Correspondance de Napoléon – Février 1813
Paris, 26 février 1813.
Au général comte de Lauriston, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Magdeburg.
Monsieur le Comte Lauriston, je reçois votre lettre du 22, dans laquelle je vois que des patrouilles de Cosaques se sont approchées de Berlin ; j’attends avec impatience l’estafette de demain ; je suppose que le vice-roi et le maréchal Saint-Cyr les auront repoussées.
Vous devez approcher tout votre corps de Magdeburg. La division Rochambeau est partie le 24 de Francfort, en prenant la route de Westphalie. Tenez tout votre corps réuni, afin d’agir selon les circonstances.
Écrivez au roi de Westphalie de réunir, à moitié chemin de Hambourg à Magdeburg, c’est-à-dire du côté de Havelberg, son corps d’armée, et, par ce moyen, vous défendrez l’Elbe, et ce corps pourra se réunir à vous pour manœuvrer.
J’espère que le roi de Saxe a approvisionné Torgau ; il doit y avoir un corps de troupes : par là, l’Elbe se trouve bordé.
Vingt-huit bataillons de la Grande Armée doivent être en ce moment organisés et complétés à Erfurt, et même auront filé sur Wittenberg. Le vice-roi donnera des ordres pour ce qui les concerne; mais le prince d’Eckmühl doit les réorganiser et en prendre le commandement ; ce qui vous fera de plus un corps sur votre droite, à moins que le vice-roi, s’il est rentré à Berlin, ne les rappelle à lui.
Paris, 26 février 1813.
A M. Barbier, bibliothécaire de l’Empereur, à Paris
Au commencement de la dernière campagne, l’Empereur a chargé M. le baron de Meneval de prendre à la bibliothèque de Dresde quelques ouvrages sur la Russie et la Pologne. M. Meneval en a donné un reçu au bibliothécaire du Roi, à Dresde. Depuis, ces livres ont été brûlés avec le fourgon qui les portait. L’intention de l’Empereur est qu’on recherche ici ces mêmes ouvrages et qu’on les rende à la bibliothèque de Dresde. C’est par ordre de l’Empereur que j’adresse cette note à M. Barbier.
Le Secrétaire du cabinet, Baron Fain.
Paris, 27 février 1813.
A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris.
Monsieur le Duc de Bassano, le général Reynier est arrivé à Glogau le 28. Il a amené avec lui deux régiments d’infanterie polonaise et plusieurs régiments de cavalerie. La cavalerie parait être au nombre de 2,000 hommes.
Écrivez sur-le-champ par estafette à mon ministre Serra qu’il ait à faire fournir à ces deux régiments d’infanterie et aux régiments de cavalerie tout ce qui est nécessaire pour les habiller, équiper et remonter. Ouvrez-lui provisoirement à cet effet un crédit de 200,000 francs. Le vice-roi a dirigé la cavalerie sur Meissen.
Paris, 27 février 1813.
Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris
Monsieur le Comte Mollien, je vous envoie un tableau qui m’a été présenté des changements qu’a successivement éprouvés le budget de la Grande Armée pour 1812. Il présente les résultats suivants :
Je conçois que ce résultat ne peut mériter une entière confiance que lorsqu’on se sera assuré de la somme des payements qui ont été faits, et lorsqu’on connaîtra, au moins par aperçu, ce qui reste à payer ; mais il est important de terminer promptement cette affaire.
Vous avez sans doute donné ordre au payeur général de se rendre à Paris avec tous les comptes de son exercice. Je désire que vous me mettiez le plus tôt possible à portée de rendre un décret qui règle définitivement les fonds qui resteront affectés aux dépenses de cette campagne.
Paris, 27 février 1813.
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, toute la Garde impériale qui était à Fulde, infanterie, cavalerie, artillerie, se réunira à Gotha. La division de la Garde qui arrive le 11 et le 12 mars à Mayence, après avoir pris un séjour, se dirigera sur Gotha.
