Correspondance de Napoléon Ier – Avril 1799

1er avril 1799.

Quartier général, devant Acre,

AU GÉNÉRAL REYNIER.

Je vous ai prévenu, Citoyen Général, que le général en chef avait ordonné que notre mine sautât aussitôt qu’elle serait prête, et que nos batteries commencassent à tirer sur la tour.

L’intention du général en chef est de faire monter à l’assaut aussitôt que la brèche aura été jugée praticable.

En conséquence , il a été ordonné que les six cotnpagnies de grenadiers de la division Kleber, les six de la division Bon et celles de la division Lannes fussent réunies, à midi , derrière le monticule où était ci-devant le poste du général de brigade de tranchée.

Les compagnies de grenadiers de votre division , commandées par le général Lagrange, sont également destinées à monter à l’assaut , ainsi que l’adjudant général Devaux.

Tous les grenadiers des différentes divisions seront commandés par le général Lannes, qui recevra des instructions particulières du général en chef pour l’assaut. Les compagnies de grenadiers de votre division resteront à leur poste dans la tranchée, ainsi que le général de brigade Lagrange, jusqu’à ce que le général Lannes vous les demande pour en disposer.

Pendant que l’on montera à l’assaut, vous garderez la tranchée avec le reste de votre division , pour vous opposer aux sorties que l’ennemi pourrait faire, protéger l’attaque, votre division étant la première à marcher pour soutenir les grenadiers et prendre poste dans la place.

Ordonnez à l’adjudant général Devaux et à ses deux adjoints de se rendre auprès du général Lannes , aux ordres duquel ils seront pour l’assaut , cet officier et ses adjoints étant destinés àconduire les premiers grenadiers qui monteront à la brèche.

Par ordre général en chef.

 

Quartier général, devant Acre, 1er avril 1799

AU GÉNÉRAL REYNIER

.le vous préviens, Citoyen Général, que la division Lannes relèvera demain , trois heures du matin , votre division , et que vous serez d’observation pour la journée. En cas d’une sortie de l’ennemi que le général de briqade de tranchée ne pourrait pas repousser avec la réserve, il vous en préviendrait.

Je vous préviens aussi que le général en chef a ordonné à la batterie de tirer alternativement, de dix en dix minutes, un coup de mitraille de 8 et un d’obus incendiaire. Il a promis 1,000 écus si l’on parvenait à brûler les bois qui sont dans la brèche.

Vous sentez combien il serait intéressant de brûler ces bois et d’empêcher cette canaille de travailler cette nuit et de débarrasser le fossé.

Par ordre du général chef.

 

Quartier général devant Acre, 2 avril 1799.

A ALMERAS, A DAMIETTE.

J’expédie à Damiette un bâtiment pour vous donner des nouvelles de l’armée et porter des lettres du général Dommartin au commandement de la flottille.

.le vous prie de prendre toutes les mesures pour nous envoyer, le plus promptement possible, toutes les munitions de querre qui sont à Damiette, sur les djermes. Le général I)uaua me mande qu’il a à Damiette 2,000 boulets de 12 et de 8 et des obusiers. Si nous les avions ici, Saint-Jean-d’Acre serait bientôt pris. Nous éprouvons une grande pénurie de munitions de guerre.

Les forts de Saii•d , de Sour, et la plus grande partie des montagnes qui nous entourent , sont somnis ; donnez ces nouvelles au Caire et à Alexandrie ; une partie de l’armée ne tardera pas à être de retour.

BONAPARTE.

 

AU GÉNÉRAL MURAT.

Quartier général, devant Acre, 2 avril 1799.

Le général en chef reçoit votre lettre, Citoyen Général , par laquelle vous lui annoncez votre arrivée à Safed.

Par la description que vous lui donnez de ce lieu , il lui parait clair que le château ne défend ni le passage du Jourdain , ni la route qui de Damas arrive à Acre.

Le général en chef ordonne , en conséquence , que vous consigniez le fort de Safed au cheik Mustafa , qui le fera garder par ses gens ef par un certain nombre de gens du pays.

Le général en chef vous autorise , si vous le jugez à propos et si vous n’y trouvez pas d’inconvénient , à laisser la compagnie de Moghrebins pour défendre aux Arabes et aux Turcomans le pont d’Yakoub.

Vous rejoindrez l’armée au camp sous Acre, à moins que la reconnaissance que vous avez faite au delà du pont de Yakoub ne vous fasse penser qu’il ait des rassemblements assez considérables pour exiger que vous les teniez en échec : dans ce cas, vous en instruiriez le général en chef par plusieurs exprès différents, afin qu’il donne des ordres, et vous auriez bien soin de vous conduire de manière à défendre le passage du Jourdain et à couvrir l’armée.

 

Quartier général, devant Acre, 2 avril 1799

Au général Junot

Le général en chef me charge de vous mander, Général , que son intention est que vous restiez à Nazareth ; que vous fassiez nourrir vos troupes , et que vous fassiez ramasser de la farine pour y nourrir de nouvelles troupes que le général en chef vous enverra , s’il est nécessaire , pour dissiper les rassemblements qu’on dit se trouver à Genyn.

Il est très-nécessaire que vous vous teniez bien éclairé et que ayez des espions pour avoir et pouvoir donner des renseignemenls sur les rassemblements de Gherar Genyn, vous devez lui donner assez d’inquiétudes pour le tenir en échec et qu’il ne puisse rien entreprendre sur nos derrières avec des forces considérables.

Envoyez des espions Tabaryeh , pour connaitre la situation de cette place, la force de sa garnison, et par là pouvoir juger s’il aurait possibilité de l’enlever.

Si vous pensez qu’avec le secours du bataillon de la 18 e demi-brigade, qui est Chafà-A’neh, vous puissiez entreprendre quelque chose contre le rassemblement qui est à Geny n , le général en chef vous y autorise , laissant les hommes nécessaires pour la garde et le service de l’hôpital.

Si vous aviez des nouvelles que les rassemblements de Geny ont faits par Gherar se dirigent vers Hayfa, vous en ferez prévenir directement le chef d’escadron Lambert. Dans lous les cas, il est nécessaire que vous vous procuriez , à Nazareth et dans les environs, de quoi tenir en réserve pour pouvoir donner au moins trois jours de vivres à vos troupes.

Par cette instruction , le général en chef me charge de vous dire que vous devez voir qu’il approuve toutes opérations que vous feriez contre les  ou autres Arabes.

 

 

Quartier  général, devant Acre, 2 avril 1799

AU CITOYEN  D’AURE.

Le général en chef vous ordonne , Citoyen Ordonnateur, de faire évacuer tous les malades et blessés sur Jaffa , en les réunissant d’abord à Hayfa, où une partie sera embarquée. L’amiral Ganteautne mettra, à cet effet , à votre disposition les trois bàtiments qui sont Hayfà , sur lesquels ferez évacuer les blessés et les malades qui ne pourraient pas l’être par terre.

L’intention du général en chef est que vous laissiez cependant à Chafà-A’mr les malades ou blessés capables de se rétablir en peu de jours , ou les blessés tellement graves qu’ils aient besoin de quelques jours pour être susceptibles d’évacuation.

Le général en chef vous ordonne de prendre vos mesures telles que , le 13 , vous ayez de quoi donnerà l’armée pour trois jours de vivres, qui seront en réserve, sans compter le service courant, et qui ne seront distribués que d’après l’ordre que vous en recevrez du général en chef.

Faites remettre l’ordre ci-inclus au contre-amiral Ganteaume , en vous concertant avec lui.

 

Quartier  général, devant Acre, 2 avril 1799

AU GÉNÉRAL KLEBER

Les travaux de siége, Général , exigent une quantité de blindages assez considérable ; le génie ne peut se les procurer sans des mesures extraordinaires; c’est à nous à l’aider.

Je vous invite, Citoyen Général, à envoyer les sapeurs porte-haches des demi-brigades dans les bois en arrière de votre camp, pour couper des bois qui doivent avoir de 7 à 9 pieds de longueur, et un demi-pied et plus d’équarrissage ; ils peuvent prendre également les bois qu’ils trouveraient dans des maisons abandonnées.

Tout ce qui pourra être coupé dans la journée de demain sera apporté devant ma tente, et je donnerai une gratification à ceux. qui l’auront coupé ; tâchez qu’il y en ait la charge de plusieurs chameaux.

Ces bois doivent être employés dans la nuit du 15 au 16, et rien n’est plus intéressant.

 

Quartier général, detant Acre, 15 germinal an  VII, 4 avril 1799

ORDRE JOUR.

(EXTRAIT.)

Tous les militaires qui , dans les journées d’aujourd’hui et de demain , porteront à l’état-major des boulets trouvés dans la plaine, seront payés, savoir :

Pour chaque boulet de 36 ou 33, 20 sous.

Pour chaque boulet de 12, 15

Pour chaque boulet de 8, 10

Par ordre du général en chef.

 

Quartier général, devant Acre. 16 gerrninal an VII (5 avril1799).

AU GÉNÉRAL KLEBER.

L’intention du général en chef, Citoyen Général, est de faire venir de Hayfà tous les hommes de la 25e demi-brigade qui y sont, pour augmenter le poste du moulin de Dàoud

En attendant, le général en chef ordonne que vous fassiez partir ce soir un détachement de 25 hommes de votre division pour renforcer le poste de Dàoud, et qui sera aux ordres du capitaine de la 25e, qui y est déjà et connaît parfaitement ce moulin.

