et une cuirasse de simple cuirassier , que l’officier fera arranger ensuite à ses frais dans l’uniforme d’officier. M. l’intendant général est invité à envoyer ampliation de cette décision an ministre qu’elle concerne.

Le prince de Neuchâtel, major général.

 

Schönbrunn, 10 juin 1809.

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Vienne

Monsieur de Champagny, je vous prie de me rédiger de nouveau le décret ci-joint. Mon intention est de l’envoyer à Paris pour avoir un rapport du ministre des finances et du directeur général des douanes. Écrivez au sieur d’Hauterive de causer avec M. Armstrong, de lui dire que j’ai demandé un rapport sur cette question et de lui demander des explications sur cette déclaration du président des États-Unis que nous voyons dans les journaux.

PROJET DE DÉCRET.

Considérant que les Etats-Unis, par leur ferme résistance à des mesures arbitraires prises par le gouvernement anglais, ont obtenu la révocation des actes du roi d’Angleterre du 11 novembre 1807, et que, par les nouveaux ordres émanés du conseil du 26 avril 1809, les Américains sont affranchis de l’obligation de relâcher en Angleterre et de payer une taxe au gouvernement britannique;

Considérant que, par l’article 4 de notre décret du 17 décembre 1807, nous avons promis de rapporter ledit décret aussitôt que l’Angleterre, reconnaissant l’injustice et la violence de ces mesures, les révoquerait,

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

ARTICLE 1er. – Nos relations avec les Américains sont rétablies sur le même pied où elles étaient avant l’exécution des mesures ordon­nées par notre décret du 17 décembre 1807.

ART. 2. – Notre décret du 21 novembre 1806, sur l’état du blocus, sera maintenu en vigueur et continuera d’être exécuté jus­qu’à ce que le gouvernement anglais revienne, sur les règles du blocus, au droit commun et aux principes de la justice et de l’honneur.

ART. 3. – Nos ministres, etc.

 

Schönbrunn, 11 juin 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

J’ai reçu votre lettre du 4 juin, avec les dernières nouvelles d’Espagne.

Vous ferez connaître au maréchal Jourdan que je trouve les affaires d’Espagne mal conduites, et si mal conduites que je prévois des catastrophes si l’on ne donne pas plus d’activité et une impulsion plus vigoureuse aux mouvements des colonnes. On a laissé le temps aux Anglais de reformer une armée à Lisbonne. On a eu la coupable négligence de laisser le duc de Dalmatie trois mois sans communica­tion .Je n’ai cependant pas cessé d’ordonner qu’on rouvrît les com­munications avec ce maréchal. Avec les forces qu’on a en Espagne, elles n’auraient pas dû être interrompues huit jours. On a laisse du côté de ….. et de Calatayud se former des rassemblements consi­dérables, et, parce qu’on a dit qu’il ne fallait pas entreprendre l’ex­pédition d’Andalousie que le Nord ne fût éclairé, on a laissé inactives les troupes destinées à cette expédition, tandis qu’il fallait justement profiter du délai pour balayer tous les corps ennemis à douze ou quinze marches autour d’elles. Pourquoi ne pas marcher contre Cuesta et rejeter au delà de la Carolina les troupes qui sont de ce côté ? L’indolence de l’état-major de l’armée d’Espagne est telle, qu’il est resté plusieurs mois sans communication avec le duc d’Elchingen et qu’il a fallu, je crois, envoyer de Paris l’ordre au général Kellermann de marcher à lui. On a peine à concevoir de pareilles inepties, Dans cet état de choses, proposer des conquêtes est assez difficile. Une armée n’est rien que par la tête, et il faut avouer ici qu’il n’y en a aucune. Recommandez que l’on attaque l’ennemi partout où on le rencontrera; qu’on rouvre la communication avec le duc de Dalmatie, qu’on l’appuie sur le Minho, Les Anglais seuls sont redoutables. Seuls, si l’armée n’est pas différemment dirigée, ils la conduiront avant peu de mois à une catastrophe. Il ne faut donc pas agir sur tous les points de la circonférence quand on n’a pas de communication; mais il faut former un gros corps contre les Anglais, ne pas les laisser respirer et tomber dessus du moment qu’ils se désuniraient.

 

Schönbrunn, 11 juin 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

J’ai crée trois compagnies d’artillerie de la Garde, comme vous l’aurez vu par mon décret : une pour les fusiliers, une pour les tirailleurs et une pour les conscrits; la formation doit avoir lieu à Strasbourg.

Je désire que vous attachiez à chacune de ces compagnies une division de huit pièces de canon, quatre de 6, deux obusiers·et deux de 12, avec double approvisionnement, forge de campagne et tout ce qui est nécessaire; ce qui augmentera l’artillerie de ma Garde de vingt-quatre pièces de canon et la portera à quatre-vingt-quatre.

J’ai déjà à la Garde douze pièces de 12; avec cette augmentation, j’en aurai dix-huit; mais je les considère moins comme appartenant à la Garde que comme formant le parc de réserve de l’armée.

Par ces augmentations, ma Garde va se trouver formée de vingt­ quatre bataillons et de huit régiments de cavalerie; ainsi vous voyez que les quatre-vingt-quatre pièces ne sont que le nécessaire.

Prenez des mesures pour que les chevaux, harnais et train se trouvent organisés à Strasbourg.

 

Schönbrunn, 11 juin 1809.

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, donnez ordre au général Clément (Gabriel-Joseph Clément, 1766-1812. Il sera tué dans uns un duel !) de se rendre à Melk, où il prendra le commandement de cette abbaye qu’on arme, et où j’ai ordonné l’établissement d’un hôpital de 2,000 malades et la formation de magasins d’artillerie et de vivres. On travaille aux fortifications, où il doit y avoir seize pièces de canon. Le général Clément correspondra tous les jours avec vous, vous fera connaître tout ce qui viendra à sa connaissance et vous enverra des rapports sur l’armement et l’approvisionnement de la place.

 

Schönbrunn, 11 juin 1809.

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la cavalerie de réserve de l’armée d’Allemagne, à Penzing

On a mal fait de brûler les barques; il fallait les tenir de l’autre côté. Tout cela paraît conduit avec une timidité qui n’est conforme ni à la position ni à la supériorité de nos troupes .

Comme officier d’avant-garde, le général Lasalle a eu tort de dépasser Rajka sans avoir des postes dans l’île et sans avoir établi un va-et-vient sur un des bras vis-à-vis Rajka. Ce n’est pas à un petit bras du Danube qu’il devait s’appuyer, mais au grand bras, et les rapports du général Lasalle m’auraient trompé, le croyant à Alten­burg, appuyé au Danube lorsqu’il ne l’était qu’à un filet d’eau; et si, dans ce moment, l’ennemi eût fait un grand mouvement dans l’île et eût passé le Danube, je l’eusse appris trop tard.

En général, lorsqu’un général d’avant-garde est chargé d’éclairer la rive d’une rivière, il doit éclairer jusqu’au thalweg, et le général en chef doit pouvoir calculer que, ses avant-postes étant à une telle distance, rien ne doit passer entre ses avant-postes et lui. Cela doit servir de règle, et le duc d’Istrie doit donner des ordres en conséquence.

Quant à l’ordre d’éclairer l’île, j’ai cru qu’on avait éclairé ce bras; sans ce compte, cet ordre ne me serait jamais venu dans l’idée. Il faut éclairer fort loin dans l’île.

 

Schönbrunn. 11 juin 1809, six heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Sárvár

Mon Fils, je reçois votre lettre du 10 à six heures du soir, datée de Sárvár. Si le prince Jean se retire décidemment sur Pest, il faut vous emparer de Raab. L’occupation de cette place sera d’un bon effet. Vous couvrirez d’ailleurs toute la ligne depuis Raab jusqu’au lac Balaton, et vous serez à Raab à mi-chemin de Bude à Vienne.

Donnez ordre au général Marmont de battre le corps qui est du côté de Pettau et de le jeter sur vous. Réitérez vos ordres pour l’armement de Klagenfurt; cette enceinte nous a déjà été très-utile et le sera encore plus dans cette guerre ; qu’on y fasse passer tous les canons nécessaires. Il faut redoubler d’efforts pour prendre la citadelle de Graz . J’attends avec intérêt de vos nouvelles de ce matin.

 

Schönbrunn, 12 juin 1809.

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Vienne

Monsieur de Champagny, écrivez au sieur Bourgoing que je donne ordre au prince de Ponte-Corvo de faire réarmer et fortifier Dresde; que désormais cette capitale n’a plus rien à craindre que l’incursion de quelques partisans; qu’il serait bizarre en effet qu’un corps de partisans vînt piller et rançonner cette grande ville; que je désire que le Roi y concentre ses dépôts et ses troupes, et que, en cas qu’un corps d’aventuriers vînt forcer ses frontières, tout cela se réunisse pour défendre Dresde; qu’il est nécessaire de créer dans les différents quartiers huit bataillons de garde bourgeoise, chacun de 7 à 800 hommes , ce qui ferait un petit corps de 5 à 6,000 hommes; qu’il eût été ridicule qu’un bandit comme Schill, ou le duc de Bruns­wick, ou l’électeur de Cassel, ou tout autre, eût fait contribuer une ville comme Dresde; qu’elle est à l’abri maintenant d’une grande attaque; que j’ai donné ordre au prince de Ponte-Corvo de renvoyer les officiers inutiles et les seconds bataillons sur Dresde en resserrant les cadres; qu’il faut presser le Roi de remonter sa cavalerie, pour avoir bientôt 2,000 hommes à cheval et 10 à 12,000 hommes d’infanterie, avec vingt pièces de canon attelées; que cela formera un corps qui servira à la défense de ses frontières et concourra à main­tenir la tranquillité dans le nord de r Allemagne.

 

Schönbrunn, 12 juin 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, par ma lettre du 3 juin, je vous ai fait connaître l’organisation que je désirais donner au corps d’observa­tion de l’Elbe. Je suppose que le général Brouard est déjà rendu à Gand pour y réunir sa brigade; que le duc d’Abrantès est rendu à Hanau; que le général Lagrange est arrivé à Strasbourg et va se rendre à Augsbourg, et que vous avez nommé un officier du génie pour commander le génie de ce corps de réserve.

J’ai joint à cette réserve le régiment du grand-duché de Berg, que j’ai donné ordre au roi de Westphalie de diriger d’abord sur Hanau, où il recevra de nouveaux ordres.

Dès que le duc d’Abrantès sera arrivé à Hanau, il m’enverra de là des notes sur les différents généraux de division, de brigade. Occupez­ vous de pourvoir à toutes les places vacantes.

Les 4e bataillons de la division Saint-Hilaire ont été renvoyés aux dépôts. Il faudrait prendre des moyens pour les compléter.

 

Schönbrunn, 12 juin 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, vous enverrez un officier d’état-major en Espagne, avec l’ordre que les corps du duc d’Elchingen, du duc de Trévise et du duc de Dalmatie ne forment qu’une armée, qui sera sous le commandement du duc de Dalmatie. Ces trois corps ne doivent manœuvrer qu’ensemble, marcher sur les Anglais, les pour­suivre sans relâche, les battre et les jeter dans la mer. Mettant toute considération de côté, je donne le commandement au duc de Dalmatie, comme au plus ancien. Ces trois corps doivent former 50 à 60,000 hommes. Si cette réunion a lieu promptement, les Anglais doivent être détruits et les affaires d’Espagne terminées; mais il faut se réunir et ne pas marcher par petits paquets; cela est de principe général pour tous les pays, mais surtout pour un pays où l’on ne peut avoir de communication. Je ne puis désigner le lieu de réunion, puisque je ne connais pas les événements qui se sont passés.

Expédiez le présent ordre au Roi, au duc de Dalmatie et aux deux autres maréchaux par quatre voies différentes.

 

Schönbrunn, 12 juin 1809.

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne

Donnez ordre que le 1er régiment provisoire de dragons, le régiment du grand-duché de Berg et les deux régiments provisoires de dragons les mieux organisés, ce qui formera quatre régiments de cavalerie, partent d’Augsbourg et se dirigent sur Linz. Il restera au général Beaumont trois régiments provisoires de dragons, ce qui est suffisant. Il paraît qu’il est inutile de garder de la cavalerie à Ratisbonne et à Straubing, vu que l’ennemi ne fait aucun mouvement de ce côté. Les trois régiments qui lui restent, étant successivement aug­mentés par les détachements qui rejoignent, seront portés bientôt au même nombre; d’ailleurs le 65e doit avoir reçu beaucoup de conscrits.

Témoignez au général Deroy mon mécontentement de ce qu’il a fait un mouvement sans mon ordre. Il ne devait pas quitter Kufstein, sans raison. Mais enfin, puisqu’il est en Bavière, il faut qu’il réunisse le plus de forces qu’il pourra et batte les Tyroliens en les jetant dans les montagnes.

Mandez aussi au général Beaumont qu’il serait bien urgent de renvoyer ici les neuf hommes des compagnies isolées, qui ne peuvent être d’aucune utilité à Augsbourg.

 

Schönbrunn, 12 juin 1809.

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, commandant le 10 corps de l’armée d’Allemagne, à Cassel

Mon Frère, je n’ai pas encore reçu la relation de la mort de Schill et de la prise de sa bande, qui a eu lieu le 31 mai; je suis surpris que vous ne me l’ayez pas encore envoyée. Faites arrêter les officiers qui se trouvent parmi les prisonniers, et faites-les conduire sous bonne garde en France, pour faire une justice éclatante de ces misé­rables. Rappelez la division Gratien à Magdeburg et aux environs; elle sera là à portée de se diriger où elle serait nécessaire. Faites-moi connaître le jour où elle arrivera. Maintenez en état cette division. Les renseignements les plus positifs me convainquent que le duc de Brunswick n’a pas plus d’un millier d’hommes, et l’ancien électeur de Cassel, pas plus de 500. Le roi de Saxe a 4 ou 5,000 hommes; c’est plus qu’il ne faut pour garder ses États. Envoyez-moi la situa­tion de vos troupes et de la division hollandaise. Laissez cette dernière sous le commandement du général Gratien. Je vous réitère l’ordre de faire partir sans délai mon régiment du grand-duché de Berg pour Hanau. Faites également filer tout ce qui appartiendrait au 4e escadron des chasseurs du grand-duché de Berg.

 

Schönbrunn, 13 juin 1809.

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, témoignez mon mécontentement au général Frère de ce qu’il n’envoie pas des rapports tous les jours sur ce que fait l’ennemi dans les îles, depuis Nussdorf jusqu’à Ebersdorf. Ce service n’est pas convenablement monté. Il faut dans la grande île, dite Tabor, un bataillon, un autre bataillon en réserve à l’île du faubourg où sont les pièces de 18, avec un colonel commandant le tout. Tous les jours, à la pointe du jour, le général de brigade et même le général de division, le commandant du génie, doivent s’y rendre et reconnaître la position de l’ennemi. Faites-moi connaître les ordres qui ont été donnés en cas que l’ennemi attaque et veuille pénétrer dans les îles.

Je n’ai point trouvé ce matin les canonniers à leur poste, et en général il n’y a rien de prévu dans le service. Faîtes-vous remettre par le général de division une note qui fasse connaître les dispositions qu’il a faites pour la défense du pays dont il est chargé. Faites mettre à l’ordre qu’en visitant les avant-postes je n’ai point trouvé les canonniers à leur poste; que les soldats du train étaient déshabillés et couchés; qu’il n’y avait point de garde aux pièces; que j’ai fait mettre en prison le sergent qui commandait ce poste; que je recom­mande de porter une attention particulière à cette artillerie, et qu’il y ait constamment des gardes et des plantons aux pièces.

 

Schönbrunn, 13 juin 1809.

NOTE POUR LE MAJOR GÉNÉRAL SUR LA DÉFENSE DE L’ILE TABOR.

L’île Tabor doit avoir un bataillon de 4 à 500 hommes de garde. On fera placer deux pièces de 6 en fer sur affûts, dont l’une sera placée près des maisons, vis-à-vis le grand pont brûlé, battant le village de Spitz; on tirera cette pièce toutes les fois que l’ennemi mettrait des bateaux pour communiquer dans les îles; l’autre pièce de 6  sera mobile; on la promènera selon les circonstances, mais on la tiendra le plus souvent battant le courant de Nussdorf, dans le lieu où l’on travaille actuellement pour placer les deux pièces de 18. Il y aura des bricoles pour conduire ces pièces, de manière que, si l’ennemi tentait quelque chose, on put porter ces deux pièces du même côte ou les retirer en cas d’événement.

Il y aura, outre cela, dans l’île un lieutenant et 15 hommes de cavalerie, sous les ordres du chef de bataillon, qui seront chargés de faire des patrouilles. Ce piquet sera fourni par un régiment wurtembergeois qui est à Vienne.

Il y aura sur la rive droite, près du faubourg, un second bataillon de service, lequel fournira 50 hommes de garde à la tête du pont dans l’île Tabor et 50 hommes de garde à la tête du pont dans la petite île, et veillera au service des batteries qui sont là.

Il y aura un colonel en second commandant les deux bataillons, qui sera chargé de la défense de l’île Tabor et des petites îles.

Fortification. – Les quatre pièces de 18 seront placées de manière qu’elles battent non-seulement le premier pont, mais encore le second, et qu’elles flanquent la tête de pont dans la grande île. On abattra des arbres, si cela est nécessaire, dans les îles intermédiaires.

On placera deux pièces de 6 dans le bonnet de prêtre de la grande île et deux autres dans le second. Dans la petite île on établira deux batteries qui flanquent la tête de pont de l’île Tabor.

Le bonnet de prêtre de l’île Tabor est trop petit. On le finira comme réduit, et on établira trois redoutes en avant, telles que le bataillon qui est dans l’île puisse s’y réfugier et faire une bonne défense. On m’en soumettra le plan.

NOTA. La batterie de deux pièces de canon qui devait être établie pour battre le canal de Nussdorf sera placée sur la droite du Danube.

Un général de brigade sera chargé de la défense de l’île Tabor, des deux petites îles qui arrivent à Vienne et de tout le Prater; il lui sera donné, indépendamment de quatre à cinq bataillons d’infan­terie, une centaine de chevaux.

DES PONTS. – Les deux petits ponts qui sont sur radeaux seront établis en pilotis.

SERVICE DU GÉNIE. – Un officier du génie sera affecté à cette défense. Il aura le plan de toutes les îles, il le rectifiera; il fera avec le général des visites tous les matins, depuis trois heures jusqu’à six, aux postes avancés, et reconnaîtra les travaux que l’ennemi aurait faits la nuit. Il fera travailler et pressera les ouvrages. Les travailleurs seront payés. La tôle de pont qui fait le réduit du Tabor doit être à l’abri de toute insulte, bien palissadée, fraisée et mise en état.

Le gouverneur lui-même fera souvent des reconnaissances.

 

Schönbrunn, 13 juin 1809.

Au général comte Bertrand, commandant le génie de l’armée d’Allemagne, à Ebersdorf

Monsieur le Général Bertrand, j’avais demandé l’officier du génie chargé des travaux des îles; j’ai trouvé un pauvre diable qui n’avait ni carte ni plan de ces îles. Cela est pitoyable ; il n’y a pas un officier d’infanterie qui ne les ait.

Le génie ne sert pas aussi bien qu’il devrait. Le colonel du génie chargé de la défense des abords de Vienne devrait avoir les plans de toutes les îles, les rectifier par ses observations, suivre les mouvements de l’ennemi, faire tous les jours des rapports sur ce que l’ennemi fait, être à la pointe du jour sur les points importants pour les reconnaître. Au lieu de cela, votre officier du génie n’a rien vu, rien fait, et croyait avoir réponse à tout parce qu’il avait le croquis de deux mauvais bonnets de prêtre qu’il a faits.

Il faut que vous chargiez un officier actif et intelligent de l’observation des îles depuis Klosterneuburg jusqu’à Ebersdorf, qui observe les mouvements de l’ennemi et propose les moyens de s’y opposer. Le colonel que vous avez mis là me paraît peu actif et peu propre à cet important ouvrage.

 

Schönbrunn, 13 juin 1809.

Au général comte Bertrand, commandant le génie de l’armée d’Allemagne, à Ebersdorf

Monsieur le Général Bertrand, je viens de voir les deux ponts et les ouvrages en avant de Vienne. On ne paye pas les travailleurs. Donnez ordre qu’on les paye à compter de demain, de manière qu’ils puissent gagner 25 à 30 sous par jour en papier. Donnez ordre à l’officier qui dirige ces travaux de venir prendre mes ordres. Voici ceux que vous lui donnerez:

1° Faire remplacer les deux ponts sur radeaux par deux ponts sur pilotis; les ingénieurs de la ville pourraient être chargés de cette besogne;

2° Placer les deux batteries de 18 de manière qu’elles restent sur le continent, mais battent toutes les îles;

3° Établir dans la petite île deux redoutes qui flanquent la tête de pont de la grande île, indépendamment de ce que les batteries de 18 qui sont sur le continent la flanqueront encore;

4° Considérer le bonnet de prêtre qui a été fait dans la grande île comme réduit; cela n’a que cent toises, c’est bien petit; mais enfin il faut s’en servir. Le bien palissader et fraiser, et établir trois redoutes fermées tout autour, de manière que le bataillon qui est dans l’île puisse se réfugier derrière ces ouvrages et donner le temps à l’armée de passer les deux ponts pour culbuter ce qui serait passé dans la grande île.

Au reste, j’expliquerai cela plus en détail à l’officier chargé de diriger ces travaux. Donnez-lui l’ordre de se rendre ce soir auprès de moi.

 

Schönbrunn, 13 juin 1809, neuf heures du soir

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Szemere

Mon Fils, je reçois votre lettre du 12 à huit heures du soir, datée de Papa. J’ai fait connaître votre position au duc d’Auerstaedt, pour qu’il donne l’ordre à Lasalle et Marulaz d’appuyer votre gauche, et pour que, lorsque vous serez du côté de Raab, les communications soient sur-le-champ établies par Szent-Mikl6s et Wieselburg. Ce mouvement, au lieu de vous éloigner d’ici, vous en rapprochera. La ville de Raab est une ancienne place forte, mais je la crois démolie; je pense qu’on y a fait des travaux depuis quelques jours de ce côté-ci. Si vous la prenez, ce sera une chose utile. Je ne comprends pas bien encore quel est le projet de l’archiduc Jean; je ne crois pas qu’il y ait de pont à Komorn, il n’y en a qu’à Pest, et il ne se risquera pas à passer le Danube et à s’affaiblir devant vous, à moins d’avoir un pont ou une place forte. Au reste, lui faire le plus de mal que vous pourrez, l’acculer au Danube, le couper de ses communi­cations avec Chasteler et Gyulai, qui paraissent avoir le projet de le joindre, faire tomber la citadelle de Graz par son isolement et maintenir vos communications par votre gauche avec le duc d’Auerstaedt, faire construire des ponts sur la Raab, tel doit être votre but. Vous verrez, par la lettre que vous a écrite le major général, que je fais donner l’ordre au général Marmont de marcher sur Gyulai et Chasteler, et d’avancer même sur Graz.

 

Schönbrunn, 13 juin 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Si le propos d’Izquierdo [4]Don Eugenio Izquierdo – 1745 – 1813. Il est alors secrétaire particulier du roi détrôné Charles IV  à M. de Stroganoff au salon des étrangers est vrai, faîtes arrêter ce coquin et faîtes mettre le scellé sur ses papiers.

Il ne serait pas impossible que M. de Starhemberg fût dans les environs de la Hollande, pour tâcher de s’embarquer pour l’Angleterre. Il faudrait le faire arrêter.

 

Schönbrunn, 14 juin 1809, minuit.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Wolfstahl

Dans la dernière lettre que vous avez écrite à l’Empereur, Monsieur le Duc, vous lui dites que le général Hiller est à Presbourg, sans faire connaître sur quoi est fondée cette opinion. Sa Majesté est portée à penser que le général Hiller n’a que trois régiments à Presbourg, que ces trois régiments sont dans les îles devant vous, et qu’il a en outre quelques régiments de landwehre. Il paraît certain que les dix autres régiments d’Hiller sont à leur poste, à Enzersdorf.

L’Empereur désire avoir un rapport sur tout ce que vous avez fait.

Les jours perdus sont des jours où l’ennemi se fortifie. Sa Majesté croit qu’avec une canonnade fortement soutenue l’île eût été le tombeau de l’ennemi. La tête de pont qu’il occupe n’a que 500 toises de long. Si l’ennemi y a 4 ou 5,000 hommes, il ne peut y rester sans perdre beaucoup de monde. Si votre commandant d’artillerie s’était attaché à  bien placer les batteries, chacun de nos coups de canon devait tuer beaucoup de monde à l’ennemi, tandis que les siens ne pouvaient nous tuer que quelques canonniers.

Il est minuit: l’Empereur n’a pas encore de nouvelles du vice-roi; voilà donc quarante-huit heures, et c’est une nouvelle raison pour que vous avanciez une avant-garde sur Raab et que vous vous mettiez en communication avec le vice-roi, Sa Majesté espère avoir par vous des nouvelles de ce qui se sera passe le 13 et le 14 du côté de Raab. Si quelques indices vous font croire qu’un renfort soit néces­saire au vice-roi, vous pouvez diriger sur lui le général Gudin avec douze pièces de canon et 6,000 hommes, et tout le corps du général Marulaz. Quant ù la division Friant, l’Empereur ne juge pas convenable de lui faire faire aucun mouvement.

Envoyez-moi l’état de tous les commandants d’armes que vous pouvez avoir laissés sur nos derrières. Il y en a un à Ratisbonne qui fait des proclamations ridicules.

Le prince de Neuchâtel, major général.

 

Schönbrunn, 14 juin 1809, minuit.

Au général Marmont, duc de Raguse, commandant l’armée de Dalmatie, à Villach

Je vous ai écrit hier, Général, et il tarde à l’Empereur d’apprendre que vous avez été sur Graz pour déjouer ce que les généraux Chasteler et Gyulai avaient fait entreprendre contre le corps français du général Broussier.

Sa Majesté ne comprend pas comment vous êtes resté sans agir à Laybach, tandis que l’ennemi qui vous était opposé se dirigeait sur Pettau et le Danube. L’opinion de l’Empereur est que, si vous aviez été plus actif dans vos mouvements, vous auriez pris Chasteler. Vous ne pouviez recevoir de renseignements du général Rusca, puisqu’il était aux mains avec l’ennemi, et n’en pas recevoir devait vous faire présumer ce qui se passait. Il était facile de penser que Chasteler cherchait à se joindre à l’archiduc Jean, et avait le projet de passer entre Laybach et Graz.

En vous portant du côté de Graz, ayez soin de prévenir le général qui commande dans le Frioul, afin que la forteresse de Palmanova soit sur ses gardes. Prévenez également le commandant à Trieste pour qu’il ne se laisse pas surprendre.

Le vice-roi est actuellement aux prises sur le Danube, du côté de Raab, avec le prince Jean. Correspondez fréquemment avec lui, afin que vous puissiez être utile dans les grands coups qui vont se porter dans quelques jours.

 

Schönbrunn, 14 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie.

Mon Fils, donnez ordre que le chef de brigands, comte de Mascarelli, qui a été pris en Dalmatie, soit traduit à une commission militaire.

