Correspondance de Napoléon – Février 1814

Février 1814

 

Brienne, 1er février 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, vous recevrez un ordre du jour relatif aux communications de l’armée. C’est à Sézanne que le grand quar­tier général et le payeur doivent être établis ; c’est sur Sézanne que vous devez diriger tous les officiers envoyés à l’armée, les convois d’artillerie, les convois d’habillements, tous les hommes isolés et enfin tous les convois de vivres qui partent de Paris.

Donnez ordre que tous les convois qui seraient en marche de Chalons, qu’ils soient à Épernay, à Château-Thierry ou à la Ferté, se dirigent sur Sézanne, tant les convois de vivres que ceux d’habil­lements et ceux d’artillerie. La ligne d’opération passant de Sézanne à la Ferté-sous-Jouarre, c’est à la Ferté-sous-Jouarre et à Meaux qu’on doit former des magasins centraux. Envoyez de Paris un ingé­nieur pour mettre Sézanne à l’abri de la cavalerie, si cela est pos­sible. Faites partir du camp de Meaux un bataillon de garde nationale pour former la garnison de Sézanne. Envoyez un officier du pays pour organiser la garde nationale de la ville et celle des environs.

Donnez les ordres pour que des étapes soient établies sur la route de la Ferté-sous-Jouarre à Sézanne et sur la route d’Arcis. Voyez le ministre des finances pour que des postes soient sur-le-champ éta­blies pour le service des estafettes et des courriers de l’armée, de la Ferté-sous-Jouarre, Sézanne et Arcis à Ramerupt, Dommartin et Rosnay; mon intention étant d’avoir une communication par la rive droite de l’Aube, indépendamment de celle de la rive gauche. Voyez le conseiller d’État Costaz pour qu’il envoie des ingénieurs des ponts et chaussées et fasse des fonds pour réparer les ponts et raccommoder les chemins autant que possible.

Faites étudier le pays par le comité de défense pour que, s’il y a des ruisseaux, on fasse deux débouchés au lieu d’un.

Voyez le ministre de l’intérieur pour que le sous-préfet de l’arron­dissement dont Sézanne fait partie se rende à Sézanne.

 

Brienne, 1er février 1814.

Au baron Marchant, intendant général de l’armée, à Brienne.

L’ordre du jour que vous allez recevoir vous fera connaître que mon intention est que le centre de l’administration soit établi à Sézanne. La route de l’armée doit être de Brienne et Arcis-sur-Aube, sur la rive droite, par Dommartin, Ramerupt et Sézanne, la Ferté-sous-Jouarre, Meaux et Paris. Tout ce qui est en route de Paris à Chalons, ou ce qui était destiné à Paris pour l’armée, doit se diriger sur Sézanne. La ligne des magasins sera donc désormais établie ainsi : Sézanne, magasin central ; la Ferté-sous-Jouarre et Meaux, magasins de derrière; Arcis-sur-Aube, magasin avancé.

Les blessés et les malades doivent être dirigés sur Sézanne ; de là on les dirigera sur Château-Thierry, Épernay et la Ferté-sous-Jouarre, d’où on les dirigera sur Soissons, Compiègne, etc.

Toutes les administrations doivent rester à Sézanne. Les magasins d’habillements qui viendraient pour l’armée doivent être dirigés sur Sézanne, de même que les dépôts d’équipages militaires et tout ce qui tient à l’armée.

Rien ne doit passer sur la rive gauche de l’Aube, par la route d’Arcis à Brienne, que d’après un ordre spécial de moi.

Les magasins de Vitry et de Chalons sont encombrés. Faites faire du pain dans ces deux villes et dirigez-le en droite ligne sur Brienne, de Chalons par la route des Romains, et de Vitry par Margerie.

Donnez ordre qu’on fasse du pain biscuité, qui puisse durer vingt jours, à Meaux, la Ferté-sous-Jouarre, Château-Thierry et Épernay; et que ces convois de pain soient dirigés sur Sézanne pour rejoindre l’armée. Je préfère au biscuit le pain biscuité, lequel est, je crois, plus facile à faire et moins coûteux.

Dirigez sur Brienne et Sézanne une partie des avoines inutiles à Chalons et à Vitry.

Entendez-vous avec le ministre de l’administration de la guerre pour l’organisation des hôpitaux à Sézanne, Château-Thierry, la Ferté-sous-Jouarre et dans la direction de la Picardie. Il ne faut pas que les malades passent à Paris, non plus que les blessés.

Des fours doivent être construits à Meaux et à la Ferté-sous-Jouarre; faites-en construire également six à Sézanne et six à Arcis. Donnez-moi la note de ce que vous avez à Chalons d’effets d’ha­billement et dirigez-les sur Sézanne.

Demandez au ministre de l’administration de la guerre la note de <œ qui est à Paris dans le magasin central; tout cela arriverait par Sézanne.

Laissez à Chalons et à Vitry ce qui est nécessaire pour les troupes qui s’y réunissent et pour la défense de ces deux places.

J’ai demandé qu’on établisse des postes de Sézanne à Brienne, et de Sézanne à la Ferté-sous-Jouarre ; j’ai demandé aussi que le sous-préfet de l’arrondissement dont Sézanne fait partie se rende à Sé­zanne ; écrivez à cet égard au préfet.

 

Brienne, 1er février 1814.

ORDRE.

Article premier. Tous les officiers du génie, toutes les compa­gnies de sapeurs, de mineurs et de marins de la Garde seront réunis au quartier général, ainsi que les pontonniers.

Art. 2. Chaque compagnie de sapeurs et de mineurs aura son caisson d’outils.

Art. 3. La compagnie du train sera complétée.