Le général en chef vous prie de donner ordre à l’officier qui commande les 40 hussards qui sont à Dàoud de faire escorter les farines qui viennent du moulin, de faire de fréquentes patrouilles sur la mer, de tendre des embuscades pour tâcher d’arrêter les hommes que
Djezzar fait débarquer pour communiquer dans le pays. Ordonnez à cet officier de tenir la discipline parmi les hussards, qui ont déjà enfoncé quelques portes aux environs de Dàoud : prévénez-Ie que le général en chef s’en prendra à lui du moindre désordre; il doit être le protecteur des habitants. Ces 40 hussards avec les 50 hommes d’infanterie forment une grand’ garde, qui restera à Dàoud jusqu’à nouvel ordre.

Ces troupes vivront des vivres fournis par votre division.

Par ordre du général en chef.

 

Quartier flénéral. devant Acre. 16 germinal an VII (5 avril 1799).

A L’ADJUDANT GÉNÉRAL GREZIEU, A JAFFA.

Quartier général, devant Acre, 16 germinal an VII (5 avril 1799).

Je vous réexpédie, Citoyen Général, le bateau qui nous est arrivé ce matin de Jaffa, pour vous faire connaître nos besoins.

Il y a huit jours qu’un bataillon, avec tous les moyens de charroi du parc, est parti pour prendre à Jaffa des pièces de 4 et autres munitions de guerre, nous espérons qu’il sera de retour demain.

Je vous réexpédie, Citoyen Général , le bateau qui nous est arrivé ce matin de Jaffa, pour vous faire connaitre nos besoins.

Il y a huit jours qu’un bataillon , axec tous les moyens de charroi du parc , est parti pour prendre Jaffa des pièces de 4 et autres munitions de guerre, nous espérons qu’il sera de retour dernain.

Le contre-amiral Ganteaume a expédié, il y a quatre jours, un officier sur un bâtiment, pour Damiette : j’apprends qu’il a passé à Jaffa. Il a été expédié à Damiette pour porter des ordres pour que toutes les munitions de guerre qui sont à Damiette partent pour Jaffa.

Nous avons le plus grand besoin de boulets de 12, de 8, d’obus et de bombes, des mortiers de Jaffa et des cartouches d’infanterie : ce ne sera qu’à leur arrivée que nous pourrons attaquer et prendre Acre.

Dès l’instant que le convoi par terre sera arrivé, on le laissera se reposer un jour et on le renverra pour aller prendre à Jaffa les munitions de guerre qui pourraient y être arrivées.

Faites mettre sur une djerme trois des obusiers turcs que nous avons trouvés à Jaffa, avec tous les obus propres à ces obusiers quise trouvent à Jaffa.

Faites-y mettre aussi toutes les bombes des mortiers que nous avons trouvés à Jaffa, et qui ne seraient pas parties par terre.

Le bâtiment peut se rendre à Tantourab, où il débarquera s’il y trouve des troupes françaises; sinon il profitera de la nuit pour venir à Hayfà.

Le commodore Sidney Smith, avec les deux vaisseaux le Tigre et le Thésée, après avoir été absent dix jours, vient de rétablir sa croisière depuis deux jours. La flotte du citoyen Stendelet a reçu ordre de se rendre à Jaffa ; il débarquera les vivres et l’artillerie qu’il peut
avoir.

L’aviso l’Étoile a ordre de désarmer et de laisser les deux pièces de 18 que vous nous enverrez par le prochain convoi.

Le contre-amiral Perrée a reçu également l’ordre de faire arriver à Jaffa trois pièces de 24, quatre de 18 et des mortiers, avec 600 boulets de 12.

Faites partir 200 quintaux de farine, 400 de grains, 200 de riz, 200 de dourah pour Tantourah, que je me décide à faire occuper par un détachement de l’armée.

BONAPARTE.

 

Quartier général, devant Acre, 16 germinal an VII (5 avril 1799).

A L’ADJUDANT GÉNÉRAL ALMEMS, A DAMIETTE.

Je vous ai expédié, le 13, un bateau avec un officier de marine, pour vous faire connaître le besoin que nous avons de munitions de guerre; de peur qu’il ne soit pas arrivé, je vous en expédie un second.

Faites partir sur des djermes, ou sur tout autre bâtiment, tous les boulets de 12 et de 8, d’obusiers , etles cartouches d’infanterie que vous aurez à votre disposition à Damiette.

Envoyez-nous également les pièces d’un calibre supérieur à 8 qui seraient arrivées à Damiette, ou qui se trouveraient à Damiette par un accident quelconque. Ces bàtiments iront droit à Jaffa, où ils débarqueront leurs munitions de guerre.

Donnez de nos nouvelles à Alexandrie et au Caire. L’armée est abondamment pourvue de tout, et tout va fort bien ; tous les peuples se soumettent : les Motouâly, les Maronites et les Druses sont avec nous. Damas n’attend plus que la nouvelle de la prise de Saint-Jean-d’Acre pour nous envoyer ses clefs. Les Moghrebins, les Mameluks et autres troupes de Djezzar se sont battues entre elles; il y a eu beaucoup de sang répandu.

Par les dernières nouvelles que j’ai reçues d’Europe, les rois de Sardaigne et des Deux-Siciles n’existent plus. L’Empereur a désavoué la conduite du roi de Naples. La paix de Rastadt était sur le point d’être conclue. Ainsi la paix générale n’était pas encore troublée. Il faisait un froid excessif.

Envoyez des ordres pour faire filer sur l’armée, le plus promptement possible , les munitions de guerre qui peuvent y être. Je compte sur votre intelligence et sur votre zèle pour faire passer sans délai les munitions de guerre que je vous ai demandées.

BONAPARTE

 

Quartier général, devant Acre, 16 germinal an VII (5 avril 1799)

AU GÉNÉRAL DUGUA, AU CAIRE.

Notre position devant Acre, Citoyen Général, est à peu près la même. L’ennemi avait tenté plusieurs sorties, mais il a été si bien reçu toutes les fois, qu’il se décide depuis quelques jours à rester caché derrière ses murs. Nous faisons de nouvelles communications et nous établissons de nouvelles batteries. Nos relations avec les montagnes nous répondent de nos subsistances et nous assurent du bon esprit des habitants. Le général Murat a poussé des reconnaissances au delà de Safed, sur la route de Damas. Le général Junot est à Nazareth, et le général Vial à Sour, avec un bataillon. Le marché que nous avons établi en arrière du quartier général continue à être bien approvisionné. Le général en chef a reçu aujourd’hui
une députation de la tribu des Motouàly; huit de leurs chefs se sont rendus auprès de lui; il les a parfaitement accueillis et les a revêtus chacun d’une pelisse; ils s’en sont retournés fort contents. Le pays est à nous ; il ne nous manque que la ville , dont nous espérons être bientôt possesseurs.

 

Quartier général, devant Acre, 17 germinal an VII (6 avril 1799).

AU GÉNÉRAL KLEBER.

Le général en chef étant instruit, Citoyen Général, que Djezzar fait aborder des canots entre la rade et Hayfà, afin de faire passer ses espions, ordonne que vous envoyiez de suite 50 hommes de cavalerie qui passeront par les derrières du camp et iront bivouaquer dans un endroit favorable, au delà du pont de chevalets qui a été
jeté sur la rivière, en avant de l’ambulance ; vous donnerez ordre au commandant de ce détachement de faire faire des patrouilles fréquentes , surtout pendant la nuit, le long de la plage jusque vers la seconde rivière, qui est du côté de Hayfà. La troupe prendra ses vivres au camp.

Par ordre du général en chef.

 

Quartier général, devant Acre, 19 germinal an VII (8 avril 1799).

AU GÉNÉRAL MARMONT, A ALEXANDRIE.

Vous aurez sans doute reçu, Citoyen Général, les différentes lettres que je vous ai écrites depuis la prise d’El-A’rych jusqu’à celle de Jaffa.

Nous sommes depuis quinze jours devant Saint-Jean-d’Acre, où nous tenons enfermé Djezzar-Pacha. La grande quantité d’artillerie que les Anglais y ont jetée, avec un renfort de canonniers et d’officiers, jointe à notre peu d’artillerie, a retardé la prise de cette place.

Mais les deux vaisseaux de guerre anglais se sont fàchés hier contre nous, et nous ont tiré plus de 2,000 boulets, ce qui nous en a approvisionnés. J’ai donc lieu d’espérer que sous peu de jours nous serons maîtres de cette place.

Nous sommes maîtres de Safed et de Sour; les Motouâly et les Druses sont avec nous.

J’espère que vous n’aurez pas perdu un instant pour l’armement et pour l’approvisionnement d’Alexandrie, et que vous serez en mesure pour recevoir les ennemis, s’ils se présentent de ce côté. Je compte, dans le mois prochain, être en Égypte et avoir fini toute mon opération en Syrie.

BONAPARTE.

 

Quartier général, devant Acre, 19 germinal an VII (8 avril 1799).

ORDRE DU JOUR.

Le général en chef est instruit que beaucoup de soldats et autres Français se répandent dans les environs du camp ou s’isolent, ce qui est contraire à la sûreté individuelle, ainsi qu’à la police : il renouvelle l’ordre déjà donné pour qu’aucun Français ne dépasse les gardes du camp.