 

Schönbrunn, 14 juin 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

J’ai reçu un mauvais galimatias de ce scélérat de Palafox (José de Rebolledo Palafox y Melci, 1780 – 1847, le héros espagnol du siège de Saragosse. Il a en effet adressé à Napoléon un longue lettre dans laquelle il cherche à jsutifier sa tenace résistance). Je suis mécontent que vous l’ayez accepté, fait traduire, et par là fait con­naître qu’il était à Vincennes, tandis qu’il devait y être ignoré. Ce scélérat est couvert du sang de plus de 4,000 Français qu’il a eu la barbarie de faire égorger à Saragosse. Qu’il reste à Vincennes, oublié, sans plumes ni papier, et sans moyen d’intéresser à son sort les ennemis acharnés de la France.

Vous n’avez pas rempli mes intentions. Vous deviez ignorer qu’il était à Vincennes. Je vous réitère que mon intention est qu’il y vive séquestré du monde, sans moyen d’écrire ni de se faire con­naître. C’est à cette condition que j’ai bien voulu ignorer ses crimes et ne pas le traduire à une commission militaire.

Il n’aurait pas fallu laisser venir Mlle de Stein jusqu’à Paris.

Écrivez en Westphalie qu’on n’envoie personne en France sans votre autorisation. Cette manière de faire est un peu légère. Il faut toute­fois l’enfermer dans une maison de femmes à Paris, et demander les charges qu’il y a contre elle.

 

Schönbrunn, 15 juin 1809,

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

J’ai reçu votre lettre du 9 juin avec les gazettes anglaises qui y étaient jointes. Il faut tenir la main à ce qu’il ne soit fait aucune in­ novation pour les ouvriers pendant que je suis absent de Paris, et qu’on leur laisse leurs usages et habitudes. Ces gens s’imaginent qu’on veut les traiter défavorablement parce que je n’y suis pas et qu’ils ne peuvent pas réclamer; de là le sentiment qu’on leur fait une injustice.

 

Schönbrunn, 15 juin 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, faites connaître au général Oudinot que mon intention est que dans la journée de demain il fasse prendre les seize pièces de canon et les seize caissons que l’artillerie doit lui délivrer. Faites éga­lement connaître au duc de Rivoli qu’il doit faire prendre les seize pièces qui sont destinées à son corps d’armée. Le duc de Rivoli doit en avoir vingt-quatre, ce sera huit qu’il faudra lui fournir de nouveau. Le général Oudinot doit en avoir trente-quatre, à raison de deux par régiment. Ces seize pièces seront un à-compte qu’il recevra et qui augmentera d’autant son artillerie. Les seize pièces du général Oudinot seront données aux régiments suivants: deux au 3e, deux au 57e, deux au 72e, deux au 105e. Les huit autres seront données: deux à la 1e demi-brigade de ligne, deux à la 3e demi-brigade, deux à la 5e demi-brigade, et deux à la 7e demi-brigade. Ce qui fera une augmentation de quatre pièces par division et de deux par brigade. Les seize pièces du duc de Rivoli seront données de préférence aux quatre régiments de la division Molitor et aux trois régiments de la division Boudet; deux pièces seront données au 4e de ligne. Vous engagerez ces généraux à vous faire demain soir ou après-demain matin un rapport qui vous fasse connaître si ces pièces ont été remises aux différents corps et organisées.

 

Schönbrunn, 15 juin 1809.

Au général comte Bertrand, commandant le génie de l’armée d’Allemagne, à Ebersdorf

Monsieur le Général Bertrand, faites-moi un rapport écrit, que vous me renverrez par mon officier d’ordonnance, sur les questions ci-jointes, pour me faire connaître positivement où en sont les choses, pour que l’on prenne jour. Tout cela sera-t-il prêt le 20 ? Répondez catégoriquement à toutes ces questions, sans si ni mais.

P.S. Faites dire à Lariboisière que je l’attends ce soir.

1 ° Quand est-ce que le pont actuel sera à l’abri de tout événement, c’est-à-dire quand est-ce que les pilotis seront établis et liés avec des chaînes ou des cinquenelles ? – Le 20 (Les réponses sont celles de Bertrand, peut-être écrites de la main de  Napoléon)

2° Quand est-ce que le pont sur pilotis du premier bras sera terminé, de manière à avoir sur ce premier bras deux ponts ? ­ Il l’est.

3° Le pont sur pilotis sur le second bras est-il possible? – Oui. Cela étant, quand l’aura-t-on? – Le 20

S’il n’est pas possible, quand aura-t-on un pont sur le pilotis actuel, qu’on achèvera ensuite avec des bateaux ou radeaux, de manière à avoir deux communications sur ce bras ?

4° Quand est-ce que j’aurai le nombre de bateaux suffisant pour jeter le pont à l’embouchure avec trois ou quatre barques armées de canons, montées par des marins, afin de faire la descente de vive force dans les bois près de l’embouchure ? – Le 20.

5° Quand est-ce que les trois ponts sur pilotis sur le petit canal où sont les ouvrages seront terminés ? – Le 20.

6° Quand est-ce que le marais qui est à l’embouchure du bras de l’île Lobau dans la rivière où l’on doit jeter un pont sera suffisamment comblé pour y établir des batteries et y avoir une large chaussée ? – Le20.

La doubler.

7° Peut-on dès demain commencer la tête de pont de ce côte-ci, afin que cela ait couleur d’ici à quatre ou cinq jours ?

8° Quand est-ce que les ouvrages de la tête de pont dans l’île Lobau seront fraisés et palissadés ? – Le 20.

9° Si, comme chef de la marine, vous vous êtes engagé à fournir à l’artillerie des marins ou quelques moyens pour jeter les pontons, quand pourrez-vous les fournir ? – Le 17.

10° Si vous devez concourir soit à jeter une estacade, soit à tendre une cinquenelle pour mettre le pont qui doit être jeté du côté de la Maison-Blanche à l’abri de tout accident, quand est-ce que vous serez prêt ? – Le 20.

11° Le Danube est-il aussi bas que lors de notre premier passage, c’est-à-dire les bancs de sable sont-ils découverts ?

 

Schönbrunn, 15 juin 1809, quatre heures après midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Szamdhegy

Mon Fils, l’officier d’ordonnance Montesquiou arrive, qui m’ap­porte votre lettre datée de Szemere, le 13 à minuit.

Votre instruction générale est de poursuivre l’archiduc Jean et de lui faire le plus de mal que vous pourrez sans vous compromettre.

Il est probable que Raab n’est pas suffisamment fortifié pour que l’ennemi ose y mettre une garnison considérable de ses bonnes troupes. S’il n’y met que de mauvaises troupes, la ville étant investie, elle se rendra; ce qui nous donnera l’avantage de lui prendre du monde et d’avoir un bon poste. S’il y a là un camp retranché et que toute l’armée veuille y tenir, vous le menacerez et vous le couperez de ses communications avec Körmönd. Enfin, si l’archiduc fuit devant vous, vous le poursuivrez, pour qu’il ne puisse pas passer le Danube à Komorn, où il n’y a pas, je crois, de pont, et pour qu’il soit obligé de se réfugier à Bude, sans vous éloigner davantage de moi. La ligne derrière la Raab me convient pour vous, puisque mes ponts sur le Danube vont s’achever et que je pourrai vous rappeler en quatre jours, en en dérobant au moins deux à l’ennemi; ce qui vous permettra de vous trouver à la bataille, tandis que l’ennemi ne pourra pas y être. Votre but est donc de l’empêcher de passer à Komorn, et alors de l’obliger à se jeter sur Bude, ce qui l’éloigne de Vienne.

Votre principale opération doit être de prendre Raab; s’il se peut, d’éloigner le prince Jean des frontières de la Styrie, et de faire tomber la citadelle de Graz. Il me tarde d’apprendre que Marmont soit arrivé à Graz, afin d’être assuré que ce point important est à l’abri de toute attaque, et d’avoir cette mauvaise citadelle.

 

Schönbrunn, 16 juin 1809

A Auguste Amélie de Bavière, vice-reine d’Italie, à Milan

Ma Fille, j’ai reçu votre lettre du 2 juin. Je vous remercie de ce que vous m’y dites. J’ai été instruit de la bonne conduite que vous avez tenue pendant les affaires d’Italie et du courage que vous avez montré. Je suis bien aise de ces nouveaux titres que vous avez acquis à mon estime.

Eugène est en Hongrie, où il bat l’ennemi.

P. S. Au moment même, je reçois la nouvelle qu’Eugène a remporté, le 14, anniversaire de la bataille de Marengo, une victoire à Raab en Hongrie contre l’archiduc Jean et l’archiduc duc palatin [5]l’archiduc Joseph, leur a pris 3,000 hommes, plusieurs pièces de canon et quatre drapeaux.

 

Schönbrunn, 16 juin 1809

A l’impératrice Joséphine, à Plombières

Je t’expédie un page pour t’annoncer que, le 14, anniversaire de Marengo, Eugène a gagné une bataille contre l’archiduc Jean et l’archiduc palatin à Raab en Hongrie; qu’il leur a pris 3,000 hommes, plusieurs pièces de canon, quatre drapeaux, et les a poursuivis fort loin sur le chemin de Bude.

 

Vienne, 16 juin 1809.

DIX-NEUVIÈME BULLETIN DE L’ARMÉE D’ALLEMAGNE.

L’anniversaire de la bataille de Marengo a été célébré par la vic­toire de Raab, que la droite de l’armée, commandée par le vice-roi, a remportée sur les corps réunis de l’archiduc Jean et de l’archiduc palatin.

Depuis la bataille de la Piave, le vice-roi a poursuivi l’archiduc Jean l’épée dans les reins. L’armée autrichienne espérait se cantonner aux sources de la Raab, entre Saint-Gotthard et Körmönd.

Le 5 juin, le vice-roi partit de Neustadt et porta son quartier général à OEdenburg en Hongrie.

Le 7, il continua son mouvement et arriva à Güns. Le général Lauriston avec son corps d’observation le rejoignit sur sa gauche.

Le 8, le général Montbrun avec sa division de cavalerie légère força le passage de la Rabnitz, auprès de Sovénybâza, culbuta 300 cavaliers de l’insurrection hongroise et les rejeta sur la Raab.

Le 9, le vice-roi se porta sur Sárvár. La cavalerie du général Grouchy rencontra l’arrière-garde ennemie à Vasvár, et fit quelques prisonniers.

Le 10, le général Macdonald, venant de Graz, arriva à Körmönd. Le 11, le général de division Grenier rencontra à Karakó une colonne de flanqueurs ennemis qui défendaient le pont, et passa la rivière de vive force. Le général Debroc, avec le 9e de hussards, a fait une belle charge sur un bataillon de 400 hommes, dont 300 ont été faits prisonniers.

Le 12, l’armée déboucha par le pont de Merse sur Pápa. Le vice­ roi aperçut d’une hauteur toute l’armée ennemie en bataille. Le général de division Montbrun, général de cavalerie et officier d’une grande espérance, déboucha dans la plaine, attaqua et culbuta la cavalerie ennemie, après avoir fait plusieurs manœuvres précises et vigou­reuses. L’ennemi avait déjà commencé sa retraite. Le vice-roi passa la nuit à Pápa.

Le 13, à cinq heures du matin, l’armée se mit en marche pour se porter sur Raab. Notre cavalerie et la cavalerie autrichienne se rencontrèrent au village de Csanak. L’ennemi fut culbuté, et on lui fit 400 prisonniers.

L’archiduc Jean, ayant fait sa jonction avec l’archiduc palatin près de Raab, prit position sur de belles hauteurs, la droite appuyée à Raab, ville fortifiée, et la gauche couvrant le chemin de Komorn , autre place forte de la Hongrie.

Le 14, à onze heures du matin, le vice-roi range son armée en bataille, et avec 35,000 hommes en attaque 50,000. L’ardeur de nos troupes est encore augmentée par le souvenir de la victoire mé­morable qui a consacré cette journée. Tous les soldats poussent des cris de joie à la vue de l’armée ennemie, qui était sur trois lignes et composée de 20 à 25,000 hommes, restes de cette superbe armée d’Italie qui naguère se croyait déjà maîtresse de toute l’Italie, de 10,000 hommes commandés par le général Haddick et formés des réserves des places fortes de Hongrie, de 5 à 6,000 hommes com­posés des débris réunis du corps de Jellachich et des autres colonnes du Tyrol échappées aux mouvements de l’armée par les gorges de la Carinthie, enfin de 12 à 15,000 hommes de l’insurrection hongroise, cavalerie et infanterie.

Le vice-roi plaça son armée : la cavalerie du général Montbrun, la brigade du général Colbert et la cavalerie du général Grouchy sur sa droite; le corps du général Grenier, formant deux échelons, dont la division du général Seras formait l’échelon de droite, en avant; une division italienne, commandée par le général Baraguey d’Hilliers, formant le troisième échelon, et la division du général Puthod en réserve. Le général Lauriston avec son corps d’observation, soutenu par le général Sahuc, formait l’extrême gauche et observait la place de Raab.

A deux heures après midi, la canonnade s’engagea. A trois heures, le premier, le second et le troisième échelon en vinrent aux mains. La fusillade devint vive; la première ligne de l’ennemi fut culbutée, mais la seconde ligne arrêta un instant l’impétuosité de notre premier échelon, qui fut aussitôt renforcé et la culbuta. Alors la réserve de l’ennemi se présenta. Le vice-roi, qui suivait tous les mouvements de l’ennemi, marcha de son côté avec sa réserve: la belle position des Autrichiens fut enlevée, et à quatre heures la victoire était décidée.

L’ennemi en pleine déroute se serait difficilement rallié, si un défilé ne s’était opposé aux mouvements de notre cavalerie. 3,000 hommes faits prisonniers, six pièces de canon et quatre dra­peaux sont les trophées de cette journée. L’ennemi a laissé sur le champ de bataille 3,000 morts, parmi lesquels on a trouvé un général major. Notre perte s’est élevée à 900 hommes tués ou blessés. An nombre des premiers se trouve le colonel Thierry, du 23e régiment d’infanterie légère, et parmi les derniers le général de brigade Valentin et le colonel Espert.

Le vice-roi fait une mention particulière des généraux Grenier, Montbrun, Seras et d’Anthouard. La division italienne Severoli a montré beaucoup de précision et de sang-froid. Plusieurs généraux ont eu leurs chevaux tués, quatre aides de camp du vice-roi ont été légèrement atteints. Ce prince a été constamment au milieu de la plus grande mêlée. L’artillerie, commandée par le général Sorbier, a soutenu sa réputation.

Le champ de bataille de Raab avait été dès longtemps reconnu par l’ennemi, car il annonçait fort à l’avance qu’il tiendrait dans cette belle position. Le 15, il a été vivement poursuivi sur la route de Komorn et de Pest.

Les habitants du pays sont tranquilles et ne prennent aucune part à la guerre. La proclamation de l’Empereur a mis de l’agitation dans les esprits. On sait que la nation hongroise a toujours désiré son indépendance. La partie de l’insurrection qui se trouve à l’armée avait déjà été levée par la dernière diète; elle est sous les armes, et elle obéit.

 

Schönbrunn, 16 juin 1809, quatre heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, l’officier du prince Eugène qui a passé par vos avant­ postes, parti le 11, à deux heures après midi, est arrivé, et, deux heures après, le général Caffarelli, parti le 14 au soir. Ils m’ont apporté la relation de la bataille du 14, anniversaire de Marengo et de Friedland. La journée a été belle, les armées réunies de l’archiduc Jean et de l’archiduc palatin ont été mises en déroute. Des prisonniers qui passeront par chez vous, envoyez-moi en poste le général major et quelques principaux officiers; faites interroger les autres et faites-moi connaître le résultat des interrogations:

Il est inutile que le général Gudin aille jusqu’à Raab; placez-le entre Raab et vous. Il serait malheureux qu’il se mêlât avec les troupes du vice-roi; et il est probable qu’aussitôt que je vais avoir des nouvelles du vice-roi, d’hier soir, s’il n’y avait rien d’extraordinaire, je vous ordonnerai de rappeler la division Gudin devant Presbourg, car il est important que dans une marche et demie vous puissiez être rendu au pont d’Ebersdorf. Cependant j’attache beaucoup d’importance à la prise de Raab. Si elle n’est prise, faites-y passer sur-le­ champ vos mortiers, et chargez le général Lasalle de les mettre en batterie avec son bataillon de Hessois et trois ou quatre obusiers que vous lui fournirez; cela fera feu dans le temps que le général Lauriston, que je charge d’investir la place, fera feu de son côté avec les obusiers du vice-roi. Il faut bombarder la ville jusqu’à ce qu’elle se rende.

Envoyez des munitions de 6, de 12 et d’obusier au vice-roi, et renvoyez vos caissons vides sur Vienne, pour les remplir. Je donne l’ordre au général Lariboisière d’envoyer, soit de votre parc, soit du parc du général Oudinot, trente caissons de 6, dix de 12 et trente d’obusier de 24. Ayez soin que tous les caissons vides du vice-roi aillent jusqu’à ce qu’ils rencontrent le convoi, et que là se fasse l’échange des munitions.

Je vous ai déjà fait mander de détruire le pont de Komorn, s’il existe; c’est une chose très-facile, à moins que l’ennemi n’ait fait une estacade, ce que je ne crois pas. Je suppose que vous avez envoyé vos pontonniers et vos marins pour rétablir les ponts au-dessous de Raab, afin que la communication avec le vice-roi soit facile et prompte. Je m’en repose sur vous pour ces détails si importants. ‘Tâchez d’apprendre des prisonniers s’il y a un pont à Komorn, ou simplement un bac. Il est très-important, s’il y a un pont, de le détruire.

Pour ne point perdre de temps, comme je n’écrirai au vice-roi que dans deux heures, expédiez-lui copie de cette lettre, pour qu’il comprenne qu’il faut faire tous les efforts pour prendre Raab, et qu’il charge de cette opération le général Lauriston.

 

Schönbrunn, 16 juin 1809, cinq heures du soir

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, l’officier que vous avez fait partir le 15 à deux heures après midi est arrivé le premier; deux heures après est arrivé le général Caffarelli. Je vous félicite sur la bataille de Raab, c’est une petite-fille de Marengo et de Friedland. Je suppose que le 15 toute votre cavalerie et votre artillerie légère se sont mises à la poursuite de l’ennemi. Ou l’ennemi a un pont à Komorn, ou il n’en a pas; s’il en a un, il faut l’abattre, car il n’aura pas pu faire une estacade, ce qui est un travail long ;il faut l’abattre en jetant dessus, au cou­rant de l’eau, des moulins et de grands bateaux que vous ferez détacher, surtout pendant la nuit.

Le général Macdonald et votre parc ont dû rafraîchir vos munitions.

Vous avez dû jeter des ponts sur la Raab afin de bien établir votre communication par ici avec le maréchal Davout. J’ai ordonné à ce maréchal de vous envoyer toutes les munitions qu’il pourrait, de faire passer des marins au général Lasalle, de lui envoyer six mortiers et trois ou quatre obusiers, et d’en dresser des batteries contre Raab de son côté. Chargez le général Lauriston d’en faire autant de votre côté et de bombarder la ville jusqu’à ce qu’elle se rende. Faites même un simulacre de siége, si cela est nécessaire. Vous aurez sans doute mis Macdonald, qui est frais, à là poursuite de l’ennemi, pour l’empêcher de se placer vis-à-vis de Komorn et l’obliger à se réfugier sur Pest. Je suppose que vous allez fait filer tous vos caissons vides par la route de Presbourg. J’ai envoyé trente caissons de 6, dix de 12 et trente d’obusier de 24, qui remonteront vos caissons, les chargeront et s’en reviendront. Vous ne devez pas craindre de manquer de munitions. Le duc d’Auerstaedt avait fait approcher de vous le général Gudin avec 6,000 hommes; mais il est nécessaire que le général Gudin ne passe pas Raab, et que même, s’il n’y a rien de nouveau, il puisse rejoindre le duc d’Auerstaedt. Cependant je n’en donne pas encore l’ordre, j’attends pour cela vos derniers renseignements. J’ai envoyé l’ordre à Marmont de venir à Graz. Aussitôt qu’il y sera arrivé, je vous ferai rejoindre par le reste du corps de Macdonald. Placez des partis sur votre droite, car, si Chas­teler ou Gyulai s’étaient dirigés par là, vous pourriez leur jouer un mauvais tour; cela est probable, ils ne doivent pas avoir beaucoup de cavalerie. J’ai envoyé 200 de mes chevau-légers polonais à OEdenburg pour me tenir éclairé de ce côté.

Puisque vous avez attaqué en échelons par la droite, pourquoi n’avoir pas mis vingt-cinq pièces de canon à la tête de vos échelons ? Cela eût fortifié votre attaque et intimidé l’ennemi. Le canon, comme toutes les autres armes, doit être réuni en masse si l’on veut obtenir un résultat important.

Je suppose que vous m’avez envoyé en poste le général que vous avez fait prisonnier et quelques officiers, afin que je puisse prendre des renseignements. Je suppose également que les prisonniers auront passé par les postes du duc d’Auerstaedt.

Vous trouverez ci-joint une copie de l’ordre du jour. Témoignez ma satisfaction à l’armée.

P. S. J’ai écrit à l’Impératrice et à la vice-reine.

 

Schönbrunn, 16 juin 1809.

Au comte Paradisi [6]Giovanni Paradisi, 1760-1826, président du Sénat du royaume d’Italie, à Milan

Monsieur le Président du Sénat de mon royaume d’Italie j’agrée, les sentiments que contient la lettre du Sénat du 28 mai; je connais l’attachement qu’il porte à ma personne et à la patrie. Je désire que mes peuples d’Italie sachent la satisfaction que j’ai éprouvée de leur conduite dans ces dernières circonstances. Ils ont repoussé avec mépris et indignation les suggestions calomnieuses et l’appel à la sédition et à la révolte qui leur a été fait par les princes de cette Maison ingrate et parjure dont le sceptre de plomb a pesé pendant tant de siècles sur notre Italie infortunée. Déchirée tour à tour par les factions de la cour de Rome et par celles des empereurs allemands, elle fut longtemps subjuguée et morcelée. La Providence m’a réservé la singulière consolation de la voir, réunie sous mes lois, renaître aux idées grandes et libérales que nos ancêtres, les premiers entre les modernes, proclamèrent après les âges de barbarie. Je ne suis pas moins satisfait du courage et de la bravoure qu’ont déployés mes troupes italiennes sur les bords de la Baltique, sur les bords de l’Ebre, comme sur ceux du Danube. Elles ont montré qu’elles étaient du sang des anciens Italiens.

 

Schönbrunn, 16 juin 1809.

Au général Caffarelli [7]Marie-François-Auguste Caffarelli du Falga, 1766 – 1849, le 4e des Caffarelli, ministre de la guerre du royaume d’Italie, à Schönbrunn

Monsieur le Général Comte Caffarelli, envoyez la lettre ci-jointe au commandant de l’escadre russe à Trieste. Écrivez au commandant français pour qu’il donne les autorisations nécessaires pour l’exécution dudit ordre. Donnez l’ordre à Palmanova pour qu’on fournisse les fusils, sabres, gibernes nécessaires. Enfin écrivez à Venise pour que quelqu’un soit chargé de dresser procès-verbal de la remise des différents objets. Ecrivez à mon commandant à Trieste d’approvisionner la citadelle pour 1,000 hommes pendant trois mois; qu’il pourvoie à son armement et y réunisse des munitions de toute espèce. Vous lui ferez connaître qu’il peut demander, si elles lui sont nécessaires, dix pièces d’artillerie de gros calibre pour défendre le môle. Je vous envoie sous cachet volant la lettre que j’écris au comman­dant russe, afin que vous en preniez connaissance pour donner les ordres nécessaires en Italie. Après, vous la cachetterez. Avant de faire partir votre officier, envoyez-le à M. de Czernitchef, qui lui donnera une lettre pour le commandant russe.

 

Schönbrunn, 16 juin 1800.

Au commandant de l’escadre russe, à Trieste

Monsieur le Commandant de l’escadre russe en relâche à Trieste, le général comte Caffarelli, mon ministre de la guerre, m’a fait connaître les bonnes dispositions que vous avez faites pour repousser l’attaque des Anglais. Mais, Trieste étant l’extrémité de ma ligne, le peu de garnison qui s’y trouve doit, en cas d’événement, se retirer dans le fort, ce qui compromettrait vos équipages. L’empereur de Russie, mon auguste allié, ayant déclaré la guerre à l’Autriche, a fait entrer en Galicie une armée russe sous le commandement du prince Galitzine. Dans cet état de choses, mon intention est que vous exécutiez ponctuellement les dispositions suivantes.

Vous ferez embarquer sur le transport que vous avez, et sur d’autres si celui-là n’est pas suffisant, toute votre artillerie, vos munitions de guerre, cordages, ancres, voiles, et généralement tout ce qui peut être utile et avoir une valeur, et vous dirigerez tous ces objets sur mon port de Venise. Les vaisseaux seront mis en désarmement et laissés sous la garde de quinze matelots, deux ou trois maîtres et deux officiers de marine. Avec tous vos équipages vous vous rendrez à Palmanova, où vous les organiserez en trois bataillons. On vous fournira là des fusils et un armement complet. Aussitôt que je saurai votre arrivée dans cette place, je vous enverrai l’ordre de vous diriger sur Vienne. Vous donnerez le même ordre à tous les hommes formant les équipages de la flottille que vous avez à Venise; ils consi­gneront leurs bâtiments à ma marine vénitienne sur procès-verbaux et états en règle, et ils se rendront à Palmanova, où ils formeront un quatrième bataillon et où ils seront armés.

La frégate la Diomède partira aussitôt qu’elle le pourra pour se rendre à Venise ou à Ancône.

Cet ordre est conforme aux intentions de l’empereur Alexandre, qui désire avoir des équipages dans la Baltique. Il est d’ailleurs nécessaire d’empêcher vos équipages de tomber, par les vicissitudes de la guerre, entre les mains des Autrichiens ou des Anglais.

Vos vaisseaux étant en mauvais état et incapables de naviguer, il ne faut pas, pour conserver de vieilles carcasses, exposer les armes russes à un affront et vos braves équipages à être prisonniers. Enfin vous ne sauriez mettre trop d’activité dans l’exécution du présent ordre; et, si des événements imprévus en empêchent l’entier accom­plissement, vous ne devez pas perdre de vue que votre premier soin est de sauver les hommes. Vous embarquerez vos pavillons et ne laisserez sur vos vaisseaux désarmés que la flamme russe, de sorte que les Anglais ou les Autrichiens, venant à Trieste, ne puissent prendre que des carcasses désarmées.

Si le commandant de Trieste le désire, vous pouvez laisser à Trieste dix pièces de 36 avec les affûts, l’armement et l’approvisionnement nécessaires pour la défense du môle. Si quelques pièces de canon et munitions de guerre pouvaient être utiles pour la défense de la citadelle, vous pouvez les laisser en faisan t dresser procès-verbal en règle.

 

Schönbrunn, 16 juin 1809

NOTE POUR LE GÉNÉRAL ANDRÉOSSY, gouverneur de Vienne

Faîtes arrêter un major nommé Werner et saisir ses papiers et un nommé Sauverau, ex-aumônier de la landwehr, actuellement logé chez le curé de … [8]en blanc dans le texte.