L’artillerie de la Garde, qui est partie le 16 et qui arrivera le 8 mars à Mayence, après s’y être reposée deux jours pour s’y réparer, se dirigera également sur Gotha.
Donnez ordre au général Barrois, qui commande cette division, de réunir sous son commandement cette artillerie et de la partager entre ses deux brigades, de manière qu’elle ne marche pas isolément, mais qu’elle marche avec les brigades. Vous me ferez connaître quand cette division sera arrivée à Gotha.
Donnez ordre au duc de Trévise de partir de Paris de manière à être arrivé à Mayence, de sa personne, le 11. Il y passera en revue l’infanterie, la cavalerie et l’artillerie de la Garde, et se mettra en marche à leur tête. En passant à Fulde, il fera monter les chevaux qui ne le seraient pas, et il ira établir son quartier général à Gotha.
Les sapeurs, les maçons et tout ce qui appartient au service du génie se réuniront également à Gotha.
Paris, 27 février 1813.
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, faites commencer au 10 mars le mouvement du corps d’observation d’Italie. Le général Bertrand, qui doit être à Vérone, fera partir la division qui sera le plus tôt prête, avec son artillerie et ses équipages militaires, et la dirigera for Augsburg. Il fera faire ainsi successivement le mouvement des autres divisions. Recommandez-lui qu’il ait ses ambulances italienne et française, chacune de six caissons et portant du linge à pansement pour 10,000 blesses.
La cavalerie de ce corps doit être composée d’un régiment napolitain de 1,000 chevaux, d’un régiment italien de 1,000 chevaux, de six escadrons du 10e de chasseurs de 1,500 chevaux, de quatre escadrons du 13e de hussards et de quatre du 14e, 2,000 chevaux; ce qui fera 5,500 chevaux.
Le général de cavalerie Fresia prendra le commandement de cette cavalerie et marchera avec ce qu’il y aura d’abord de disponible; il conduira ainsi à Augsburg les 1,000 Napolitains et au moins 1,000 Italiens, ce qui fera un corps de 2,000 chevaux.
Nommez un jeune général de brigade de cavalerie pour se rendre à Vérone, y organiser la 2e brigade et partir avec elle quinze jours après la 1e brigade.
Paris, 27 février 1813.
Au général Mouton, comte Lobau, aide de camp de l’Empereur, à Paris
Je désire avoir votre opinion sur les généraux qui sont proposés dans la note ci-jointe pour les divisions Souham, Girard, Brenier et Ricard, du 1er corps d’observation du Rhin. Est-ce qu’on n’en pourrait pas trouver de meilleurs ? Je vous demande également votre opinion sur ceux qu’on me propose pour le 2e corps d’observation du Rhin.
Paris, 27 février 1813.
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant en chef la Grande Armée, à Schönberg.
Mon Fils, je reçois votre lettre du 20 février, par laquelle vous m’instruisez de votre arrivée dans les environs de Berlin et de l’arrivée du général Reynier à Glogau.
Le général Lauriston est arrivé à Magdeburg, où tout son corps se réunit. Les deux corps d’observation du Rhin et le corps d’observation d’Italie sont en marche. La Garde impériale, qui est partie de Paris et de la Fère, il y a plusieurs semaines, se réunira sur Gotha. Voyez les capitaines capables d’être faits chefs de bataillon ou les chefs de bataillon à la suite que vous avez dans vos corps, et envoyez-les à Magdeburg, afin de tâcher d’exécuter l’ordre que je vous ai donné à cet égard.
Donnez ordre au prince d’Eckmühl de se rendre à Wittenberg, sur l’Elbe, pour y réunir les vingt-huit 2e bataillons de la Grande Armée; et après cela, selon les circonstances, dirigez-les du côté de Stettin.
J’ai donné ordre au ministre des relations extérieures de faire donner, par le canal de mon ministre Serra, ce qui serait nécessaire pour habiller et équiper les deux régiments d’infanterie polonaise et les régiments de cavalerie qui sont arrivés à Glogau avec le général Reynier.