Lorsque les généraux de division jugeront à propos d’aller au fourrage, au bois ou toute autre corvée, ils le commanderont, et leur état-major formera des convois , auxquels il sera donné une escorte.

Des soldats vont en avant sur la route et enlèvent ce que portent les paysans pour être vendu au marché ; plusieurs plaintes sont parvenues contre des hommes de la division Kleber ; depuis plusieurs jours , il ne vient plus de pain au marché , parce qu’on a enlevé de force aux paysans celui qu’ils apportaient , ou à un prix arbitraire; plusieurs ont été battus et non payés. Les généraux , les chefs des corps et chacun doit sentir la nécessité d’établir l’ordre, qui seul peut entretenir l’abondance dans le camp.

Il est ordonné à la cavalerie et à l’état-major de mettre plus d’exactitude à aider le service des transports avec leurs chameaux, ainsi qu’il a été demandé pour les jours impairs.

Par ordre du général en chef.

 

 

Quartier général, devant Acre, 20 germinal an VII (9 avril 1799).

AU GÉNÉRAL KLEBER.

Le général en chef ordonne, Citoyen Général , que vous fassiez partir sur-le-champ toute votre infanterie légère, pour se rendre à Nazareth , en passant par Chafà-A’mr, avec le reste de l’infanterie qui compose votre division ; vous suivrez votre infanterie légère pour vous rendre également à Nazareth , où vous trouverez le général Junot, qui a marché hier au-devant d’un rassemblement considérable de cavalerie, avec lequel il a eu une affaire.

L’intention du général en chef est que vous couvriez l’armée et que Vous tâchiez de dissiper les rassemblements qui se sont formés, soit venant du côté de Damas, soit du nommé Ghera, à Genyn.

Le général Dommartin a donné ordre au parc de fournir 5,000 cartouches pour la troupe du général Junot. Vous amènerez avec vous deux pièces de 4 approvisionnées à 180 coups.

Le général Junot vous mettra au fait de tous les rassemblement ; le combat qu’il a eu a été très-glorieux pour nous ; il a pris quatre drapeaux et tué beaucoup de monde, entre autres plusieurs chefs. Il est intéressant que vous partiez le plus tôt possible.

Vous laisserez le général Murat dans son camp, et vous n’emménerez pas avec vous de cavalerie, celle qu’a le général Junot étant suffisante.

 

 

Quartier général, devant Acre, 21 germinal an VII (10 avril 1799).

AU GÉNÉRAL MURAT.

Je viens de recevoir, Citoyen Général , la lettre par laquelle VousS me rendez compte des dispositions que Vous avez prises relativement aux postes des moulins de Dàoud et de Cherdàm.

Je joins ici un ordre pour le détachement de Chalà—A’mr; vous voudrez bien le lui faire passer.

Quant au retranchement qui doit être fait sur la montagne qu’occupe votre infanterie légère, vous devez faire travailler par détachement tous les hommes à vos ordres , infanterie et troupes à cheval, même les domestiques, si cela est nécessaire.

Il est de principe militaire que tout corps détaché se retranche lui-même , et c’est un des premiers soins qu’on doit avoir en occupant une position. Ne comptez sur aucun travailleur de l’armée.

Le Général en chef a cru devoir différer encore de quelques jours de donner l’ordre que vous demandez pour les ordonnances du général Kleber.

Donnez l’ordre à vos postes qu’ils vous avertissent lorsqu’ils verront des feux en avant d’eux dans la montaqne, afin que vous puissiez les envoyer reconnaitre. Nous dormons tranquilles, persuadés que vous ne laissez rien passer sur la ligne entre les moulins de Dàoucl et de Cherdàm, sans en être prévenus.

Par ordre du général en chef.

 

Quartier général. devant Acre. 21 germinal an VII (10 avril 1799) .

AU COMMANDANT DU FORT DE SAFED.

Je vous envoie, par le neveu de Dàher et sous l’escorte de 30 de ses hommes, 2,000 cartouches. Ménagez-les avec le plus grand soin.

Vous me renverrez, par le retour du neveu de Dàher, les trois caisses de cartouches turques qui sont avariées; le plomb nous sera utile. Renvoyez-nous également tous les boulets de 8, seulement , qui se trouvaient Safed.

 

Quartier général. devant Acre. 21 germinal an VII (10 avril 1799) .

Ordre au citoyen Larrey d’envoyer chaque jour un officier de santé pour être de service dans la tranchée ; il se tiendra à la queue de la tranchée.

 

Quartier général, devant Acre, 24 germinal an VII (13 avril 1799).

AU GÉNÉRAL MURAT.

Le général en chef vous ordonne, Citoyen Général, de partir demain, à trois heures du matin , avec la demi-brigade légère et tous les hommes de la 23e demi-brigade, hormis ceux de ce corps qui sont au moulin de Dàoud , le 2e bataillon de la 9e demi- brigade et la compagnie de grenadiers, le 2e bataillon de la 18e  demi-brigade et le général de brigade Rambeaud, pour vous rendre à Safed ; le parc vous enverra 10,000 cartouches.

Le général en chef ordonne que ces troupes aient du pain pour trois jours ; l’ordonnateur en chef a ordre d’en envoyer sur-le-champ à votre camp pour la 4e légère et la 25e ; les troupes qui partent de notre camp le prendront ici. Le général Rambeaud a ordre de partir d’ici minuit, avec les deux bataillons et les cartouches, pour se rendre votre camp.

Le général en chef vous autorise à prendre 50 dragons, si la connaissance que vous avez du pays vous fait penser qu’ils pourront vous être utiles.

Avant votre départ, vous ferez doubler le poste de cavalerie que vous tenez au moulin de Cherdàm, jusqu’à ce que le poste d’infanterie qui doit y être envoyé de Hayfà soit arrivé. Vous devez envoyer sur-le-champ chercher les hommes de la 2ee qui sont à ce moulin et qui doivent partir avec vous.

Vous ordonnerez que les dragons qui sont à pied fassent le service dans la redoute, pour y garder les pièces de 5 (cette redoute s’appellera dorénavant redoute Detrove), en attendant les carabiniers de la 22e légère, qui doivent s’y rendre de Hayfà.

Le général en chef ordonne que vous laissiez le commandement de la cavalerie et de la position d’avant-aarde que vous occupez au chef de brigade Bron. Vous lui ferez connaitre le service que Vous commandiez, et vous lui ordonnerez de faire continuer les reconnaissances comme à l’ordinaire.

Vous emmènerez avec vous le commissaire Miot ; l’ordonnateur en chef en envoie un autre auprès du citoyen Bron.

 

INSTRUCTION POUR LA MISSION DU GÉNÉRAL MURAT.

Le Général en chef étant instruit qu’environ 1200 hommes de cavalerie ennemie ont passé le pont d’ Vakoub et cernent le château de Safed , son intention est que le général Murat se porte le plus promptement possible, avec les troupes désignées dans l’ordre cidessus, au pont d’ Yakoub, afin de couper la communication de Damas à ces cavaliers et de profiter des connaissances qu’il a du local pour marcher sur eux , leur faire tout le mal possible, les obliger à lever le blocus de Safed et les disperser. Le général Murat aura soin de prévenir le général en chef, toutes les six heures, des renseignements qu’il pourrait avoir et de sa marche.

Le général en chef a fait écrire aux Mototlàly de se porter au pont d’ Yakoub, pour s’y réunir au général Murat ; il est possible qu’ils y arrivent , mais on ne doit pas trop y compter.

Le général en chef fait connaitre au général Kleber qu’il désirerait que, dans le cas où l’ennemi qu’il a devant lui se reploierait sur Tabaryeh et qu’il n’en soit pas trop pressé , il fasse marcher sur Safed un corps assez fort pour n’avoir rien à craindre de l’attaque de la cavalerie ennemie et pouvoir observer les mouvements que l’ennemi qui bloque Safed fera quand il saura que le général Mural se porte sur ses derrières au pont d’ Yakoub, et qu’il manoeuvre en conséquence.

Si l’ennemi se portait sur Acre pendant que le général M urat serait au pont d’ Yakoub, ce qui n’est pas présumable, le corps qui serait détaché par le général Kleber marcherait sur ses flancs, ou le suivrait de près s’il avait passé.

Si le corps ennemi se rejetait sur le général Murat, le corps détaché du général Kleber le suivrait rapidement.

Si l’ennemi opérait sa retraite sur le pont de Tell-Ouy, le corps détaché du général Kleber le poursuivrait.

Dès l’instant que le blocus de Safed sera levé et que le général Murat aura poursuivi l’ennemi pour l’éloigner le plus possible, il rejoindra Acre, en laissant la 27e à Safed , où elle restera aux ordres du général Kleber. Ce général a ordre de manoeuvrer suivant les circonstances, et d’après les reconnaissances qu’il fera , pour couvrir Acre par tous les débouchés par lesquels on peut s’y porter, depuis Safed jusqu’à Naplouse.

Le général en chef désire que, si cela est possible, le général Murat soit de retour ici le 30, ce qui est cependant subordonné à l’objet de sa mission , qui doit être rempli.

Le général Murat est prévenu des dispositions que le général en chef a écrit au général Kleber qu’il désirerait qu’il pût faire ; mais le général Murat ne doit pas y compter absolument, puisque le général Kleber ne doit détacher un corps pour marcher sur Safed que dans le cas où la position de l’ennemi le lui permettrait ; il est donc possible que le général Murat agisse seul contre l’ennemi qui est à Safed.