Envoyer des gendarmes d’élite déguisés à l’Aigle d’or de Klosterneuburg où il y a des hommes qui passent sur des radeaux pour communiquer avec l’ennemi.

 

Schönbrunn, 16 juin 1809

Au prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne

Écrivez au roi de Westphalie, commandant le 10e corps d’armée, que je n’ai aucune situation, que je ne reçois aucun rapport, que j’ignore où sont mes troupes, que, depuis dix-sept jours que l’affaire de Schill s’est passée, je n’en ai pas encore reçu de rapport officiel; que si, comme commandant du 10e corps, il ne correspond pas fréquemment avec vous et ne vous rend pas compte de tout ce qui intéresse ce corps d’armée, je me verrai obligé d’y nommer un autre commandant.

 

Schönbrunn, 17 juin 1809

A Joachim Napoléon, roi de Naples

Le général Lemarois, par une raison que je ne puis expliquer, a relâché à Rome les Espagnols qui n’ont pas prêté serment au roi d’Espagne. Ordonnez au général Miollis de les faire arrêter et tra­duire en France sous bonne et sûre escorte.

Recommandez au général Miollis et à la junte de ne souffrir à Rome aucun conteste avec les autorités, de faire arrêter et passer par les armes toutes les personnes qui s’opposeraient à la réunion. Faites passer Pacca (Bartolomeo Pacca, 1756 – 1844. Il sera fait prisonnier, en même temps que le pape, le 8 juillet) en France, ainsi que tout ce qui était ministre du Pape, hormis ceux dont on peut tirer des renseignements utiles.

Il faut aussi envoyer l’ancien agent de police. Le général Radet (Etienne Radet, 1762 – 1825.  C’est lui qui va bientôt arrêter le pape), avec 240 gendarmes, doit être arrivé à Rome. Qu’on mette la rigueur, la suite et la fermeté convenables dans ces mesures.

Quant au Pape, s’il met de l’opposition, il ne faut pas y faire plus d’attention qu’à un évêque ordinaire. L’immunité dont doivent jouir ses palais ne doit s’entendre qu’autant qu’il se soumettra de bon gré et ne fera rien contre la tranquillité intérieure de l’État.

 

Schönbrunn, 17 juin 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale , à Paris

J’ai reçu votre lettre du 10 juin. J’ai lu avec plaisir dans le bul­letin ce qui est relatif au chef de chouans qui a été détruit; il faut saisir son second. Cela prouve l’importance de ne point perdre de vue ce pays-là, et de frapper. Ils prennent de l’indulgence pour de la faiblesse.

Je vois avec plaisir que vous avez donné ordre au colonel Henry de séjourner; vous êtes le maître, lorsqu’il ne sera plus utile, de le faire aller ailleurs. Je crois que la promenade de ces 80 gendarmes d’élite dans les différents points de l’Empire ne peut être que très­ utile. C’est d’ailleurs leur véritable destination.

 

Schönbrunn, 17 juin 1809

Au général Clarke, comte d’Hunbourg, ministre de la guerre, à Paris

Je réponds à votre lettre relative au sieur Carnot (il s’agit bien de l’ancien ministre de la guerre, qui vient de demander à Clarke de reprendre du service)  et à la connaissance qu’il vous a donnée de l’état fâcheux de ses affaires (suite à un abus de confiance, Carnot a pedu la presque totalité de son patrimoine). N’aurait-il que contribué au déblocus de Maubeuge, il aura toujours des droits à ma reconnaissance et à mon intérêt. Comme ministre de la guerre, il a droit à une pension de retraite; présentez-moi un projet pour en fixer la quotité. Il est bon à beaucoup de choses. Je ne ferai point de difficulté de l’employer selon son désir. Enfin faites-moi connaître la nature de son embarras et ce qu’il faudrait faire pour l’en tirer entièrement.

 

Schönbrunn, 17 juin 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, envoyez un officier d’état-major visiter les ouvrages de Passau ; il en rapportera un plan, un état de situation, le nombre de pièces d’artillerie qui se trouvent dans chaque ouvrage, un état de l’approvisionnement de la place et un rapport sur la manière dont se fait le service, si chaque ouvrage a un commandant et si tout est disposé pour recevoir l’ennemi. Plus j’attache d’importance à Passau, et moins j’en entends parler. Le général Rouyer a fait la même chose en Pologne; il était devant Graudenz, et je ne pouvais en recevoir aucun renseignement. Mon intention est que vous chargiez le général Bourcier du commandement de Passau et des frontières depuis Ratisbonne, et du haut Palatinat. Vous lui ferez connaître qu’il aura sous ses ordres le régiment provisoire de dragons qui est à Ratisbonne, et un autre que vous donnerez ordre au général Beaumont de lui faire passer. Il nommera un général de brigade, de ceux qui sont au dépôt, pour commander ces deux régiments, et avec cela il fera respecter ces frontières, et en cas d’événements il se repliera sur Passau. Il pourra joindre aux partis qu’il enverra pour éclairer le pays quelques compagnies de la division qui sera sous son commandement. Vous lui ferez connaître également que la défense de Passau, son armement et son approvisionnement le regardent; que tout est sous ses ordres; que j’entends avoir tous les jours un rapport sur les progrès des travaux et sur la situation des approvision­nements de guerre et de bouche, un second rapport sur le dépôt de cavalerie, et un troisième sur les frontières de Bohême. Si l’estafette ne passe pas par Passau, il enverra un courrier porter ses dépêches à Linz ou à Braunau; il s’arrangera pour cela. Recommandez au gé­néral Bourcier que, si les landwehr sortent de leurs montagnes, il leur donne de bonnes leçons; qu’il donne aux ouvrages avancés de Passau des commandants permanents; que, vingt-quatre heures après la réception de votre ordre, il y ait au moins deux ou trois pièces de canon dans chaque ouvrage, et que le génie donne des noms à chacun de ces ouvrages pour qu’on s’entende; qu’au lieu d’écouler les réclamations contre les démolitions il les fasse faire toutes dans le même instant, en promettant des indemnités. Écrivez au général Bourcier pour savoir combien de chevaux il a achetés, combien d’argent il a à sa disposition, où en est la confection des selles et quelles mesures il a prises pour cet objet. Recommandez-lui d’accélérer l’arrivée de l’artillerie qui doit être envoyée d’Angsbourg pour armer Passau. Il y a six pièces à Straubing, il faut les faire venir ; il y a six pièces à Rain, à la tête de pont du Lech, il faut également les faire venir. Qu’il prenne des mesures pour procurer au général Rouyer quatre pièces de canons bavarois attelés, afin d’en donner aux colonnes qu’il jugera à propos de faire marcher pour contenir l’ennemi. Ainsi vous ferez connaître au général Beaumont que tout ce qui regarde la surveillance du haut Palatinat, avec deux régiments provisoires de dragons, est sous les ordres du général Bourcier.

 

Schönbrunn, 17 juin 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Écrivez au duc de Danzig que je n’ai pas de nouvelles, ni de l’ar­mement de la tête de pont de Linz, ni de la situation de cette place, ni de la manière dont sont placées ses troupes, ni de ce qui se passe du côté de Salzburg, ni de la situation de l’ennemi en Bohême, ni du placement de ses postes; qu’il fasse des expéditions pour avoir des prisonniers, tenir l’ennemi en haleine et l’inquiéter de toutes les manières; que je l’autorise même, si l’ennemi n’était pas en force, à pousser jusqu’à Mauthausen et Freystadt; que je lui recommande de fournir journellement 3,000 travailleurs bavarois pour la tête de pont, qu’il faut rendre inexpugnable; qu’il vous fasse savoir si la redoute à l’embouchure de l’Enns, vis-à-vis Mauthausen, est com­mencée; qu’il envoie des rapports sur tout cela et sur la situation du pays de Salzburg, sur lequel nous sommes sans nouvelles.

 

Schönbrunn, 17 juin 1809,

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Le major général renverra cette lettre (lettre non retrouvée) au duc de Ragusc, en lui demandant s’il est vrai qu’il ait abandonné 400 blessés au milieu de la Croatie.

Schönbrunn, 17 juin 1809, quatre heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, je suis fâché que les prisonniers faits par le vice-roi ne passent pas de votre côté ; ils auront passé par OEdenburg. Je suppose que le vice-roi aura laissé le général Lauriston vis-à-vis Raab. Il faut bombarder cette ville des deux côtes pour essayer de l’avoir. Je pense que vous pouvez rapprocher le général Gudin de vous, et que le bataillon hessois avec la cavalerie du général Lasalle sont (sic) suffisants pour surveiller les bords de la rivière et investir Raab. Faites votre affaire particulière de rétablir les ponts. Donnez ordre au général Lasalle de favoriser l’évacuation des blessés du vice-roi sur OEdenburg et Bruck, du côté de Vienne. Chargez votre ordonna­teur d’établir un hôpital à OEdenburg, afin que, si j’ordonnais un mouvement rétrograde de l’armée du vice-roi sur Vienne, rien ne l’embarrassât. Je vous enverrai ce soir plusieurs milliers de proclamations.

Envoyez-nous, par réquisition ou autrement, 2,000 bœufs, que vous prendrez depuis Raab jusqu’à la position que vous occupez. Si, à présent que vous vous êtes étendu et que votre cavalerie est en seconde ligne, vous pouvez nous envoyer aussi quelques milliers de quintaux de farine, ne manquez pas de le faire.

Je suppose que le général Lasalle aura placé des postes au confluent du Danube et de Wieselburg au Donau (sic), afin que rien ne puisse sortir de la place.

 

Schönbrunn, 17 juin 1809, quatre heures après midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönvö

Mon Fils, je reçois votre lettre du 16, que m’apporte l’officier d’état-major Fontenilles. J’y remarque deux omissions: 1° vous ne mettez point l’heure; 2° vous ne relatez point celle de mes lettres à laquelle vous répondez.

Je désirerais connaître les régiments auxquels appartiennent les prisonniers que vous avez faits, la route que vous leur avez fait tenir. Vous devriez les faire passer par chez le duc d’Auerstaedt.

J’apprends avec plaisir que les ponts sont établis sur la Raab; désormais c’est par là qu’il faut communiquer. Je vous ai écrit hier 16 à cinq heures du soir. J’insiste sur la nécessite de bombarder Raab jusqu’à ce qu’elle se rende ; mais il était naturel que le commandant ne se rendît que lorsqu’il saurait que les princes étaient battus et en fuite. Il faut lui envoyer un parlementaire pour lui faire part de ce qui se passe et le rendre responsable des malheurs auxquels il exposerait une si grande ville et sa nombreuse population, et après cela, commencer le bombardement des deux côtés.

Si l’ennemi a un pont à Komorn, j’espère que vous l’aurez abattu en lançant dessus des moulins et de grands bateaux chargés de pierres.

Hier à huit heures du soir, le major général vous a écrit pour vous demander des renseignements sur Raab et sur le système de défense pratiqué tout autour; faites-en faire la reconnaissance. Je vous envoie les plans de Raab, de Komorn, tels qu’ils se sont trouvés au Dépôt de la guerre. Ces plans sont très anciens; depuis, Raab avait été négligée, et l’opinion était à Vienne qu’elle était en mauvais état. Je suppose que vous avez laissé Lauriston vis-à-vis Raab; envoyez-lui ce plan, il peut être bon à quelque chose.

Faites évacuer vos blessés sur Bruck, chemin de Vienne, et sur OEdenburg, de sorte que vous puissiez, si cela est nécessaire, vous reporter sur Vienne à grandes marches sans rien laisser derrière vous. Si vous avez quelques embarras ou des caissons non attelés, faites­ les passer du côté de Bruck. Envoyez les caissons vides de votre parc pour les remplir. Faites donner les deux pièces de canon que vous avez prises au régiment qui s’est le plus distingué, et qui les attellera et s’en servira avec une escouade de canonniers volontaires.

Comme l’officier qui a apporté hier votre lettre est parti hier à deux heures après midi et qu’il est actuellement quatre heures, qu’il est ainsi resté vingt-six heures en route, que je suppose que vous m’aurez écrit hier soir, et que je dois recevoir une lettre de vous dans la journée, je ne vous donne aucune instruction. Répandez à force par des partis les proclamations aux Hongrois que je vous envoie, et tâchez d’avoir des nouvelles. Si Raab se défend longtemps, assurez vos ponts et votre passage par une tête de pont. J’ai ordonné au duc d’Auerstaedt de vous envoyer des pontonniers et des marins, pour qu’on construise deux beaux ponts.

Schönbrunn, 17 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie

Mon Fils, j’envoie le général Caffarelli en Italie pour prendre le commandement supérieur de toutes les troupes qui se trouvent dans le royaume et pourvoir à la sûreté des provinces et des places. Je le charge de presser la réunion et l’organisation de tous les détachements qui doivent partir des dépôts, qui doivent se former à Osoppo et de là rejoindre les bataillons de guerre. Il vous rendra des comptes, comme au commandant en chef de mon armée d’Italie.

 

Schönbrunn, 17 juin 1809.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie,

Mon Fils, vous trouverez ci-joint le rapport que me fait mon officier d’ordonnance. Ces 80 caissons arrivent aujourd’hui, 17, devant Presbourg. Je suppose que vous avez déjà fait filer vos caissons vides à leur rencontre, afin de charger les munitions. Ne laissez toucher à aucun caisson, à aucun cheval, à  aucun homme, vu qu’ils appartiennent à d’autres corps ; vous devez seulement prendre les munitions.

 Prenez des mesures efficaces pour faire faire des ponts sur la Raab afin d’avoir votre communication directe.

 

Schönbrunn, 17 juin 1809

Au général comte Lariboisière, commandant l’artillerie de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur le général de Lariboisière , on me rend compte qu’il n’y a point d’artillerie en batterie à Passau. Ordonnez que l’on en envoie d’Augsbourg et d’Ingolstadt, et de la tête de pont de Rain, où il y en a, je crois, six pièces. Ordonnez, en attendant, que l’on place, en les prenant à la citadelle de Passau, deux pièces de canon dans chacun des ouvrages avancés de la droite de l’Inn, total, six pièces; trois dans l’ouvrage sur les hauteurs de l’enceinte, six autour de la ville, trois dans l’ouvrage en avant de Passau; total général, dix-huit pièces. Cela sera bien faible, mais au moins cela mettra les ouvrages à l’abri de la cavalerie et des landwehr. Faites-moi connaître avec un plan quel doit être l’armement de cette place, le per­sonnel et le matériel d’artillerie qu’il y a, et ce que je puis espérer si cette place était attaquée. La division alliée et les dépôts de cavalerie qui sont là n’ont aucune artillerie; s’il n’y en avait pas de disposée dans les ouvrages, ils ne pourraient pas se défendre contre une attaque. II y a aussi à Straubing six pièces de canon, faites-les venir à Passau.

 

Schönbrunn, 17 juin 1809.

A Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, commandant le 10e corps de l’armée d’Allemagne, à Cassel

Mon Frère, je n’ai point de nouvelles de la prise de Stralsund, ni de Schill. Je suppose que vos courriers auront été interceptés.

Je vous ai mandé, et vous l’aurez probablement fait, de réunir la division Gratien soit sur Magdeburg, soit sur Wittenberg, afin de vous trouver à même de fortifier, s’il est nécessaire, le roi de Saxe. La division hollandaise a deux compagnies d’artillerie légère; elle en a, je crois, une de trop. Si cela est, envoyez-en une à Passau. J’ai formé un corps d’observation dans le haut Palatinat sous le commandement du général Bourcier. Un régiment de cavalerie qui est à Ratisbonne, et qui fait partie de ce petit corps, doit patrouiller dans le haut Palatinat. Les Autrichiens menacent sur toute la ligne de faire des invasions sur les derrières; déjà les seules gardes nationales ba­varoises sont égorgées dans leurs postes; ils annoncent partout de 7 à 8,000 hommes; le fait est que ce sont des partis qui ne tiennent pas. L’ordre du jour ci-joint vous fera connaître de quelle manière la droite de mon armée a célébré l’anniversaire de Marengo (ordre du jour relatant la victoire de Raab).

 

Schönbrunn, 17 juin 1809.

Au général comte Caffarelli, ministre de la guerre du royaume d’Italie, à Schönbrunn

Monsieur le Général Comte Caffarelli, vous partirez sans délai pour l’Italie. Vous prendrez les dépêches de M. de Champagny, que vous ferez partir par mer pour la Bosnie. Arrivé en Italie, vous expé­dierez par un courrier la lettre ci-jointe au roi de Naples. Les troupes qui sont dans les Etats du Pape font partie de mon armée de Naples. Vous prendrez le commandement supérieur des autres troupes qui sont en Italie, et vous pourvoirez à la sûreté de mes provinces et de mes places d’Italie. Vous aurez soin que les généraux qui commandent à Venise et dans le Frioul vous écrivent, et vous prendrez des mesures selon les circonstances. Lemarois va se rendre à Osoppo pour mettre en ordre et organiser en colonnes les détachements qui doi­vent s’y réunir, pour de là venir renforcer les corps qui sont à l’armée. Si quelque événement rendait nécessaire la présence de quelques forces en Italie, vous vous concerterez avec le prince Borghèse, gouverneur général du Piémont, qui a quelques troupes à sa disposition. Ecrivez exactement au ministre de la guerre en France pour l’instruire de ce qui se passe. Ecrivez aussi au vice-roi, qui conserve le commandement général de mon armée d’Italie.

Du 25 juin au 2 juillet, 4,000 hommes d’infanterie et 1,000 hommes de cavalerie doivent être réunis à Osoppo. Donnez ordre que cette colonne soit mise en ordre et, après qu’elle sera bien organisée, se dirige par Klagenfurt pour rejoindre l’armée en marchant toujours réunie et bivouaquant tous les soirs, comme en temps de guerre.

 

Schönbrunn, 17 juin 1809.

A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples

Je reçois la lettre de Votre Majesté, du 8 juin. Vous aurez appris dans ce moment la mort de Lannes et de Saint-Hilaire. Durosnel et Fouler (Albert-Louis-Emmanuel de Fouler, 1769 – 1831) ont été faits prisonniers dans des charges très-éloignées.

Je désirerais beaucoup que vous fussiez près de moi. Mais dans ces circonstances il est convenable que vous ne vous éloigniez pas de Naples. A une autre campagne, lorsque les choses seront tout à fait assises de votre côté, il sera possible de vous appeler à l’armée.

Vous aurez vu par mes décrets que j’ai fait beaucoup de bien au Pape; mais c’est à condition qu’il se tiendra tranquille. S’il veut faire une réunion de cabaleurs, tels que le cardinal Pacca, il n’en faut rien souffrir et agir à Rome comme j’agirais envers le cardinal-archevêque de Paris. J’ai voulu vous donner cette explication. On doit parler au Pape clair, et ne souffrir aucune espèce de conteste. Les commissions militaires doivent faire justice des moines et agents qui se porteraient à des excès.

Une des premières mesures de la Consulte doit être de supprimer l’Inquisition.

 

Schönbrunn, 18 juin 1809, neuf heures du malin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö (aujourd’hui Gönyü, sur la route entre Györ et Komaron – 12.000 fantassins se trouvent autour de ce village, l’avant-garde s’installant à Acs, où se trouve, en fait, Eugène, au château du comte Zichy – source : F. Wöber) )

Mon Fils, l’officier de vos gardes d’honneur Frangipani, d’Udine, arrive et m’apporte votre lettre datée de Gönyö, à midi, sans indication du jour. Comme cet officier m’assure être parti hier à quatre heures après midi, j’en conclus que votre lettre est du 17. Je fais sur cette lettre la même observation que sur les autres. Par les renseignements que me donne votre officier, je suppose que mon officier d’ordonnance Chlapowski (Désiré Chlapowdki, 1788 – 1879, officier polonais au service de la France), parti d’ici le 16 à cinq heures après midi, vous était arrivé. Il est bien important de commencer toujours vos lettres par m’accuser la réception de celles auxquelles vous répondez.

Je vous ai fait écrire ce matin par le major général que votre prin­cipale route était par Raab, Abda, passant là la Rabnitz, Wieselburg, Bruck (Bruck an der Mur) et Vienne; que c’est par là qu’il faut diriger vos blessés et tous vos embarras; que vous devez envoyer quelqu’un commander à Bruck, pour vous servir de poste intermédiaire et vous instruire. Vous pouvez également, ayant besoin de communiquer avec OEden­burg, passer par Arpas, Egyed, Kapuvar, Szent-Miklos et OEdenburg; mais il faut tout à fait abandonner la route de Szany et Papa, qui est indéfendable, ainsi que toute autre communication avec Graz que celle par Neunkirchen, OEdenburg, et de là sur vous. Dans toute opération, le premier soin est de bien établir sa ligne. Vous avez fait une faute en envoyant vos prisonniers par l’ancienne route; il y avait à parier un contre vingt qu’ils seraient délivrés (ils ont en effet été repris le 16 juin, près de Sárvár, sur la route d’OEdenburg). Il faut dé­sormais les faire passer par la route directe. Il fallait surtout faire passer par cette route les généraux et quelques officiers prisonniers, en les faisant voyager en poste et en toute diligence.

Voici la note des lettres que j’ai reçues de vous depuis le 15; si vous m’en avez écrit d’autres, je ne les ai pas reçues. S’il y avait des lettres perdues, envoyez-m’en des copies. J’ignore donc si l’ennemi a un pont à Komorn, et s’il a pu passer sur la rive gauche.

Il n’y a pas de difficulté que vous vous appuyiez sur Raab, car c’est par Bruck que vous devez venir sur Vienne, et non par Papa. Je crois vous avoir mandé de faire jeter un pont sur la Rabnitz, et de faire construire une tête de pont sur la Raab. Je vous ai aussi recommandé d’envoyer vos caissons vides, aussitôt que le pont sera terminé, sur la direction du duc d’Auerstaedt; si vous les aviez dirigés par votre ancienne route, ce serait un grand malheur. La chose importante aujourd’hui est de prendre Raab et de disperser les 5,000 hommes qui sont sur vos flancs, en continuant d’éclairer Komorn, de faire des ponts sur la Raab, afin que le duc d’Auerstaedt puisse venir à votre secours, s’il était nécessaire, et vous-même pas­ser de l’autre côté de la Raab aussitôt que j’en aurai besoin. Je n’ai point d’autres instructions générales à vous donner : culbuter le pont de Komorn, battre le pays et répandre un grand nombre de proclamations, prendre Raab, avoir des ponts pour votre communication avec Vienne, envoyer des partis sur votre droite et tâcher de culbuter les 5,000 hommes. Quant au pays à garder, évacuez vos blesses sur OEdenburg, par la route la plus près de vous, et sur Bruck. Il y a même une route qui va de Raab à OEdenburg, que vous pouvez prendre, et qui part des faubourgs de Raab par la rive gauche de la Raab; cela vous évitera de descendre jusqu’à Abda. Toutefois il faut avoir des postes, et vous maintenir maître et à l’abri de tout événement jusque-là.

P. S. J’ai envoyé le général Vignolle [9]Martin Vignolle, 1763 – 1824 pour être employé auprès de vous en qualité de chef d’état-major. Le général Charpentier [10]Henri-François-Marie Charpentier, 1769 – 1831 ne donne pas de ses nouvelles et ne prend pas les mesures qui regardent l’état- major. Vous pouvez le garder comme inspecteur, ou sous tout autre titre. Faites lever toute la Raab.

Metternich part d’ici aujourd’hui à midi et couche à Bruck; le 19 il couchera à Altenburg, Vous ferez connaître aux avant-postes qu’il est arrivé avec sa légation pour être échangé, selon ce qui a été convenu entre les deux états-majors, et vous demanderez si l’on a fait venir mon chargé d’affaires Dodun avec les personnes qui composent la légation française. M. de Metternich restera à Altenburg jusqu’à ce qu’on vous ait répondu ; et, lorsque Dodun sera arrivé aux avant­ postes, l’échange se fera en règle, selon les instructions données à l’officier d’état-major qui en est chargé. Vous ferez partir immédiatement Dodun pour venir en toute diligence me rendre compte de ce qu’il peut savoir. J’ai ordonné que de Neustadt on m’envoyât les courriers qui vous sont adressés. J’ai ouvert plusieurs paquets pour savoir ce qu’il y avait de nouveau en Italie.

Je vous ai mandé que j’avais envoyé Caffarelli en Italie pour commander les troupes et, en cas d’événements imprévus, prendre les mesures nécessaires. J’ai écrit à Graz et à Marmont, je n’en ai point de nouvelles.

 

Schönbrunn, 18 juin 1809, midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, le chef d’escadron Devaux arrive aujourd’hui 18 à midi; il m’apporte votre lettre du 16 à dix heures du soir. Il m’assure qu’il n’est parti que le 17 au matin. Pourquoi le général Charpentier retarde-t-il ainsi vos dépêches ?

Vous aurez vu par mes dernières lettres que mon intention était que vous prissiez Raab, et que vous établissiez votre communication d’une manière permanente avec le duc d’Auerstaedt. Déjà quelques mortiers et obusiers vous ont été envoyés. La prise de Raab est importante. Tous les renseignements font connaître qu’il n’y a pas plus de 1,000 à 1,200 hommes dans cette ville; ainsi elle ne peut pas être défendue. Voici les rapports du chef d’escadron Devaux. Il a été pour passer à Gyirmoth, et il n’y avait pas de pont. Si le général Charpentier l’eût bien dirigé, il l’eût dirigé sur les faubourgs de Raab, où il eût passé au pont que fait construire le général Lasalle. N’ayant pas trouvé de pont à Gyirmoth, il est descendu à Teth; il a passe par Bodonhely et par les villages de Pordany et de Pasztori, où il a rencontré un escadron du 3e de chasseurs, qui lui a fait connaître qu’il ne pouvait pas passer à Kapuvár. Cet escadron observait 3 ou 400 insurgés, qui, à ce qu’il paraît, étaient coupés. Il a donc passé par Csorna, Szent-Janos, est descendu à Eszterhaz et de là a été à OEdenhurg. Marulaz n’avait sans doute pas encore reçu votre ordre. Je suppose que, lorsqu’il l’aura reçu, il se sera mis à la poursuite de cette colonne et vous en aura débarrassé, au moins sur la route directe qui conduit à OEdenburg. Les deux archiducs ayant passé Komorn, laissez des troupes pour conserver ce point, laissez des troupes sur votre droite pour corriger MM. les insurgés, et poussez vivement le siége de Raab. Faites un grand nombre de ponts sur cette petite rivière, de manière à avoir votre double communication d’OEdenburg à Raab, d’OEdenburg à Neunkirchen et de là en Italie, de Raab à Bruck et de Bruck à Vienne. Jetez à terre le pont de l’ennemi à Komorn. Chargez Lauriston de commander ce siége. Quant à Bude, il n’y a rien à faire : c’est une place forte; et Pest est de l’autre côté du Danube; il ne doit pas en être question. Ayez soin de chercher une bonne position pour couvrir le siége de Raab, et de vous éclairer très au loin. Je vous ai dit plusieurs fois, et je vous le répète, de diriger sur Bruck vos blessés, vos embarras, vos caissons vides, vos prisonniers, etc.