Art. 4. On complétera aux pontonniers ce qui leur est le plus né­cessaire pour réparer un pont et en jeter un.

Art. 5. Il sera détaché des officiers du génie et des compagnies de sapeurs aux différentes divisions d’armée, selon les circonstances.

Art. 6. La place de Vitry sera mise dans le meilleur état de défense. Les généraux du génie et de l’artillerie se concerteront pour accroître l’armement, à mesure que les travaux amélioreront la place.

Art. 7. Troyes, Chalons et Arcis-sur-Aube seront mis à l’abri d’un coup de main.

Art. 8. Il sera également travaillé à mettre en état de défense tous les ponts d’ici à Nogent et de Nogent à Melun, le pont de Pont-sur-Yonne et tous les ponts sur le canal de Briare, depuis et y com­pris celui de Moret jusqu’à la Loire. Tout ce qui est relatif aux tra­vaux, depuis Nogent jusqu’à la Loire, sera traité directement par le ministre de la guerre, qui chargera le général Chasseloup de la surveillance et direction de ces travaux, et lui donnera à cet effet les fonds nécessaires.

À défaut d’officiers du génie, on se servira d’ingénieurs des ponts et chaussées.

Art. 9. Le général Lery fera connaître les fonds dont il a besoin pour les travaux des places de Chalons, de Vitry, de Troyes et des autres fortifications de campagne.

Art. 10. Il sera établi deux tambours au pont de Lesmont, afin qu’un petit nombre d’hommes puissent tenir ce pont à l’abri de la cavalerie, et avoir le temps de le brûler, si les circonstances le requéraient.

Art. 11. Le général Lery fera reconnaître une position derrière la petite rivière de Voire, qui passe à Rosnay. On reconnaîtra tous les ponts qui sont sur cette rivière, afin de les brûler en cas d’événe­ment. On ne garderait alors que le pont de Rosnay, qui sera cou­vert par une palanque. On pratiquera des chemins pour monter sur la hauteur.

Art. 12. Il sera reconnu un emplacement pour jeter un pont sur l’Aube, derrière l’embouchure de la Voire.

Art. 13. On reconnaîtra toutes les positions de cette ligne; depuis l’embouchure de la Voire, dans l’Aube, jusqu’à la Marne, du côté de Vitry.

Art. 14. Notre major général fera les dispositions nécessaires pour l’exécution du présent ordre.

 

Brienne-le-Chateau, 1er février 1814, neuf heures du soir.

ORDRES.

Ordre d’évacuer tous les malades dans la nuit. On chargera les caissons des équipages militaires, les voilures vides du pays qui ont apporté des vivres, et enfin toutes les voitures ou charrettes qu’on pourra se procurer.

Ordre d’évacuer les farines et eaux-de-vie qui peuvent être à Brienne ; elles doivent être parties avant une heure du matin.

Donner l’ordre qu’on distribue le pain et l’eau-de-vie pour deux jours à tout le monde.

Donner Tordre au général Gérard, au duc de Bellune, au duc de Raguse, au général Grouchy, de faire évacuer sur-le-champ derrière Brienne tous les caissons, artillerie, bagages inutiles; de garder seulement l’artillerie nécessaire pour défendre et conserver leurs positions. Les prévenir qu’il est arrivé 100,000 rations de vivres; qu’on va en distribuer pour deux jours, et qu’ils doivent envoyer les prendre de suite ; qu’ils doivent évacuer leurs ambulances sur Brienne, et de Brienne plus loin.

Ordre au général de l’artillerie de faire ramasser toutes les pièces de canon démontées et de les emmener. Cette opération doit être faite dans la nuit. S’il y avait de l’embarras, on peut les jeter dans l’eau ou dans une mare ; on les retrouvera après.

Ordre à tous les généraux et maréchaux de prendre enfin toutes les mesures pour s’alléger le plus possible et pour pouvoir se porter partout où on leur donnera Tordre d’aller, avec la célérité convenable aux circonstances.

Dans l’ordre au général Grouchy, lui dire de renvoyer avec ses bagages, etc., tous les chevaux de train et tous les hommes à pied, et enfin tout ce qui lui est inutile.

Toutes les voitures du quartier général doivent être parties à deux heures du matin; passé cette heure, toutes les voitures qui seront rencontrées sur la route seront brûlées.

Les maréchaux, généraux, commandants de corps, doivent envoyer de suite un aide de camp et un officier d’état-major chez le major général pour faire connaître leur position et pour prendre des ordres de mouvement, qui leur seront expédiés avant deux heures du matin.

 

Piney, 2 février 1814.

Au roi Joseph, lieutenant général de l’Empereur, à Paris

Mon Frère, il paraît que les alliés ont désigné le 3 février pour l’ouverture du congrès à Châtillon; que lord Cathcart traitera pour l’Angleterre avec une douzaine d’Anglais, Stadion pour l’Autriche, Humboldt pour la Prusse et Razoumovsky pour la Russie. Il paraît que les alliés ont craint que l’arrivée du duc de Vicence à leur quar­tier général ne donnât lieu à pratiquer et fomenter les germes de désunion qui existent entre eux ; ils ont préféré tenir le congrès loin du quartier général.

Je serai demain à Troyes.

 

Piney, 2 février 1814.

Au général Caulaincourt, duc de Vicence, ministre plénipotentiaire de l’Empereur, au Congrès de Chatillon.

Monsieur le Duc de Vicence, je me rends à Troyes; j’y serai demain. J’ai donné ordre à M. la Besnardière de vous rejoindre.

