Correspondance de Napoléon – Février 1806

Paris, 26 février 1806

A M. Champagny

  1. Champagny fera commencer sur-le-champ les réparations du Panthéon, de manière que les travaux soient à moitié au ler janvier 1807.

On ne pourra pas employer à cet objet, dans le cours de l’année, les 500,000 francs qui ont été accordés. Le ministre, pour employer ces fonds, fera terminer la place, fera travailler aux embellissements de l’église et à la construction d’un mausolée pour la mémoire de Voltaire et pour le général Leclerc. Ces monuments doivent être très-beaux. Il paraîtrait convenable de revenir à l’usage de placer des statues sur les tombeaux, en évitant le plus possible, dans la composition, toute espèce d’allégorie. Le ministre se fera demander par M. Girardin, qui y est disposé, le corps de J. J. Rousseau. Il se fera représenter le testament dans lequel Jean-Jacques a consigné le vœu d’être enterré à Ermenonville.

Le ministre fera ces démarches de la manière la plus honorable pour la mémoire de J. J. Rousseau.

Sa Majesté désire que le ministre fasse faire des recherches pour compléter les monuments de sculpture française des différents siècles dont la collection est due aux soins de M. Lenoir.

 

Paris, 26 février 1806

DÉCRET

TITRE ler

ARTICLE 1er. – L’alignement arrêté par les plans généraux des embellissements de Paris, vis-à-vis la façade du Louvre, rue du Coq, sera exécuté vis-à-vis l’hôtel d’Angivilliers, en abattant les cours et jardins sans toucher à l’hôtel.

ART. 2. – Les maisons situées entre la rue de Beauvais et la place du Louvre seront vendues par la régie de l’enregistrement pour être démolies avant le ler novembre prochain.

TITRE II

ART. 3. – Il sera ouvert une rue de la largeur de dix-sept mètres sur la direction du milieu du palais des Tuileries et du milieu celui du Louvre. Les maisons qui se trouvent sur l’alignement de cette rue seront démolies, et la rue pavée avant le 1er novembre prochain.

ART. 4. – Le sieur Robillard évacuera la portion de l’hôtel Longueville qu’il occupe, avant le ler juillet; il lui sera tenu compte de ce que de droit. Le domaine fera l’acquisition des maisons qui trouvent sur la ligne, et deviendra propriétaire des terrains à vendre.

ART. 5. – La nouvelle rue prendra le nom de rue Impériale. Les façades de cette rue seront bâties sur un plan régulier qui sera proposé par l’architecte de notre palais des Tuileries.

TITRE III

ART. 6. – L’hôtel de la secrétairerie d’État, et les maisons qui servent pour la poste du palais des Tuileries, et le bureau des bâtiments, seront vendus par la régie de l’enregistrement pour être démolis avant le ler septembre prochain. Les fonds provenant de cette vente seront employés à la construction du piédestal et de la grille qui doit fermer la cour des Tuileries de ce côté.

ART. 7. – La secrétairerie d’État sera placée dans l’hôtel ambassadeurs, rue de Rivoli.

TITRE IV

ART. 8. – Il sera élevé un arc de triomphe à la gloire de armées, à la grande entrée de notre palais des Tuileries, sur le Carrousel.

ART. 9. – Cet arc de triomphe sera élevé avant le 1er novembre; les travaux d’art seront commandés, et devront être achevés et placés avant le ler janvier 1809.

ART. 10. – Il sera pris un million pour cet objet sur les contributions provenant de la Grande Armée. La caisse d’amortissement tiendra chaque mois, à dater du ler mars, une somme de 50,000 francs à la disposition de notre architecte, et celle de 15,000 francs à la disposition du directeur de notre musée pour les travaux d’art et de sculpture.

ART. 11. – Notre ministre des finances, notre grand maréchal du palais et l’intendant général de notre Maison, sont chargés de l’exécution du présent décret.