 

Quartier général, devant Acre, 24 germinal an VII (13 avril 1799).

AU GÉNÉRAL KLEBER.

Le général en chef me charge de vous prévenir, Citoyen Général , qu’étant instruit, par des rapports certains, qu’environ 1 ,200 hommes de cavalerie ennemie ont passé le pont d’ Yakoub et cernent le chàteau de Safed , il a ordonné au général Murat de partir à trois heures du matin avec un corps d’infanterie d’environ 1000 hommes, pour se rendre au pont d’Yakoub , afin de couper la communication de Damas à cette cavalerie ennemie, et de profiter de la connaissance qu’il a du local pour marcher sur elle, lui faire tout le mal possible, l’obliger à lever le blocus de Safed et la disperser.

Le général en chef désirerait que, si , par suite de l’avantaqe que vous avez remporté sur l’ennemi , il s’était reployé sur Tabary eh , ou que vous jugiez qu’il soit dans une position à ne pas trop vous presser, vous pussiez sans inconvénients faire marcher sur Safed un corps assez fort pour n’avoir rien craindre de l’attaque de la cavalerie ennemie, pouvoir observer les mouvements que l’ennemi qui bloque Safed fera quand il saura que le général Murat s’est porté sur ses derrières au pont d’Yakoub , et manoeuvrer en conséquence.

Si l’ennemi qui est Safed se portait sur Acre pendant que le général Murat arriverait au pont d’ Yakoub , ce qui n’est pas présumable, le corps que vous auriez détaché sur Safed pourrait marcher sur ses flancs, ou le suivre de près s’il avait passé ; si l’ennetni se rejetait sur le général Murat , le corps que vous auriez détaché le suivrait rapidement pour le mettre entre deux feux ; si enfin l’ennemi s’éparpillait , il manoeuvrerait de manière à lui faire tout le mal possible ; si enfin l’ennemi opérait sa retraite sur le pont de Tell-Ouy  le corps détaché de votre division le suivrait.

Dès l’instant que le blocus de Safed sera relevé et que le général Murat aura poursuivi l’ennemi pour l’éloigner le plus possible , il a ordre de rejoindre l’armée sous Acre , où le général désirerait qu’il pût être de retour le 30; il a des ordres en conséquence.

Le général Murat a ordre de laisser tous les hommes de la 25e qu’il a sous ses ordres à Safed, où ils resteraient aux vôtres, avec les troupes qui y sont déjà.

Si les circonstances vous permettaient de faire marcher un corps sur Safed pour seconder les opérations du général Murat, ainsi que le général en chef le désire, veuillez recommander au général qui le commandera de marcher avec précaution et d’employer beaucoup d’espions.

Le général en chef vous laisse le maître de manoeuvrer suivant les circonstances et d’après les reconnaissances que vous ferez , afin de couvrir Acre par tous les débouchés par lesquels on peut s’y porter, depuis Safed jusqu’à Naplouse.

Si les forts qui défendent la tête du pont d’ Yakoub et de Tell-Ouy sont en état , de manière qu’une garnison puisse y être à l’abri de toute surprise, il ordonne que vous les fassiez approvisionner et que vous les fassiez occuper.

Si vous aviez besoin de deux pièces de canon de plus, écrivez-le au général en chef, qui vous les fera passer.

Le convoi que nous attendions de Jaffa arrive cette nuit. Tous nos travaux de siége vont bien.

Je vous envoie cet ordre par mon aide de camp Arrighi, qui reconduit en même temps les 25 hommes de la 2e légère que vous avez envoyés ; il restera auprès de vous jusqu’à ce que vous ayez quelque chose d’intéressant à faire dire au général en chef.

Le général en chef a reçu cette après-midi votre lettre de Naplouse, par laquelle vous lui faites part de l’affaire que vous avez eue.

 

Par ordre général en chef.

 

 

Quartier général, devant Acre, 24 germinal an VII (13 avril 1799).

AU GÉNÉRAL KLEBER.

J’ai reçu, Citoyen Général , vos différentes lettres.

L’adjudant Leturcq, qui est arrivé à Haifa avec le convoi, nous apporte de quoi faire une grande quantité de cartouches. Dèsl’instant qu’elles seront faites, on vous en enverra le plus qu’il sera possible.

Le général Murat laissera à Safed les 150 hommes de la 25e que vous avez laissés à Hayfà, vous les prendrez là pour les placer où vous jugerez à propos. Je désirerais qu’avec le reste de sa colonne il pùt être de retour pour l’assaut d’Acre, qui pourra avoir lieu le 30.

Ecrivez à Gherar qu’il a tort de se mêler d’une querelle qui le conduira à sa perte ; comment , lui qui a eu tant à se plaindre d’un homme aussi féroce que Dhezzar, peut-il exposer sa fortune et la vie de ses paysans pour un homme aussi peu fait pour avoir des amis ? que, sous peu de jours , Acre sera pris , et Djezzar puni de tous ses forfaits, el qu’alors il regrettera, peut-être trop tard, de ne pas s’être conduit avec plus de sagesse et de politique. Si cette lettre est nulle, elle ne peut , dans aucun cas, faire un mauvais effet.

Votre bataille est fort bonne; cela ne laisse pas de beaucoup dégoûter cette canaille, et j’espère que, si vous les revoyez, vous pourrez trouver moyen d’avoir leurs pièces.

Est-il bien sûr que le pont qui est plus bas que le lac de Tabarvell soit détruit ? Les habitants du pays, dans les différents renseignements qu’ils me donnent, me parlent louiours de ce pont comme si les renforts pouvaient venir par là , et dès lors comme s’il n’était pas détruit.

Le mont Thabor est témoin de vos exploits. Si ces gens-là tiennent un peu , et que vous ayez une affaire un peu chaude, cela vous vaudra les clés de Damas.

Si, dans les différents mouvements qui peuvent se présenter, vous trouvez moyen de vous mettre entre eux et le Jourdain, il ne faudrait pas être retenu par l’idée que cela les ferait litareher sur nous : nous nous tenons sur nos gardes, nous en serions bien vile prévenus, et nous irions leur rencontre ; mais alors il faudrait que vous les poursuivissiez en queue assez vivement. Mais je sens que ces gens—là ne sont pas assez résolus pour cela. Si cela arrivait , ils s’éparpilleraient tout bonnement en route.

J’ai envoyé, il y a trois jours , à Safed un homtne qui est depuis Haifa avec nous, pour avoir une conférence avec Ibrahim-Bey; il doit être de retour demain, et, si la cavalerie qui est devant Safed l’a empèché de remplir sa mission, je vous l’enverrai : il sera plus à portée de la remplir de chez vous.

BONAPARTE.

 

 

Quartier général, devant Acre, 25 germinal an VII (14 avril 1799).

AU GÉNÉRAL KLEBER.

Le général en chef ‘ne charae de vous faire connaitre, Général , que , par tous les renseiqnements pris , il n’existe pas de pont vis-à-vis Tell-Ouy , et qu’il n’y a sur le Jourdain que le pont d’ Yakoub et le pont plus bas que Tabaryeh, appelé Gesr el-Magama.

Le général en chef pense que, le général Murat étant parti à la pointe du jour pour le pont d’ Yakoub , il est vraisemblable qu’il y sera demain dans la matinée; qu’il parait naturel de penser que l’ennemi sera fort inquiété de ce mouvement : ou il se portera en force du côté du pont d’ Vakoub pour attaquer le général Murat, ou il s’appuiera à Tabaryeh pour se conserver le pont d’el-Magama.

Dans le premier cas, le général en chef pense que vous devez presser l’ennemi, suivre son mouvement afin d’arriver derrière lui sur le Jourdain , et porter tous les secours possibles au général Murat. Dans le second cas, le général Murat , ne voyant plus d’ennemi au pont d’ Yakoub, ni à Safed , suivra les mouvements de l’ennemi , et par là il vous mettra à même de le repousser au delà du Jourdain.

Le général en chef expédie sur—le—champ des hommes du pays au général Murat, pour lui raire connaitre qu’auiourd’hui l’ennemi était encore en force devant vous, et lui répéter encore que, si l’ennemi, au lieu d’évacuer par le pont d’ Yakoub, se reployait sur Tabaryeb , il est nécessaire qu’après avoir ravitaillé la garnison de Safed il suive l’ennemi et se mette en communication avec vous, et vous mette par là à même de lui envoyer des ordres. Le général en chef désire que vous ne manquiez pas cette circonstance pour jeter l’ennerni au delà du Jourdain , investir Tabaryeh et faire tirer quelques coups de canon ; en somme , dans tous les cas , vous maintenir maitre du Jourdain.

Tant pour exécuter ce projet que pour fortifier votre défensive , le général en chef vous envoie quatre pièces de canon et 100 hommes de cavalerie, et, à la première nouvelle que vous donneriez au général en chef que l’ennemi aurait accru son audace au point de vous attaquer dans votre position, le général en chef s’y portera lui-même afin de prendre un parti définitif.

Au reste, le général en chef compte beaucoup que le mouvement du général Murat maitrisera ceux de l’ennemi.

Le général en chef désire que vous enployiez les Dàher et leurs paysans à tendre quelques embuscades aux Arabes.