Les troupes ennemies se comportent partout horriblement. Tous les habitants se réfugient dans les bois. On ne trouve plus de pay­sans dans les villages. L’ennemi mange tout, prend tous les chevaux, tous les bestiaux, tous les effets d’habillement, toutes les guenilles des paysans ; ils battent tout le monde, hommes et femmes, et commettent un grand nombre de viols. Ce tableau que je viens de voir par mes yeux doit facilement vous faire comprendre combien je désire promptement tirer mes peuples de cet état de misère et de souffrance, qui est véritablement horrible. Cela doit aussi donner fort à penser aux ennemis, car le Français n’est pas patient; il est naturellement brave, et je m’attends à les voir s’organiser d’eux-mêmes en bandes. Vous devez faire un tableau très-énergique de ces excès. Des bourgs de 2,000 âmes, comme Brienne, n’ont plus personne !

 

Piney, 2 février 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je serai demain à Troyes. Il serait possible que l’armée de Blücher se portât entre la Marne et l’Aube, du côté de Vitry et de Chalons. De Troyes, selon les circonstances, j’opérerai pour retarder le mou­vement de la colonne qu’on m’assure se diriger par Sens sur Paris, ou pour revenir manœuvrer sur Blücher et retarder sa marche.

 

Piney, 3 février 1814, huit heures du matin.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général, à Piney.

Mon Cousin, donnez ordre au général Ricard de se rendre à Aube-terre, où il prendra position. Donnez ordre au général Grouchy de placer le 5e corps de cavalerie à Créney, éclairant les routes de Ramerupt, Arcis-sur-Aube, Coclois et Lesmont. Ce corps sera là sous les ordres du duc de Bellune. Le général Defrance se rendra à Saint-Parres-aux-Tertres et éclairera la route de Bar-sur-Aube ; il sera sous les ordres du général Gérard. Toute la cavalerie de la Garde sera en réserve autour de Troyes.

 

Piney, 3 février 1814.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général, à Piney.

Mon Cousin, écrivez au duc de Trévise que le duc de Bellune a ordre de porter son quartier général à Pont-Hubert ou à Créney, où il placera son corps : il éclairera la route de Coclois, Ramerupt et Lesmont ; que le général Gérard a ordre de se rendre à Saint-Parres-aux-Tertres : il gardera le chemin de Bar-sur-Aube ; qu’il est donc nécessaire qu’il retire tout ce qu’il a de la Garde à Créney, infanterie, cavalerie, artillerie; que, quant à ce qu’il a au pont de la Guillotière, il en rendra compte à l’Empereur avant de rien ôter; que les trois divisions de la jeune Garde se rendent à Troyes, où elles seront parquées dans les faubourgs; que le quartier général se rend à Troyes ; qu’il est convenable que toute la vieille Garde soit réunie dans la ville; que le parc d’artillerie, les caissons et toutes les ambu­lances soient parqués dans un village près Troyes, sur la grande route de Paris.

Donnez l’ordre que tous les malades qui sont dans les caissons des équipages militaires soient placés dans les hôpitaux de Troyes, et qu’on requière des charrettes du pays pour les transporter de là sur Nogent, où on les embarquera sur la Seine. Tous les malades qui viennent de Troyes sur des charrettes du pays ne feront que tra­verser la ville pour se rendre à Nogent; mais il est convenable que tous les caissons des équipages militaires restent à Troyes pour le service des vivres et des subsistances de l’armée.

Donnez ordre au général Lery, commandant le génie de l’armée, de faire sur-le-champ construire trois ponts sur la Seine, à Troyes, de manière qu’on puisse passer de droite à gauche et d’une rive à l’autre sans trouver aucun défilé.

Donnez ordre au commandant de l’artillerie d’aller sur-le-champ reconnaître l’emplacement de tous les parcs sur la rive gauche de la Seine, dans un petit village près Troyes.

Donnez ordre au duc de Trévise de désigner un village sur la rive gauche de la Seine pour y réunir tous les dépôts de cavalerie, c’est-à-dire les hommes et les chevaux blessés et ce qui est hors de com­bat. Nommez un officier de cavalerie pour commander ce dépôt. Recommandez au général d’artillerie de réunir sur la rive gauche, au parc, tous les canonniers et les chevaux du train qui ont perdu leurs batteries.

Donnez ordre également que tous les blessés isolés qui rejoignent à pied soient mis aux hôpitaux et qu’aucun ne passe Troyes.

Donnez ordre également au duc de Trévise de placer des postes pour qu’aucun homme isolé ne passe.

Il faut que la gendarmerie mette aussi des postes en arrière de Troyes, fasse la police et réunisse tous les traîneurs.

Faites partir sans délai le commandant du quartier général avec la gendarmerie du quartier général pour mettre l’ordre dans Troyes, et avec les maréchaux de logis pour tracer les logements.

 

Troyes, 3 février 1814.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général, à Troyes.

Mon Cousin, le faubourg Saint-Jacques 8 Un des faubourgs de Troyes) sera occupé par les deux divisions du prince de la Moskova, qui conserveront leur artillerie.

Ordre au général Gérard de placer 5 ou 600 hommes de cavalerie avec cinq ou six pièces de canon au pont de la Guillotière.

On renverra les deux bataillons de fusiliers de la Garde ; on ren­verra de même les 50 dragons de la Garde.

Donnez ordre au général Defrance de faire faire des patrouilles au-delà du pont de la Guillotière, pour, observer les mouvements de l’ennemi.

Donnez ordre au duc de Bellune de pousser des reconnaissances sur les routes qui vont à Arcis-sur-Aube, au pont de Les mont et sur les autres routes intermédiaires, pour bien connaître les mouvements de l’ennemi.

Napoléon.

  1. S. La division Guyot, de la Garde, fournira 300 hommes pour placer à Aubeterre, à mi-chemin de Arcis-sur-Aube.

 

Troyes, 3 février 1814.