 

Paris, 26 février 1806

A M. Lebrun

Mon Cousin, je reçois vos lettres du 20 février. Vos services m’ont été fort utiles à Gênes, et votre présence y est encore nécessaire. Si vous voulez absolument revenir, passez au moins à Gènes le reste de la mauvaise saison, et attendez que vous y ayez installé le nouveau préfet que je vais vous envoyer. Je suis surpris que le 67e ne soit pas encore arrivé. J’écris au général Junot et au prince Eugène pour leur en témoigner mon mécontentement, si toutefois il y
a du retard de leur part.

 

Paris, 26 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois vos lettres des 19 et 20 février. Je vous ai fait connaître que je n’approuvais point votre marche; vous me constituez en de trop fortes dépenses pour la marine de Venise. Vous ne deviez faire juste que ce qu’il fallait pour la maintenir comme elle était, et prendre mes ordres sur le reste, ou tout au moins m’envoyer un projet.

Je suis surpris qu’on ait oublié les deux dames de la princesse Auguste dans le budget que je vous ai envoyé. En fixant mon budget, je ne tiens pas à 100,000 francs de plus; renvoyez-le-moi avec la répartition de ces 100,000, francs. Vous avez bien fait d’ôter l’administration à Caprara. Faites administrer toutes les dépenses par votre intendant. Je voudrais cependant venir au secours de Caprara et relever cette Maison; proposez-moi quelque chose là-dessus.

Le prince Borghèse, qui part demain , portera à la princesse Auguste mon portrait et celui de l’Impératrice.

 

Paris, 27 février 1806

NOTES CONCERNANT LE BUDGET DE LA VILLE DE PARIS
DICTÉES EN CONSEIL D’ADMINISTRATION.

Le projet définitif du budget de la ville de Paris est mis sous les yeux de l’Empereur, qui ordonne les dispositions suivantes :

Les frais de perception seront réduits de la somme de 100,000 francs.

l sera ajouté aux dépenses à répartir sur les quinze mois et à dix jours, 1° pour l’arriéré, 400,000 francs; 2° pour les primes de l’approvisionnement de Paris, 250,000 francs ; 3° pour les quais Napoléon et Desaix , 400,000 francs; 4° conformément au décret du 14 de ce mois, 450,000 francs pour l’achèvement du boulevard de la porte Saint-Antoine, la construction du quai Valhubert et les diverses dispositions accessoires; 5° pour dépenses extraordinaires du pavé des nouvelles places, rues, etc., 400,000 francs.

La distribution de ces trois dernières sommes sera faite aux ponts et chaussées par le ministre de l’intérieur, aux mêmes époques où il distribue aux préfets du département et de police les fonds nécessaires à leur service.

Ces diverses dispositions prescrites, Sa Majesté ordonne la transmission du budget au ministre de l’intérieur, pour être, sur se rapport, renvoyé au Conseil d’État.

  1. Frochot fait observer que le conseil municipal est en ce moment réuni pour l’examen du budget. Il demande que l’approbation définitive soit différée jusqu’après la délibération de ce conseil.

Sa Majesté n’accède point à cette demande; elle ne reconnaît droit de délibération du conseil municipal sur le projet de dépense d’une année que lorsque, soigneux des intérêts auxquels il doit veiller, il s’est mis dans le cas d’émettre son opinion avant que l’année soit commencée; autrement il n’est pas fondé à réclamer l’exercice d’un droit qui devient impuissant.

  1. Lacuée présente à Sa Majesté deux projets de décrets relatifs, l’un aux revues de la garde municipale de Paris, l’autre à la réduction du nombre des adjudants de place.

Le premier projet du décret est adopté.

Sa Majesté charge en même temps S. A. S. le gouverneur de Paris de passer une inspection générale de la garde municipale pour désigner les hommes à réformer et ceux qui doivent être admis à recevoir des pensions, et qui, en attendant qu’elles aient été réglées, recevront leurs congés absolus. L’état des hommes réformés et mis à la pension ayant été adressé au ministre de la guerre , il y sera statué sans délai.