Si l’ennemi osait camper près de votre camp, le général en chef ne doute pas que vous ne lui fassiez une attaque de nuit qui aurait le même succès que celle d’El-A’rych.

Par Ordre du général en chef.

 

Quartier général, devant Acre, 25 germinal au VII (14 avril 1799).

AU GÉNÉRAL MURAT.

Le général en chef me charge de vous faire connaître, Citoyen Général , que ce matin l’ennemi s’est présenté en force à deux lieues en avant de Soulyn, près Nazareth ; qu’il pense que, dans la journée de demain , il peut être au pont d’ Yakoub. Si la cavalerie qui bloque Jaffa se portait sur Tabarseh , il serait nécessaire qu’après avoir ravitaillé la garnison de Safed, avoir ramassé tous les bestiaux, bois et vivres que vous pourriez trouver dans les villages voisins, en employant tous les moyens les plus violents , et en avoir approvisionné le fort de Safed , vous suiviez , avec la plus grande partie de votre colonne, les mouvements de l’ennemi , pour agir de concert avec le général Kleber, investir Tabaryeh et obliger l’ennemi à passer le Jourdain au pont de Gesr el-Magama.

Si, au contraire, l’ennemi qui est vis-à-vis le général Kleber, à la nouvelle de votre mouvement, se portait au pont d’ Yakoub, le général Kleber a ordre de le faire suivre, afin de vous porter tous les secours possibles.

Dans tous les cas, si la tête du pont d’ Vakoub est occupable, vous tâcherez d’y réunir des subsistances pour cinq à six jours, pour le nombre d’hommes que vous jugerez propos d’y laisser. Cependant, comme l’exécution de cette mesure pourrait vous retarder il est nécessaire, si l’ennemi se porte sur Tabaryeh, que vous le suiviez rapidement pour arriver au secours du général  Kleber, sauf à prendre les mesures pour occuper le pont d’ Yakoub lorsque de Tabaryeh et du pont de Gesr el-Magama serait terminée.

En cas de jonction avec le général Kleber, vous serez sous ses ordres.

Vous trouverez ci—joint la copie de l’ordre que j’envoie en même temps que celui-ci au général Kleber.

 

Par ordre du général en chef.

 

Quartier général, devant Acre, 25 germinal au VII (14 avril 1799).

AU GÉNÉRAI. MARMONT.

J’imagine qu’à l’heure qu’il est, Citoyen Général , vous aurez approvisionné le fort de Rachid [1]Rosette de mortiers avec de bonnes pièces, avec 500 coups au moins.

J’ai reçu votre lettre du 8 germinal, et j’ai appris avec plaisir que
le Pluvier s’était sauvé à Alexandrie : il doit avoir 1,500 quintaux de riz à son bord; vous pouvez vous en servir pour augmenter vos approvisionnements.

Recrutez, et complétez les quatre bataillons qui sont sous vos ordres, ainsi que la légion nautique. Les recrues que vous nous avez envoyées d’Alexandrie se sont sauvées à la première affaire, ont tenu bon à la seconde, et se battent aujourd’hui tous les jours à la tranchée avec le plus grand courage.

Le général Junot s’est couvert de gloire le 19 au combat de Nazareth; avec 300 hommes de la 2e d’infanterie légère, il a battu
4,000 hommes de cavalerie, il a pris cinq drapeaux et tué ou blessé près de 600 hommes ; c’est une des affaires brillantes de la guerre.

Notre siège avance : nous avons une galerie de mine qui déjà dépasse la contrescarpe, chemine sous le fossé à 30 pieds sous terre, et n’est plus qu’à 18 pieds du rempart.

Sur le front d’attaque, nous avons deux batteries à 60 toises, et
quatre à 100 toises, pour contre-battre les flancs. Depuis quinze
jours, nous ne tirons pas un seul boulet; l’ennemi tire comme un
enragé; nous nous contentons de ramasser humblement ses boulets, de les payer vingt sous et de les entasser au parc, où il y-en a déjà près de 4,000. Vous voyez qu’il y a de quoi faire un beau feu pendant vingt-quatre heures, et faire une bonne brèche. J’attends, pour donner le signal, que le mineur puisse faire sauter la contrescarpe à l’extrémité d’une double sape, qui marche droit à une tour; nous sommes encore à 8 toises de la contrescarpe ; c’est l’histoire de deux nuits. L’ennemi nous a tiré 3 ou 4,000 bombes. Il y a dans la place beaucoup d’Anglais et d’émigrés français; vous sentez que nous brùIons tous d’y entrer; il y a à parier que ce sera le 1er floréal.

Le siège, à défaut d’artillerie et vu l’immense quantité de celle de l’ennemi, est une des opérations qui caractérisent le plus la constance et la bravoure de nos troupes. L’ennemi tire ses bombes avec une  grande précision. Jusqu’à cette heure, le siège nous coûte 60 hommes tués et 30 blessés.

L’adjoint Mailly, les adjudants généraux Lescalle et Laugier sont au nombre des premiers.

Le général Caffarelli, mon aide de camp Duroc, Eugène (Eugène de Beauharnais)), l’adjudant général Valentin, les officiers du génie Sanson, Say et Souhait, sont au nombre des blessés ; on a été obligé d’amputer le bras du général Caffarelli; sa blessure va bien.

Damas n’attend que la nouvelle de la prise d’Acre pour se soumettre.

Je serai dans le courant de mai de retour en Egypte. Profitez des bâtiments de transport qui partiraient, ou expédiez-en un pour donner de nos nouvelles en France. Vous avez du recevoir la relation de Jaffa , qui a été imprimée.

Approvisionnez-vous, et que vos soins ne se bornent pas à Alexandrie ; songez que cela n’est rien si le fort de Rachyd n’est pas en état de faire une bonne résistance; il faut qu’il y ait un bon massif de terre, des mortiers, des obusiers , des canons approvisionnés à 600 coups par pièce. Après avoir fortifié votre arrondissement, vous aurez la gloire de le défendre cet été. Je vous répète ce que je vous ai dit dans ma lettre du 21 pluviôse, de me faire une bonne carte de votre arrondissement, en comprenant une partie du lac Bourlos ; vous savez combien cela est nécessaire dans les opérations militaires.

Faites connaitre dans votre arrondissement que j’ai revêtu le fils de Dàher, et que je l’ai reconnu cheik de Safed et du pachalik d’Acre.

Nous pourrions bien aujourd’hui donner un million, si nous avions ici les pièces de siège embarquées à Alexandrie.

Si les Anglais laissent la sortie un peu libre, vous pourriez envoyer un petit bâtiment à Jaffa pour me porter de vos nouvelles et pour en recevoir des nôtres; il faudrait qu’il fût assez petit pour pouvoir aller à Damiette ou sur le lac Bourlos.

 

Quartier général, devant Acre, 25 germinal an VII (14 avril 1799).

A L’ADJUDANT GÉNÉRAL ALMERAS.

Je vous ai expédié deux bateaux , le 13 et le 16, pour vous faire connaitre nos besoins d’artillerie ; les boulets que nous a envoyés l’ennemi, joints à ceux que vous nouss avez fait passer à Jaffa, nous mettent à même de pouvoir attaquer dans trois ou quatre jours. Nous avons une mine qui chemine à 30 pieds sous terre et qui n’est qu’à 18 pieds du rempart, et , sur le front d’attaque, notre sape se trouve à 8 toises de la contrescarpe ; ainsi il est probable que, lorsque vous lirez cette lettre, nous aurons emporté Acre d’assaut.

Tout le pays nous est entièrement soumis et dévoué ; une armée venue de Damas a été complétement battue ; le général Junot avec 300 hommes de la 2e légère a battu 3 à 4,000 hommesde cavalerie, mis 5 à 600 hommes hors de combat et pris cinq drapeaux ; c’est une des alTaires brillantes que l’on peut avoir à la guerre.

Ne perdez pas de vue les fortifications et les approvisionnements dee Lesbé; car , si l’hiver et le printetnps nous nous sommes battus en Syrie, il serait possible que cet été une armée de débarquement nous mit même d’acquérir de la gloire à Damiette. Donnez de vos nouvelles au général Dugua.

BONAPARTE.

 

Quartier général, devant Acre, 26 germinal an VII (15 avril 1799).

AU GÉNÉRAI, BON.

Le général en chef ordonne au général Bon de partir sur-le-champ pour prendre position entre Nazareth et le village de Soulyn , et de se rnettre aussitôt en communication avec le général Kleber. Selon les derniers renseignements, l’ennemi était en position au village de Soulyn. I.e général Bon prendra au parc deux pièces de 8, un obusier, une pièce de 4 et 5000 cartouches ; il lui sera fourni un guide. Le général Bon sortira de son camp de manière à ne pas être vu de la place. L’adjudant Leturcq , avec 150 hommes de cavalerie et une pièce de canon qu’il prendra à l’avant-garde , le précédera et le préviendra de ce qu’il pourrait découvrir ou apprendrait de nouveau .

L’adjudant général Leturcq se mettra devant votre colonne, lorsque vous serez dans la direction de la hauteur de l’avant-garde.

Le général en chef partira dans une demi-heure, pour vous suivre.

 

Quartier général, devant Acre, 26 germinal an VII (15 avril 1799).

AU GÉNÉRAL KLEBER.