Au général baron Pajol, commandant la 2e division de cavalerie de réserve, à Nogent sur Seine.

Monsieur le Général Pajol, il doit y avoir à Montereau quatre bataillons arrivant de Bordeaux, savoir : un du 2e léger, un du 10e, un du 36e et un quatrième. Faites diriger ces quatre bataillons en toute diligence sur Nogent-sur-Seine. Il doit y avoir plusieurs bataillons qui appartiennent à la réserve de Troyes, à Fontainebleau, Montargis, Pont ou Montereau : faites-les diriger en toute diligence sur Nogent. Il doit y avoir plusieurs bataillons de gardes nationales à Melun, à Montereau : si ces bataillons en valent la peine, sont armés et peuvent être de quelque service, réunissez-les également à Nogent. Une division de dragons venant d’Espagne et qui arrive le 8 a ordre également de venir sur Nogent. Cela me réunira donc en peu de jours sur ce point une armée importante.

J’ai ordonné qu’on formât à Versailles une troisième brigade de cavalerie pour Montereau ; on ne m’a pas encore rendu compte du nombre d’hommes qui composent cette brigade. Envoyez-moi son état de situation.

 

Troyes, 3 février 1814.

Au maréchal Marmont, duc de Raguse, commandant le 6e corps de la Grande Armée, à Arcis-sur-Aube.

Monsieur le Duc de Raguse, j’ai donné l’ordre au général Ricard de se rendre à Aubeterre avec sa division, que j’ai augmentée de quatre bataillons, ce qui la portera à 4,000 hommes; il doit rester là pour s’y compléter et marcher ensuite sur Arcis ou sur Troyes, suivant le plan d’opération que je prendrai.

J’ai ordonné que les trois pièces de canon, les 300 chevaux et le bataillon du 113e, qui se trouvent à Aubeterre par les ordres du général Bordesoulle, retournent à Arcis-sur-Aube.

D’après votre rapport et ceux que j’avais, l’ennemi doit avoir cou­ché hier sur la droite de la Voire. Se dirigera-t-il sur Arcis ou sur Vitry, ou rétrogradera-t-il lorsqu’il saura que j’ai marché diffé­remment de ce qu’il pensait? Si l’ennemi marche en force sur Arcis, vous appellerez à vous le général Ricard, afin de conserver le pont pour que je puisse déboucher sur lui. Il serait donc important qu’on établît un tambour sur la rive droite, si on ne l’a pas encore fait; j’avais ordonné de le faire il y a plus de quinze jours.

J’attends à Nogent, dans deux jours, 15,000 hommes de l’armée d’Espagne, avec lesquels je vais faire ma jonction.

Le quartier général et le parc de l’armée sont à Sézanne. Si, par des événements quelconques, ils pouvaient se trouver compromis, vous les dirigeriez sur Nogent-sur-Seine. Le général Pajol commande à Nogent-sur-Seine.

Je suppose qu’à votre arrivée à Arcis vous m’aurez expédié quel­qu’un et que j’aurai de vos nouvelles aujourd’hui dans la nuit.

Vous ne me dites pas de quels régiments sont les prisonniers que vous avez faits ni à quelle division autrichienne ils appartiennent, ni les renseignements qu’ils vous ont donnés sur ce qu’ils ont fait depuis huit jours.

 

Troyes, 3 février 1814.

Au maréchal Mortier, duc de Trévise, commandant la vieille garde, à Troyes.

Prenez deux ou trois bataillons de la garnison, deux ou trois de la seconde division de jeune Garde et deux de vieille Garde; emme­nez avec vous douze pièces de canon et 1,500 chevaux, de ceux qui sont le plus près, avec une trentaine de gendarmes, de ceux qui connaissent les localités, et tombez sur le parti ennemi qui est du côté de Bar-sur-Seine. Poussez-le le plus loin possible. Ou vous ferez des prisonniers, ou vous serez en présence d’un corps, et nous aurons des nouvelles. S’il y avait 10,000 ennemis, je partirais dans la nuit et j’irais les écraser.

 

Troyes, 3 février 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je vous ai mandé de faire diriger tout ce qui vient d’Espagne sur Montereau-Fault-Yonne. Il aurait donc fallu que la 1e division, qui passe la Loire à Tours, vînt sur Or­léans. Elle n’aurait été qu’à neuf jours de Montereau ou à onze de Nogent-sur-Seine, tandis qu’en passant par Paris je crois qu’elle perd un jour. Toutefois, si elle arrive le 4 à Paris, dirigez-la le 5 en poste sur Nogent-sur-Seine, où elle arrivera le 6.

Quant à la 2e division, qui arrivera le 5 ou le 6, elle passe par Orléans; elle gagnera six jours à se rendre en droite ligne à Nogent-sur-Seine; elle ira en poste jusqu’à Nogent.

Je vous ai mandé que la division de dragons qui arrivera le 6 ou le 7 à Paris doit aussi, après avoir passé la Loire, être dirigée en droite ligne sur Montereau, sans passer par Paris.

Quatre bataillons venant de Bordeaux, de la division de réserve doivent déjà être arrivés à Montereau. Si cela est, faites-les diriger sur-le-champ sur Nogent-sur-Seine.

Il doit être arrivé aussi plusieurs bataillons appartenant à la divi­sion de Troyes, soit de ligne, soit de gardes nationales. J’ai donné ordre de les réunir sur Montereau. Dirigez-les sur Nogent. Instruisez-moi des dispositions que vous prendrez à cet égard, afin que je puisse donner des ordres en conséquence.