Sa Majesté prescrit, pour la rédaction du second projet de décret, les dispositions suivantes :

1° Tous les adjudants qui existaient en l’an XII seront brevetés par l’Empereur. Le ministre de la guerre en présentera incessamment l’état et les brevets. Ceux qui ont été nommés depuis cette époque seront employés d’une autre manière, et sans que ce changement dans leur situation leur fasse aucun tort.

2° Il ne pourra être fait à l’avenir aucune nomination jusqu’à ce que le nombre des adjudants ait été réduit à quarante-huit. Sur le nombre de ceux actuellement existant, il en sera désigné quarante-huit, qui seront choisis parmi les sujets les plus distingués, et affectés spécialement aux divers arrondissements, à raison de quatre par mairie.

 

Paris, 27 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre lettre du 21 février. Je ne vois pas pourquoi vous m’écrivez quatre pages sur ce que vous avez fait relativement à l’affaire de Crespino. Je ne blâme pas votre conduite; le rapport de la police, je le tiens de vous ; il n’est pas conforme à ce que j’ai fait, mais cela n’était pas nécessaire. Faites exécuter mon décret et donnez-lui la plus grande publicité.

L’architrésorier se plaint que le 67e n’est pas arrivé à Gênes. Ces plaintes n’auraient pas lieu si votre chef d’état-major faisait son métier, et si, après avoir envoyé un ordre à un corps, il envoyait sa feuille de route au ministre de la guerre. Le ministre ne manque jamais de me remettre ces états, et je suis à même de vérifier l’exécution de mes ordres ; mais votre chef d’état-major ne fait rien.

Par tous les règlements qu’a faits le général Lauriston sur la marine de Venise, je vois que les dépenses ont été augmentées ; il n’est donc pas réel de dire qu’elles ne sont pas plus considérables que sous les Autrichiens. Ce n’est pas par des états sommaires que l’on fait connaître une situation de finances quelconque, mais par des états détaillés et des pièces à l’appui. Le pays vénitien serait bien peu de chose s’il ne rendait que 873,000 francs par mois, et s’il en coûtait 700,000. Je n’ai reçu aucun état sur Venise. Vous ne m’avez envoyé aucun mémoire raisonné, ni aucun détail des impositions, de manière que l’état des finances du pays vénitien m’est plus étranger que celui d royaume de Naples, car le prince Joseph, depuis qu’il est arrivé m’a déjà envoyé des aperçus sur les finances de ce pays. Je ne conçois pas comment, dans le mois de mars, vous n’aurez que 167,00 francs pour votre armée , si, en mars et en avril, vous avez 1,600,000 francs provenant des impositions foncières (l’imposition foncière est une imposition ordinaire), et si, indépendamment de cette somme, vous devez recevoir des contributions arriérées, qui nécessairement se classent dans les contributions ordinaires. Je ne suis donc point content des explications que contient votre lettre du 21 février. Votre lettre du 22 ne m’apprend rien, ni sur les biens nationaux, ni sur les couvents. Je ne sais rien sur l’organisation du pays de Venise, Vous ne m’envoyez pas le nombre des maisons religieuses. J’ignore ce que rendent le sel, le tabac, les douanes, 1es postes, les loteries, les droits de consommation, etc. Si vous le savez, pourquoi me donner des renseignements incomplets; si vous ne le savez pas , c’est votre faute : vous deviez savoir tout cela quarante-huit heures après votre arrivée à Venise. Vous voudrez bien permettre que je vous écrive de ce style, sans vous fâcher. Il était inutile que vous m’écriviez deux pages sur un considérant, puisque vous avouez qu’il est mauvais. Le ministre de la guerre ici ne sait rien de votre armée, ni comment elle vit, ni ce qu’elle coûte, enfin son véritable budget. L’art consiste à faire travailler plus encore qu’à se fatiguer beaucoup; et si, à chaque chose que je vous ai demandé vous vous étiez fait remettre un mémoire et des états par des personnes instruites de Venise, j’eusse été satisfait. En résumé, je vous demande ce que je vous ai demandé depuis deux mois : 1° un état des recettes du pays de Venise, en prenant une année moyenne, imposition par imposition, et distinguant le revenu brut et le revenu net; 2° un état, masse par masse, de ce que coûte mon armée dans le pays de Venise et dans mon royaume d’Italie; 3° le budget de 1806 de mon royaume d’Italie, corrigé ; °1 les comptes de mes ministres de 1805, et surtout des ministres des finances et du trésor public pour qu’il soit rendu compte à mes peuples d’Italie de ce qu’on fait de leur argent; 5° un état, divisé par provinces, de ce qui a été perçu depuis l’entrée des Français, et des dons faits au maréchal Masséna ou autres par les gouvernements provisoires.