Le général en chef me charge de vous prévenir, Citoyen Général,
que le général Murat écrit de près de Safed qu’il attaquera aujourd’hui l’ennemi à la pointe du jour.

Le général en chef se rend, avec une partie de la division Bon,
pour prendre position entre Nazareth et le village de Soulyn, où il
vous prie de lui faire passer le plus tôt possible un rapport de votre position.

Par ordre du général en chef.

 

Quartier général, mont Thabor, 28 germinal an VII (17 avril 1199), à midi.

AU CONTRE-AMIRAL GANTEAUME.

Je reçois à l’instant la lettre par laquelle vous m’annoncez l’arrivée du contre-amiral Perrée; vous lui enverrez sur-le-champ l’ordre:

1° De réembarquer deux pièces de 18 avec la moitié des boulets
qu’en conséquence de votre ordre il avait laissés à Jaffa, et de réembarquer la moitié des boulets de 12 que vous lui avez ordonné de débarquer à Jaffa ;
2° De remplacer les pièces de 18 qu’il se trouve nous avoir laissées à Jaffa par un pareil nombre de pièces de 12 qu’il prendra sur la Courageuse ; si l’Éloile était arrivée, il pourrait prendre les pièces de 18 de l’Etoile pour se compléter. Si la grosse mer s’opposait à tous ses mouvements et qu’elle lui fit perdre trop de temps, vous lui ferez sentir que dans sa position il faut qu’il calcule avant tout le temps.

3° Laissez maître le contre-amiral Perrée de se porter soit sur
Candie, soit sur Chypre, afin de pouvoir reparaître du 6 au 10 du
mois prochain soit sur Sour, soit sur Jaffa; la place d’Acre sera
prise alors, et je l’expédierai en Europe avec une mission particulière.

Pour peu que le contre-amiral Perrée soit poursuivi par l’ennemi,
vous le laisserez maître de se réfugier soit à Alexandrie, soit dans un port d’Europe; dans ce dernier cas, vous lui ferez connaître que
j’attends de lui qu’il ne tarde pas à nous amener des fusils, des sabres et du renfort, ne fût-ce que quelques centaines d’hommes; il pourra diriger sa marche sur Damiette, sur Jaffa, sur Saint-Jean-
d’Acre ou sur Tyr, et, s’il avait plus de 1,500 hommes, il pourrait
même les débarquer à Derne.

Faites-lui sentir cependant que je compte assez sur son zèle et sur
ses talents pour espérer qu’il pourra croiser huit jours, faire beaucoup de mal aux Anglais, dont les vaisseaux marchands couvrent le Levant.

Dans tous les cas, mon intention est que si, avec ses trois frégates,
il était obligé de se réfugier en Europe, il hasarde un de ses meilleurs avisos en le dirigeant sur Sour.

Vous connaissez la position dans laquelle nous sommes, la situation de toute la côte; ajoutez-y tout ce que vos connaissances dans votre métier peuvent vous suggérer.

Le contre-amiral Perrée est autorisé à prendre les gros bàtiments
turcs.

Si les vents le poussaient du côté de Tripoli, faites-lui connaître que les Anglais reçoivent leurs vivres et leurs munitions de ce côté ; il pourrait facilement leur intercepter quelque convoi.

En tout cas, j’imagine que vous le presserez de porter pavillon
anglais et de se tenir fort loin des côtes.

 

 

Quartier général, devant Acre, 28, germinal an VII (17 avril 1799)

AU CHEIK DE NAPLOUSE.

Le général en chef Bonaparte me charge de vous faire connaître
qu’après la lettre qu’il vous a écrite de Jaffa il devait penser que vous seriez assez sage pour rester tranquille et ne pas exposer votre pays aux horreurs de là guerre. Cependant vous n’en avez rien fait, et vous avez préféré vous mettre au service de Djezzar, tyran ennemi de Dieu et des hommes. Cependant, comme le général Bonaparte est clément et miséricordieux, et qu’il sait que jusqu’à cette heure vous étiez les ennemis de Djezzar, il veut bien se contenter de la leçon qu’il vous a donnée hier et ne pas porter le fer et le feu dans vos villages.

Si donc vous vous conduisez bien et que vous n’entreteniez aucune correspondance avec Djezzar, il accordera sûreté et protection à votre pays. Dans le cas contraire, vous vous exposez à périr.

Par ordre du général en chef.

 

Quartier général, devant Acre, 29 germinal an VII (18 avril 1799).

ORDRE DU JOUR.

Les janissaires de Damas réunis à la cavalerie de Djezzar, aux
milices de Naplouse, à des Arabes et aux Mameluks d’Ibrahim-Bey, ont passé le Jourdain dans l’intention de faire lever le siège d’Acre; ils ont été complétement battus aux combats de Nazareth, de Safed et de Cana, et à la bataille du mont Thabor. Un grand nombre est resté sur le champ de bataille ; la plus grande partie des bagages a -été enlevée, entre autres ceux d’Ibrahim-Bey et des Mameluks, qui étaient portés par 400 chameaux; on leur a pris plusieurs drapeaux et plusieurs pièces de canon. Une partie de cette nuée de fuyards, poursuivis l’épée dans les reins, s’est noyée dans le Jourdain; l’autre partie est poursuivie sur la route de Damas.

Par les dernières nouvelles que le général en chef a reçues de
France, au 1er ventôse, la République était maîtresse de tout le royaume de Naples et de tout le Piémont, et les grandes puissances du continent, indignées de la conduite arrogante et ridicule de la cour de Naples, avaient abandonné ce roi à son malheureux destin.

Les bases de la paix de Rastadt paraissent être convenues, et la
paix sur le point d’être signée.

Par ordre du général en chef.

 

Quartier général, devant Acre, 29 germinal an VII (18 avril 1799)

AU GÉNÉRAL BERTHIER.

 

Le commandant de l’escadre anglaise en croisière devant Acre
ayant eu la barbarie de faire embarquer sur un bâtiment de Constantinople, qui avait la peste, les prisonniers français, sous prétexte de les renvoyer à Toulon, mais effectivement pour s’en défaire en route, cet homme étant d’ailleurs une espèce de fou, vous ferez connaître aux commandants de la côte que mon intention est que l’on n’ait aucune communication avec lui. En conséquence, les parlementaires seront renvoyés avant qu’ils soient à portée de fusil de la côte.

Le présent ordre ne sera exécuté que relativement au commandant de la croisière actuelle.

BONAPARTE.

 

Quartier général, devant Acre, 29 germinal an VII (18 avril 1799).

AU GÉNÉRAL BERTHIER.

Vous donnerez l’ordre à l’adjudant général Boyer de partir cette
nuit, avec 100 hommes de chacune des deux divisions qui sont ici,
20 canonniers, 12 sapeurs et 50 cavaliers, pour escorter les chevaux et chameaux que le général d’artillerie enverra à Jaffa pour prendre l’artillerie qui y serait arrivée.

Il laissera 80 hommes à Hayfà et 120 à Tantourah; il prendra à
Tantourah et à Hayfà tous les hommes de la 22e d’infanterie légère qu’il y trouvera; ce qui doit faire plus de 300 hommes. Cela formera, avec les dragons, les canonniers et sapeurs, l’escorte de son convoi. Les sapeurs porteront quelques outils pour réparer les chemins, afin de pouvoir passer la grosse artillerie.

Il s’arrangera de manière à être le 5 de retour.

BONAPARTE.

 

 

Quartier général, devant Acre, 30 germinal an VII (19 avril 1799).

AU GÉNÉRAL DUGUA, AU CAIRE.

J’ai reçu, Citoyen Général, vos différentes lettres jusqu’au 8 germinal.

Acre sera pris le 6 floréal, et je partirai sur-le-champ pour me rendre au Caire.

La conduite de l’émir-hadji est bien extravagante; mais l’idée que
vous avez qu’il pourrait tramer quelque chose de redoutable est, je vous assure, bien mal fondée. Croyez, je vous prie, qu’avant de lui faire jouer un certain rôle, je me suis assuré qu’il était peu dangereux. Aucune habitude guerrière, point de résolution , moins encore d’audace; c’est un ennemi très-peu redoutable.

Je ne réponds pas en détail à vos lettres, parce que je serai bientôt
de retour.

Vous pouvez incorporer dans les différents corps qui sont dans la
basse Égypte les Mameluks qui n’auraient pas plus de vingt ans.

Je suis extrêmement mécontent de cette scène scandaleuse du
commandant de la place. Je lui envoie l’ordre par l’état-major de se rendre dans la haute Égypte, sous les ordres du général Desaix.

Vous vous chargerez vous-même; en attendant, du  commandement de la place. L’état-major vous adressera l’ordre, afin que, si vous jugiez que son exécution eût plus d’inconvénients que d’avantages , vous la différiez jusqu’à mon arrivée. Quant à la femme, à mon arrivée, je la ferai noyer.

BONAPARTE.

 

Quartier général, devant Acre, 30 germinal an VII (19 avril 1799).

AU GÉNÉRAL DESAIX.

Je reçois, Citoyen Général, à l’instant vos lettres depuis le 8 pluviôse au 27 ventôse; je les ai lues avec tout l’intérêt qu’elles inspirent. Je vois surtout avec plaisir que vous vous disposez à vous emparer de Qoseyr; sans ce point-là vous ne serez jamais tranquille.