Nous n’avons point ici l’usage des parlementaires, il ne faut point en recevoir : cela n’est bon à rien dans votre position ; les lettres doivent être remises aux avant-postes de cavalerie. Ainsi, pour l’échange du sieur Dodun, il faut qu’aucun Autrichien ne dépasse les vedettes du général Montbrun. Si un trompette autrichien se pré­sente, un officier du général Montbrun doit aller à sa rencontre; mais je veux qu’aucun officier ni soldat français ne cause avec eux, honnis le général Montbrun ou l’officier qu’il désignera, et cela doit se faire hors la ligne de mes avant-postes. De même, si l’on a quelque chose à communiquer aux Autrichiens, il faut le faire remettre à leurs avant-postes.

P. S. J’écris au duc d’Auerstaedt de renforcer le bataillon hessois du général Lasalle par un ou deux bataillons du général Gudin, en attendant que vous ayez pu faire investir la place de tous côtés; mais en général je désire que le général Lauriston soit chargé de l’entier investissement; c’est le moyen d’avoir de l’ensemble et de l’ordre. Je laisserai la division Gudin en position de vous soutenir, jusqu’à ce que je sache si le pont de Komorn est détruit ou non et quel est le parti définitif que prend l’ennemi; mais je n’en désire pas moins que la division Gudin tout entière soit prête à se porter sur Vienne, sans qu’aucun détachement soit retenu. Il doit être facile d’avoir des nouvelles de la rive gauche, en se servant de barques et en enlevant quelques bourgmestres ou patrouilles ennemies.

 

Schönbrunn, 18 juin 1809, deux heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kitsee

Mou Cousin, j’ai reçu votre lettre du 18 à quatre heures du matin.

L’intendant général vous envoie des commissaires et des employés pour que vous procuriez 2,000 bœufs el 2,000 quintaux de farine, indépendamment des 1,000 sacs de farine et des 1,000 sacs de blé que vous avez pris et que vous avez dirigés sur Vienne. Le vice-roi n’a ni pièces de 8 ni pièces de 4; tout ce qu’il a est du calibre de 3 et de 6, et les obusiers, de 24. La chose la plus importante, c’est d’établir des ponts sur la Raab, un dans l’île où est le général Piré, un près du faubourg de Raab, et cependant hors de la portée du canon de la place, et un autre plus loin. La ligne d’opération du vice­ roi doit passer près de Raab et se diriger sur Bruck. Donnez ordre qu’on établisse des hôpitaux dans cette place. Vous-même évacuez tous vos blessés et tous vos embarras, afin de pouvoir le plus promptement possible vous reporter sur Vienne, si les circonstances l’exigent. Une fois les ponts établis sur la Raab, il est nécessaire qu’on fasse le siége de la ville. De votre côté vous y emploierez les pièces de 12 et les obusiers que vous avez. Le vice-roi emploiera de son côté ce qu’il aura, et son armée prendra une bonne position près de Raab pour protéger le siège de la place. Mon intention est que le vice-roi resserre la place des deux côtés avec ses troupes; mais, pour qu’il n’y ait aucune lacune, il est convenable que vous fassiez soutenir le bataillon hessois par deux bataillons d’infanterie; cela ménagera la cavalerie du général Lasalle, qui est nécessaire sur la droite. Le général Piré a trop de deux régiments dans l’île, un suffît; l’autre pourrait repasser pour se réunir à la cavalerie du général Lasalle, qui alors disposerait de toute la brigade Bruyère pour l’envoyer sur la droite soutenir le général Marulaz, couper et prendre les partis d’insurgés qu’il peut y avoir de ce côté. Il paraît qu’un corps d’infanterie et de cavalerie de l’insurrection, probablement celui destiné à garder le camp retranché, aurait été pour tourner la gauche du vice-roi, et que, n’ayant pas pu rentrer ensuite dans la place, il s’est retiré sur Kapuvar, Szany et Papa. Il est bien nécessaire que la route de Raab par Szill, Kapuvar et OEdenburg soit protégée, et même qu’on tombe dessus ces insurgés du côte de Papa el qu’on tâche de les prendre. Le vice-roi a donné au général Marulaz, qui était à Téth, ordre de faire un mouvement pour cet objet; mais la brigade du général Bruyère sera très-utile pour appuyer ce mouvement.

Faîtes mettre une compagnie d’infanterie à Bruck, afin d’être bien sûr de ce poste.

Metternich part aujourd’hui à midi et se rend à Bruck; il couchera demain 19 à Altenburg, et attendra là des nouvelles du vice-roi et de l’arrivée du sieur Dodun aux avant-postes autrichiens.

Faîtes-moi connaître ce que c’est que le château de Kitsee. Combien faudrait-il d’hommes pour sa défense? Combien de jours pourrait-il tenir ?

En résumé, donnez ordre au général Lasalle de porter toute son attention à purger la droite, à jeter des ponts pour communiquer avec le vice-roi et à réunir tous les matériaux pour le siége.

J’approuve que le général Gudin reste là en réserve, et fournisse les renseignements nécessaires pour cerner la ville, en attendant que le vice-roi puisse y pourvoir.

 

Schönbrunn, 18 juin 1809, trois heures après midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, les bruits de Vienne sont que la consternation est à Bude et que tout déménage pour passer sur la rive gauche. Le prince de Teschen, qui était en Hongrie, s’est retiré du côté de la Silésie autrichienne. Le pont de Komorn est abattu, comme je l’espère, car, s’il n’a pas d’estacade, il est impossible qu’il résiste aux barques que vous y lancerez et surtout aux moulins, alors l’ennemi ne peut plus rien entreprendre sur vous. Vous pouvez laisser un corps d’observation pour observer Komorn et le tâter, en inondant la plaine de partis et de proclamations, en cantonnant vos troupes entre Komorn et Raab, en donnant tous vos soins à pousser vivement le siège de Raab, et ayant soin de faire cela insensiblement, sans que cela puisse paraître être un mouvement rétrograde. Vous aurez soin alors de chasser les partis d’infanterie ennemie qui seraient sur votre droite, par la voie des corps d’observation.

 

Schönbrunn, 18 juin 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je vous envoie un nouveau bulletin que l’on adresse au roi de Hollande. Tâchez d’en découvrir l’auteur et faîtes-le arrêter. C’est un homme animé du plus mauvais esprit et qui travaille à éloigner ce prince de la ligne de ses devoirs.

 

Schönbrunn, 19 juin 1809, neuf heures du matin

Mon Cousin, je reçois votre lettre. Vous ne me parlez plus des 2,000 quintaux de farine et de blé qu’il nous importe fort d’avoir. Veillez à ce que tous les caissons qui ont été envoyés au vice-roi reviennent promptement; sans quoi le parc de l’armée serait bientôt désorganisé. Ecrivez au général Lasalle de ne pas laisser les caissons passer la rivière; ceux du vice-roi peuvent venir à la rivière prendre les munitions.

Les ponts sont bien nécessaires.

Moyennant les trois pièces de 12 que vous avez fournies et les quatre de l’armée d’Italie, Lauriston doit en avoir sept. Je viens d’ordonner qu’on envoie d’ici quatre pièces de 18 et deux obusiers prussiens. J’ai ordonné que cela partît pour Ebersdorf, où cela sera relayé par les chevaux de l’artillerie du général Oudinot, qui de là iront à Hainburg, où ils seront relayés par vos chevaux; et que cela continue ainsi de relais en relais jusqu’à Raab pour arriver en deux on trois jours. Commandez ces relais. Tout porte à penser que, si on fait vite, Raab ne se défendra pas longtemps, et que, si vous placez vos relais, le secours de ces bouches à feu peut arriver demain ou après.

 

Schönbrunn, 19 juin 1809, dix heures du matin

Au général comte Lauriston, commandant les troupes détachées du 4e corps, au faubourg de Raab

Monsieur le Général Lauriston, je reçois votre lettre. Je vois que vous avez déjà trois pièces de 12; l’approvisionnement doit vous être arrivé. Demandez au vice-roi sept ou huit obusiers. Il me semble que le général Macdonald avait aussi deux pièces de 12. Cela augmenterait donc vos pièces. Je viens d’ordonner qu’on envoyât d’ici quatre pièces de 18 et deux obusiers prussiens. Cela marchera conti­nuellement, parce que cela prendra les relais de l’artillerie du duc d’Auerstaedt.

Il est bien important d’avoir la ville, mais il est encore plus important d’avoir deux ponts, un dans l’île du côté où est le général Piré et l’autre près du faubourg, mais hors de la portée du canon de la place.

Renvoyez sur-le-champ à Vienne vos deux obusiers hors de ser­vice; au parc on leur remettra le grain. Renvoyez également à Vienne vos caissons vides; on les remplira. Ecrivez au général Sor­bier pour que tous les caissons vides qu’il peut avoir soient aussi dirigés sur Vienne, où ils seront remplis. Faites faire des gabions et des saucissons. Je suppose que le général de l’artillerie de l’armée d’Italie vous aura fourni la valeur du personnel de deux compagnies et quelques officiers.

Je désire que vous m’écriviez deux fois par jour.

Je n’ai pas encore vu un seul prisonnier fait depuis le départ du prince Eugène.

 

Schönbrunn, 19 juin 1809, dix heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, le projet que vous me présentez de passer sur la rive gauche du Danube vis-à-vis la position où vous êtes est un projet impraticable. Je n’entrerais dans aucun détail, si je n’étais persuadé que vous lisez mes lettres avec attention et que vous profitez de tout cela pour votre instruction. Il y a de l’endroit où vous êtes à Vienne six marches de troupes. Si j’avais un pont dans cette position où vous vous trouvez, je ne pourrais pas y passer le Danube; car, pendant que je passerais, le prince Charles, avec la grande armée autrichienne, passerait le fleuve derrière moi, à Vienne. En deux jours il aurait fait un pont. Or Raab ne vaut pas Vienne; mon centre et ma ligne de communication seraient bouleversés, et je me trouverais dans une fâcheuse position. Si je voulais passer le Danube à une si grande distance de Vienne, qui m’empêcherait de le passer à Linz, où j’ai un superbe pont et où je me trouverais dans une position bien différente, car je couvrirais mes derrières et je n’aurais rien à craindre devant moi, puisque les rivières de la Traun et de l’Enns couvriraient Linz ? Ainsi je ne voudrais pas passer dans la position que vous m’indiquez, quand même j’y aurais un pont de  pierre. Actuellement, comment songer à passer en avant de Raab, n’ayant rien sur notre droite qui nous couvre de Bude et de toute la Hongrie, et qui garantisse ma ligne de communication de l’endroit où vous êtes avec Vienne? Car vous n’avez de ce côté aucune position. Mais, en supposant que je passe sur la rive gauche, où mar­cher ensuite ? Contre la grande armée autrichienne b? Je ne la trouverai plus; elle sera sur la rive droite, se sera rendue maîtresse de Vienne, et, d’accord avec les Hongrois de Bude, viendra attaquer ma tête de pont de la rive droite; et d’ailleurs il me faudrait un autre corps pour tenir en observation du côté de Komorn, ce qui serait un immense et terrible inconvénient. Le projet que vous présentez est donc fondé sur un faux raisonnement, car passer le Danube n’est rien. J’ai un pont à Passau, j’en ai un à Linz. Si on voulait jeter un pont sur la rive gauche de votre côté, il faudrait faire celte opération au-dessus de Raab, afin d’être protégé par cette ville qu’on supposerait occupée par nous. Jusqu’ici j’ai supposé que j’avais un pont de pierre dans la position que vous m’indiquez, mais je ne pourrais y avoir qu’un pont de bateaux, qui serait bientôt détruit par l’ennemi, comme l’ont été ceux de Vienne; il faudrait donc y établir une estacade. J’en ai une enfin; mais voilà quinze jours qu’on y travaille. Vous croyez que le Danube vis-à-vis la position où vous êtes n’est pas large: Vous vous trompez; il doit avoir deux cent soixante toises au moins, et n’a qu’un seul courant, par conséquent très­ rapide. A la position d’Ebersdorf, j’ai aujourd’hui un pont sur pilotis, où trois voitures de front peuvent passer, et qui est aussi solide qu’un pont de pierre; j’ai donc des ponts, où toute mon armée peut déboucher sur trois colonnes en huit heures et manœuvrer sur les deux rives. Enfin j’ai deux superbes têtes de pont sur l’une et l’autre rive, qui me permettent également ces manœuvres.

Il faut tâcher d’avoir quelques bateaux, pour enlever sur la rive gauche quelques postes ennemis et quelques bourgmestres, qui vous donneront des nouvelles. Je crois cela très à propos. Votre seul but désormais doit être : 1° de faire croire que vous allez à Bude et que vous n’attendez que votre artillerie de siége pour vous y porter; 2° d’inonder la Hongrie des proclamations aux Hongrois et des autres écrits publiés à Vienne; 3° de prendre Raab ; 4° de bien assurer, en attendant la reddition de cette ville, votre retraite derrière la rivière de Raab, en cas de bataille; 5° de vous défaire de tous vos embarras et d’évacuer tous vos blessés sur Vienne; 6° de rappeler toutes les garnisons, commandants et hôpitaux que vous avez sur diffé­rentes lignes, pour ne garder que ceux de la ligne de Raab à OEdenburg par Kapuvár, et ceux de la ligne de Raab à Bruck. Enfin ne conservez aucun embarras, car, aussitôt que Raab sera pris, et même sans attendre cette circonstance, je puis vous ordonner de venir à grandes journées sur Ebersdorf, et vous sentez que pour cela il faut que vous soyez allégé de tous vos embarras.

 

Schönbrunn, 19 juin 1809.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, comme vous ne répondez pas à tous les articles de mes lettres, je prends le parti de mettre les titres à la marge, afin que vous m’y répondiez article par article.

Prisonniers. On n’a pas encore vu à OEdenburg un seul de vos prisonniers. Cependant les 400 que vous avez faits du côté de Körmönd devraient y être arrivés depuis longtemps. L’état-major, ici, n’a pas encore le nom des régiments auxquels vos prisonniers appartiennent. Votre chef d’état-major ne fait rien; j’espère que le nouveau fera mieux. Je crains qu’on n’ait dirigé ces prisonniers droit sur Graz; si cela était ainsi, non-seulement ces prisonniers seront délivrés, mais même leur escorte sera faite prisonnière. En général, quand on fait des prisonniers, on envoie les principaux officiers, en poste et successivement, au quartier général, pour avoir des nouvelles, et on ne les fait point marcher avec les troupes. S’il arrive qu’ils soient délivrés, les corps se trouvent en un moment réorganisés. Le général que vous avez fait prisonnier aurait dû être au quartier général vingt-quatre heures après la bataille.

Ligne d’opération. Votre ligne d’opération n’est point raisonnée; vous êtes parti d’OEdenburg, et vous avez manœuvré selon les circonstances pour arriver à l’ennemi. Votre première ligne est une ligne qui doit être effacée. Donnez ordre que les garnisons et les comman­dants de place qui se trouvent de Raab à Graz, d’OEdenburg à Körmönd, de Papa à Graz, rejoignent le quartier général, et qu’il n’y reste pas un seul Français. Ce sera, à la longue, des hommes qui seront perdus. Organisez la ligne de Raab à OEdenburg, en se rapprochant le plus possible du Danube; je crois que la route par Kapuvár est celle qui en est le plus près. Organisez également votre ligne de Raab à Bruck, et de Bruck sur Vienne; pour celle-là, il faut être bien sûr de vos ponts sur la Raab et les faire promptement terminer. Envoyez des ingénieurs géographes en faire le tracé, relever la population, et faire une reconnaissance en règle.

Blessés. On ne connaît pas la direction que vous avez donnée à vos blessés. Si tous ces gens-là ont passé par la ligne par laquelle vous êtes venu, les trois quarts sont perdus. Il faut donc avoir soin de les évacuer par votre nouvelle ligne. Il faut que votre chef d’état- major n’ait jamais fait la guerre.

La ligne d’opération ne peut jamais être celle par où on a marché, puisqu’on a marché selon les événements. C’est là le premier soin d’un général. Je réitère qu’on ne vous envoie de Graz ni d’ailleurs aucun homme isolé, el qu’on réunisse tout en fortes colonnes. Faute de ces précautions, on fait en détail d’immenses pertes, et les armées se fondent.

Parc d’artillerie. Vous avez des convois d’artillerie à Neustadt.

S’ils ne se sont pas arrêtes à OEdenburg, et de là ne sont pas passés par la bonne route, ils seront tombés au pouvoir de l’ennemi. Vous ne m’avez pas fait connaître par où les caissons vides se sont dirigés. Je vous ai envoyé cent caissons de munitions; comme ces caissons appartiennent aux corps d’armée, je suppose que vos caissons seront venus à la rencontre de ceux-ci sur les bords de la Raab et auront chargé les munitions que portent ces caissons, qui seront revenus sur leurs pas. Faites partir tous vos caissons vides pour Vienne; envoyez-m’en la note, et j’enverrai à leur rencontre pour leur épar­gner la moitié du chemin. Veillez à ce que le général Sorbier ne garde rien de ce matériel; il doit prendre les munitions et voilà tout. Je trouverais très-mauvais qu’on gardât un caisson, un cheval ou un homme.

Siége de Raab. Vous devez avoir quatre pièces de 12; je vous ai envoyé des munitions; le duc d’Auerstaedt vous en a envoyé trois; cela fait sept. Le duc d’Auerstaedt a envoyé au général Lauriston deux mortiers et six obusiers ; envoyez-lui des officiers et des canonniers de votre corps d’armée. Je lui envoie quatre pièces de 18 et deux obusiers prussiens, afin de réduire promptement cette place.

 

Schönbrunn, 19 juin 1809, midi.

Au général Marmont, duc de Raguse, commandant l’armée de Dalmatie, à Cilli

Je vous ai envoyé plusieurs fois, Général, l’ordre de marcher sur Graz, et, à la distance où vous êtes, vous n’auriez pas besoin de cet ordre pour agir. L’Empereur trouve que vous avez fait une faute en laissant intercepter la communication avec Graz; car, le 18, les avant-postes du général Broussier ont été attaqués, et nous ignorons ce qui se sera passé. Toutefois, Général, l’intention de l’Empereur est que vous marchiez sans délai sur Graz et que vous culbutiez les corps de Gyulai et de Chasteler, qui y sont. Si le général Broussier est obligé d’évacuer Graz, son instruction lui prescrit de se retirer sur Bruck. Sa Majesté est étonnée que vous restiez tranquille, que je ne reçoive pas chaque jour un officier de votre armée avec des nouvelles, quand les plus grandes choses vont se décider, et que vous avez sous vos ordres le meilleur corps d’armée. Vous devez sentir, Général, qu’à la distance où vous êtes, et avec votre grade, ce n’est pas un ordre littéral qui doit vous faire mouvoir, mais la masse des événements.

 

Schönbrunn, 19 juin 1809, deux heures après midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, ne donnez plus désormais aucun ordre ni en Carinthie ni en Styrie, hormis pour les détails relatifs à vos approvisionnements. Le général Broussier vient d’être attaqué. Je ne sais en vérité ce que fait le général Marmont. Le général Broussier avait ordre de faire retraite de votre côté; je lui envoie l’ordre, s’il était forcé, de se retirer sur Bruck. Tout cela vient de ce que Broussier, Rusca et Marmont ne rendent pas compte à l’état-major général. Je réitère l’ordre de ne rien laisser passer en Hongrie de Graz, puisque votre route doit être de Graz sur Bruck, Neunkirchen et OEdenburg. Réitérez cet ordre, organisez votre ligne comme je vous l’ai ordonné dans mes dépêches antérieures.

 

Schönbrunn, 19 juin 1809

Au général comte Miollis, gouverneur général, président de la Consulte, à Rome

Je vous ai confié le soin de maintenir la tranquillité dans mes États de Rome. Vous ne devez souffrir aucun obstacle. Vous devez traduire devant une commission militaire tout individu qui se porterait à un acte contraire à la sûreté de l’armée ; vous devez faire arrêter, même dans la maison du Pape, tous ceux qui trameraient contre la tranquillité publique et la sûreté de mes soldats. Un prêtre abuse de son caractère et mérite moins d’indulgence qu’un autre lorsqu’il prêche la guerre et la désobéissance à la puissance temporelle, et lorsqu’il sacrifie le spirituel aux intérêts de ce monde, que l’Évangile dit n’être pas le sien.

 

Schönbrunn, 19 juin 1809.

A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples

Je vous expédie votre aide de camp. Il vous portera la nouvelle de la bataille que le prince Eugène vient de gagner sur l’archiduc Jean et l’archiduc palatin réunis, le jour anniversaire de la bataille de Marengo.

Je vous ai écrit par Caffarelli, qui est parti le 17 d’ici; à son arrivée en Italie, il vous aura expédié mes dépêches par un courrier.

Je vous ai fait connaître que mon intention était que les affaires de Rome fussent conduites vivement, et qu’on ne ménageât aucune espèce de résistance. Aucun asile ne doit être respecté, si on ne se soumet pas à mon décret ; et, sous quelque prétexte que ce soit, on ne doit souffrir aucune résistance. Si le Pape, contre l’esprit de son état et de l’Évangile, prêche la révolte et veut se servir de l’immunité de sa maison pour faire imprimer des circulaires, on doit l’arrêter. Le temps de ces scènes est passé. Philippe le Bel fit arrêter Boniface, et Charles-Quint tint longtemps en prison Clément VII; et ceux-là avaient fait encore moins. Un prêtre qui prêche aux puis­sances temporelles la discorde et la guerre, au lieu de la paix, abuse de son caractère.

 

Schönbrunn, 19 juin 1809

 Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur Decrès, comme il faut tenir au complet le bataillon de la flottille qui est ici, faites partir une compagnie de marche de 100 hommes, pris dans les différents ports, mais tous vrais marins, car je ne dois pas vous dissimuler que ce bataillon ne fait pas grand honneur à la marine; cependant les officiers sont bons, et le bataillon a été utile: mais sur 1,000 de ces hommes, il n’y en a pas la moitié qui vaille nos pontonniers. Envoyez-nous donc de bons marins. Envoyez-nous également 100 hommes tirés des ouvriers de la marine, pour compléter le travail­ des ouvriers. Prenez-les où vous voudrez, et envoyez-nous de bons ouvriers et surtout des charpentiers calfats. Ce bataillon rendrait de grands services; mais il n’y a pas assez de charpentiers calfats. Voyez aussi où se trouve ma compagnie des marins de la garde. S’il y avait de mes anciens marins de la garde de plus que n’en comporte la formation de la compagnie, faites­ les néanmoins partir, et concertez-vous avec le ministre de la guerre pour qu’ils rejoignent en poste. J’aime mieux 100 hommes comme ceux­ là que tous vos bataillons de marine.

 

Schönbrunn, 19 juin 1809

 A l’Impératrice, à Plombières

 Je t’expédie un page pour t’annoncer que, le 14, anniversaire de Marengo, Eugène a gagné une bataille contre l’archiduc Jean et l’archiduc Palatin, à Raab, en Hongrie ; qu’il  leur a pris 3 mille hommes, plusieurs pièces de canon, quatre drapeaux, et les a poursuivis fort loin sur le chemin de Bude

 

Schönbrunn, 19 juin 1809

 A l’Impératrice, à Plombières

 Je reçois ta lettre, où tu m’annonces ton départ pour Plombières. Je vois ce voyage avec plaisir, parce que j’espère qu’il te fera du bien.

 Eugène est en Hongrie, et se porte bien.

 Ma santé est fort bonne, et l’armée en bon état.

 Je suis bien aise de savoir le grand duc de Berg avec toi.

 Adieu, mon amie ; tu connais mes sentiments pourJoséphine ; ils sont invariables.

 Tout à toi.

 

 [11]On peut se demander pourquoi ces deux lettres ne figurent pas dans l’édition Napoléon III….

 

Schönbrunn, 20 juin 1809, trois heures du matin.

Au général comte de La Riboisière, commandant de l’artillerie de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur le Général de la Riboisière, les petits mortiers que vous avez envoyés au duc d’Auerstaedt ont été envoyés devant Raab. Ils auraient besoin de trois-cents coups à tirer par pièce. Faites-les partir avant neuf heures du matin ; ils seront dirigés, comme le convoi d’hier, par des relais jusqu’à Raab. Faites partir également mille coups de 12 et mille coups d’obusier de 5 pouces 6 lignes. Joignez-y deux pièces de 12 de siége, en bronze, avec six cents coups à tirer. Dirigez la marche de ce convoi de manière qu’il arrive aujourd’hui devant Presbourg, et demain à Raab. J’ai prévenu le duc d’Auerstaedt pour qu’il fasse rétablir les relais qui ont servi au convoi d’hier.

 

Schönbrunn, 20 juin 1809, trois heures et demie du matin

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, je reçois vos deux lettres du 19 juin à cinq heures du soir et du 19 juin à cinq heures et demie du soir, avec le rapport qui y était joint. Le convoi de quatre pièces de 18 et de deux obusiers prussiens attelés par cent chevaux n’a pu partir de Vienne qu’hier à trois heures après midi; ils auront été relayés à Ebersdorf par d’autres chevaux. Ainsi je suppose qu’ils arriveront aujourd’hui 20, dans la nuit, à Raab. Il partira aujourd’hui à huit heures du matin deux pièces de 12 de siége, en bronze, avec six cents coups à tirer, mille coups de canon de 12, mille d’obusier de 5 pouces 6 lignes et trois cents bombes pour les petits mortiers. Tout cela partira par la même voie et profitera de vos relais. Il est nécessaire que le général Marulaz suive la piste de la colonne d’insurgés, afin d’être assuré qu’elle ne se porte pas sur Graz, et qu’elle est tout à fait hors de notre système. La relation de l’ennemi sur l’affaire de Presbourg n’est que ridicule. J’attends avec intérêt le croquis du camp retranché que vous devez m’envoyer et la reconnaissance de la Raab. Je voudrais que vous me fissiez faire, par ceux qui y ont été, une note des ob­stacles qui s’opposent à ce qu’on aille directement de Kittsee au fau­bourg de Raab, et de là au quartier général du vice-roi, et ce qui oblige à faire ce grand détour.

 

Schönbrunn, 20 juin 1809, quatre heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, vous ne m’avez encore rien écrit sur les prisonniers, mais j’apprends indirectement que le général Marziani et les officiers autrichiens faits prisonniers sont libres sur parole. J’ai peine à croire à une pareille folie. Tous les prisonniers qu’on nous a faits sont en Autriche, et nous ne pouvons pas en avoir un. Vous seriez bien coupable si vous aviez fait cela sans mon ordre. Écrivez-moi un mot là­ dessus, ainsi que sur les prisonniers que vous avez faits en Italie. Il faut au moins envoyer l’état des officiers que vous avez ainsi relâchés sur parole, avec leur parole d’honneur signée. Je ne suis plus étonné que le général Rusca en ait fait de même à Klagenfurt. Faites arrêter le général Marziani, qu’on dit être à Pápa, et faites-le conduire ici.