Voilà les états que je vous demande et dont j’ai besoin. Si vous voulez me prouver que vous connaissez le pays, envoyez-moi ces états en grand détail.

 

Paris, 28 février 1806

A M. Mollien

Monsieur Mollien, vous recevrez un décret qui arrête tous les comptes entre le royaume d’Italie et la France. Vous y verrez que février et mars deviennent disponibles, et que vous avez 3,200,000 francs sur lesquels vous pouvez entièrement compter.

Faites-moi un petit rapport qui me fasse connaître ce que doit le trésor de mon royaume d’Italie pour la liquidation de la dette du Piémont et pour les avances que j’ai faites à ma garde royale d’Italie. Vous pouvez compter sur cela comme argent comptant. Je vous envoie, du reste, toutes vos pièces. Quant à l’emploi des 3,200,000 francs, mon intention précise, et vous voudrez bien la suivre, est que vous envoyiez l’ordre au payeur qui est à Parme de se rendre à Milan pour les recevoir et les encaisser à Plaisance le plus promptement possible. Il les tiendra à ma disposition comme fonds extraordinaires, et n’en disposera, sous aucun prétexte, sans votre ordre précis, et vous-même ne pourrez le donner sans mon autorisation.

 

Paris, 28 février 1806

ORDRES CONCERNANT LA MAISON DE L’EMPEREUR, DICTÉS EN CONSEIL D’ADMINISTRATION

L’intendant général présente le projet de budget définitif pour tous les objets du service de la Maison de l’Empereur.

Sa Majesté fait les observations et prescrit les dispositions suivantes: M. l’intendant général n’ordonnera plus aucun payement sur la dépense du trône des Tuileries.

  1. le grand maréchal fera l’examen des différentes parties déjà confectionnées pour le trône de Saint-Cloud, et rendra compte des parties qui sont encore à exécuter.

Des ordres seront donnés au vérificateur du mobilier, afin qu’il fasse sans délai la vérification des dépenses effectuées, tant pour le trône des Tuileries que pour celui de Saint-Cloud. Avant l’exécution des marchés qui seront faits à l’avenir, ou ceux qui, étant déjà faits, ne sont pas encore exécutés, des modèles seront exposés dans la galerie de Diane, avec des étiquettes qui feront connaître le prix de chaque objet.

On fera le recensement, dans le courant de la semaine prochaine de tous les meubles qui appartiennent à Sa Majesté; ceux qui ne seraient pas dans le garde-meuble y seront réintégrés. Les lustres propres à Fontainebleau seront destinés à l’ameublement de ce palais, et cet article sera, en conséquence, supprimé des projets d’ameublement qui étaient présentés pour cette résidence.

Dans l’emploi des 600,000 francs accordés pour ameublement à Fontainebleau, on exécutera, pour les grands appartements, la note remise par M. le grand maréchal.

On a remarqué, dans le devis de M. Calmelet, des articles de dépenses trop évidemment inadmissibles. On ne doit, par exemple, pas accorder pour la chambre d’un palefrenier plus de 200 francs; pour celle d’un piqueur ou cocher, plus de 450 francs.