Le Roi a eu parade le 31 janvier. J’aurais voulu que vous m’eussiez envoyé en détail la situation de la cavalerie et de l’infanterie de la Garde et de la ligne qu’il y avait à cette parade. Je n’ai encore reçu aucun renseignement sur ce que fait le dépôt de Versailles. J’ai ordonné en partant qu’une nouvelle brigade fût dirigée de Versailles sur Montereau: de combien est-elle ? Je suis absolument dans l’obs­cur sur tout cela. Vous ne m’envoyez plus de détails de la marche des troupes; cependant je n’en ai jamais eu plus besoin.

Une des raisons qui m’ont fait manœuvrer sur Troyes a été de me joindre aux troupes d’Espagne.

 

Troyes, 4 février 1814, quatre heures du matin.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES POUR LE 4 FÉVRIER.

Tous les parcs d’artillerie, les équipages militaires, les bagages se mettront en mouvement de suite et passeront sur la rive gauche de la Seine et se parqueront dans les villages, sur la route de Nogent, savoir : les parcs d’artillerie à la Chapelle-Saint-Luc, les équipages militaires aux Noës, les bagages de l’état-major général à Saint-Martin.

Le maréchal duc de Bellune occupera Créney par une avant-garde de cavalerie; il occupera en force Pont-Hubert et fera reconnaître depuis Pont-Hubert tous les ponts jusqu’à Villacerf.

Le général Gérard occupera le pont de la Guillotière, et, en cas qu’il fût tourné, il défendra le pont de Saint-Parres-aux-Tertres et tous les ponts sur la Seine depuis Saint-Parres jusqu’à la hauteur des Maisons-Blanches.

Le général la Hamelinaye défendra les portes de la ville et la tête des faubourgs.

Le maréchal duc de Trévise, avec les vingt bataillons de la vieille Garde, leur artillerie et les réserves, sera en bataille ce malin à huit heures, la gauche à la Seine, en avant du village de Sancey ! (Saint-Julien).

Les trois divisions de cavalerie de la Garde seront placées à huit heures du matin au même lieu que la vieille Garde.

Le maréchal duc de Reggio, avec la division Rottembourg, sera placé à huit heures du matin derrière la vieille Garde.

Le prince de la Moskova, avec les divisions Meunier et Curial, sera aussi placé à huit heures du malin derrière la vieille Garde.

Le maréchal duc de Trévise désignera sur le terrain les emplacements que devra occuper chaque division, de manière que la 2e divi­sion de vieille Garde soit en première ligne, les divisions Rottembourg, Meunier et Curial en deuxième ligne, la première division de vieille Garde en troisième ligne ou réserve.

Le général Grouchy se portera aux Maisons-Blanches avec une division de dragons du 5e corps de cavalerie.

Le maréchal duc de Trévise, avec les bataillons de la garnison qui sont déjà en position, avec la 2e division de la vieille Garde, commencera l’attaque en s’emparant du pont vis-à-vis Clerey.

Les autres dispositions seront faites d’après ce que présentera l’ennemi.

Le duc de Bellune, le général Gérard auront soin d’envoyer leurs parcs, c’est-à-dire ce qui les embarrasserait, sur la rive gauche de la Seine, route de Nogent, où ils parqueront ; mais ils conserveront avec eux toutes leurs pièces et leurs munitions.

Le prince de la Moskova, le duc de Reggio feront également éva­cuer les embarras de leurs parcs et leurs bagages sur la rive gauche de la Seine, route de Nogent, où tout cela parquera.

 

Troyes, 4 février 1814.

Au général Caulaincourt, duc de Vicence, ministre plénipotentiaire de l’Empereur, au Congrès de Chatillon.

Monsieur le Duc de Vicence, le rapport du prince de Schwarzenberg est une folie. Il n’y a pas eu de bataille. La vieille Garde n’y était pas; la jeune Garde n’a pas donné. Il y a eu quelques pièces de canon qui nous ont été prises par des charges de cavalerie. Mais l’armée était en marche pour passer le pont de Lesmont lorsque cet événement est arrivé, et deux heures plus tard l’ennemi ne nous au­rait pas trouvés. Il parait que toute l’armée ennemie était là et qu’ils regardent cela comme une bataille; en ce cas, ces gens-là ne sont guère habiles. Ils n’ont pas eu affaire à plus de 15,000 des nôtres, et nous avons tenu le champ de bataille toute la journée.

La lettre que M. de Metternich vous a écrite est tout à fait ridi­cule; mais j’y reconnais ce que j’ai toujours vu depuis longtemps, c’est qu’il croit mener l’Europe et que tout le monde le mène. Il était bien naturel que, au moment où la négociation s’ouvrait, on restât quelques jours sans rien faire, sans même faire d’armistice pour cela.

Vous me demandez toujours des pouvoirs et des instructions, lorsqu’il est encore douteux si l’ennemi veut négocier. Les conditions sont, à ce qu’il parait, arrêtées d’avance entre les alliés. C’était hier le 3 ; vous ne me dites pas que les plénipotentiaires vous en aient dit un mot. Aussitôt qu’ils vous les auront communiquées, vous êtes le maître de les accepter ou d’en référer à moi dans les vingt-quatre heures.

Je ne conçois pas, en vérité, cette phrase que vous me renvoyez de M. Metternich. Qu’entendent-ils par des ajournements, quand vous êtes depuis un mois aux avant-postes ?

  1. la Besnardière, que j’ai vu hier au soir, doit vous avoir rejoint.

Le 2, un corps autrichien a été battu à Rosnay; on lui a fait 600 prisonniers et tué beaucoup de monde.

L’aide de camp du prince de Neuchâtel a été pris le 1er, au mo­ment où il faisait le tour de nos avant-postes.