En vérité, je suis bien mécontent de cela; c’est comme si l’on ne faisait pas de prisonniers. Car ils vont tous reservir chez eux. Vous avez bien peu d’expérience, mais les personnes qui sont autour de vous devraient en avoir davantage et vous instruire. Ne savez-vous pas que les armées ne pèchent jamais par défaut d’hommes, mais par défaut d’officiers ? Ordonnez à votre chef d’état-major de correspondre sur les détails plus fréquemment avec le major général. On me rend compte qu’une colonne de 400 prisonniers est enfin arrivée le 19 juin à OEdenburg.

P. S. Je n’ai point de nouvelles d’Italie; en avez-vous reçu ?

 

Schönbrunn, 20 juin 1809, dix heures du matin.

Mon Fils, par mes dernières lettres vous aurez vu que j’avais reçu celle que vous m’avez écrite le 16 à dix heures du soir, par le chef d’escadron Devaux. Ainsi il n’y en a eu aucune de prise. Des ponts volants et des bateaux n’ont rien de commun avec le pont; si vous ôtez à l’ennemi le pont de Komorn (Komorn était le nom allemand de l’actuelle ville de Komarom – en Hongrie – et de Komarno – en Tschéchie) , vous lui ôtez les moyens de reprendre l’offensive. Ce n’est pas avec des ponts volants qu’on peut faire passer une armée; mais, avec un pont permanent, l’ennemi peut reprendre l’offensive. Votre correspondance n’est pas satisfaisante; vous ne faites qu’effleurer les matières et vous ne donnez aucun détail. Vous me dites dans votre lettre du 15 que les caissons sont partis, mais vous ne me dites pas qui où vous les envoyez, combien il y en a, et ce qu’il faut faire pour les remplir promptement. Les cent caissons que je vous ai envoyés appartiennent aux corps de l’armée; si on ne les renvoie pas promptement, le service de l’artillerie va être désorganisé, et nous ne saurons plus où nous en sommes. Faites-moi connaître quel nombre on en a envoyé, où on les a dirigés, quel est leur ordre de route, et où il faut leur envoyer des ordres. La direction des affaires militaires n’est que la moitié du travail d’un général; établir et assurer ses communications est un des objets les plus importants. Il ne fallait pas réfléchir longtemps sur la carte pour savoir que, devant recevoir des munitions de Vienne, elles viendront, même sans pont, près de Raab, et que là l’échange s’en ferait.

Je dis que votre correspondance est légère : vous parlez des pri­sonniers, mais sans dire où vous les avez dirigés, en combien de colonnes ils sont, sous les ordres de qui. Il est inouï qu’un général de brigade qui a été pris depuis six jours ne soit pas encore arrivé près de moi. Vous croyez en avoir tiré tout le parti possible et l’avoir interrogé; vous vous trompez: l’art d’interroger les prisonniers est un des résultats de l’expérience et du tact de la guerre. Ce qu’il vous a dit vous a paru assez indifférent ; si je l’allais interrogé, j’en aurais tiré les plus grands renseignements sur l’ennemi. On ne sait où se trouve ce général, on dit même que vous l’avez renvoyé sur parole; on ne sait rien de rien.

Assurez bien vite votre communication. Si le pont de Komorn de­vait rester et que vous dussiez vous retirer devant des forces supérieures, c’est derrière la Raab et la Rabnitz qu’il faut faire votre mouvement, non par OEdenburg, mais par Kittsee et Hainburg.

 

Schönbrunn, 20 juin 1809, dix heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, je reçois votre lettre du 18 à huit heures du soir, et il n’est pas dit dans cette lettre à laquelle de mes lettres vous répondez. J’espère que les bateaux que vous aurez jetés contre le pont de Komorn l’auront brisé, ce qui est avantageux. Il ne faut pas le laisser rétablir; aussitôt qu’ils l’auront refait, il faut le détruire de nouveau. Hier, à quatre heures après midi, est parti de Vienne un convoi de quatre pièces de 18 et deux obusiers prussiens, lesquels, marchant par relais, arriveront demain soir à Raab. Aujourd’hui 20, à huit heures du matin, partiront deux pièces de 12 de siège, en bronze, avec six cents coups à tirer, mille coups de canon de 12, mille d’obusier de 5 pouces 6 lignes et trois cents bombes pour les petits mortiers. J’attends avec impatience d’apprendre que les ponts du général Lasalle et du général Piré sont faits, et que, si Raab tarde à se rendre, il y a des têtes de pont, et que vous pouvez manœuvrer directement sur Vienne sans faire aucun détour et sans tourner le lac. Faites lever le croquis du champ de bataille de Raab, et envoyez-le-moi le plus tôt possible, afin que je fasse graver la bataille.

 

Schönbrunn, 20 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie

Mon Fils, vous avez fait si peu de dispositions pour voltr expédition, que vous aurez beaucoup de monde de pris. Où diable avez-vous été imaginer que la route de Raab à Graz pouvait jamais être maintenue libre? Que cela vous serve pour l’avenir.

 Vous avez perdu une forge, votre médecin et beaucoup de petits détachements. Les ordres à donner pour tracer sa route de communication, est l’une des grandes affaires d’un général.

 

Schönbrunn, 20 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie

Mon fils, je reçois votre lettre du 19, à onze heures du soir; il est fâcheux qu’un colonel chef  d’état-major d’une division se soit exposé ainsi. La faute en est à ceux qui lui ont donné cet ordre. Cela fait du mal, parce que l’ennemi fait sonner cela très-haut, et que cela prive l’armée de bons officiers.

 Vous m’annoncez que l’ennemi fait filer deux divisions sur Presbourg; faites-en autant. Rapprochez votre quartier général de Raab, afin de veiller vous-même à la construction des ponts et au siège de la place.

Investissez-la avec vos troupes; renvoyez la division Gudin. Faites évacuer vos blessés et vos embarras, et tenez-vous prêt à partir aussitôt que je vous en donnerai l’ordre, pour venir prendre part à la grande bataille. Laissez Macdonald à votre position actuelle, avec une bonne avant-garde d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie. Les 4 pièces de 18 et les 2 obusiers prussiens que je vous ai envoyés doivent être arrivés. Le convoi que j’ai fait partir aujourd’hui de 2 pièces de 12 avec des munitions, vous arrivera probablement le 22; ainsi, voila plus que vous ne demandiez. Employez un grand nombre de travailleurs à démolir la partie du Camp retranché qui est du côté de Vienne, et qui ne peut nous être utile. Il ne fallait pas attendre qu’on eut 20 moulins pour les jeter; il fallait approcher la nuit ceux qu’on avait, les conduire aux avant-postes, et de là les jeter. Cette opération était infaillible. Je ne vous répéterai pas ce que je vous ai écrit jusqu’à la satiété sur votre ligne d’opération et sur vos approvisionnements.

 Aussitôt que vous aurez fait investir Raab, il faut non-seulement renvoyer les troupes du général Lasalle et du général Gudin, mais aussi celles du général Lauriston, et insensiblement vos divisions recevront l’ordre de faire leur mouvement rétrograde pour s’approcher de Vienne.

 Je désire recevoir les rapports du général Montbrun et des différents généraux de cavalerie; qu’ils fassent de gros partis dans toute la Hongrie. Je suppose que dans la journée de demain mon chargé d’affaires et ma légation arriveront aux avant-postes.

 

Schönbrunn, 20 juin 1809, au matin

Au chef d’escadron Lubienski, commandant les chevau-légers de la garde détachés à Oedenburg

Je vous envoie des proclamations pour les Hongrois, que vous ferez répandre par vos partis. Vous trouverez ci-joint une lettre du général Marulaz sur la poursuite de la colonne ennemie; combinez ces renseignements avec ceux que vous donnent vos rapports, pour savoir où cette colonne peut être aujourd’hui et si c’est la même qui a paru dans vos environs. Envoyez savoir par un officier où sont les blessés de la bataille de Raab. Faites-les revenir tous à OEdenburg, et qu’ils ne restent point isolés dans les villes et villages, exposés à la première incursion des partisans ennemis. Faites connaître également où se trouvent les prisonniers ennemis; le vice-roi en annonce 4,200. La route d’OEdenburg à Raab doit être celle qui passe par Kapuvàr. Toutes les autres doivent être abandonnées, et même celle-là est en­core trop à droite. Prenez des mesures pour qu’aucun homme isolé ne se rende du côté de Raab; qu’on les réunisse à OEdenburg, afin qu’on puisse les faire passer, quand il en sera temps, réunis et bien organisés.

Faites connaître les convois d’artillerie qui se trouvent à OEdenburg, allant ou venant de l’armée.

 

Schönbrunn, 20 juin 1809, dix heures du soir.

Au général comte Lauriston, commandant les troupes détachées du 4e corps, au faubourg de Raab

Monsieur le Général Lauriston, vous avez dû recevoir les quatre pièces de 18. Il me tarde d’apprendre que les deux ponts sont faits. Faites-moi connaître quand vous espérez faire votre tentative contre Raab, surtout quand les ponts seront établis, de manière que le vice­-roi puisse repasser avec son armée et que les blessés et autres em­barras,soient évacués sur Bruck et sur OEdenburg. Cela est important. Plusieurs courriers qui me sont arrivés du quartier général du vice-roi ne m’ont pas apporté de vos nouvelles. Tâchez de profiter de toutes les occasions.

 

Schönbrunn, 20 juin 1809, dix heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, je reçois votre lettre du 19 à onze heures du soir. Il est fâcheux qu’un colonel, chef d’état-major d’une division, se soit ex­posé ainsi; la faute en est à ceux qui lui ont donné cet ordre. Cela fait du mal, parce que l’ennemi fait sonner cela très-haut et que cela prive l’armée de bons officiers.

Vous m’annoncez que l’ennemi fait filer deux divisions sur Presbourg; faites-en autant. Rapprochez votre quartier général de Raab, afin de veiller vous-même à la construction des ponts et au siége de la place. Investissez-la avec vos troupes.

Renvoyez la division Gudin. Faites évacuer vos blessés et vos embarras, et tenez-vous prêt à partir, aussitôt que je vous en donnerai l’ordre, pour venir prendre part à la grande bataille. Laissez Macdonald à votre position actuelle avec une bonne avant-garde d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie.

Les quatre pièces de 18 et les deux obusiers prussiens que je vous ai envoyés doivent être arrivés; le convoi, que j’ai fait partir aujourd’hui, de deux pièces de 12 avec des munitions, vous arrivera probablement le 22; ainsi voilà plus que vous ne demandiez.

Employez un grand nombre de travailleurs à démolir la partie du camp retranché qui est du côté de Vienne et qui ne peut vous être utile. Il ne fallait pas attendre qu’on eût vingt moulins pour les jeter, il fallait approcher la nuit, ceux qu’on avait, les conduire aux avant-postes et de là les jeter. Cette opération était infaillible. Je ne répé­terai pas ce que je vous ai écrit jusqu’à la satiété sur votre ligne d’opération et sur vos approvisionnements.

Aussitôt que vous aurez fait investir Raab, il faut non-seulement renvoyer les troupes du général Lasalle et du général Gudin, mais aussi celles du général Lauriston, et insensiblement vos divisions recevront l’ordre de faire leur mouvement rétrograde pour s’approcher de Vienne. Je désire recevoir les rapports du général Montbrun et des différents généraux de cavalerie; qu’ils fassent de gros partis dans toute la Hongrie.

Je suppose que dans la journée de demain mon chargé d’affaires et ma légation arriveront aux avant-postes.

 

Schönbrunn, 20 juin 1809

RÉSUMÉ DE LA DISTRIBUTION DE L’ARTILLERIE DANS L’ÎLE LOBAU.

GAUCHE.

ILE MASSÉNA. – 1e batterie, deux pièces de 6; 2e batterie, deux pièces de 6.

ILE SAINT-HILAIRE. – 3e batterie, deux pièces de 12, trois pièces de 6. Cette batterie doit avoir pour but de détruire les ouvrages que l’ennemi aurait faits là et de protéger la tête de pont.

DROITE DE LA TÊTE DE PONT. – 4e batterie, deux pièces de 12 ; 5e batterie, deux pièces de 6; 6e batterie, deux pièces de 6. Ces trois batteries doivent pouvoir contenir dix-huit pièces; elles doivent être espacées l’une de l’autre, afin d’embrasser tout le système de la droite du pont, et même une des batteries doit battre la plaine.

Total des pièces de la gauche: quatre pièces de 12, onze pièces de 6.

 

CENTRE.

ILE ESPAGNE. – 7e batterie, quatre pièces de 12, quatre mortiers.

Cette batterie doit battre en écharpe l’ouvrage ennemi qui est sur la droite de la petite ville d’Enzersdorf.

PLAGE GAUCHE D’ENZERSDORF. – 8e batterie, dix pièces de 18, six mortiers et six obusiers. Cette batterie, de vingt-deux bouches à feu, doit avoir pour but de raser les murailles d’Enzersdorf, de mettre le feu dans la ville et d’annuler toutes les dispositions de l’ennemi pour défendre cette position.

ILE LANNES. – 9e batterie, 12 pièces de 18, dont quatre venant de Raab, huit mortiers et quatre obusiers. Cette batterie de vingt­ quatre pièces doit avoir le même but que la batterie n° 8. 10e batterie, quatre pièces de 6.

Total des pièces du centre: vingt-deux pièces de 18, quatre pièces de 12, quatre pièces de 6, dix-huit mortiers, dix obusiers.

 

DROITE.

ILE ALEXANDRE. – 11e  batterie, quatre pièces de 6; 12e batterie, dix pièces de 12 ; 13e batterie, quatre pièces de 6.

Les 10e, 11e, 12e et 13e batteries, formant vingt-deux pièces, sont destinées à protéger les troupes qui se trouveront à côté de la Maison-Blanche, et à tirer dans tous les sens; il faut donc que ces quatre batteries aient plus de mitraille que dans les proportions ordinaires. Ces batteries seront à barbette.

 

A L’EMBOUCHURE DANS LE DANUBE. -14e batterie, quatre pièces de 6. Total des pièces de la droite: dix pièces de 12, douze pièces de 6.

 

RÉSERVE.

Six pièces de 18, douze pièces de 6, pour être portées partout, selon les circonstances.

 

RÉCAPITULATION

Vingt-huit pièces de 18, dix-huit pièces de 12 , trente-neuf pièces de 6, dix-huit mortiers, dix obusiers ; total, cent treize bouches à feu.

 

Schönbrunn, 20 juin 1809

Au général comte Caffarelli, ministre de la guerre du royaume d’Italie, à Milan

Monsieur le Général Caffarelli, j’apprends qu’il y a du côté de Feltre et de Bellune des désordres commis par une irruption des Tyroliens. Il faut réunir un bon corps de troupes. Mandez au prince gouverneur général du Piémont de vous envoyer une demi-brigade provisoire. Tout cela peut vous faire, au commencement de juillet, un corps de 8 à 10,000 hommes. Mettez-vous à la tête de cette troupe et donnez la chasse à ces brigands .Je suppose que vous pouvez bien réunir huit ou dix pièces d’artillerie.

 

Schönbrunn, 20 juin 1809

A Joachim Napoléon, roi de Naples

Je reçois à l’instant la nouvelle que le Pape nous a tous excom­muniés (la Bulle d’excommunication a été apposée sur les murs de Rome dans la nuit du 10 au 11 juin). C’est une excommunication qu’il a portée contre lui-même. Plus de ménagements; c’est un fou furieux qu’il faut renfermer. Faites arrêter le cardinal Pacca et autres adhérents du Pape.

 

Schönbrunn, 20 juin 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

La grande-duchesse a eu tort d’empêcher l’exécution des mesures que j’ai ordonnées. Je ne veux point que Mme d’Albany demeure à Florence; mon intention est qu’elle reste à Parme.

Si vous avez lieu de penser que les plaintes qu’on porte d’Escoïquiz sont vraies, il faut d’abord l’éloigner des princes, après cela le faire  arrêter et mettre à Vincennes.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, il paraît qu’un corps de landwehr et de quelques troupes autrichiennes est entré en Saxe et qu’un autre corps est entré à Bayreuth. Ces deux corps se réuniront probablement pour marcher soit sur la Westphalie, soit sur ma ligne de communication.

J’ai donné au duc de Valmy l’autorisation nécessaire pour faire marcher la division du général Rivaud sur Würzburg et balayer la colonne ennemie qui est du côté de Bamberg et de Bayreuth; et, comme les circonstances ne peuvent être prévues, je lui ai donné pour instruction générale de se combiner avec une colonne de Bavarois et le corps du roi de Westphalie, ayant toujours pour premier but de s’opposer à ce que rien ne marche sur le Danube et sur ma ligne de communication.

Dans cet état de choses, je n’ai pas besoin de vous prescrire de veiller sur mes importantes places de Wesel et de Mayence; il doit y avoir assez de dépôts pour les mettre à l’abri d’un coup de main. Faites-les armer, et faites-y mettre un approvisionnement.

Je sais qu’il y a des partisans du côté de l’Italie; j’y ai expédié le général Caffarelli pour parer à tout; il a le commandement de toutes les troupes qui se trouvent dans le royaume d’Italie. Écrivez-lui à Milan de tenir mes places de Palmanova, Peschiera et Osoppo, à l’abri de tout événement.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, je reçois votre lettre avec la correspondance d’Espagne. Il faut écrire au roi que le nord passe avant tout; que, si Saragosse est enlevée et s’il perd l’Aragon, il se trouvera dans la plus fâcheuse position. Comment de Madrid ne fait-on rien ? Il faut écrire au général Sénarmont que toutes les demandes que fait l’artillerie sont ridicules; que je vois par son état qu’il a 6,000 chevaux, et qu’il peut d’ailleurs les recruter avec quelques mulets du pays

P. S. Il paraît que les Anglais se renforcent en Portugal; c’est de là que viendra le mal si l’on ne manœuvre pas bien à Madrid.

 

Camp impérial de Schönbrunn, 21 juin 1809.

ORDRE.

1° A dater de demain, il sera donné aux troupes qui sont dans l’île Lobau et à celles qui sont sur les bords du Danube une bouteille de vin et une ration de vinaigre par homme, ce qui sera la double ration d’été par jour.

2° L’intendant général fera transporter dans l’île, avant le 23, 200,000 bouteilles de vin et 15,000 pintes d’eau-de-vie, lesquelles formeront un magasin de réserve.

3° A dater de demain, on fera tous les jours aux fours de l’île 9,000 rations de pain, et, au 28, il y aura un magasin de farine de réserve capable de faire 30,000 rations.

4° On fera l’inventaire de toutes les caves de Vienne qui appartiennent soit aux princes, soit aux couvents et aux plus grands sei­gneurs, afin d’être assuré de l’approvisionnement de l’armée sans être obligé d’avoir recours aux caves des bourgeois et petits propriétaires.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809, deux heures après midi.

Au général comte Lauriston, commandant les troupes détachées du 4e corps, au faubourg de Raab

Monsieur le Général Lauriston, je vous envoie la note du convoi qui n’a pu partir qu’hier au soir. Cela n’empêchera pas qu’il vous arrive demain 22. Ayez bien soin de ces munitions, car elles sont bien précieuses. Il me tarde d’apprendre que vous avez fait l’impos­sible pour vous emparer de Raab, car j’ai besoin de savoir à quoi m’en tenir. J’ai aussi besoin de vous avoir ici pour commander l’immense artillerie, qui exige un officier d’un grade supérieur. Le camp retranché de Raab ne peut nous servir à rien et peut servir contre Vienne; cela étant, faites démolir les ouvrages.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809, quatre heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, vous trouverez ci-joint la note du dernier convoi d’artillerie parti pour Raab. Faites en sorte qu’il arrive demain dans la matinée du côté de Raab. J’ai ordonné au vice-roi de rapprocher ses troupes de Raab, afin que la division Gudin tout entière puisse se rapprocher de vous. J’ai actuellement sur le Danube des ponts de bateaux et des ponts sur pilotis, aussi solides que l’ancien pont de Vienne. Il est probable que je ne tarderai pas à vous rappeler pour finir tout ceci par une grande bataille.

Faîtes travailler au château de Kittsee, si vous croyez que 3 ou 400 hommes puissent s’y défendre pendant cinq jours. On peut y mettre les quatre pièces de 12 et les deux obusiers que j’ai envoyés pour prendre Raab, qui forment une batterie redoutable. Voici quel est mon but: je laisserais un régiment de cavalerie avec deux pièces de canon et le bataillon hessois devant Presbourg, pour empêcher l’ennemi qui est dans l’île de passer; et enfin, si l’ennemi, sachant que nous avons quitté ce point, se hasarde à tenter le passage et culbuter ces troupes, l’infanterie se réfugierait dans le château; quant à la cavalerie, elle prendrait poste et empêcherait l’ennemi de pénétrer. Il est donc nécessaire que les ponts de l’ennemi soient dérangés le plus possible. Si même, en coupant une digue, on pouvait rendre plus considérable la séparation entre l’île et le continent, ce serait avantageux.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809, cinq heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 21 à sept heures et demie du matin et celle du 21 à neuf heures du matin. Je vois avec plaisir que vous avez culbuté ces 400 hommes, mais il faut que le général Gilly-Vieux (Jacques-Laurent Gilly, 1769 – 1829) ait bien peu de monde avec lui pour n’avoir pas tout pris; il n’avait donc point de canon, car comment diable ont-ils pu se l’embarquer ? Donnez-moi une explication là-dessus; il me paraît honteux que ces 400 hommes n’aient pas été pris. J’apprends avec plaisir que les pièces de 18 sont arrivées. Le convoi de deux pièces de 12, également destiné au général Lauriston, vous arrivera dans la journée. Parlez-moi des quatre-vingts caissons, appartenant à dif­férents corps, qui avaient porté des munitions an vice-roi, et de la direction qu’ils ont prise. Puisque l’ennemi a gagné Marulaz, il est inutile que Bruyère se fatigue; il doit prendre position pour protéger la droite de Raab et s’éclairer au loin .

J’ai lu avec intérêt l’interrogatoire des prisonniers que vous m’avez envoyé. Ce que vous me dites du régiment de Hiller me paraît extraordinaire; ce régiment était entre Krems et Vienne il y a cinq jours. Je suppose que vous avez toujours l’œil sur M. de Metternich, et que mes ordres pour l’échange seront ponctuellement exécutés, qu’il sera traité comme le sera mon chargé d’affaires, c’est-à-dire qu’on le laissera passer avec ses papiers, si on a laissé passer ceux du sieur Dodun.

J’ai mandé au vice-roi de relever tous les postes de la division Gudin, pour que vous puissiez rappeler cette division du côté de Presbourg. Il est bien important d’éclairer les îles de Presbourg à Raab, afin que l’ennemi ne se loge dans aucune. Portez une atten­tion particulière à ce que les voitures appartenant aux différents corps rentrent au parc.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809, six heures du soir

Au général comte Lauriston, commandant les troupes détachées du 3e corps, au faubourg de Raab

Monsieur le Général Lauriston, je reçois votre lettre datée du faubourg de Raab le 20 juin à cinq heures après midi. Vous ne me parlez pas des quatre-vingts voitures de munitions que vous devez avoir reçues depuis plusieurs jours et qui précédaient le convoi des pièces de 18 que je vous ai envoyées. Je vous ai déjà fait sentir qu’il est important que ces quatre-vingts voitures retournent toutes au parc de Vienne. Renvoyez de même toutes les voitures que vous auriez appartenant aux autres corps de l’armée. Déchargez les muni­tions et faites partir les voitures. Vous ne devez pas perdre de vue que si l’ennemi débouchait par Komorn, que le vice-roi donnât bataille, et que ….. dans tous les cas enfin, c’est par le pont de la Raab que doit être sa principale communication; il faut donc que ce pont soit bien solide. Faîtes-moi connaître les avantages de la position de Raab pour protéger le corps d’observation et empêcher l’ennemi de déboucher de ce côté.

Je suppose que vous avez renvoyé à Vienne les obusiers hors de service pour qu’on y mît un grain.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809, six heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie

Mon Fils, je reçois votre lettre du 20, à minuit. Il ne faut pas penser dans ce moment à envoyer les cadres en Italie, la route est trop peu sûre. Nous verrons cela quand les affaires auront prit une tournure définitive. Pourquoi ne m’avoir pas envoyé le nommé Hurtel, employé autrichien venant d’Ofen ? Vous auriez pu le confier à mon officier d’ordonnance, qui l’aurait amené en poste. Vous ne me faites pas connaître à laquelle de mes lettres vous répondez. Je vous ai mandé de vous rapprocher de Raab, d’investir la place en force, et de rendre au duc d’Auerstaedt la division de cavalerie Lasalle et la division Gudin. J’ai reçu les différentes demandes de récompenses que vous m’avez envoyées, je vais les prendre en considération.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809, six heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie

Mon Fils, l’officier d’ordonnance Montesquiou m’apporte votre lettre du 20 juin à une heure du matin. Je vous ai envoyé quatre­-vingts caissons appartenant aux différents corps de l’armée. Je sais que, depuis, trente-quatre des vôtres, arrivés à Vienne, vous ont été renvoyés remplis de munitions. Voyez à faire revenir sur Vienne les quatre-vingts caissons qu’on vous a envoyés, et ne gardez que les munitions qui seront nécessaires pour remplir les vôtres. Je vois avec plaisir que l’on a fait un pont. Vous ne me parlez pas du général de brigade que vous avez fait prisonnier. Où est-il ? A-t-on interrogé les prisonniers que vous avez faits ? Si on les a interrogés, il faut que l’on m’envoie l’interrogatoire. Il me semble que vous ne devez plus avoir besoin du million de cartouches que vous avez à Neustadt, parce­ que les convois que j’ai dirigés sur vous ont dû vous fournir le mil­lion qui vous était nécessaire. Il ne faut pas vous embarrasser de munitions qui ne seraient pas attelées, puisque vous devez vous tenir prêt à revenir au premier ordre sur Vienne. Je donne ordre que ce million de cartouches qui est à Neustadt soit envoyé à Vienne.

Donnez ordre que tous les convois qui vous viennent d’Italie soient également dirigés sur Vienne; de cette place on pourra toujours vous tenir approvisionné dans tous les endroits où vous serez. Faites-moi connaître le nombre de blessés que vous avez encore sur la rive droite de la Raab. Continuez votre opération sur le pont de Komorn; puisque cela exige tant de peines, il faut qu’on soit encore loin de la ville. Je vous ai déjà envoyé l’ordre de relever les troupes du duc d’Auerstaedt autour de Raab, afin qu’elles puissent se reporter sur Presbourg, et de rapprocher les vôtres de Raab. Vous ne me faites pas connaître la position que vous avez choisie pour vous battre, si l’ennemi venait à déboucher par le pont de Komorn pour secourir Raab, ni par où vous devez faire votre retraite en cas d’événement. Tout cela doit être reconnu et préparé.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809, sept heures du soir.

Au général comte de Lauriston, commandant les troupes détachées du 3e corps, au faubourg de Raab

Monsieur le Général Lauriston, je reçois votre lettre du 21 à trois heures du matin. Il est possible que l’ennemi tente quelque chose sur Raab, sinon pour en faire lever le siége, au moins pour en renforcer la garnison. Si 1,500 hommes passaient du côté de Medve, qui les empêcherait d’arriver à la pointe du jour dans Raab ? Répondez-moi à cette question, et surtout mettez-vous en mesure en faisant passer au général Piré une quantité suffisante d’infanterie pour empêcher l’ennemi d’aller à Raab, et activez le pont sur la Kis Duna.