Il n’est pas nécessaire qu’il y ait plus d’une pendule par appartement de prince ou de grand officier.

On établira, pour servir de règle à l’avenir, un règlement pour l’ameublement des différentes classes d’officiers qui doivent être dans le palais de l’Empereur.

Sa Majesté a vu avec mécontentement que le garde-meuble se soit permis, en l’an XIII, de faire des commandes à Lyon sans l’ordre de l’intendant, sans l’autorisation duquel on ne doit procéder à aucun achat, commande, réception ou livraison de meubles.

On doit défendre à toute personne de la chambre de S. M. l’Impératrice de recevoir dans les appartements aucun meuble, tableau, bijou et autres effets qui seraient remis par des marchands ou des particuliers; ces marchands ou ces particuliers, ainsi que les meubles, tableaux, effets qui parviendraient par une voie quelconque, doivent être renvoyés à l’intendant.

Il n’est fait, quant à présent, aucun fonds pour l’ameublement de Rambouillet, attendu que Sa Majesté y destine tous les meubles qui sont au grand Trianon. Cette opération ne doit coûter autre chose que les frais de transport. Au surplus, M. le grand maréchal du palais prendra connaissance des difficultés dont l’exécution de cette disposition serait susceptible , et en rendra compte à Sa Majesté.

L’intention de Sa Majesté est qu’il soit passé des marchés pour l’entretien des bâtiments des palais et des maisons dépendant de la liste civile, tels que Meudon, Trianon, Versailles, Fontainebleau, etc.

  1. l’intendant général procédera à un examen détaillé de l’emploi de la somme de 40,000 francs dépensée pour l’appartement du Pape aux Tuileries. Il remarquera vraisemblablement que la somme portée en dépense au compte des appartements de l’Empereur pour la monture du lit de Sa Majesté, est déjà comprise dans le compte de l’appartement du Pape.

Sa Majesté observe, à l’occasion de l’article du budget pour la dépense des forêts impériales, que la recette des coupes de l’an XIII ne s’élève qu’à 2,781,000 francs, tandis que les administrateurs des forêts, dans les comptes qu’ils ont remis, ont annoncé qu’elle avait passé trois millions. M. l’intendant général verra MM. les administrateurs pour obtenir la communication des renseignements sur lesquels ils ont fondé cette assertion.

L’intendant général présente le compte des dépenses des Gobelins, de la Savonnerie et de Beauvais.

L’Empereur prescrit les dispositions suivantes :

La manufacture de Sèvres ne remettra plus rien dans les palais qu’en suivant la forme d’une véritable vente. La manufacture vendra au grand officier qui aura fait la demande pour le service dont il est chargé; l’objet qu’elle aura vendu sera payé par le grand officier en un acquit d’une somme égale au prix convenu. Cet acquit sera versé entre les mains de M. le trésorier général, ainsi que les fonds provenant des ventes au public. Ces versements se feront tous les dix jours. M. le trésorier général tiendra un compte particulier pour chaque manufacture.

  1. l’intendant général dressera un compte en balance des dépenses et des produits de la manufacture de Sèvres : il y portera en recette ce qui aura été vendu au public et ce qui aura été fourni pour les différents services du palais, en distinguant chaque service. Il portera en dépense les sommes accordées à la manufacture et tout ce qui aura été payé par la liste civile pour constructions et réparations, et pour tout autre objet.

Les états de la comptabilité de la manufacture doivent présenter :

1° L’état de ce qui existait en magasin au ler vendémiaire an XIII, de ce qui a été ou vendu depuis cette époque, ou livré aux différents services ;

2° L’état de ce qui a été fabriqué pendant l’an XIII, de ce que cela à coûté à la fabrique, de ce qui a été ou vendu au public, ou livré pour les différents services;

3° L’état de ce qui existait en magasin au 1er vendémiaire, et la valeur des objets existants.