La marine a encore dans cette circonstance déçu mes espérances.

Je serai de retour en Égypte dans le courant de mai ; je compte
être maître d’Acre dans six jours.

Le général Dugua me mande qu’il vous a envoyé tous les objets
que vous avez demandés. Je le lui recommande avec toutes les
instances possibles.

Je n’ai, du reste, aucune inquiétude sur le sort de la haute Egypte, puisque vous y êtes.

Nous avons eu affaire, à la bataille du mont Thabor, à près de
30,000 hommes; c’est à peu près un contre dix. Les janissaires de Damas se battaient au moins aussi bien que les Mameluks, et les Arnautes, Moghrebins et Xaplousains, qui se battaient à pied, sont sans contredit les meilleures troupes de l’empire de Constantinople.

Au reste, par vos lettres, je vois que nous n’avons rien à vous conter que vous n’ayez à nous répondre.

Assurez tous les braves qui sont sous vos ordres de l’empressement que je mettrai à récompenser leurs services et à les faire connaître à la France entière.

Le contre-amiral Perrée, avec la Junon, l’Alceste et la Courageuse, nous a mené à Jaffa des pièces de siège et est en ce moment derrière la flotte anglaise, lui enlevant ses avisos, bâtiments de transport, etc. Il fera des prises immenses, et nous enverra à Tyr, Jaffa, et à Acre, lorsque nous en serons maîtres, de fréquentes nouvelles d’Europe.

Vous aurez appris par le Caire les dernières nouvelles de France et d’Europe. Rien ne prouvait encore qu’il y eût la guerre.

Salut, amitié.

BONAPARTE.

 

Quartier général, devant Acre, 30 germinal an VII (19 avril 1799).

AU CITOYEN POUSSIELGUE.

J’ai reçu, Citoyen, vos différentes lettres. Vous avez appris par
Damiette le succès des combats de Nazareth, Safed , Cana, et de la bataille du mont Thabor. Les ennemis étaient considérables.

Nous avons déjà ici au camp d’Acre assez d’artillerie pour prendre Acre; mais nous attendons encore les trois pièces de 24 et les pièces de 18 et de 12 que le contre-amiral Perrée a débarquées à Jaffa; et qui seront ici dans trois jours. Vous pouvez calculer que le 5 ou le 6 Acre sera pris. Je partirai immédiatement après pour me rendre au Caire.

Je vous prie de faire meubler mes nouvelles salles.

Comme je serai au Caire dix à quinze jours après la réception de ma lettre, je crois inutile de répondre en détail aux différents articles de vos dépêches.

BONAPARTE.

 

AU CITOYEN FOURIER, COMMISSAIRE PRÈS LE DIVAN.

Quartier général, devant Acre, 30 germinal an VU (19 avril 1799).

J’ai reçu, Citoyen, vos différentes lettres.

Je vous autorise à correspondre avec l’Institut national, pour lui
témoigner, au nom de l’Institut d’Egypte, le désir qu’il a de recevoir
promptement les différentes questions qu’il a chargé les différentes commissions de faire, et l’empressement que l’Institut d’Egypte mettra à y répondre.

Faites connaître au divan du Caire les succès que nous avons eus
contre nos ennemis, la protection que j’ai accordée à tous ceux qui
se sont bien comportés, et les exemples sévères que je fais des villes et des villages qui se sont mal conduits, entre autres de celui de Genyn , habité par Gherar, cheik de Naplouse.

Annoncez au divan que, lorsqu’il recevra cette lettre, Acre sera
pris, et que je serai en route pour me rendre au Caire, où j’ai autant
d’impatience d’arriver que l’on en a de m’y voir.

Un de mes premiers soins sera de rassembler l’Institut, et de voir
si nous pouvons parvenir à avancer d’un pas les connaissances humaines.

BONAPARTE.

 

Quartier général, devant Acre, 30 germinal an VII (19 avril 1799)

ORDRE DU JOUR.

Le général en chef, instruit que plusieurs soldats vendent la vaisselle d’argent trouvée dans les bagages pris à la bataille du mont Thabor, autorise le payeur à la recevoir et à en solder la valeur au poids.

Le général en chef exhorte les généraux et chefs des corps à mettre
la plus grande activité à recruter leurs corps parmi les habitants du
pays, et spécialement parmi ceux delà montagne de Safed et de Nazareth; on prendra les jeunes gens depuis dix-huit à vingt-cinq ans.

Les Arabes d’Yanbo ont débarqué du monde à Qoseyr et marché
de là pour secourir Mourad-Bey, qui a profité de cette circonstance
pour sortir du désert et se porter sur les différents cantonnements
de la division du général Desaix. Ils ont été complétement battus aux combats de Samhoud, de Qeneh, d’Abou-Marrah, d’Esné, et au
combat de cavalerie de Louqsor, où Osman-Bey a été dangereusement blessé. Dans ces différentes affaires, l’ennemi a été presque entièrement détruit ; le reste a été repoussé au delà des cataractes et dans le désert.

L’occupation de Qoseyr et les forts que l’on construit sur les différents points du Nil assurent la haute Egypte contre leurs incursions,

BONAPARTE.

 

Quartier général, devant Acre, 1er floréal an VII (20 avril 1799).

INSTRUCTION
POUR LE GÉNÉRAL DE BRIGADE DE TRANCHÉE.

L’objet principal du travail de la nuit du 1er au 2 floréal est de
continuer à cheminer promptement, mais avec toutes les précautions qu’exige, le grand voisinage de la place, en sape debout sur la tour à gauche de la tour carrée où l’on a fait brèche.

Le citoyen Lacoste, capitaine du génie, qui est de tranchée, dirigera ce travail; il installera ses sapeurs de très-bonne heure et les
fera retirer un peu avant le jour.

Le général de brigade de tranchée fera ses dispositions pour protéger ce travail, qui est des plus importants.

Il établira un bon poste de grenadiers à l’extrémité du boyau qui
joint la 2e et la 3e parallèle. Il est indispensable de se maintenir dans ce poste : sans lui les travailleurs de la sape debout ne pourraient se retirer qu’à découvert et en sautant par-dessus le parapet de la 2e parallèle. Le poste dont nous venons de parler se trouve à portée d’une espèce de boyau auquel l’ennemi travaille de son côté et qui est sur le flanc de ces deux parallèles.

Le général de brigade de tranchée placera dans la 2° parallèle une
cinquantaine de tirailleurs, qui feront feu séparément à travers les
créneaux et ajusteront tout ce qu’ils apercevront sur les remparts.

L’artillerie concourra, de son côté, à soutenir, par les dispositions
suivantes, le travail de la sape.

Les pièces de 8 du réservoir battront de front le boyau de l’ennemi
ou la face de la place d’armes.

Les batteries Digeon et Grizet dirigeront tous leurs feux sur chacune des pièces du front d’attaque qui leur sont opposées, de manière à les démonter et à ruiner leurs embrasures. Elles pourront tirer, pendant la nuit, chacune 30 à 40 coups à boulets.

La batterie de mer continuera à éloigner les avisos, à faire taire le
phare et les chaloupes du port ; elle pourra tirer le même nombre
de coups.

Le génie travaillera à appuyer la gauche de la 2e et de la 3e parallèle par un cavalier de tranchée ou par tout autre ouvrage; il prolongera la 2e parallèle jusqu’à la rue du revers des Dunes, du côté du port; il entamera une communication à gauche du Santon, pour joindre la 1e parallèle à la 2e; il perfectionnera les communications.

L’artillerie amènera quelques pièces et munitions à la queue de la
tranchée; elle armera la batterie de mortiers de la gauche; elle réparera l’ancienne batterie de brèche; elle continuera la construction des batteries Mangin et Pétignier. Cette dernière devra être armée et prête à faire feu à la pointe du jour.

Dans le cas où l’ennemi, posté dans la place d’armes qui couvre
les sorties du côté du port, inquiéterait trop les travailleurs de la
sape debout, l’intention du général en chef est que le général de brigade de tranchée, sur la demande du commandant du génie, fasse filer une quinzaine d’hommes déterminés et bien commandés, par le ravin ou chemin creux qui se trouve près de la plage, vis-à-vis la porte d’entrée, afin de tourner la place d’armes de l’ennemi, d’y pénétrer et d’y commettre le plus de dommages possible. Le commandant du détachement aura soin de ne pas trop s’abandonner, afin de pouvoir se ménager une prompte retraite.

Par ordre du général en chef.

 

Quartier général, devant Acre, 2 floréal an VII (21 avril 1799).

AU GÉNÉRAL KLEBER.

J’ai reçu, Citoyen Général, vos lettres des 29 germinal et 1er floréal.

Nos mineurs sont depuis vingt-quatre heures sous la tour; demain
ils commencent le travail pour les fourneaux : ils espèrent, le 4, faire
sauter la tour.

Nos pièces de 24 sont en chemin ; nous les attendons le 4.

Une seconde flottille, que j’avais fait préparer à Alexandrie et qui
était en station au lac Bourlos, vient d’arriver.

Une troisième flottille, que j’avais fait préparer à Alexandrie et qui
était en station à Damiette depuis un mois, vient de partir, chargée
de grosses pièces et de mortiers. Tous ces moyens ne sont pas nécessaires pour Acre : la réussite d’un seul suffit. Si nous étions même à ne pas regarder à vingt-quatre heures près, les moyens que nous avons au parc seraient suffisants.