Le vice-roi doit pousser des troupes autour de Raab afin de rendre celles du maréchal duc d’Auerstaedt; qu’il en envoie la quantité suffisante.

Faites achever le pont le plus tôt possible.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809, huit heures du soir

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de  l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, je vous ai déjà mandé que j’avais donné l’ordre au vice-roi de se charger d’investir Raab el de vous renvoyer vos troupes. Vous devez y comprendre la division du général Lasalle; vous aurez quatre régiments de cavalerie que vous emploierez à éclairer le Danube. Vous aurez fait connaître au général Bruyère qu’il n’avait pas besoin de s’égarer sur la droite, puisque Marulaz a fait l’opération. Servez-vous de cette cavalerie pour éclairer le Danube depuis Raab jusqu’aux postes de la grosse cavalerie. Liez-vous avec les postes du général Nansouty; celui-ci doit se lier avec Ebersdorf, de sorte qu’il n’y ait aucune île du Danube qui ne soit surveillée. Correspondez avec le vice-roi, afin que, si l’ennemi tentait quelque chose entre vous pour secourir Raab, vous marchiez dans le même sens à la rencontre de l’ennemi. Ce qui m’importe beaucoup, c’est que toute la rive du Danube soit bien surveillée, afin d’être instruit à temps pour pouvoir culbuter l’ennemi avant qu’il se soit retranché. J’espère que la tête de pont de Sziget et Köz, que j’appelle l’Île de Raab, est fortifiée et à l’abri de toute insulte; car, si l’ennemi avait une opération raisonnable à faire, ce serait de jeter dans cette île 6,000 hommes, de s’en emparer et de ravitailler Raab et le camp retranché. C’est cette idée qui m’a fait attacher tant d’impor­tance à cette île du Danube, et qui est cause du mécontentement que j’ai éprouvé de ce que le général Lasalle ne l’avait pas fait occuper. Tout fait penser que l’ennemi ne tentera rien; mais s’il tentait quel­que chose, ce serait pour secourir Raab, dont la possession lui importe à beaucoup de titres. D’ailleurs, sans supposer à l’ennemi de si grandes vues, il pourrait essayer de jeter 2,000 hommes dans Raab; ce qui mettrait cette place à même de se défendre, car il ne paraît pas que la garnison actuelle soit assez forte pour faire une défense sérieuse. Or, cette dernière opération, il peut la faire en une nuit. C’est ce qui m’a fait attacher de l’importance à avoir sur la  Kis Duna un pont qui permit au général Lauriston et au général Baraguey d’Hilliers d’entrer rapidement dans l’île et de culbuter tout ce qui serait passé.

Comme vous êtes plus à portée de Lauriston, faites-lui cette question : si l’ennemi débarquait 1,500 hommes, ce qui peut se faire dans une nuit, vis-à-vis Medve, lesquels se porteraient sur-le-champ dans Raab pour en augmenter la garnison, de quelle manière pourra­-t-il l’empêcher ? S’il n’est pas préparé à cette tentative, qu’il se hâte d’achever le pont et qu’il fasse passer des troupes dans l’île pour résister à cette opération de l’ennemi, en se faisant soutenir par le général Baraguey d’Hilliers.

En résumé, vous me répondez du Danube depuis les postes de Nansouty jusque près do Raab; vous avez pour cela les divisions Gudin, Puthod et Lasalle. Vous ferez rejoindre Marulaz aussitôt qu’il le pourra. Pour le reste de la division Gudin, pressez le vice-roi de relever vos troupes devant Raab, afin que demain vous soyez parfaitement en règle.

Du reste, ces opérations me paraissent bien hardies pour l’ennemi; mais aussi Raab est bien précieux pour lui.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809.

Au maréchal Kellermann, duc de Valmy, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hanau

Mon Cousin, vous avez dû recevoir les ordres du major général pour porter la division Rivaud sur Würzburg et rejeter en Bohême les Autrichiens qui ont débouché par Bayreuth, et, s’ils étaient plus nombreux qu’il n’est probable qu’ils puissent l’être, manœuvrer constamment pour les empêcher de s’établir dans le haut Palatinat, et entre le Danube et la Bohême. Le général de brigade Laroche, avec une brigade de dragons, de Ratisbonne se porte dans le Palatinat pour se réunir à tout ce qu’on pourra tirer des places de Bavière. Le roi de Westphalie doit aussi manœuvrer, avec les troupes qu’il pourra réunir contre l’ennemi, entre la Bohême et le Danube. Le roi de Wurtemberg, de son côté, réunit une colonne qui pourra se coordonner avec la division du général Rivaud. Je vous envoie cette lettre par le retour d’un courrier du roi de Wurtemberg, comme duplicata des ordres que vous avez dit recevoir.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809

Au général comte de La Riboisière, commandant l’artillerie de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur le Général la Riboisière, donnez ordre à Neustadt et à Bruck que les munitions destinées pour l’armée d’Italie se dirigent sur Vienne. Il y a là, entre autres, un million de cartouches qui sont dans ce cas. Puisque nous approvisionnons l’armée d’Italie par des relais et des convois, ces munitions doivent rentrer au grand parc. Envoyez un officier avec un ordre positif de vous, à Neustadt et à Bruck, pour qu’il en soit ainsi. Donnez aussi les mêmes ordres à OEdenburg.

 

Schönbrunn, 21 juin 1809.

A Frédéric, roi de Wurtemberg, à Stuttgart

Monsieur mon Frère, je reçois la lettre de Votre Majesté du 17.

Le duc de Valmy a dû envoyer une division pour contenir les Autri­chiens. L’instruction générale est d’empêcher surtout l’ennemi d’ap­procher du Danube. Ainsi le duc de Valmy agira conformément an désir de Votre Majesté. Elle réunira de son côté toutes les forces qu’elle pourra employer.

Nous avons enfin établi sur le Danube des ponts sur pilotis aussi solides que le pont actuel de Kehl, et nous ne tarderons pas à livrer bataille à la grande armée autrichienne; cela finira toutes les inquiétudes. Il me parait impossible que cette armée se soit affaiblie d’autre chose que de quelques landwehr et d’un corps peu considérable de troupes.

Le général de brigade Laroche, avec un millier d’hommes de cavalerie, se porte également du côté de Nuremberg.

Le roi de Westphalie, avec une division hollandaise et d’autres troupes, se réunit à Erfurt, et sa première instruction est d’empêcher l’ennemi de s’établir entre Bayreuth et le Danube.

Je suppose que Votre Majesté m’enverra de nouveaux courriers lorsqu’elle aura des renseignements plus positifs, et qu’elle fera prévenir le général qui commande à Strasbourg, le général Beaumont et le duc de Valmy, de tout ce qui serait authentique et de nature à les intéresser. Les renseignements que j’ai jusqu’à présent portent que l’ennemi a deux bataillons d’infanterie et trois ou quatre bataillons de landwehr.

Je prends la précaution d’envoyer à Votre Majesté une lettre sous cachet volant pour le duc de Valmy. Cette précaution m’a paru n’avoir aucun inconvénient. Tout me porte à penser que la division du général Rivaud est suffisante pour contenir et battre l’ennemi.

 

Schönbrunn, 22 juin 1809.

Au maréchal prince de Ponte-Corvo, commandant le 8e corps de l’armée d’Allemagne, à Saint-Pölten

Mon Cousin, votre aide de camp m’apporte la lettre sur l’invasion de Dresde. Il est fâcheux que cette grande ville ne soit pas mise à l’abri d’être envahie par quelques partisans. Le corps de Hanau et celui du roi de Westphalie sont plus que suffisants pour réprimer cette incursion. Tout cela au reste tombera dans peu de jours par le résultat de la bataille qui anéantira la grande armée de l’Autriche.

 

Vienne, 22 juin 1809

VINGT ET UNIÈME BULLETIN DE L’ARMÉE D’ALLEMAGNE.

Un aide de camp du prince Joseph Poniatowski est arrive du quartier général de l’armée du grand-duché. Le 10 de ce mois, le prince Serge Galitzine devait être à Lublin et son avant-garde à Sandomir.

L’ennemi se complaît à répandre des bulletins éphémères, où il remporte tous les jours une victoire. Selon lui, il a pris 20,000 fusils et 2,000 cuirasses à la bataille d’Essling. Il dit que le 21 et le 22 il était maître du champ de bataille. Il a même fait imprimer et répandre une gravure de cette bataille, où on le voit enjambant de l’une à l’autre rive, et ses batteries traversant les îles et le champ de bataille dans tous les sens. Il imagine aussi une bataille qu’il appelle la bataille de Kittsee, dans laquelle un nombre immense de Français auraient été pris ou tués. Ces puérilités, colportées par de petites colonnes de landwehr comme celles de Schill, sont une tactique em­ployée pour inquiéter et soulever le pays.

Le général Marziani, qui a été fait prisonnier à la bataille de Raab, est arrivé au quartier général. Il dit que, depuis la bataille de la Piave, l’archiduc Jean avait perdu les deux tiers de son monde; qu’il a ensuite reçu des recrues qui ont à peu près rempli les cadres , mais qui ne savent pas faire usage de leurs fusils. Il porte à 12,000 hommes la perte de l’archiduc Jean et du Palatin à la bataille de Raab. Selon le rapport des prisonniers hongrois, l’archiduc palatin a été, dans cette journée, le premier à prendre la fuite.

Quelques personnes ont voulu mettre en opposition la force de l’armée autrichienne à Essling, estimée à 90,000 hommes, avec les 80,000 hommes qui ont été faits prisonniers depuis l’ouverture de la campagne; elles ont montré peu de réflexion. L’armée autrichienne est entrée en campagne avec neuf corps d’armée de 40,000 hommes chacun, et il y avait dans l’intérieur des corps de recrues et de landwehr; de sorte que l’Autriche avait réellement plus de 400,000 hom­mes sous les armes. Depuis la bataille d’Abensberg jusqu’après la prise de Vienne, y compris l’Italie et la Pologne, on peut avoir fait 100,000 prisonniers à l’ennemi, et il a perdu 100,000 hommes tues, déserteurs ou égarés. Il devait donc lui rester encore 200,000 hom­mes distribués comme il suit: l’archiduc Jean avait à la bataille de Raab 50,000 hommes; la principale armée autrichienne avait, avant la bataille d’Essling, 90,000 hommes; il restait 25,000 hommes à l’archiduc Ferdinand à Varsovie, et 25,000 hommes étaient dissé­minés dans le Tyrol, dans la Croatie, et répandus en partisans sur les confins de la Bohême.

L’armée autrichienne, à Essling, était composée du premier corps, commandé par le général Bellegarde, le seul qui n’eût pas donné et qui fût encore entier, et des débris du 2e, du 3e, du 4e, du 5e et du 6e corps, qui avaient été écrasés dans les batailles précédentes. Si ces corps n’avaient rien perdu et eussent été réunis tels qu’ils étaient au commencement de la campagne, ils auraient formé 240,000 hommes; l’ennemi n’avait pas plus de 90,000 hommes: ainsi l’on voit combien sont énormes les pertes qu’il avait éprouvées.

Lorsque l’archiduc Jean est entré en campagne, son armée était composée des 8e et 9e corps, formant 80,000 hommes; à Raab, elle se trouvait de 50,000 hommes; mais dans ces 50,000 hommes étaient compris 15,000 Hongrois de l’insurrection: sa perte était donc réellement de 45,000 hommes.

L’archiduc Ferdinand était entré à Varsovie avec le 7e corps, formant 40,000 hommes; il est réduit à 25,000 : sa perte est donc de 15,000 hommes.

On voit comment ces différents calculs se soutiennent et se vérifient.

Le vice-roi a battu à Raab 50,000 hommes avec 30,000 Français. A Essling, 90,000 hommes ont été battus et contenus par 30,000 Français, qui les auraient mis dans une complète déroute et détruits, sans l’événement des ponts qui a produit le défaut de munitions.

Les grands efforts de l’Autriche ont été le résultat du papier­ monnaie et de la résolution que le gouvernement autrichien a prise de jouer le tout pour le tout. Dans le péril d’une banqueroute qui aurait pu amener une révolution, il a préféré ajouter 500 millions à la masse de son papier-monnaie et tenter un dernier effort pour le faire escompter par l’Allemagne, l’Italie et la Pologne. Il est fort probable que cette raison a influé plus que toute autre sur ses déterminations.

Pas un seul régiment français n’a été tiré d’Espagne, si ce n’est la Garde impériale.

Le général comte Lauriston continue le siège de Raab avec la plus grande activité. La ville brûle déjà depuis vingt-quatre heures; et cette armée qui a remporté à Essling une si grande victoire qu’elle s’est emparée de 20,000 fusils et de 2,000 cuirasses, cette armée qui, à la bataille de Kittsee, a tué tant de monde et fait tant de pri­sonniers, cette armée qui, selon ses bulletins apocryphes, a obtenu de si grands avantages à la bataille de Raab, voit tranquillement assiéger et brûler ses principales places et inonder la Hongrie de partis, et fait sauver son impératrice, ses dicastères, tous les effets précieux de son gouvernement jusqu’aux frontières de la Turquie et aux extrémités les plus reculées de l’Europe.

Un major autrichien a eu la fantaisie de passer le Danube sur deux bateaux, à l’embouchure de la March. Le général Gilly-Vieux s’est porté à sa rencontre avec quelques compagnies, l’a jeté dans l’eau et lui a fait 40 prisonniers.

 

Schönbrunn, 22 juin 1809, six heures après midi.

Au général comte de Lauriston, commandant les troupes détachées du 3e corps, au faubourg de Raab

Monsieur le Général Lauriston, je reçois votre lettre du 22 à trois heures du matin; l’idée que j’aurai Raab dans la journée de demain on d’après-demain au plus tard me sourit beaucoup. Faites détruire tous les ouvrages du camp retranché, puisqu’il n’est bon à rien. Quand vous aurez Raab, faites-moi connaître la poudre et l’artillerie qu’il y a.

 

Schönbrunn, 22 juin 1809.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, au camp sous Raab

Mon Fils, je reçois votre lettre du 21 à midi. Le général Marziani est arrivé. Je vois avec plaisir que la crainte que j’avais que vous n’eussiez relâché sur parole les officiers prisonniers n’est pas fondée. Faites-moi connaître s’il en a été de même pour les prisonniers que vous avez faits en Italie. La parole d’honneur que vous avez exigée d’eux de suivre la route qu’on leur a tracée est un bon usage qu’il faut maintenir. J’avais pris cela pour un renvoi sur parole.

Faites une proclamation pour pardonner à tous les insurgés c’est-à-dire les soldats de l’Insurrection hongroise) des cercles d’OEdenburg, de Raab et des pays que vous occupez, en citant un plus grand espace de pays et vous étendant dans votre proclama­tion jusqu’à Pest, et pour leur enjoindre de jeter leurs armes et de regagner leurs foyers.

 

Schönbrunn, 22 juin 1809, six heures après midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, au camp sous Raab

Mon Fils, je reçois votre lettre du 21 à onze heures du soir. Vous ne me dites pas si le pont de Komorn est détruit; rien n’est plus facile que cette opération; il fallait en charger Montbrun; cela devrait être fait. Les mesures que vous avez prises pour les comtes allemands sont bien et montrent de la prudence; c’est ce qu’il fallait faire.

Si M. de Metternich n’est pas encore passé, faites-le passer de manière qu’il ne voie pas votre mouvement rétrograde; il est tout simple de lui faire faire un détour pour passer la Raab et arriver par votre droite. Vous avez vu, par le rapport du général Marulaz, qu’il croit que les débris du corps de Chasteler se sont jetés sur Veszprém. Si cela était vrai et qu’on pût les atteindre, ce serait fort heureux, car il ne serait pas impossible qu’ils cherchassent à rejoindre par Komorn. D’un autre côté, Broussier prétend qu’ils se portent sur Graz, où Marmont n’est pas encore arrivé; il paraît que les ponts de la Drave le retardent. Il n’est arrivé aujourd’hui aucun courrier d’Italie.

 

Schönbrunn, 22 juin 1809.

A Maximilien-Joseph, roi de Bavière, à Munich

Sire, j’ai eu l’honneur de prévenir Votre Majesté que le général Laroche se rendait à Passau, d’où il devait se diriger sur Nuremberg avec deux régiments de dragons. L’Empereur désire que Votre Majesté nomme un général de brigade ou un colonel pour réunir et former une petite colonne des soldats qui se trouvent dans les garnisons des places du Palatinat, lesquels y seront remplacés par des conscrits. L’Empereur pense que l’on pourrait former dans le Palatinat des bataillons de milice pour défendre Nuremberg. Dans la circonstance actuelle il serait utile que Votre Majesté adressât une proclamation à ses peuples, et qu’elle pût armer une dizaine de mille hommes de milice à Munich et dans les environs, ce qui mettrait sa capitale à l’abri de toute inquiétude. Elle pourrait aussi former dans le reste de ses états dix à douze bataillons de milice. Le général Laroche se trouvera bientôt du côté de Nuremberg à la tête de 2 à 3, 000 hommes des troupes tirées du Palatinat, de 2,000 dragons français et des bataillons de milice que vous pourrez mettre à sa disposition.

L’Empereur désirerait que Votre Majesté donnât des ordres pour qu’il·soit envoyé de suite au général Laroche quatre pièces de canon de campagne attelées et bien approvisionnées.

L’Empereur, Sire, pense que, dans les circonstances actuelles, votre ministère de la guerre n’a pas assez d’activité, ce qui est de la plus grande importance, car il faut sans cesse s’occuper de recruter l’armée, de réapprovisionner les magasins, enfin de réparer les pertes de la guerre.

L’Empereur est instruit qu’il circule beaucoup de pamphlets du côté de Nuremberg, et pense qu’il vaut mieux retarder deux on trois jours les postes que de répandre ces libelles. Je vais donner des ordres pour prendre des otages qui répondent des sujets de Votre Majesté enlevés dans le Tyrol.

Une chose essentielle, c’est que Votre Majesté fasse défendre autant que possible les communications sur les frontières de ses États avec la Bohême.

 

Schönbrunn, 23 juin 1809, deux heures du matin.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 22 à trois heures après midi.

Je suppose que le vice-roi d’Italie aura pourvu à couvrir le siége de Raab et tiendra vis-à-vis Medve des troupes et du canon, afin que, si l’ennemi tentait un passage, on puisse déboucher promptement. Il me tarde que vous soyez réuni devant Presbourg, c’est-à-dire avec la division Lasalle et vos deux divisions, en ayant soin d’éclairer le Danube et ayant l’œil sur le siège de Raab. Mais il ne faut pas vous éloigner de Presbourg; l’armée d’Italie est assez forte pour pourvoir à cela. Ce ne serait que si elle était attaquée par Komorn, qu’il deviendrait important que vous gardassiez ses derrières. Vous ne manquez pas de cavalerie, puisque vous avez la division Lasalle. Ne laissez pas désorganiser votre artillerie. Veillez à ce que les caissons de votre parc qui seraient du côté de Raab vous reviennent. Il n’y a que les pièces de 12, que vous avez envoyées, qui sont nécessaires. Je n’attends que la prise de cette ville, si elle doit être prise, pour prendre mon parti, à peu près vers la fin du mois. Il faut donc avoir votre artillerie et tout bien en règle. Jusqu’à cette heure je ne vois rien qui indique que l’ennemi ait changé de position ; il est toujours devant Vienne, et le mouvement qu’on fait faire au prince Jean prouve que ce corps vient lui-même renforcer l’armée.

 

Schönbrunn, 23 juin 1809, neuf heures du matin.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, puisque par le rapport des prisonniers il résulte qu’on a fait à Presbourg des préparatifs de passage et que cette ville est un centre de magasins, il faut y mettre le feu et la brûler. Faites préparer d’avance vos batteries en conséquence, et, aussitôt que Raab sera pris, faites revenir vos mortiers et vos obusiers, les deux obusiers prussiens que j’ai envoyés et les mortiers et obusiers qu’on pourra trouver à Raab. Ayant ainsi réuni une dizaine de mortiers et d’obusiers, vous enverrez un trompette pour faire connaître à l’ennemi que vous le sommez d’évacuer les îles et de rentrer dans Presbourg, qu’alors vous ne tenterez aucun passage et respecterez la ville, mais qu’en cas de refus vous allez vous servir de vos mortiers et de vos obusiers. Vous ne ferez signer cette lettre que par un géné­ral de brigade. Si l’ennemi, comme cela est probable, refuse d’évacuer les îles, vous jetterez avec la plus grande rapidité deux ou trois mille obus dans Presbourg. Comme la communication est très­ rapide, je pourrai désigner moi-même le jour où elle devra se faire. Mon intention est que cette expédition ait lieu dans le même temps que les mouvements rétrogrades se feront sur Vienne, ce qui attirera toujours l’attention de l’ennemi. Vous avez donc deux ou trois jours pour vous préparer. J’espère que dans la journée nous aurons Raab, et que l’on y trouvera un peu de poudre ; je désirerais beaucoup que l’on pût y en trouver une quarantaine de milliers.

 

Schönbrunn, 23 juin 1809, neuf heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, au camp sous Raab

Mon Fils, je reçois votre lettre du 22 juin à midi. Les dispositions que vous avez prises sont fort bonnes. Je vois avec plaisir ce que vous me dites, que le commandant de Raab a tenu un conseil de guerre; j’espère donc que vous entrerez dans la journée dans cette place.

Je vous envoie un courrier d’Italie; je l’ai retenu deux heures pour connaître la situation de Vérone et de Venise. Caffarelli doit être arrivé dans ce moment; j’espère qu’il aura mis ordre à tout cela.

Débarrassez-vous de tous vos prisonniers, de vos blessés; donnez ordre que d’OEdenburg on les évacue sur Neustadt, hormis les plus blessés. Dans deux jours, il faut donner ordre qu’on ne passe plus par la route d’OEdenburg; pourtant il faut tourner le lac et se servir de la route de Bruck. Dites donc à Montbrun de jeter à bas le pont de Komorn; vous êtes bien malhabile de ne l’avoir pas encore fait. Aussitôt que vous serez dans Raab, la première chose que vous me ferez connaître, c’est la quantité de poudre et de bouches à feu qui se trouvent dans cette place. S’il y a dans Raab plus de trente milliers de poudre, mon intention est qu’on brûle Presbourg; j’en écris au duc d’Auerstaedt. Aussitôt que Raab sera pris, faites partir par relais pour Ebersdorf  les quatre pièces de 18 et les deux pièces de 12 de siége que je vous ai envoyées. Si elles n’ont point épuisé toutes leurs munitions, envoyez-en le reste avec ces pièces. Vous enverrez au duc d’Auerstaedt les obusiers prussiens et les mortiers pour servir à l’opération contre Presbourg.

P. S. Tous vos convois de munitions de guerre doivent se diriger de Bruck sur Vienne. Je vous ai mandé de faire lever le plan de la bataille sur une grande échelle, afin que j’y trace la bataille et que j’en fasse faire une relation, ainsi que de la bataille de la Piave. Aussitôt que Raab sera pris, remettez-le en état de défense, faites-y entrer des approvisionnements et remettez-moi un état de situation de la place.

 

Schönbrunn, 23 juin 1809, neuf heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, au camp sous Raab

Man fils, je suppose que voua couvrez le siège de Raab de tous les côtés, et que si l’ennemi tentait de passer du côté de Mestre 1,500 ou 2,000 hommes pour essayer de les jeter dans Raab, il y aurait sur le rivage assez de troupes pour l’empêcher de débarquer et de pénétrer jusqu’à Raab. Il me tarde d’apprendre que Raab soit pris ; faites-moi connaître quand vous aurez renvoyé au duc d’Auerstaedt toutes ses troupes, y compris la division Lasalle, et que vous n’aurez plus ni blessés ni embarras qui vous empêchent de faire un mouvement quelconque sans être retardé. Je suis toujours dans l’intention de frapper un grand coup vers la fin du mois.

 

Schönbrunn, 23 juin 1809, dix heures du matin.

Au général comte de La Riboisière, commandant l’artillerie de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur le Général La Riboisière, la bataille qui va avoir lieu doit préluder par une grande canonnade dans l’île. C’est donc une canonnade de quatre-vingt-six bouches à feu qui doivent être approvisionnées, chacune au moins de trois cents coups; cela fait donc vingt-cinq à trente mille coups de canon. Avez-vous la poudre nécessaire pour cela ? Quand les cent milliers de poudre qui viennent de Bavière seront-ils arrivés ? Je demande des calculs positifs: six heures d’intervalle gâteraient tout. Raab a demandé à capituler. II me tarde fort de savoir s’il y a de la poudre. Je me suis refusé à la proposition que vous m’avez faite de mettre des pièces de campagne pour compléter les quatre-vingt-six bouches à feu. Quand ce nombre de quatre-vingt-six pièces sera-t-il complété par celles qu’on tire de Vienne ? Il me semble que vous ne manquez pas d’affûts, mais que les affûts ne sont pas ferrés; quand le seront-ils ? Il vous faudrait au moins trois affûts de 18, trois de 12, trois de 6, trois d’obusier et trois crapauds de mortier de rechange. J’ai donné l’ordre que, dès que Raab sera pris, les quatre pièces de 18 et les deux pièces de 12 de siége que vous y avez envoyées reviennent par relais sur Ebersdorf; elles serviront en réserve. Si je demande encore dix-huit pièces de 18, pourrez-vous les fournir ? Vous avez les pièces, vous avez les boulets, les cent milliers de poudre doivent être arrivés; avez­ vous les affûts ? S’il ne s’agit que de les ferrer, ce doit être l’ouvrage de peu de jours. Si je demandais six obusiers à grande portée, pour­riez-vous les fournir ? Pourrez-vous fournir aussi deux pièces de 6 ?

Vous devez avoir les pièces, les boulets; restent les affûts, qui ne sont pas ferrés. Quand tout cela sera-t-il prêt ?

J’ai le projet de jeter deux mille obus dans Presbourg, pour obliger l’ennemi à évacuer les îles qu’il occupe, en le menaçant de brûler la ville. De quelle sorte d’obus faut-il se servir pour consommer les munitions les moins précieuses ?

 

Schönbrunn, 23 juin 1809, dix heures du matin

Au général comte Bertrand, commandant le génie de l’armée d’Allemagne, à Ebersdorf

Monsieur le Général Bertrand, il paraît par votre rapport que le pont et le bac sont faits. Je me rendrai ce soir à quatre heures dans l’île. Vous avez bien fait d’en commencer un second; faites-en commencer un troisième. Faites porter aussi dans le bras sept ou huit nacelles; cela peut se porter sur des voitures. Ces nacelles sont im­portantes. Nous y placerons des marins d’observation, pour contenir ce qu’on pourrait envoyer contre les ponts.

Raab a demandé à capituler; ainsi tout marche vers la grande opération .

J’ai vu avec plaisir l’expédition du capitaine Baste; je donnerai des récompenses aux officiers qui se sont distingués; sont-ils de la Légion ?

Mais ayez soin que toutes les opérations se fassent en haut pour inquiéter l’ennemi et s’accoutumer, et non pas du côté où nous devons faire la descente.