Ces différents états, formant les colonnes d’un seul tableau, fourniront, sur la situation de la manufacture et sur ses produits, des notions positives.

Les états que présente aujourd’hui M. l’intendant général conduisent à des résultats improbables; ainsi, on établit de la manière suivante les produits de la manufacture :

1° Fourni en nature pour le service de Sa Majesté.  . . . . . . . . . .  . . . . . . . . . .  . . . . . . . . . .   .  . . . . .184,000
2° Vendu au public . . . . . . . . . . . . . . .  . . . . . . . . . .  . . . . . . . . . .  . . . . . . . . . .  .  .  . . . . . .  . . . . .. . . .  . .130,000
3° Restant en magasin, déduction faite de ce qui y était au ler vendémiaire an XIII … .  .  . . . . .. . 220,000
534,000

On établit ensuite ce que cela a coûté :

1° Sommes accordées ou dépensées pour la manufacture par la liste civile, au plus.  . . . . . .. . 285,000
2° Payé en primes aux artistes sur le produit de la vente au public  . . . . . . . . . .  . . . . .. .  . . . . .  . 30,000
315,000

La manufacture ayant produit, comme ci-dessus. .  . . . . . . . . . .  . . . . . . . . . .  . . . . . .  . . . .  534,000
Et coûté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  . . . . . . . . . .  . . . . . . . . . .  . . . . . . . . .  .  . . . . ..     315,000
L’excédant de la recette, ou le revenu net de cet établissement, est de . . . . . . . . . ..  . . . .  219,000
ou à peu près quarante pour cent.

Un tel résultat ôte toute confiance dans les états présentés, M. l’intendant général en fera l’observation et rendra compte de la réponse.

L’intendant général présente l’état des travaux et dépenses de la manufacture des Gobelins, et la note des pièces qui vont être mises sur le métier en conséquence des ordres de Sa Majesté.

  1. l’intendant général est invité à faire mettre sur les métiers le portrait de l’Impératrice qui est à Saint-Cloud, et les portraits de l’Empereur qui sont à l’École militaire, l’autre au ministère des relations extérieures.

L’intendant termine ses rapports par un compte rendu de la situation des manufactures de la Savonnerie et de Beauvais.

Sa Majesté désire que les comptes de ces deux dernières manufactures et de celle des Gobelins lui soient rendus dans la même forme qu’elle a prescrite ci-dessus pour celle de Sèvres.

Elle charge M. l’intendant général de faire dresser un projet général des dispositions qu’on serait dans le cas d’adopter pour les bâtiments et les ameublements du château de Versailles, afin de n’être pas pris au dépourvu si l’on se déterminait à l’habiter. Si l’on commence à s’y mal établir, il en coûtera des sommes immenses et rl’n n’y sera jamais bien. En s’y prenant longtemps à l’avance, on peut éviter ces inconvénients. Ainsi, par exemple, les Gobelins, la Savonnerie, Beauvais et même Sèvres pourraient, dès à présent, destiner une partie de leurs produits à l’ameublement de Versailles.

 

Paris, 28 février 1806

A M. Champagny

Monsieur Champagny, le tombeau de Desaix est fini. Il est convenable de faire transporter ce monument au grand Saint-Bernard. Prenez les mesures pour que les travaux à faire pour y appliquer les sculptures puissent être terminés pendant le court espace de temps qu’il est possible de travailler sur cette montagne, ce qui n’est que deux ou trois mois. Les ingénieurs de la route du Simplon pourraient être chargés de ce travail. Il serait peut-être convenable de charger M. Denon de suivre l’exécution du monument à élever au général Desaix sur la place des Victoires, et de celui de Charlemagne sur la place Vendôme; vous mettrez à sa disposition les sommes portées au budget pour ces objets, sauf à M. Denon à vous rendre compte tant de l’emploi de ces sommes jusqu’au dernier payement que de la forme à donner aux monuments.