 

Troyes, 5 février 1814, une heure du matin.

Au général Caulaincourt, duc de Vicence, ministre plénipotentiaire de l’Empereur, au Congrès de Chatillon.

Monsieur le Duc de Vicence, le duc de Bassano vous envoie les pouvoirs tels que vous les avez minutés.

Je suis resté aujourd’hui à Troyes, croyant avoir des nouvelles du congrès et des conférences du 3. Il paraît que vous n’avez commencé que le 4. Si l’on veut la paix et que cela ne soit pas encore un masque pour prolonger avec unanimité les hostilités, il faut en unir promptement, et dès les premières conférences on devrait pouvoir arrêter les choses; car enfin, sous peu de jours, il y aura une affaire générale qui décidera tout. Je me rends à Nogent, à la rencontre de 20,000 hommes de l’armée d’Espagne qui arrivent demain et après-demain. Il deviendra nécessaire, après, d’avoir une affaire pour couvrir Paris. Il faut donc décider tout de suite les affaires. Comme les alliés ont déjà arrêté les bases, vous devez les avoir déjà, les accepter, si elles sont acceptables, et, dans le cas contraire, nous courrons les chances d’une bataille, et même de la perte de Paris et de tout ce qui s’ensuivra.

J’ai dit à la Besnardière tout ce que je pense sur l’état actuel de la France et de la nécessité de nous délivrer de ces hôtes qui mettent le pays à feu et au pillage.

Vous devez déjà savoir à quoi vous en tenir.

 

Troyes, 5 février 1814, deux heures du matin.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général, à Troyes.

Mon Cousin, donnez ordre au général Ricard, qui est à Aube-terre, s’il n’est pas appelé à Arcis-sur-Aube par le duc de Raguse, de se rendre à Méry. Envoyez-lui cet ordre par la rive gauche, et par duplicata par la rive droite, mais en longeant la rivière.

Ajoutez à l’une et à l’autre lettre, en cas qu’elles soient surprises, qu’à Méry il fera sa jonction avec quatre divisions arrivant en poste de l’armée d’Espagne, et dont la tête doit commencer à arriver demain 6.

 

Troyes, 5 février 1814, trois heures du matin.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général, à Troyes.

Mon Cousin, ordonnez au duc de Raguse de se porter en toute diligence sur Nogent-sur-Seine, afin de garder le pont de cette ville, qui pourrait être menacé par la colonne qui a passé devant Arcis depuis hier.

Il prendra aussi le commandement d’une division de l’armée d’Es­pagne qui doit arriver demain 6 à Provins.

Il est nécessaire qu’il prenne sur la rive droite de la Seine une position qui commande ce débouché important. L’Empereur se porte en toute diligence à Nogent-sur-Seine ; il sera ce soir à la hauteur de Méry. Il sera nécessaire qu’il fasse garder le pont de Méry jusqu’à ce que cette troupe puisse être relevée par les premières troupes de l’armée qui viendront d’ici, afin qu’aucun parti ne passe la Seine et n’inquiète la marche.

 

Troyes, 5 février 1814, cinq heures du matin.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général, à Troyes.

Mou Cousin, donnez ordre au duc de Bellune et au général Gérard de se placer derrière la Seine, après avoir coupé les ponts de Sainte-Marie et de Saint-Parres; ils laisseront du canon en batterie et des bataillons en position pour maîtriser la rive jusqu’au moment où on donnera l’ordre d’évacuer la ville. Ces deux généraux réuniront leurs troupes au faubourg Saint-Jacques, afin de s’assurer que l’ennemi n’entreprendra rien de ce côté, et de s’opposer au rétablissement des ponts. Ils me feront connaître lorsqu’ils auront évacué toute la rive droite, et que les ponts auront été brûlés.

Napoléon.

  1. S. Quant au pont de Saint-Parres, qu’on ne peut pas faire sauter, le bien barricader et le défendre. Le duc appuiera le général Gérard dans la direction de ce pont.

 

Troyes, 5 février 1814.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général, à Troyes.

Mon Cousin, donnez ordre qu’à six heures du matin la vieille Garde prenne les armes, sorte de la ville et se place en colonne à la hauteur de la Chapelle-Saint-Luc, entre les deux chemins, la nou­velle et l’ancienne route de Paris, en ayant soin cependant de laisser ces routes libres.

Donnez ordre que les deux divisions qui sont sous les ordres du prince de la Moskova partent de leur position à six heures du matin et se portent derrière la ville, sur la droite de la vieille Garde, en faisant occuper par un bataillon et deux pièces de canon la hauteur de Montgueux.

Donnez ordre que la division qui est sous les ordres du duc de Reggio se mette en bataille entre la Chapelle-Saint-Luc et Saint-Martin, entre les deux chemins; elle partira de sa position à six heures du matin.

Le duc de Trévise partira également de sa position à six heures du matin et se placera près de Sancey ; il coupera le pont des Maisons-Blanches et laissera la division Briche avec deux pièces de canon, jus­qu’à ce que la ville soit évacuée entièrement et que le duc de Bellune et le général Gérard aient filé. Les trois divisions de cavalerie de la Garde, avec leur artillerie, monteront à cheval à six heures du malin, resteront en bataille à leur position, à cheval sur cette route, aujourd’hui et demain.

 

Troyes, 5 février 1814.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général, à Troyes.

La division Leval, avec les généraux de brigade Pinoteau et Montfort, doit arriver demain 6 à Nogent-sur-Seine, avec dix bataillons formant 6,000 hommes et une compagnie d’artillerie. Ils y trouve­ront quatre batteries d’artillerie ou trente-deux pièces, que le général Sorbier y a destinées. Le 8 la 9e division, commandée par les géné­raux Boyer, Gauthier et Chassé, forte de dix bataillons, arrivera également à Nogent.