Quand aura-t-on les deux autres barques armées, et surtout la grande ?

 

Schönbrunn, 23 juin 1809.

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, donnez ordre au général de division Narbonne de partir sur-le-champ pour se rendre à Raab, où il prendra le comman­dement de cette place et de la partie de la Hongrie soumise à mes armes. Il mettra la place de Raab en état de soutenir un siège et reconnaîtra parfaitement la ligne de la Raab, mon intention étant que, les circonstances arrivant que le cordon qui sera laissé de ce côté fût obligé de se replier, il s’enferme dans la place pour s’y défendre. Quant à l’administration du pays, il aura soin de répandre le plus possible de mes proclamations aux Hongrois, et il lui sera envoyé des instructions ultérieures.

 

Schönbrunn, 23 juin 1809, quatre heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, Raab s’est rendu. Je donne l’ordre que les quatre pièces de 18 et de 12, avec leur approvisionnement, soient renvoyées sans délai sur Ebersdorf; que, s’il y a plus de vingt milliers de poudre dans la place et plus de cinq cents milliers de cartouches, on fasse partir pour Vienne ce qu’il y aurait en sus; enfin qu’on vous envoie les deux obusiers prussiens et les mortiers pour bombarder Presbourg. Je suppose que vous pourrez commencer demain soir ou dans la nuit ce bombardement. Il faut avoir dix mortiers ou obusiers et dix-huit cents bombes ou obus à y jeter. Il faut faire précéder le bombardement par l’envoi d’un trompette dans l’île. Il sera porteur d’une sommation où vous direz « que, pour épargner les horreurs de la guerre à l’intéressante ville de Presbourg, vous demandez qu’il n’y soit fait aucuns retranchements ni fortifications, et que les troupes de l’île se retirent sur la rive gauche; qu’à cette condition vous ne ferez sur la rive droite aucunes fortifications et ne molesterez en rien la ville; que si, au contraire, les îles qui sont du côté du courant continuent à être retranchées et occupées, cette conduite, qui n’aboutit à rien, attirera la ruine de Presbourg.  » Quand vous aurez lancé un millier de bombes, et que le feu se sera manifesté dans la ville, vous recommencerez la même sommation. S’il vous vient un officier parlementaire, vous lui ferez comprendre que, si on veut épargner les malheurs de la guerre aux grandes villes, il faut s’entendre; que vous ne demandez pas mieux que d’épargner Presbourg; que vous n’avez aucun projet de ce côté; qu’il suffit qu’on ne fasse pas de fortifications et qu’on ne tente pas d’attaques vis-à-vis cette ville; qu’ils ont tant d’autres points qui leur offrent les mêmes avantages que cette position, qu’ils doivent les préférer pour épargner ces malheureux habitants; sans quoi vous ne laisserez pas une maison dans la ville.

Nous avons besoin d’ancres; il doit y en avoir beaucoup dans les villages aux environs de Presbourg; dirigez sur Ebersdorf celles que vous trouverez. Nous avons également besoin de cordages; envoyez­ nous ce que vous pourrez. Vous avez offert de nous envoyer des bateaux; a-t-on envoyé des haquets pour les prendre ? Dans votre lettre vous disiez en avoir soixante et dix, mais ce nombre me paraît bien fort; envoyez-nous ceux dont vous pouvez disposer, ainsi que leurs agrès.

 

Schönbrunn, 23 juin 1809, quatre heures après midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, je vous fais mon compliment de la prise de Raab. Il me tarde de savoir combien il y a de canons, de mortiers et de poudre. S’il y a dans la place plus de vingt milliers de poudre, faites-en partir sur-le-champ vingt milliers sur Vienne par des relais, pour que cela arrive plus vite. Renvoyez sur Ebersdorf les quatre pièces de 18 et les deux pièces de siége de 12 que j’ai envoyées à Raab, avec leur armement et approvisionnement.

Le major général vous écrit pour vous tracer la conduite que vous avez à tenir à l’égard des prisonniers. Il faut les retenir et les envoyer en France, à moins que le premier article de la capitulation ne soit adopté par le général autrichien et qu’on n’ait la signature ou du prince Jean, ou du prince palatin, ou du prince Charles, qui garantisse que ces prisonniers seront acceptés aux échanges qui auront lieu. Ayez soin qu’on prenne le nom des officiers prisonniers, qu’on leur fasse signer leur parole d’honneur, et que tout soit parfaitement en règle.

Vous sentez que, vous faisant venir sur Vienne pour assister à la bataille, je veux laisser un corps d’observation sur la Raab, composé d’infanterie, de cavalerie el d’artillerie. L’infanterie gardera la rivière tant qu’elle pourra, et se renfermerait dans la place si elle était forcée par des forces supérieures; la cavalerie se replierait. Il faut donc qu’il y ait dans la place des vivres pour 2,000 hommes et des muni­tions pour plusieurs mois. Il faut nommer un garde-magasin d’artillerie, un garde-magasin de vivres, un commissaire des guerres, un officier supérieur d’artillerie et un commandant de place. Vous allez y faire entrer vos embarras. S’il y a des réparations à faire aux ouvrages avancés, faites-les faire sans délai.

 

Schönbrunn, 23 juin 1809.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, nous avons besoin d’ancres; il y en a beaucoup en Hongrie. On m’assure qu’il y en a un grand nombre à Raab et aux environs; envoyez-nous-en deux cents. Dirigez-les sur Ebersdorf. Nous avons aussi besoin de cordages; envoyez-nous ce que vous pourrez.

 

Schönbrunn, 23 juin 1809

Au maréchal Bernadotte, prince de Ponte-Corvo, commandant le 9e corps de l’armée d’Allemagne, à Saint-Pölten.

Mon Cousin, je reçois votre lettre sur les dispositions des Saxons.

Les Saxons qui sont du côté de Dresde se réunissent aux Hollandais et au corps du roi de Westphalie, qui doit se combiner avec le corps d’observation du duc de Valmy; ce qui fera près de 30,000 hommes. Les renseignements sont que l’ennemi a très-peu de monde du côté de Dresde et de Bayreuth. Votre corps m’est nécessaire pour la bataille qui va avoir lieu. Après cela vous et votre corps pourrez retourner, s’il est nécessaire, dans le nord de l’Allemagne. Tenez-vous prêt, et tâchez d’avoir avec vous quatre ou cinq jours de biscuit, quelques bœufs, vos cartouches et votre artillerie en règle, afin que vous puissiez figurer selon votre ordinaire à la bataille qui va avoir lieu.

P. S. Je reçois votre lettre du 22 avec celle de Würzburg du 18. Continuez à me donner les nouvelles que les Saxons recevront de leur pays. Vous voyez que tout cela n’est pas bien sérieux.

 

Schönbrunn, 23 juin 1809.

Au général Broussier, commandant la 1e division de l’aile droite de l’armée d’Italie, à Wildon (ville de Styrie situé entre Graz et Leibnitz)

J’ai reçu, Monsieur le Général Broussier, la lettre que vous m’avez adressée par M. Fromage, capitaine au 84e régiment. Je l’ai mise sous les yeux de l’Empereur. Sa Majesté a été surprise que vous ayez levé le siége et le blocus de la citadelle de Graz, car je vous avais fait connaître que vous ne deviez lever le siège que dans le seul cas où vous y seriez obligé par des forces supérieures ennemies, et que votre mouvement de retraite devait se faire sur Bruck, de manière à bien garder cette route. Vous êtes laissé tromper sur la posi­tion et sur l’approche de l’ennemi. Ensuite, vous avez eu une con­fiance aveugle en vous portant en avant sans avoir des nouvelles du général Marmont et sans pouvoir être sûr de conserver votre communication en abandonnant Graz.

Si le général Marmont était, comme vous le supposez, arrêté par la Drave et n’avait pas de pont, vous exposez votre division, puis­qu’elle peut se trouver aux prises avec des forces très-supérieures, sans que vous puissiez espérer du secours.

En abandonnant Graz, vous sentez que c’est exposer le flanc gauche de l’armée d’Italie.

Dans la situation des choses, si votre mouvement n’a eu aucune mauvaise suite, et que vous n’entendiez pas le canon du général Marmont, retournez à votre poste.

Comment avez-vous pu abandonner les blessés et les magasins !

Le prince de Neuchâtel

 

Schönbrunn, 23 juin 1809

ORDRE DU JOUR

L’empereur, en visitant ce matin les avant-postes dans l’île de Tabor, n’a point trouvé les canonniers à leur poste; les soldats du train étaient déshabillés et couchés, il n’y avait point de gardes aux pièces. Sa Majesté a fait mettre en prison le sergent qui commandait ce poste.

L’empereur recommande de porter une attention particulière à cette artillerie et ordonne qu’il y ait constamment des gardes et des plantons aux pièces.

 

Schönbrunn, 23 juin 1809

DÉCISION

Le général de division Foucher, à la date du 22 juin 1809, fait un rapport à l’Empereur sur l’armement des îles Alexandre, Lannes, Pouzet, Espagne, Saint-Hilaire et Masséna

 

Ce rapport serait satisfaisant, puisqu’il paraîtrait que les quatre-vingt bouches à feu pourraient être en batterie et prêtes à faire feu demain soir; mais ce qu’il importe de savoir, c’est que les approvisionnements à 150 coups ne sont rien; il faut 300 coups par pièce. On peut même mettre une dizaine de coups de mitraille par pièce.

 

Schönbrunn, 24 juin 1809.

Au maréchal Bernadotte, prince de Ponte-Corvo, commandant le 9e corps de l’armée d’Allemagne, à Saint-Pölten

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 23. Le rapport du ministre de la guerre Cerrini est fort exagéré. Il n’est entré à Bayreuth que 2,500 hommes, et il y a tout au plus 6 à 7,000 hommes entrés en Saxe. Le roi de Westphalie a porté, le 18, son quartier général à Mülhausen, à la rencontre des Saxons, avec lesquels il aura près de 15,000 hommes pour marcher à l’ennemi avec ses forces. Le duc de Valmy a envoyé une partie de son corps à Würzburg. Ces détails feront plaisir aux Saxons, et ils ne tarderont pas à rentrer à Dresde. Il n’est pas vrai que ce soit le général Mayer qui commande les Autrichiens; c’est un général Am Ende dont on n’a jamais entendu parler.

 

Schönbrunn, 24 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie

Mon fils, je reçois vos quatre lettres du 23, à dix heures et demie du soir. Je viens d’envoyer six mortiers au duc d’Auerstaedt, ce qui, avec les trois que vous avez, et avec ses deux obusiers prussiens, fera onze, avec lesquels mon intention est qu’il brûle Presbourg, en y jetant 2 ou 3,000 bombes. Annoncez que vous marchez sur Pest, et que du moment que Raab sera approvisionnée et en état, vous avez l’ordre de vous porter sur cette ville. Préparez tout pour pouvoir partir le 25 et en cinq jours arriver sur Vienne, si cela est nécessaire, selon l’ordre que je vous enverrai.

 

Schönbrunn, 24 juin 1809, deux heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, je n’ai pas encore reçu de rapports de Raab, et j’ignore ce qu’il y a en poudre et en artillerie. Quoi qu’il en soit, je persiste dans le projet de jeter 2,000 à 2,500 boulets creux sur Presbourg, pour les obliger à cesser leurs travaux et à évacuer les îles. J’ai pensé qu’il ne fallait pas abîmer vos obusiers de campagne, qui seront si nécessaires pour la bataille; j’ai donc préféré faire partir d’ici six mortiers de fer de 11 pouces, jetant des bombes de 80 livres, avec 300 bombes par mortier, ce qui fera 1,800; vous aurez reçu de Raab trois petits mortiers avec 400 bombes, ce qui fera 2,200 ; vous emploierez les deux obusiers prussiens avec 400 obus, ce qui fera 2,600. Moyennant les relais, les mortiers vous arriveront demain matin, et les munitions vous arriveront à mesure que vous les consommerez; car toutes les six heures il partira un convoi de 600, et il partira trois convois. Ainsi vous pouvez faire votre dé­marche le 25 et commencer le feu le 26 au matin. Il faudra avoir soin que ces mortiers soient tirés à petite portée. Le feu durera trois jours; je suppose qu’une portée de 4 à 500 toises doit suffire pour atteindre le milieu de la ville. Il faut recommander aux officiers d’artillerie de mettre de l’intervalle d’un coup à l’autre, afin de ne pas trop échauffer ces mortiers. Recommandez à votre général d’artillerie de bien faire approvisionner ses caissons, afin que du 28 au 30 vos quatre-vingts pièces de campagne soient en état et parfaite­ment approvisionnées.

Schönbrunn, 24 juin 1809, six heures du soir.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, j’ai reçu vos trois lettres datées du 24 à huit heures du matin. Je crois que l’ennemi commence un pont sous Presbourg; je suis surpris que vous n’ayez pas sur-le-champ envoyé des obus et tiré des coups de canon pour l’en empêcher; je pense que vous devez le faire sans perdre de temps, et que vous ne devez rien épargner pour l’empêcher de construire ce pont. Les Badois doivent arriver sur vous ; ils ont aussi de l’artillerie; informez-vous où ils sont, et vous pourrez vous servir d’eux. Au reçu de cette lettre, commencez votre bombardement, si toutefois il est vrai qu’ils ont continué leur pont. Les mortiers qui vous arriveront, dans la journée de demain, de Raab et de Vienne, vous mettront à même de donner plus d’activité à votre bombardement. Indépendamment des munitions que vous avez, vous en pouvez aussi tirer de Raab, de celles que j’y ai envoyées et qui n’ont pas été employées. La mesure de ramasser des moulins pour détruire leur pont est bonne. Il faut aussi trouver quel­que emplacement pour mettre en batterie vos pièces de 12 et de 8 contre leur pont. Je suppose que la brigade du général Bruyère a rejoint le général Lasalle.

Schönbrunn, 24 juin 1809

Au comte Daru, intendant général de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur Daru, il y a à Neusiedler vingt mille sacs de grains qui appartenaient à l’archiduc Albert. Vous pouvez les faire prendre pour l’approvisionnement de Vienne.

Schönbrunn, 24 juin 180

Au général comte Andréossy, gouverneur de Vienne

La garde bourgeoise de Vienne est mal menée et a un mauvais esprit. Je suis dans la croyance qu’elle n’est que de 6,000 hommes, dont 3,000 armés; et cependant on me rend compte qu’il y en a 13 à 14,000. Réunissez le tout demain; passez-en la revue; faites-moi connaître quels sont les commandants, et donnez-moi des renseignements précis sur cette garde. Je veux bien qu’il y en ait 6 à 7,000, mais qu’ils n’aient pas plus de l,500 à 2,000 fusils, et n’avoir rien à craindre.

Mon armée étant réunie à Vienne, c’est le moment de mettre de l’ordre.

Schönbrunn, 24 juin 1809

ORDRE.

TITRE ler. – DES PONTS,

1° Il y aura dans le canal de l’île Alexandre cinq bacs pouvant porter, chacun, 300 hommes et deux pièces de canon sur leurs rouages, 100 coups à tirer par pièce, dans des caisses, ainsi que 10,000 cartouches également dans des caisses.

Chacun de ces bateaux aura sur l’avant une espèce de mantelet en madriers à l’épreuve de la balle, qui servira à être jeté sur le rivage pour protéger le passage des pièces. A droite et à gauche de chaque bateau il sera placé un bordage de deux pieds de hauteur, servant à cacher les hommes et à les mettre à l’abri de la fusillade.

2° Le premier de ces cinq bacs portera le bout d’une cinquenelle avec un crochet en fer, et il sera désigné sur la rive gauche un arbre auquel sera attachée cette cinquenelle; un treuil sera placé sur la rive droite pour la tendre sur-le-champ; et les cinq trailles se servi­ront de la cinquenelle pour revenir. Le général d’artillerie désignera l’arbre auquel sera attachée la cinquenelle, et il fera placer le treuil vis-à-vis, dans les broussailles, le 26.

3° Le pont entier pour l’infanterie débouchera immédiatement après. On en réunira les deux ou trois parties dans la dernière partie du canal; après cela on les fera descendre le long du rivage. On plantera, le 26 des piquets, et on désignera le lieu où le pont doit être appuyé sur la rive opposée. On le placera plus bas que la Maison­ Blanche.

4° Le pont de radeaux sera construit un peu plus bas que l’extré­mité de l’île Alexandre.

5° Le pont de pontons sera construit sur la petite île en avant de l’île Alexandre. A cet effet, les bateaux, madriers, etc., seront portés, la veille, dans la dernière petite île.

6° Il y aura un bateau avec quelques chevalets, les madriers, poutrelles et cordages nécessaires pour faire un pont de quinze à vingt toises. Ce bateau et tous les agrès seront cachés sur la rive·droite vis-à-vis le petit bras qui sépare l’îlot du Danube de la Maison­ Blanche. Lorsque les troupes seront arrivées à cette hauteur, une escouade de pontonniers mènera ce bateau pour faire là un pont.

7° Il y aura dix pontons chargés sur des haquets attelés, avec les madriers, poutrelles, cordages et tous les objets nécessaires pour faire trois ponts de dix toises chacun. Cela se tiendra dans l’ouvrage de tranchée. Le pont qui doit être fait à l’embouchure dans le Danube sera réuni en portières, afin de gagner du temps et, par ce moyen, pouvoir le jeter en deux heures.

 

TITRE II. – DES BOUCHES A FEU.

8° La batterie de l’île Espagne sera augmentée de quatre mortiers, en fer, de 11 pouces. Ces mortiers jetteront des bombes dans la redoute que l’ennemi a de ce côté, pour en éteindre le feu, et aussi dans Enzersdorf, lorsque le feu sera éteint.

9° La batterie n° 9 de l’île Lannes sera augmentée de quatre pièces de 18 venant de Raab; ce qui, au lieu de huit, la portera à douze.

La même batterie sera augmentée de quatre mortiers; ce qui, au lieu de quatre, la portera à huit.

10° Pour épargner la poudre, il y aura deux charges pour les pièces de 18; cent coups de six 1ivres et cent coups de 4 livres. On ne tirera à 6 livres que lorsqu’il sera question de faire brèche et de tirer contre les maisons.

Il ° On aura en réserve six pièces de 18 et douze pièces de 6, ce qui fera dix-huit pièces, et le nombre d’affûts qu’on pourra ferrer d’ici au 29. Ces pièces serviront à construire des batteries contre celles que ferait l’ennemi pour contrarier nos projets, et surtout contre la batterie qu’il a du côté de la Maison-Blanche, pour pouvoir les éteindre sur-le-champ.

Les batteries des îles seront conformes au tableau ci-joint.

12° Le général d’artillerie et le général du génie donneront des ordres, chacun pour ce qui les concerne, pour l’exécution du présent ordre.

Schönbrunn, 24 juin 1809

A Frédéric-Auguste, roi de Saxe, à Francfort

J’ai reçu la lettre de Votre Majesté. Je suis fâché de tous les em­barras que cela doit lui occasionner. Elle doit toutefois être sans inquiétude. La division de 7 à 8,000 hommes que les Autrichiens ont dirigée sur ses états n’a de véritables soldats que trois bataillons. Le roi de Westphalie a dû se réunir avec les troupes de Votre Majesté, et la division Gratien; et la division du duc de Valmy, qui va se diriger sur Bayreuth, se réunira aussi au roi de Westphalie. Votre Majesté aura au moins 30,000 hommes pour rentrer dans ses états.

D’ailleurs ici les choses vont se décider. J’ai fait construire sur le Danube deux ponts de pilotis, aussi larges et aussi beaux que celui de Wittenberg, ayant chacun 440 toises de long. Ainsi le Danube ne doit pas se considérer comme un obstacle. La capitulation de la place de Raab a mis une position très-importante à notre disposition.

La ville de Dresde n’est pas une ville forte; mais cependant, avec les 3,000 hommes des troupes de Votre Majesté, elle aurait été à l’abri d’une incursion, si elle avait été armée. On a bien fait de la désarmer à l’ouverture de la campagne, où l’armée saxonne pouvait s’y trouver renfermée; mais, depuis la bataille de Ratisbonne, on n’a plus eu à craindre une incursion sérieuse. 3,000 hommes, avec le concours des habitants, étaient plus que suffisants pour mettre cette capitale à l’abri des misérables troupes qui sont entrées à Dresde.

Les choses marchent ici à ma satisfaction.

Aussitôt que Votre Majesté rentrera dans ses états, il sera convenable d’armer Dresde, d’y réunir les levées et la cavalerie, et de se mettre à l’abri des corps volants de l’ennemi, si toutefois alors il est encore maître de la Bohême.

Vienne, 24 juin 1809

VINGT- DEUXIÈME BULLETIN DE L’ARMÉE D’ALLEMAGNE.

La place de Raab a capitulé. Cette ville est une excellente position au centre de la Hongrie. Son enceinte est bastionnée, ses fossés sont pleins d’eau, et une inondation en couvre une partie. Elle est située au confluent de trois rivières; elle est comme le réduit d’un grand camp retranché où l’ennemi espérait réunir et exercer toute l’insurrection hongroise, et où il avait fait d’immenses travaux. Sa garnison, forte de 1,800 hommes, était insuffisante. L’ennemi complait y laisser 5,000 hommes; mais, par la bataille de Raab, son armée a été séparée d’avec la place. Cette ville a souffert huit jours d’un bombardement qui a détruit les plus beaux édifices. Tout  ce qu’on pouvait dire sur l’inutilité de sa défense était sans effet: elle s’était bercée de la chimère d’être secourue.

Le comte de Metternich, après être resté trois jours aux avant-postes, est retourné à Vienne. Le secrétaire d’ambassade Dodun et les personnes des légations alliées qui ne s’étaient pas encore retirées avant la prise de Vienne ont été évacués sur les confins de la Hongrie, lorsqu’on a appris à Bude la perte de la bataille de Raab.

Deux bataillons de landwehr, deux escadrons de uhlans et un bataillon de troupes de ligne, formant ensemble 2,500 hommes, sont entrés à Bayreuth. Ils ont, comme à l’ordinaire, répandu des proclamations et cherché à exciter des soulèvements. Au même moment, le général Am Ende (Karl Friedrich Am Ende, 1756 – 1810) est entré à Dresde avec trois bataillons de ligne, trois bataillons de landwehr el quelques escadrons de cava­lerie tirés de différents corps, tout cela formant 7 à 8,000 hommes.

Le Roi de Westphalie a réuni le 10e corps et s’est mis en marche.

Le duc de Valmy a mis en mouvement, de Hanau, l’avant-garde de l’armée de réserve qu’il commande.

Schönbrunn, 24 juin 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Vous trouverez ci-joint la copie d’une dépêche du ministre de  Prusse. Tâchez de savoir quels gens il voit. C’est inconcevable les bêtises qu’il écrit à sa cour en parlant de ce qui a été mis dans le Moniteur pour Metternich.

(Lecestre)

Schönbrunn, 25 juin 1809, dix heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, faites entrer dans Raab tous les blessés que vous avez hors d’état d’être transportés; il ne faut pas qu’il en reste un seul en dehors. Le pays où vous êtes est celui des bons chevaux hongrois; demandez-en un millier, soit par réquisition, soit pour de l’argent. J’ai accordé à chaque colonel 40,000 francs pour se remonter; ordonnez-leur d’acheter des chevaux, je les ferai payer. Recommandez cela à Montbrun, à Lasalle, à Colbert.

Schönbrunn, 25 juin 1809, dix heures du matin

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, c’est aujourd’hui le 25. Je vous laisserai encore du côté de Raab le 26 et le 27, puisqu’il n’y a que vingt-six lieues de France d’ici à Raab et qu’il ne faut pas plus de trois jours pour les faire. Mon intention est que vous profitiez du 26 et du 27 pour faire une forte reconnaissance sur Komorn, afin de donner le change à l’ennemi, et que vous jetiez enfin ce pont à bas. Il est ridicule que cela ne soit pas fait. Il n’y a pas besoin de charger les moulins de sable; il faut les lancer tels qu’ils sont, mais les conduire vite. Si cela ne réussit pas, il faudra voir si avec quelques pièces de 12 vous pour­riez le rompre.

 

Schönbrunn, 25 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, je reçois votre lettre du 24 à deux heures après-midi, qui n’est arrivée que le 25 à neuf heures du matin. Il n’y a cependant d’ici à Raab que vingt-six lieues de France. Comme les Badois doivent venir à Vienne, mettez sous leur escorte les 2,500 prisonniers. Ils arriveront ici en trois jours; lorsqu’ils seront à Schönbrunn, nous aurons la réponse du quartier général autrichien, et nous verrons ce que nous aurons à faire. D’ailleurs, je verrai de quel pays ils sont; s’il y en a qui appartiennent à des princes de la Confédération, je les renverrai chez eux : il restera ainsi peu de monde. La capitulation ne dit pas par où ils seront rendus : je peux les rendre par Égra. Dirigez-les donc par ici. Faites-moi connaître de quels régiments et de quelle nation ils sont. Je suis fort embarrassé du parti à prendre pour Raab. Vous ne me rendez pas compte de la nature et de l’état des fortifications. Il faut que je connaisse quel est le revêtement, le relief, le nombre des bastions, etc. Quand je dis que je suis embarrassé sur Raab, c’est pour l’artillerie et les munitions.

Je pourrai y envoyer 20 pièces de 6 et des obusiers. J’y ferai retourner les obusiers prussiens et les mortiers que vous avez; mais la grande difficulté est la poudre, dont je n’ai que le nécessaire. Cependant je méditerai encore là-dessus. J’espère dans la journée recevoir des détails sur les fortifications. Envoyez-moi des renseignements sur la population et les ressources de la ville. – Commencez, par précaution, à faire venir à  Raab 1,000 boeufs, qui serviront à la garnison, si j’en laisse une, et qu’on pourra évacuer s’il n’y reste pas de garnison.

Les 3,000 quintaux de farine sont un bon commencement.

 

– Faites un appel de 6,000 quintaux de blé dans les environs, et réunissez-les dans la place, s’il y a des moulins dans la ville; vous pourriez envoyer ici 2,600 quintaux de farine, en les remplaçant par une pareille quantité de blé. Il faut que les moulins soient indépendants de la ville, pour que l’ennemi ne puisse pas les détruire; sans cela il faut en faire moudre tout le blé qu’on pourra. En résumé, envoyez à Schönbrunn les 2,500. Envoyez-moi le rapport des officiers du génie sur la place,  une statistique de la ville sur la population et les ressources; faites entrer dans la place 1,000 boeufs et 6,000 quintaux de blé. Envoyez-nous 2,000 quintaux de farine; faîtes approvisionner la place en bois, pour faire des blindages. Faites-moi connaître s’il y a des magasins et des casemates à l’abri de la bombe; faites mettre les batteries en état. Nommez un Chef de bataillon pour commandant avec trois adjudants de place, un chef de bataillon d’artillerie, un chef de bataillon du génie, trois officiers d’un grade inférieur de chacune de ces armes, des gardes-magasins du génie et de l’artillerie et un commissaire de guerre.

(Eugène)

Schönbrunn, 25 juin 1809

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris

Mon Cousin, j’ai reçu vos lettres des 17, 18 et 19. Votre correspondance n’est pas instructive et ne me dit rien de l’opinion de Paris et de ce que j’ai intérêt de savoir à une si grande distance. Ne serait-il pas possible de lui donner un tour plus intéressant et plus utile ?

