Correspondance de Napoléon – Février 1815
Février
Porto-Ferrajo, 3 février 1815
NOTES.
Je vois que le cardinal propose une dépense de 5,600 francs pour l’opera de Porto-Ferrajo. S’informer si la musique de la Garde pourrait faire l’orchestre et Gandiano être maître de chapelle; cela ferait une grande économie et réduirait la dépense à 2,600 francs par mois. Je crois d’ailleurs que le cardinal a dit, dans une autre lettre, qu’on pourrait réduire ces traitements d’un tiers ; ce ne serait donc plus qu’une dépense de 2,000 francs par mois.
La note ne porte que quatre hommes, qui ne peuvent pas former une troupe. Il faut des femmes ; le cardinal en annonçait cependant plusieurs. Éclaircir tout cela avec Gandiano ; voir le nombre d’acteurs indispensables pour former une troupe, et ce que cela coûterait toute l’année.
Selon la lettre du sieur Lapi, l’Académie pourrait donner le produit des entrées, qu’il estime pouvoir aller à 4,000 francs pour trois mois, ou 16,000 francs par an. Ne serait-il pas possible que la société de l’Académie donnât 1,900 francs par mois, ce qui ne ferait par loge que dix sous par jour ? Cela ferait encore 12,000 francs; avec les 16,000 d’entrées, 28,000 francs. Je donnerais 12,000 francs par an ; ce serait donc 40,000 francs pour cet objet.
La troupe avec laquelle le sieur Lapi a été en correspondance demandait 12,000 francs pour trois mois. Il y aurait là-dessus à diminuer la musique, et, comme on prendrait cette troupe pour l’année, on parviendrait probablement à l’avoir pour 36,000 francs. Consulter là-dessus Gandiano et Sipier pour éclaircir ces idées et m’en rendre compte.
Porto-Ferrajo, 9 février 1815.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, je vous renvoie les comptes de la commune pour 1814 et le projet de budget pour 1815. Chargez l’intendant de rédiger l’état des recettes réelles et des dépenses réelles pour 1814, telles qu’elles se trouvaient au 1er février. Chargez le trésorier d’aider à la rédaction de cet état, afin qu’il soit dans la forme voulue. Aussitôt que vous l’aurez, vous me le soumettrez avec le budget de 1815, et ce n’est qu’alors qu’on pourra connaître la situation de la commune.
Porto-Ferrajo, 16 février 1815.
À M. Boinod, inspecteur aux revues.
J’ai arrêté l’état des dépenses réelles de la guerre pour 1814 à la somme de 689,317 francs 78 centimes, avant d’avoir votre situation des dépenses. J’avais arrêté le budget de 1815, sur lequel vous m’avez fait faire quelques observations qui vous ont été renvoyées. Il me semble que vous réclamiez sur une insuffisance : l’article du génie est évidemment dans ce cas, parce qu’il n’est porté dans le premier budget que pour 2,000 francs. Il doit se composer, 1° d’une somme de 13,852 francs 42 centimes pour des dépenses approuvées par moi et dont l’état est ci-joint ; j’avais accordé ce crédit comme devant être affecté sur le produit de la vente des casernes ; vous remarquerez à cet effet que j’ai ôté du budget de 1814 les 2,400 francs pour la réparation de la caserne Saint-François, qui devaient être portés sur ce fonds spécial; 2° d’un marché fait par entreprise pour l’entretien des toits, et d’autres dépenses dont vous donnerez le détail, qu’il pourra être nécessaire de faire pendant l’année. Vous porterez pour cela un fonds de 6,147 francs 58 centimes, ce qui formera, pour le chapitre du génie, un crédit de 20,000 francs.
Je vous renvoie le nouveau modèle du budget que vous m’avez remis, pour que vous le remplissiez. Vous mettrez à chaque article les observations que vous croirez nécessaires. Vous porterez dans une colonne les crédits que j’ai accordés par le premier budget, et dans une autre l’insuffisance, selon les motifs que vous en donnerez et selon les dépenses faites pendant les sept derniers mois de Tannée 1814. Aussitôt que j’aurai cet état, j’arrêterai définitivement le nouveau budget, et j’annulerai le premier.
Porto-Ferrajo, 16 février 1815.
Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe
Donnez l’ordre que le brick entre dans la darse, qu’il soit viré sur quille, qu’on revoie son cuivre, que les voies d’eau soient bouchées, qu’on refasse son carénage, et qu’on y fasse enfin tout ce qui est nécessaire pour qu’il puisse tenir la mer. Il sera peint comme un brick anglais. On fera de tout cela un devis que vous me présenterez demain. On réarmera le brick, on lui donnera du biscuit, du riz, des légumes, du fromage, moitié de l’approvisionnement en eau-de-vie et l’autre moitié en vin, et de l’eau pour 120 hommes pendant trois mois. Quant à la viande salée, on en donnera pour quinze jours. Vous aurez soin qu’il ait le bois, et enfin qu’il ne lui manque absolument rien. Je désire que, du 24 au 25 de ce mois, il soit en rade et prêt comme il est dit ci-dessus. Pour économiser, le vin sera fourni de ma cave; le riz, le biscuit et l’huile seront fournis des magasins. Faites-moi connaître le nombre de chaloupes qu’il peut porter. Je désire qu’il en ait autant que possible.
Porto-Ferrajo. 16 février 1815.
Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe
Donnez l’ordre au sieur Pons de noliser par mois deux gros bâtiments , bricks ou chebecs de Rio, au-dessus de 90 tonneaux et les plus grands possible; un ira à la Marine de Giove embarquer le bois et l’apporter ici, l’autre ira à Porto-Longone évacuer tout ce qu’il y a, pour ici. Vous vous ferez donner les noms des patrons et les rôles d’équipages.
Porto-Ferrajo, 19 février 1815.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, vous verrez par le budget de l’île que j’ai accordé 40,000 francs pour les ponts et chaussées. Je pense qu’il serait nécessaire de dépenser cette somme dans les mois de mars, avril, mai, juin et juillet, à raison de 8,000 francs par mois.
Je désire qu’avec ce fonds on répare la route de Porto-Longone, celle d’ici à Saint-Martin, qu’on fasse celle de Saint-Martin à l’Agone, celle de Marciana, et enfin qu’on termine les travaux d’art sur la route de Campo. Aussitôt que le sieur Lombardi aura donné ses idées là-dessus, on choisira des chefs d’ateliers pour ces différentes routes.
Porto-Ferrajo, 19 février 1815.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, mon intention étant d’aller vers la mi-juin, ou au commencement de juillet, à Marciana , il est nécessaire de commencer les travaux vers le mois d’avril, et de faire reconnaître les maisons qui pourront être occupées par Madame, la Princesse, la comtesse Bertrand et le gouverneur. Une commission, composée d’un adjoint du palais, de l’officier d’ordonnance Bernotti et du capitaine Guatandi, sera chargée de choisir ces maisons et de les louer pour juillet, août et septembre. Vous me présenterez un état des réparations qu’il serait nécessaire d’y faire.
Je logerai à la Madone ; pour cet effet, il sera nécessaire de transporter la cuisine de l’autre côté de la chapelle. Une baraque en bois suffira. Il faudra une maison pour les gens, une pour mon écurie et une pour la Garde, ne pouvant pas avoir avec moi moins de 50 hommes. Pour mon logement, il suffira qu’on agrandisse mon cabinet. On arrangera un peu la route. Tons ces travaux seront de peu d’importance; faites-en faire le devis.
Porto-Ferrajo, 22 février 1815.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, faites faire demain, par-devant le maire de Porto-Longone, et en présence du sieur Lombardi, l’adjudication de la route à faire le long de la mer à Porto-Longone. Cette adjudication, qui ne doit pas dépasser 2,500 francs, spécifiera la quantité de poudre nécessaire, que je fournirai.
- S. Faites passer également l’adjudication de trois petits ponts ou travaux d’art nécessaires sur la route de Porto-Longone, au-dessous du village de Capoliveri.
Porto-Ferrajo, 22 février 1815. .
Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe
Il faudrait rendre parfaitement égales les quatre compagnies du bataillon de chasseurs, de manière que celle des grenadiers soit aussi considérable que les autres.
Porto-Ferrajo, 26 février 1815.
Au général Lapi.
Je pars de l’île d’Elbe. J’ai été extrêmement satisfait de la conduite des habitants. Je leur confie la garde de ce pays, auquel j’attache une grande importance. Je ne puis leur donner une plus grande preuve de confiance que celle de laisser, après le départ des troupes, ma mère et ma sœur à leur garde. Les membres de la junte et tous les habitants de l’ile peuvent compter sur mon affection et ma spéciale protection.