Voilà donc deux divisions ou 12,000 hommes et trente-deux bouches à feu que du 6 au 8 nous aurons réunis à Nogent.

La division de dragons du général Trelliard arrivera plus tard.

Je pense qu’il faut envoyer le maréchal duc de Reggio à Nogent pour prendre le commandement de ces deux divisions, qui forment un corps d’armée conformément à l’ordre du jour que je vous envoie.

Le 2e d’infanterie légère et le 36e de ligne partent de Paris le 6 février et arriveront le 10 à Nogent ; le 10e léger arrive le 6 à Fontainebleau, et par conséquent le 8 ou le 9 à Nogent.

Vous donnerez les ordres suivants : le bataillon du 10e d’infan­terie légère fera partie de la 7e division, où il sera réuni à son régi­ment, ce qui portera cette division à onze bataillons ; le 2e léger sera réuni à !a division Ricard, ce qui formera trois bataillons de ce régi­ment à cette division; le 36e, n’ayant rien à l’armée, si ce n’est au 1er corps qui est dans le Nord, fera partie de la division Lagrange. Donnez les ordres en conséquence.

2,000 hommes appartenant au 2e corps doivent arriver bientôt à Nogent. Je crois que ces troupes ont été à Vitry, d’où elles sont sorties.

Il y a à Montereau la division Pacthod, de 5,000 gardes natio­naux; mais 3,000 ne sont pas armés : écrivez au ministre de la guerre pour qu’il envoie des armes. Écrivez au général Pacthod pour qu’il vous envoie la situation de cette division, afin qu’elle prenne rang à l’armée.

Il y a à Meaux une division de 6,000 hommes qui a besoin de 2,600 armes. Ce sont les généraux de brigade Guye, Bonté et Chanez qui commandent ces troupes à Meaux : écrivez au général Guye, qui paraît avoir le commandement, pour qu’il vous envoie l’état de cette division et qu’elle prenne rang dans l’armée; elle se compose de treize bataillons.

La division de Soissons est commandée par le général Rusca; elle doit avoir dix bataillons, et dans ce moment il y a déjà 4,000 hom­mes; mais ils ont besoin de 3,600 armes : écrivez au ministre qu’on envoie des armes au général Rusca, pour qu’il vous envoie l’état de sa division, afin qu’elle prenne rang dans l’armée. Il doit y avoir pour deux bataillons un major de la ligne qui les commande.

On pourrait charger le duc de Valmy de passer l’inspection de ces trois divisions et de prendre toutes les mesures pour leur prompt armement et équipement, afin de les utiliser.

Faites-moi un rapport sur la division Gérard. Il paraît que j’en ai ôté plusieurs bataillons pour la division Ricard. Il faut donc voir ce qui reste et si l’on en peut former une bonne division au lieu de deux.

Parmi les troupes qui sont en garnison à Troyes, il y en a qui manquent de beaucoup de choses dont on abonde à Paris; faites-en faire l’état, afin de les faire venir en poste.

Il arrive en outre à Nogent, le 6, deux bataillons de la Garde; le 7, 1,200 hommes à cheval de la Garde, plus 3,000 hommes d’in­fanterie de la Garde; le 8, il doit y arriver deux bataillons qui étaient à Chalons; ce qui ferait une division de la Garde de 1,200 chevaux, de 6,000 hommes d’infanterie et de deux pièces de canon. Cette divi­sion ne viendra me joindre que par mon ordre.

Ainsi il y aura à Nogent : deux divisions d’Espagne, 12,000 hom­mes et trente-deux bouches à feu; une division de la Garde, 6,000 hommes et deux bouches à feu; 1,200 chevaux du général Bordesoulle, 1,200 chevaux du général Pajol et douze bouches à feu; les bataillons des 2e, 10e et 36e et plusieurs bataillons de la réserve de Paris. Le maréchal que j’y envoie pourra donc réunir demain et après-demain 21,000 hommes d’infanterie, quarante-six bouches à feu et 2,400 chevaux; au total, une armée de 25,000 hommes.

C’est cette considération qui m’a porté à rester à Troyes ; c’est aussi ce qui me porte à désirer que le grand quartier général, les administrations et les parcs se rendent à Nogent, puisqu’ils y seront sous la garde et l’escorte d’une armée aussi considérable.

 

Troyes, 5 février 1814

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, il y a à Montereau 4,000 hommes de gardes nationales; y a-t-il des majors pour les commander? Il leur  manque 3,000 gibernes et 3,000 fusils; faites-les partir en poste, ainsi que les cartouches nécessaires. Ces troupes ne sont plus des gardes nationales, mais de véritables troupes de ligne, puisqu’elles se composent d’hommes qui ont déjà fait deux cents lieues pour venir couvrir la capitale. Il faut les armer et les mettre en état de servir. Vous ne m’envoyez pas de rapports là-dessus, cependant c’est de la plus haute importance.

Je vous dirai la même chose pour les gardes nationales de Meaux et de Soissons. Il est nécessaire que ces gardes nationales, au fur et à mesure qu’elles arrivent, aient des fusils, des cartouches et des gibernes. Chargez quelqu’un de suivre l’organisation de ces 20,000 hommes partis volontairement de chez eux et qui déserteront s’ils se voient méprisés. Lorsqu’ils auront des fusils et des gibernes et des majors pour les commander, on en tirera un grand parti.

 

Troyes, 6 février 1814, au matin.

Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police général, à Paris.