Schönbrunn, 25 juin 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je réponds à votre lettre du 19. Je voudrais avoir des renseignements sur « ce salon des étrangers ». Il paraît que c’est là que les ministres étrangers puisent les ridicules nouvelles qu’ils envoient chez eux. Il serait facile de faire connaître dans cet endroit le véritable état des choses.

Schönbrunn, 26 juin 1809

Au général Andréossy, gouverneur de Vienne

La ville de Vienne est mal gouvernée. L’insolence du peuple vient de la négligence à réprimer les excès auxquels il s’est livré depuis un mois. Ces excès sont d’une nature telle qu’il n’en est aucun qui n’aurait dû être puni par la mort de plusieurs hommes. Si des exemples avaient été faits, la populace serait rentrée chaque jour de plus en plus dans le devoir. La coupable négligence dont on a usé a eu le résultat de rendre ce peuple insolent; c’est la première fois que je vois mes armes méprisées. On m’a laissé ignorer ces faits; on n’a donné suite à aucun. Tout est encore à organiser dans Vienne, et tout est dans la main des bourgeois et de nos ennemis. Les Français y sont vexés et jugés par les vaincus. Il faut que cet ordre de choses change promptement.

On me remet tous les jours un rapport ridicule et insignifiant sur des faits obscurs qui ne peuvent m’intéresser. Pas même à Paris, de pareils rapports ne viennent à ma connaissance : ils restent chez les autorités locales. Mais on ne me remet pas le rapport politique des délits de la populace contre les Français. Mon intention est que désormais vous me remettiez tous les jours un rapport des commandants des faubourgs sur les événements importants de la journée et sur les mesures prises pour maintenir l’ordre, pour découvrir les criminels et venger les affronts faits aux Français.

Vous devez d’abord vous assurer que les commandants des fau­bourgs parlent allemand; c’est un objet important. Vous attacherez à chacun des commandants de faubourgs un officier de Nassau, 2 sous-officiers et 15 hommes, lesquels formeront sa garde. Il se servira de ces Allemands pour bien éclairer ce qui se passe. Tout commissaire de police reconnaîtra le commandant du faubourg, lui rendra compte de ce qui se passe et fera toutes les dispositions pour exécuter ses ordres.

Il y aura également près le commandant de chaque faubourg un officier de garde bourgeoise et 8 hommes intelligents et pris dans cette garde, dont il se servira pour faire la police dans la populace et requérir les corps de garde de la force armée.

Tout Viennois arrêté par la garde bourgeoise pour dispute de police ordinaire sera envoyé devant le commissaire de police.

Toul Français arrêté pour des querelles avec un Viennois, ou tout Viennois arrêté par une patrouille française, sera traduit devant le commandant du faubourg, sans que les autorités locales aient à s’en mêler.

Si les commandants des faubourgs ne sont pas assez nombreux, il faut en augmenter le nombre. C’est sur eux que doit rouler la surveillance et la police de la ville.

Sous quelque prétexte que ce soit, aucun prisonnier de guerre allemand ne doit entrer à Vienne (des incidents s’étaient produits au passage de convois de prisonniers autrichiens). Le dépôt sera à Schönbrunn. Cet ordre a été donné plusieurs fois, mais les consignes ne s’exécutent pas, parce qu’on ne punit pas les commandants de corps de garde qui ont transgressé ces ordres.

Mon intention est que la garde nationale ne dépasse pas le nombre de 5 à 6,000 hommes, qu’elle n’ait pas plus de 1,500 fusils, et que tous les autres fusils, canons, etc., soient pris pour le service de mon armée. Vous me rendrez compte de la manière dont ce désar­mement doit se faire, et je vous autoriserai à le faire demain 26. Immédiatement vous publierez un ordre pour enjoindre à tout indi­vidu qui aurait des boulets et des canons, de les rapporter. Faites précéder cet ordre de la sentence de mort de celui chez lequel on a trouvé les trois canons. (Il s’agit de Jakob Eschenbach, exécuté le 26 juin)

Vous prendrez des mesures pour faire des visites domiciliaires et découvrir ceux qui continueraient à avoir des armes. Vous exciterez les dénonciations, en chargeant les commandants des faubourgs de donner récompense à ceux qui leur en feraient découvrir.

Vous ordonnerez que tous Anglais, étrangers et gens sans aveu, quels qu’ils soient, soient arrêtés.

Faites faire une liste des principaux grands propriétaires ou de leurs hommes d’affaires, et ordonnez-leur de faire venir du blé, dont ils ont une grande quantité dans leurs campagnes, tels que le prince Albert (Albert de Saxe-Teschen, l’oncle de l’archiduc Charles), qui a des grains à quelques lieues de Vienne, le prince Esterhazy; également les chefs de couvent, obligez-les à faire venir du blé. Je suis certain qu’il y a des magasins cachés dans la ville. Exercez une grande surveillance là-dessus, et faites saisir ce qui se trouverait à Vienne ou dans les environs. Faites-le mettre en magasin sous la responsabilité des communes.

Pour gouverner Vienne, il faut de la fermeté et de l’énergie. Pour vous donner un exemple de l’ignorance où on me laisse, on ne m’a rendu aucun compte de la prise d’une voiture de fusils qui a donné lieu à un événement important. Des injures sont faites journelle­ment aux patrouilles françaises, je n’ai pas encore eu un rapport là-dessus. Je vous envoie un rapport que j’ai demandé sur cette affaire de fusils ; il est important d’y donner suite, de savoir d’où viennent ces armes, où on les introduisait, où on voulait les porter.

(Lecestre)

 

Schönbrunn, 26 juin 1809, cinq heures du matin.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, j’ai passé hier la revue des divisions Friant, Morand, Frère, de ma Garde, de la brigade Pajol, et enfin de la division Dupas. Les Viennois ont été étonnés de voir 50,000 hommes de si belles troupes et cent quarante pièces de canon.

Je suppose que vous avez commencé aujourd’hui le feu. Je vous ai fait connaître que, si l’ennemi persiste à jeter le pont et à fortifier la ville, vous avez 2,000 bombes à jeter dessus. Vous devez savoir que pareille chose s’est faite autrefois à Mannheim, et je crois même que vous y étiez; l’ennemi a évacué la tête de pont pour épargner la ville. Si vous pouvez passer la revue de la division Puthod, passez-la et faites-moi connaître les places vacantes. Je crois qu’il n’y a qu’un général de brigade; faites-moi savoir si cela est, afin que, dans ce cas, j’en envoie un second. Je dirige quatre milliers de poudre,·trois mille boulets de 12, trois mille boulets de 3 et cinq pièces de 3 sur la place de Raab; c’est tout ce que je puis dans ces premiers moments. Il y a dix pièces de 12 ; cela fera donc quinze pièces, et ce nombre est suffisant pour mettre la place à l’abri d’un coup de main. D’ici à peu de jours je me propose d’y réunir quarante pièces avec leur approvisionnement; mais il faut pour cela qu’il m’arrive des convois de poudre que j’attends.

Je ne sais pas où est le général Marulaz, et je ne comprends pas bien ce que vous a dit cet officier; c’est contraire à tous les rapports qu’on m’a faits.

Schönbrunn, 26 juin 1809, six heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, donnez ordre aux Badois de retourner sur Presbourg avec leur artillerie. Donnez ordre au général Lauriston de venir me joindre,

Je reçois votre lettre du 24 à onze heures du soir. Voici ma déci­sion pour Raab. Je fais partir aujourd’hui cinq pièces de 3, trois mille boulets de 3, trois mille boulets de 12 et quatre mille livres de poudre; cela fera donc quinze pièces et six mille boulets. Vous y laisserez les deux pièces que vous avez prises à l’ennemi, avec huit cents coups à tirer, ce qui fera dix-sept pièces. Vous compléterez le nombre de cartouches jusqu’à quatre cent mille. Par ce moyen, la place ne sera pas brillamment armée, mais enfin elle pourra se défendre, d’autant plus que je ne la laisserai pas longtemps cernée. Dans quatre jours on y enverra dix pièces de 6 et cinq pièces de 3, quelques mortiers et obusiers; mais pour cela il faut qu’il m’arrive les convois de poudre que j’attends. Ainsi donc faites part de cela au commandant Narbonne. Donnez-lui un commandant du génie et deux officiers de cette arme, un chef de bataillon d’artillerie et trois offi­ciers d’artillerie, un commissaire des guerres, un garde-magasin des vivres, trois ouvriers d’artillerie, une compagnie d’artillerie, une escouade de sapeurs ou de mineurs, italiens ou français, un commandant d’armes du grade de chef de bataillon, deux adjudants de place du grade de lieutenants. Avec cet état-major, qu’il faut lui attacher, le commandant doit garder la place. Faites-lui connaître le peu d’artillerie qu’il aura d’abord, mais qu’elle sera ensuite augmentée; que c’est le défaut de poudre qui m’empêche de lui donner dans ce premier moment un plus grand nombre de pièces, mais que, dans tous les cas, je ne le laisserai pas cerné longtemps. Le maréchal duc d’Auerstaedt, lorsqu’il aura terminé son opération sur Presbourg, lui renverra des mortiers et des obusiers. En attendant que je désigne la garnison, placez-y un bataillon italien de 600 hommes et un dépôt français d’hommes éclopés de tous vos corps, au nombre de 300. Ordonnez qu’on travaille sans délai à rétablir les ponts-levis, les barrières, à relever les ouvrages avancés les plus importants, à tendre l’inondation, à bien organiser les magasins. Comme je vous le disais hier, faites jeter dans les fossés de la place cinq cents bœufs, avec la farine qui s’y trouve, six mille quintaux de blé et ses mou­lins, cette place sera approvisionnée. Remettez 20,000 francs au commandant du génie et 10,000 à celui de l’artillerie, pour mettre en état la place. Vous devez avoir trouvé de l’argent à OEdenburg, à Altenburg et à Raab, quoique cependant l’on m’assure qu’à Graz et à Klagenfurt vous n’ayez pas saisi les caisses. C’est une mauvaise méthode. Faites saisir les caisses de Raab, elles vous donneront les fonds nécessaires pour ces diverses dépenses.

Faites-moi connaître où est le général Marulaz. Le général Marmont doit être arrivé hier à Graz. Le général Broussier m’a fait toutes les folies imaginables ; mais enfin il n’en est arrivé aucun mal. Le général Broussier croit avoir en tête le général Chasteler et le général Gyulai, dont il porte les forces à 15,000 hommes; d’un autre côté, les rapports que je reçois disent que le général Gyulai marche sur Pápa. Vous trouverez ci-joint un rapport du chef d’esca­dron Lubienski que je tiens à OEdenburg. Il paraît probable que l’ennemi est du côté de Graz, et qu’une affaire a dû avoir lieu hier ou aujourd’hui; Marmont nous en donnera des nouvelles; de votre côté, voyez à y envoyer des espions pour savoir ce qui se passe. Si vous pouvez couper leurs détachements et tomber dessus, je retar­derai mes autres affaires pour vous en donner le temps. On m’assure que Marulaz s’est trompé sur le mouvement de la colonne qu’il a poursuivie, et que cette colonne s’est réunie sur Graz avec les au­tres. Faites-moi connaître ce que vous savez là-dessus. Je suis fâché que le général Montbrun n’ait pas été jusqu’à Tata : il aurait fallu inonder de cavalerie toute la plaine, et porter l’épouvante et des proclamations jusqu’aux portes de Bude. Vous verrez, par la déclaration ci-jointe d’un prisonnier, que l’archiduc Jean avec ses bonnes troupes se serait porté sur Presbourg, et que l’archiduc palatin serait resté, avec quelques régiments de nouvelle levée, entre Komorn et Bös.

Je vous recommande de nouveau de rompre le pont de Komorn , et de dire que vous vous portez en avant.

J’ai vu avec peine qu’un de vos courriers, qui a passé à OEdenburg, ait dit à tout le monde que vous reveniez.

Schönbrunn, 26 juin 1809, neuf heures du matin.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 25 à six heures du soir. La distance de 6 à 700 toises me paraît un peu forte; il aurait été à souhaiter qu’on pût s’approcher à 4, ou 500 toises.

Je crois vous avoir mandé qu’il faut faire signer la sommation par un général de brigade. Je préférerais que cette sommation fût conçue en ces termes: « Monsieur, les Français, en faisant la guerre, épargnent le plus qu’ils peuvent les habitants. J’ai donc reçu l’ordre exprès de ménager la ville intéressante de Presbourg, à moins qu’on n’y fasse des fortifications et qu’on ne veuille en faire un point d’opérations de guerre. Les travaux que depuis quelques jours je vois faire à vos bateaux, les mouvements que je vois sur vos quais, les travaux que je vois faire sur vos hauteurs, la position des îles que vous occupez et que vous retranchez, tout me convainc que le cas prévu par mes instructions est arrivé et que je dois repousser la force par la force. J’ai voulu cependant vous prévenir et vous demander de faire cesser les travaux qu’on fait sur vos hauteurs, de porter ailleurs les bateaux qu’on rassemble le long de vos quais et d’évacuer les îles. Moyennant ce, tout restera tranquille. Dans le cas contraire, vous aurez à vous reprocher la destruction d’une des plus belles villes de votre pays. J’attendrai donc votre réponse là-dessus. »

Schönbrunn, 26 juin 1809, deux heures et demie de l’après-midi.

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Vienne

Monsieur de Champagny, il faut expédier un courrier aujourd’hui à Saint-Petersbourg. Ce courrier portera vos dépêches à M. Bourgoing à Francfort, à Cassel, à Berlin et à Kœnigsberg. Vous enverrez dans ces différents endroits le dernier bulletin, et vous ferez connaître comment on envisage ici toutes ces incursions de l’Autriche en Saxe et ailleurs; que, d’un côté, le corps de réserve a dû marcher; que, de l’autre, le roi de Westphalie avec les Hollandais, les Saxons et ses propres troupes, aura plus de 20,000 hommes; qu’ainsi non­ seulement on reprendra bientôt Dresde et Bayreuth, mais encore que bientôt on entrera en Bohême par Dresde et par Bayreuth; que le général Laroche rassemble un autre corps à Nuremberg, et que ces trois corps se combineront pour entrer en Bohême; que du reste j’ai déclaré, et il faut le faire mettre dans tous les journaux, que toutes les contributions levées par les hussards et par les patrouilles autrichiennes seront remboursées et payées par les États héréditaires. Faites partir ce courrier. Dites à Caulaincourt que je suis satisfait de ma position; que j’ai ici les deux officiers de l’empereur de Russie, Czernitchef et Gorgoli; que j’en expédierai un aussitôt que le prince Gagarine sera arrivé. Vous lui enverrez la copie de l’ordre que j’ai donné au commandant de l’escadre russe à Trieste (voir au 16 juin) et copie de la réponse que me fait ce commandant. Vous lui ferez connaître que je ne suis pas satisfait de cette réponse, parce que je crains toujours d’exposer pour quelques mauvais matériaux l’honneur du pavillon russe et surtout les hommes; que je suppose que l’armée russe est actuellement arrivée à Cracovie; que je ne lui envoie aucun ordre puisque de Saint-Pétersbourg on ne m’a pas fait connaître que j’eusse à lui en donner; que je me suis toujours proposé d’écrire à l’empereur de Russie, mais que je le ferai par le retour de Czernitchef. Faites à Caulaincourt une peinture de nos ponts sur pilotis; parlez­ lui des avantages de la prise de Raab, et en général de la bonne position des choses.

Schönbrunn, 26 juin 1809, trois heures après midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, le général Lauriston arrive et m’apporte votre lettre du 25 à sept heures du soir. Je vois que vous avez quinze cents coups de 12; le général La Riboisière vous en envoie·quinze cents autres. Vous avez deux pièces de 6 que vous avez prises à l’ennemi; le général La Riboisière vous en envoie quatre autres. Il vous envoie également trois mille boulets de 6 et quatre milliers de poudre. Vous laisserez des cartouches jusqu’à concurrence de quatre cent mille. C’est tout ce que je puis laisser, à cause de la rareté de la poudre. J’attends ces jours-ci soixante milliers de poudre; lorsqu’ils seront arrivés, je porterai le nombre des pièces à quarante. Aussitôt que le duc d’Auerstaedt aura fini son opération à Presbourg, j’ai ordonné que les deux obusiers qu’il a vous soient renvoyés. Je vous ai déjà mandé de m’envoyer deux mille quintaux de farine, des trois mille trois cents qui se trouvent dans la place, et treize mille quintaux de blé; ce qui fera quinze mille quintaux que vous aurez envoyés. Vous laisserez dans la place six mille quintaux de blé, et vous ordonnerez qu’on les fasse moudre dans les quinze moulins qui dépendent de la ville. Je ne vous reparle pas de l’artillerie et du génie; je ne vous reparle pas des cinq cents bœufs à laisser dans la place; vous devez en envoyer deux mille ici. Informez-vous si l’empereur ou quelque grand ont des haras dans les environs; faites-les enlever. Ordonnez aux colonels des chasseurs et des dragons d’acheter des chevaux.

On m’assure que le général. ….. ne s’est pas bien comporté à la bataille; voilà la seconde fois que cela lui arrive. Il faudrait renvoyer cet officier chez lui; il paraît qu’il en a assez de la guerre. Vous ne me parlez pas du général Marulaz.

Faites répandre à Komorn que le 28, à midi, M. de Metternich sera rendu aux avant-postes. Il faut qu’il soit traité absolument de la même manière que sera traité M. Dodun; que l’on retienne ses papiers, si l’on a retenu les papiers de M. Dodun; qu’on arrête quelqu’un de ses gens, si l’on a arrêté quelqu’un des gens de M. Dodun, etc.

  1. Sa Majesté montant à cheval, permet que cette lettre soit envoyée à Son Altesse Impériale sans être signée

Schönbrunn, 26 juin 1809.

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, je viens de l’île; il n’y a ni vin ni eau-de-vie. Présentez-moi des mesures pour y faire mettre demain 300,000 bouteilles de vin, 600,000 rations d’eau-de-vie et une grande quantile de riz. Je suppose que vous faites manger le pain biscuité qui se moisit. Remettez-m’en l’état; j’espère que j’en ai au moins 500,000 ralions.

Schönbrunn, 26 juin 1809.

Au maréchal Lefebvre, duc de Danzig, commandant le 7e corps de l’armée d’Allemagne, à Linz

L’ennemi ne doit pas être en force vis-à-vis de vous. La tête de pont doit être évacuée. Faites-moi connaître si une division ne serait pas suffisante pour la défense. Je désirerais que vous eussiez souvent des nouvelles de Salzburg et de Passau (ces deux points sont sous vos ordres), afin de les maintenir à l’abri de tout événement.

Faites-moi connaître combien il y a d’artillerie à la tête de pont indépendamment de l’artillerie bavaroise attelée. Envoyez-moi l’état de cette artillerie attelée, de votre cavalerie et de votre infanterie. Il est possible que j’aie besoin, d’un moment à l’autre, d’une bonne division, d’une quarantaine de pièces de canon, et du tiers de la cavalerie, laissant le reste pour la défense de Linz. Faites-moi connaître votre opinion.

Schönbrunn, 26 juin 1809.

Au général comte Bourcier, commandant les dépôts de cavalerie de l’armée d’Allemagne, à Passau

Monsieur le général Bourcier, un régiment provisoire de cavalerie est depuis longtemps à Ratisbonne. J’ai donné ordre au général Beaumont d’en envoyer un second sur le Danube pour joindre à celui-là. J’ai donné ordre au régiment des chasseurs de Berg, arrivé le 24 à Braunau et qui avait ordre de venir sur Vienne, de se porter sur Passau. Vous avez donc dans la main 2,000 chevaux. J’ai ordonné au général Laroche de prendre le commandement de cette brigade. Le roi de Bavière a envoyé un général-major pour tirer de ses places du haut Palatinat 3,000 hommes de bonnes troupes; ces 3,000 hommes seront joints à la brigade du général Laroche. Le général Laroche a donc un corps de plus de 4,000 hommes, infanterie et cavalerie, avec lequel il garantira le haut Palatinat. Il est sous vos ordres et doit n’en recevoir que de vous. Il doit prévenir le général Beaumont et le roi de Wurtemberg à Stuttgart, s’il y avait quelque chose de très-important. Son principal soin doit être de couvrir le haut Palatinat. S’il le peut, il attaquera l’ennemi qui voudrait se placer à Cham, Waldmünchen, Amberg. Ce but rempli, il doit appuyer la division qui marche sur Würzburg pour chasser l’ennemi de Bayreuth. Mais cette expédition sur Bayreuth n’est que momentanée. Immédiatement après, il doit prendre une position centrale à Waldmünchen, Cham et Amberg, et protéger le Danube jusqu’à Donauwœrth. S’il est forcé, il doit se retirer derrière le Danube, pour empêcher les partis ennemis d’arriver jusqu’à ma ligne de communication; et alors il serait renforcé par tout ce que vous auriez de disponible, par ce que fournirait le général Beaumont et par ce que le roi de Bavière pourrait envoyer de Munich. Si cela n’était pas suffisant pour couvrir mes derrières, chose que je ne place que comme hypothèse, il se bornerait à couvrir le point central de Passau. Vous êtes vous-même sous les ordres du duc de Danzig, qui est à Linz. Si le cas arrivait que ma ligne de communication qui passe par Landshut fût coupée, et que le général Laroche fût obligé de se replier sur le dépôt central de Passau, vous en préviendriez le duc de Danzig, qui marcherait pour vous soutenir.

Place de Passau. – Je suppose que vous avez dans chaque ouvrage avancé au moins trois pièces de canon; vous pouvez en prendre au château, en faire venir d’Augsbourg, même de Forchheim et des petites places du Palatinat. Je désire avoir un détail circonstancié des fortifications, de la résistance qu’elles peuvent opposer contre un coup de main. Je suppose qu’il y a un commandant pour chaque ouvrage dé­taché, et qu’en cas d’alarme chacun sait où il doit se porter.

Poudre. – J’ai ici cent milliers de poudre; le roi de Bavière doit m’en envoyer, qui passe par Passau; faîtes-moi connaître combien il en est passé.

Espionnage. – Vous avez un espionnage organisé sur les frontières de Bohême. Il faut que le général Laroche corresponde avec vous par des officiers. Vous lui enverrez également des officiers pour être instruit de tout ce qui se passe, et tous les jours vous expédierez à Linz un rapport, pour le major général ou pour moi, sur tout ce qui viendrait à votre connaissance. Vous adresserez vos rapports à Linz, au directeur de l’estafette. Enfin vous vous mettrez en rapport avec Augsbourg et avec le général Dutaillis (Adrien-Jean-Baptiste-Amable Ramon du Bosc, comte de Taillis, 1760 – 1851) à Munich, pour pouvoir, selon les circonstances, vous secourir mutuellement.

Si le régiment des chasseurs de Berg ne vous était pas utile, comme je le crois, gardez-le à Passau, faîtes-le reposer et exercer.

Dépôt de cavalerie. – Je n’entends pas dire que vous ayez acheté des chevaux et fait fabriquer des selles et tout ce qui est nécessaire pour monter promptement les hommes à pied du dépôt. A mesure qu’il y a 160 hommes de prêts, faites-les partir. Vous devez ne pas vous faire faute d’argent et vous procurer des chevaux et des selles. En attendant, utilisez les hommes de cavalerie qui n’ont pas de che­vaux, donnez-leur des fusils, organisez-les en bataillons el servez­ vous-en pour garder Passau; ce qui vous mettra à même d’envoyer du secours d’une portion de votre infanterie à la colonne du général Laroche.

Schönbrunn, 26 juin l809

ORDRE POUR M. GERMAIN, chambellan de l’Empereur

L’officier d’ordonnance Germain se rendra à Melk, d’où il m’adressera un rapport.

De Melk, il se rendra à Enns, à Linz et à Passau; de chacune de ces villes il m’adressera un rapport.

Il me fera connaître, à Melk, l’étal de l’hôpital, le nombre des malades, la situation des fortifications, le nombre des pièces en batterie, la situation de la garnison, quel est le commandant, et, en général, la situation de ce poste et celle du magasin de subsistances.

Il s’arrêtera à Amstetten pour connaître la situation de la garnison, de l’hôpital, et prendre des renseignements sur les postes qui sont le long du Danube.

A Enns, il m’enverra un rapport sur la situation de la manuten­tion, des magasins, de la tête de pont, de la garnison. Il ira à l’embouchure de l’Enns dans le Danube pour voir les travaux de la tête de pont, vis-à-vis Mauthausen.

A Linz, il verra la tête de pont, le nombre des pièces en batterie, la situation des magasins et des hôpitaux.

A Passau, il m’enverra un rapport sur la situation des ouvrages, sur les magasins, la garnison, les batteries, l’endroit où elles sont, les munitions d’artillerie, les convois de poudre, les magasins de subsistances, ainsi que ce qu’il pourra apprendre de la situation de l’ennemi du côté de Waldmünchen, Cham et vis-à-vis Passau, également ce qu’il apprendra du dépôt de cavalerie, des marchés qu’a faits le général Bourcier pour se procurer des chevaux et des selles, et ce qui l’empêche d’aller plus vite.

Si l’ennemi a fait effectivement quelque opération du côté de Cham ou de Waldmünchen, il ira joindre à Nuremberg la colonne du général Laroche. Cette colonne doit être composée de deux régiments de cavalerie et de 3 ou 4,000 Bavarois; et alors il m’écrira de Straubing, de Ratisbonne, de Nuremberg, et pourra même m’envoyer des courriers du haut Palatinat. Il m’enverra les nouvelles qu’on a de Bayreuth de la division Rivaud, qui doit avoir marché sur ce point.

Aussitôt qu’il croira n’être plus utile de ce côté, il me rejoindra. Il pourra envoyer par estafette sur Braunau des lettres pour être remises à l’estafette à son passage. S’il y avait quelque chose de pressé, il m’enverrait des courriers à Vienne. Il préviendra Bourcier de ce qu’il apprendrait d’important.

Schönbrunn, 26 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, vos lettres viennent d’Italie par estafette; c’est un mauvais moyen, elles sont livrées à des postillons allemands; il faut les faire venir par des courriers. Mes lettres viennent par estafette; mais j’ai établi, de Vienne à Strasbourg, des postillons français. Il est indispensable que vos lettres viennent par des courriers; cela a l’avantage qu’on peut interroger les courriers et en tirer des renseignements sur ce qui se passe sur vos derrières et en Italie.


 

References

References
1Voir également les pages consacrées aux Bulletins
2Jean-Daniel-Mathiu Boinod, 1765-1842
3Jean-Jacques Liébert, 1758-1814
4Don Eugenio Izquierdo – 1745 – 1813. Il est alors secrétaire particulier du roi détrôné Charles IV
5l’archiduc Joseph
6Giovanni Paradisi, 1760-1826
7Marie-François-Auguste Caffarelli du Falga, 1766 – 1849, le 4e des Caffarelli
8en blanc dans le texte
9Martin Vignolle, 1763 – 1824
10Henri-François-Marie Charpentier, 1769 – 1831
11On peut se demander pourquoi ces deux lettres ne figurent pas dans l’édition Napoléon III….