Le citoyen Perrée, qui, avec ses trois frégates, voltige à vingt et
trente lieues d’Acre, a déjà fait des prises, et il est probable que
cette flottille s’enrichira et fera beaucoup de mal aux ennemis.

M. Smith n’en sait encore rien , car il tire des boulets fort et ferme.

Faites faire par votre officier du génie un croquis du cours du
Jourdain, depuis le pont d’Yakoub jusqu’à quatre lieues plus bas que
celui de Magama, avec la nature du terrain à une lieue sur l’une et
l’autre rive.

Ordonnez des reconnaissances à quatre lieues en avant de chaque
pont, afin de bien reconnaître la nature du terrain.

Faites-moi faire une note par vos officiers du génie et d’artillerie
sur le degré de défense dont seraient susceptibles les ponts d’Yakoub et de Magama, les forts de Safed et de Tabaryeh.

BONAPARTE.

 

Quartier général, devant Acre, 2 floréal an VII (17 avril 1799).

ORDRE DU JOUR.

Le général en chef, voulant donner une marque de satisfaction
particulière aux 300 braves commandés par le général de brigade
Junot, qui, au combat de Nazareth, ont repoussé 3,000 hommes
de cavalerie, pris cinq drapeaux et couvert le champ de bataille de
cadavres ennemis , ordonne :

ARTICLE 1er. — Il sera proposé une médaille de 500 louis pour
prix du meilleur tableau représentant le combat de Nazareth.

ART. 2. — Les Français seront costumés dans le tableau avec
l’uniforme de la 2e d’infanterie légère et du 14e de dragons. Le général de brigade Junot, les chefs de brigade Duvivier, du 14e de
dragons, et Desnoyers, de la 2e d’infanterie légère, y seront placés.

ART. 3. — L’état-major fera faire, par les artistes que nous avons
en Egypte, des costumes des Mameluks, des janissaires de Damas,
des Diletti, des Alépins, des Moghrebins , des Arabes, et les enverra
au ministre de l’intérieur, à Paris, en l’invitant à en faire faire différentes copies, à les envoyer aux principaux peintres de Paris, Milan, Florence, Rome et Naples, et à déterminer l’époque du concours et les juges qui devront décerner le prix.

ART. 4. — Le présent ordre du jour sera envoyé à la municipalité
de la commune des braves qui se sont trouvés au combat de Nazareth.

BONAPARTE.

 

Quartier général, devant Acre, 4 floréal an VII (23 avril 1799).

AU GÉNÉRAL LANNES.

Je vous préviens, Citoyen Général, que le général en chef a donné l’ordre au général Domrnartin que demain 3 , à quatre heures du matin , nos batteries connnencent leur feu , qui sera dirigé de manière à détruire celui de l’ennemi sur tout le front d’attaque , et spécialement le feu du petit flanc qui est du côté de la tour de
Djezzar, et à faire une brèche à la première tour ronde; il ne doit
être tiré à la grosse tour, hors de l’angle saillant où l’on a précédemment fait brèche, que quelques coups, pour ne donner à l’ennemi aucun soupçon.

On fera sauter la mine lorsque notre artillerie aura fait taire l’artillerie ennemie ; le général en chef en donnera l’ordre.

Tous les grenadiers de l’armée, commandés par le général Lagrange, qui aura avec lui l’adjudant général Devaux, partiront de
votre camp demain, à quatre heures du matin, pour se placer derrière un mur, le long du vieux fossé, dont l’emplacement sera
reconnu ce soir par le général Lagrange, accompagné du général
Andréossy ; il est essentiel que les grenadiers soient placés avant le
jour, afin que l’ennemi n’ait pas connaissance de leur place d’armes ;
il sera fait aux grenadiers, dans cet endroit, une distribution d’eau-
de-vie.

Lorsque la mine aura sauté, l’on abordera la brèche, soit par la
seconde parallèle, en s’y rendant le long et par le trou de l’aqueduc,
soit le long de l’aqueduc, en suivant le boyau de la mine; cela
dépendra de l’effet qu’elle aura fait, et le général en chef enverra des ordres en conséquence.

Le général Andréossy se rendra près de vous, et vous irez ensemble, accompagnés des généraux Veaux, Lagrange et de l’adjudant général Devaux, reconnaître ces deux chemins, demain après midi.

L’ambulance sera établie où se réunissent les grenadiers.

Le général Lagrange se trouve sous vos ordres ; le général en chef
ordonne que vous ayez soin que, dès l’instant que la mine aura sauté, les 2e et 3e parallèles soient garnies de tirailleurs.

Le reste des troupes de votre division resteront dans leur camp,
prêtes à prendre les armes.

Les autres divisions restent également dans leurs camps, prêtes à
prendre les armes, jusqu’à nouvel ordre.

Vous aurez une musique placée dans la 1e parallèle, qui jouera
dès l’instant que la brèche aura été abordée.

Vous recommanderez au général Lagrange qu’aussitôt que nous
serons maîtres d’une tour son premier soin soit d’en faire ôter les
drapeaux turcs.

L’artillerie et le génie feront trouver, à l’endroit où seront les grenadiers , les ouvriers et travailleurs qui doivent marcher à la tète des colonnes.

Les échelles sont près du réservoir, l’intersection des deux chemins qu’on peut prendre pour monter à la tranchée.

J’ordonne que tous les grenadiers de l’armée soient réunis devant votre camp avant quatre heures du matin.

Par ordre du général en chef.

 

Quartier général, devant Acre, 6 floréal an VII (25 avril 1799).

AU GÉNÉRAL BERTHIER.

Vous donnerez l’ordre de faire partir, ce soir, le bataillon de la
4e d’infanterie légère, qui se rendra à grandes journées au Caire pour y être aux ordres du général Dugua.

Vous autoriserez l’adjudant général Aimeras à garder à Damiette
le bataillon de la 4e d’infanterie légère.

Vous enverrez une patrouille de cavalerie de 30 hommes à Sour,
où elle attendra jusqu’au 10, afin que, si le contre-amiral Perrée s’y
présentait, elle lui remît les dépêches du contre-amiral Ganteaume.

Vous préviendrez le chef des Motouâly que j’envoie cette patrouille
à Sour pour y rester quatre jours.

Vous ferez connaître aux généraux commandant à Damiette, au
Caire, etc., qu’une grosse tour, extrêmement forte en maçonnerie,
formant un ouvrage avancé à l’angle saillant, s’opposant à l’abord de la brèche, je l’ai fait miner et sauter. La mine l’a rendue inhabitable pour l’ennemi et a détruit ses retranchements et batteries. Plus de 300 hommes tués ou blessés anglais ont sauté avec la mine.

BONAPARTE.

 

Quartier général, devant Acre, 8 floréal an VII (27 avril 1799).

AU GÉNÉRAL KLEBER.

La mine, Citoyen Général, a joué le 5 ; elle n’a point fait l’effet
que les mineurs en attendaient : une partie de la muraille de terre
s’est écroulée avec tous les décombres, ainsi que la plus grande partie des trois voûtes ; le fossé, à dix toises de chaque côté, a absolument disparu. Nous n’avons pu nous emparer d’une petite voûte supérieure, qui nous aurait mis à même de nous rendre maîtres de toutes les maisons de gauche, et nous aurait donné l’entrée dans la place.

Plusieurs barils de poudre enflammés que l’ennemi a jetés dans la
brèche ont beaucoup effrayé les trente grenadiers qui étaient déjà parvenus à se loger. Nous avons canonné toute la journée du 6.

Nous avons eu dans le centre de la tour, pendant toute la journée
du 6 au 7, vingt hommes de logés ; ils n’ont pu parvenir à se loger
à l’endroit convenable, et nous avons dû abandonner le logement
qu’ils s’étaient fait, avant le jour. Hier et aujourd’hui nous canonnons.

Nos boyaux vont jusqu’au pied de la brèche, de sorte que l’on arrive
à couvert jusque dans l’intérieur de la tour.

Nos pièces de 18 et de 24 arrivent demain ou après-demain. Les
munitions qui nous sont arrivées hier de Damiette nous mettent à
même de continuer notre feu. L’ennemi ne tire plus que des bombes, hormis M. Smith qui ne nous laisse pas de repos, même la nuit, et ne produit d’autre mal que de ruiner notre caisse.

On dit que le corps des Diletti s’est porté à huit lieues en avant
de Damas, en forme d’avant-garde, et que leur peur commence à
passer.

Faites votre possible pour approvisionner et améliorer nos têtes
de pont.

Les Naplousains paraissent vouloir bien se conduire. Gherar a
répondu à la lettre que je lui avais écrite.

Le général Damas est arrivé à Damiette.

L’Egypte est parfaitement tranquille.

Le général Caffarelli est mort.

 

Quartier général, devant Acre, 8 floréal an VII (27 avril 1799).

AU CITOYEN D’AURE.

Vous ferez connaître, Citoyen Ordonnateur, au médecin en chef
Desgenettes et au chirurgien en chef Larrey, que, voulant leur donner une marque de satisfaction pour les services qu’ils ont rendus et rendent tous les jours à l’armée, je leur accorde à chacun une gratification de 2,000 francs, qu’ils pourront toucher à Paris ou au Caire. Vous me ferez connaître leurs intentions.

BONAPARTE.

 

References

References
1Rosette