Monsieur le Duc de Rovigo, je reçois votre lettre du 4 février. Ce qui est contenu dans votre lettre m’a paru tout à fait sans raison : c’est une preuve de plus combien les hommes se connaissent peu eux-mêmes, et comme ils ignorent de quelle manière ils sont envisagés. De tous les hommes existant en France, vous êtes le dernier qui pour­rait être chargé de la mission pour laquelle, dans votre zèle, vous vous proposez. Souvenez-vous de ce peu de mots, et que cela vous serve toujours de règle pour votre conduite. Si vous vous en éloigniez jamais, vous éprouveriez de grands malheurs personnels.

 

Troyes, 6 février 1814.

Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police général, à Paris.

Monsieur le Duc de Feltre, je vous ai déjà écrit hier pour l’ar­mement des bataillons de gardes nationales qui ont été mis en acti­vité et qui sont aux camps de Meaux, de Montereau et de Soissons. Je suppose que vous leur avez envoyé en poste des fusils, des gibernes et des cartouches, et que les majors qui doivent les commander sont partis.

Comme vous avez à Paris un grand nombre de cadres, je crois qu’il serait convenable d’en détacher des officiers qui feraient dans les bataillons de gardes nationales les fonctions d’adjudants-majors. D’autres, quoique de la ligne, pourraient faire également leur service dans ces bataillons.

Vous m’avez fait connaître que l’artillerie avait une grande quan­tité de piques : il faut en donner aux gardes nationales qui se rassem­blent dans les environs de Paris. Ce sera pour le troisième rang. Faites imprimer une instruction sur la manière de s’en servir, il faut aussi envoyer des piques dans les départements; cela est préférable aux fourches, et d’ailleurs dans les villes on manque même de four­ches. Cette partie va bien lentement, et je trouve que le comité qui a été établi pour s’en occuper ne s’ingénie en rien. Si vous avez beaucoup de ces piques, répandez-en dans les villages et bourgs des environs de Paris.

 

Troyes, 6 février 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je suis surpris que le maréchal duc d’Albufera n’ait pas fait partir les troupes que j’ai demandées pour Lyon. Elles devraient déjà être arrivées; je n’en entends pas parler. Si ce maréchal avait pris sur lui de ne pas exécuter les ordres, il serait bien coupable.

Je vous ai écrit hier pour les gardes nationales de Meaux, de Soissons et de Montereau. Faites-leur passer des armes, des gibernes, des cartouches, en poste.

 

Troyes, 6 février 1814.

Au roi Joseph, lieutenant général de l’Empereur, à Paris

Mon Frère, j’ai reçu votre lettre du 5 février, à Troyes.

Le duc de Raguse est arrivé à Nogent avec son corps pour contenir l’ennemi. Je me déciderai aie reconnaître ce matin, à m’y porter avec l’armée et à quitter Troyes.

Dans des moments extraordinaires, il me semble que le seul homme à laisser à Paris serait un commissaire impérial. Voyez sur qui le choix pourrait rouler. Concertez cela avec l’archichancelier et les ministres des finances, du trésor et de l’intérieur. Je suppose qu’il ne faudrait laisser aucun ministre. Mais j’espère que le cas n’ar­rivera pas.

 

Troyes, 6 février 1814, trois heures après midi.

Au roi Joseph, lieutenant général de l’Empereur, à Paris

Mon Frère, je reçois votre courrier. Je serai demain de bonne heure à Nogent. Leduc de Raguse y est depuis le 5. Je suis donc en mesure de couvrir Paris. Faites-moi connaître la marche précise de toutes les troupes et de la 2e division d’Espagne, ainsi que les renseignements que vous avez sur la route de Chalons par Épernay et sur celle de Vitry par Sézanne. Il faudrait que le ministre de la guerre envoyât sur-le-champ des fusils et des cartouches à Montereau, à la Ferté et à Meaux, pour armer les gardes nationales. Je suis très-contrarié de ces dispositions, car je voulais attaquer demain sur Bar-sur-Seine pour battre l’empereur Alexandre, qui me paraît avoir fait de fausses dispositions; mais je sacrifie tout à la nécessité de couvrir Paris. Envoyez des officiers sur les deux routes que je viens de vous indi­quer, afin que je sois bien instruit. Envoyez le duc de Valmy à Meaux, il correspondra avec moi sur Sézanne.

Dans tout événement imprévu, l’idée de mettre à la tête de Paris le roi Louis me paraît très-bonne.

Vous vous souvenez de tout ce que je vous ai dit pour les prin­cesses. Au reste, par le parti que je prends, vous n’en serez pas là.

Faites ôter de Fontainebleau tout ce qui est meuble précieux, et surtout ce qui pourrait être trophée, sans cependant trop démeubler le château; mais il est inutile d’y laisser l’argenterie et tout ce qui peut se transporter promptement.

J’écris à la Bouillerie de tenir un million à votre disposition pour activer l’habillement et l’équipement des troupes.

 

Troyes, 6 février 1814, trois heures et demie après midi.

Au maréchal Marmont, duc de Raguse, commandant le 6e corps de la Grande Armée, à Nogent.

Toute l’armée est en marche pour Nogent. Le quartier général sera ce soir aux Grès. J’arriverai peut-être de ma personne la nuit. Tâchez de ramasser le plus de pain qu’il sera possible. Prenez tous les renseignements que vous pourrez vous procurer sur la route de Nogent à Meaux. Envoyez un officier à Meaux pour savoir ce qui se passe, et faites préparer des vivres sur cette route. Envoyez à ma rencontre un officier avec des détails sur les divisions d’Espagne, les divisions de la Garde et les autres bataillons, ainsi que sur ce qui regarde le général Pajol.

J’ai des nouvelles de Sens d’aujourd’hui 6 à neuf heures du matin; il n’y avait rien de nouveau.