Beaucoup de convois d’artillerie sont partis de Wesel et de Mayence dès le 20 février pour Magdeburg, où ils compléteront les cent pièces d’artillerie avec le double approvisionnement que doit avoir le corps d’observation de l’Elbe.
Le général Dumas a dû recevoir un décret que j’ai pris relativement à l’approvisionnement de toutes les places de l’Oder. Tous les marchés que passe le général Dumas sont des folies. Il croit apparemment que l’argent n’est que de la boue. Il faut frapper de fortes réquisitions dans le pays, faire des magasins et donner des bons, comme font les ennemis. Il n’y a rien de ridicule comme les marchés qu’il passe. Faites-vous communiquer le décret que j’ai pris pour tous ces objets. On doit payer également avec des bons les journées d’hôpitaux, jusqu’à ce qu’on puisse faire une liquidation générale; toutefois je n’entends pas les payer plus de vingt sous.
Désormais je vous ferai écrire par le duc de Frioul et en mon nom, craignant que des partis ennemis n’enlèvent de mes lettres. Si vous devez écrire en chiffre, vous pouvez vous servir du chiffre du secrétaire d’ambassade qui est resté à Berlin. Il est bien nécessaire que vous renouveliez tous les chiffres de l’armée.
Une division bavaroise, composée de trois brigades, ou de quinze bataillons, avec dix-huit pièces de canon et plusieurs régiments de cavalerie, se réunit à Bayreuth et Kronach. Les Wurtembergeois, les Badois et les Hessois se réunissent à Würzburg. Cela formera, vers la fin de mars, un corps de 30,000 hommes le long des montagnes de la Thuringe. J’ai mandé au roi de Westphalie de placer son corps du côté de Havelberg. Je suppose que Torgau est approvisionné ; j’ai demandé un approvisionnement de réserve que la Saxe y aura fait passer. Je suppose que vous aurez mis tout entière en ligne la 31e division, et qu’ainsi vous avez les 31e, 35e et 36e divisions.
Le général Lauriston n’aura pas manqué de vous renvoyer tout ce qui était à Magdeburg.
Donnez les ordres les plus sévères pour que les commandants des places de l’Oder s’approvisionnent de tout ce qui leur est nécessaire. Mettez ces places en état de siège; faites-moi connaître les commandements et la situation de ces places.
Paris, 27 février 1813
Au maréchal Kellermann, duc de Valmy, commandant supérieur des 5e, 25e et 26e divisions militaires, à Mayence.
Mon Cousin, la 1e division du 1er corps d’observation du Rhin doit être à Hanau. Faites-moi connaître sa situation au 4 mars ; elle doit avoir ses quatorze bataillons et son artillerie. Présentez-moi à toutes les places de chefs de bataillon, capitaines, adjudants-majors, lieutenants et sous-lieutenants, qui seraient vacantes. Proposez-moi de bons sujets et ayez soin de ne les prendre que parmi les présents. Envoyez-moi directement ces propositions avec les états de service, afin que je complète les cadres. Faites-moi connaître si cette division a ses généraux de brigade, son adjudant-commandant, son administration et ses six caissons. Elle doit avoir ses sapeurs. Une compagnie d’équipages militaires doit être arrivée pour former les cinq ambulances du 1er corps d’observation, à raison de six caissons par ambulance, ce qui fera trente caissons.
Je suppose que vous avez réuni la 2e division à Francfort. Le 136e doit être arrivé; le 2e provisoire et le 138e arriveront le 9 mars; le 145e arrivera le 8 mars. Ces trois régiments auront besoin de quelques capitaines et officiers pour remplir les vacances. Voyez si vous avez des sujets à me proposer. Cette 2e division pourra-t-elle partir en bon état, le 12, de Francfort ? La 3e division pourra-t-elle partir du 15 au 20, et la 4e du 20 au 25 ?
La 1e division du 2e corps d’observation du Rhin doit avoir, dans les premiers jours de mars, plusieurs bataillons d’arrivés.