 

Paris, 28 février 1806

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, je désire mettre de la régularité dans mon travail des relations extérieures. Il est donc convenable que vous m’envoyiez tous les jours, après que vous les aurez lues, toutes les lettres de mes ambassadeurs et agents des Mations extérieures, mon intention étant de lire toutes leurs correspondances. Je vous enverrai un portefeuille dont je garderai une clef; vous le ferez porter par un de vos secrétaires, qui le remettra à M. Meneval ou à celui de mes secrétaires qui serait de service. Vous m’enverrez aussi la traduction des journaux anglais et étrangers, et, lorsqu’ils ne contiendront rien d’important, seulement la note de leur arrivée et leur date. Cet arrangement aura lieu dès demain. J’aimerais assez recevoir ce portefeuille à six heures du soir, autant que ce serait compatible avec les affaires et l’arrivée des courriers.

 

Paris, 28 février 1806

A M. Talleyrand

Faîtes connaître enEspagne mon mécontentement de la mauvaise conduite qu’a tenue le régiment de Zamora en passant dans la rivière de Gênes : ils ont tué deux gendarmes. Écrivez à mon ministre de Florence pour qu’il demande positivement réparation de la mort de mes deux gendarmes tués à Rapallo, pour que six hommes du régiment de Zamora soient fusillés; que, si l’on ne me fait pas justice, je ferai entrer deux régiments en Toscane et ferai massacrer tous ceux de ce régiment qu’on rencontrera.

(Lecestre)

 

Paris, 28 février 1806

A M. de Talleyrand, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur Talleyrand, le sieur Codrika auquel vous payez une pension pourrait être utlie en l’attachant au gouvernement de la Dalmatie. Il pourrait avoir des nouvelles de ce qui se passe en Turquie.

(Brotonne)

 

Paris, 28 février 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, j’ai lu avec attention le rapport de l’inspecteur général du génie sur la place de Venise. Mon intention est que l’on ne fasse rien à Venise avant que j’aie fixé mes idées sur cette place; il suffira d’entretenir en bon état ce qu’ont fait les Autrichiens. Il faut faire travailler à Palmanova et à Osoppo. Il faut rétablir à Palmanova les casernes pour 5,000 hommes, dans le meilleur état, assurer de l’eau pour boire à la place, rétablir les contrescarpes et établir des dehors, pour donner un nouveau degré de force à cette place. Les travaux nécessaires doivent être également faits à Osoppo. Mais mon intention est que, dans l’une et l’autre de ces places, ils soient dirigés de manière qu’à chaque 100,000 écus que l’on y dépensera elles acquièrent un degré de force de plus. Présentez-moi avant le 1er avril des projets pour ces deux places. Je dépenserai volontiers, en tout, cette année, un million à chacune d’elles. Je suis très-satisfait du travail du général Marescot sur Alexandrie. Le décret ci-joint fixe tes travaux à faire à cette place conformément aux conclusions de ce premier inspecteur.

Je désire que vous me présentiez un projet de décret pour Mantoue. Il suffit cette année de revêtir la demi-lune de l’ouvrage de Pietole. Je désire savoir ce que cela coûterait. Je ne veux pas dépenser à Mantoue, Peschiera, Porto-Legnago, plus d’un million cette année. C’est sur cette donnée qu’il faut faire les plans. Mais ce qui m’intéresse surtout, c’est que la campagne ne soit pas perdue pour Palmanova et Osoppo; je penserais que, pour les travaux de Palmanova et d’Osoppo, il faudrait en charger un autre général du génie que le général Chasseloup; le général Lery (François-Joseph d’Estienne de Chaussegros, baron, puis vicomte de Lery. 1754-1824) serait très-capable de les diriger. Il fixerait alors sa demeure à Palmanova. La distance est trop grande pour le général Chasseloup.

 

Paris, 28 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, douze heures après la réception de ma lettre, vous ferez partir 500,000 francs en or, de Milan pour Naples; vous les prendrez sur mon trésor royal d’Italie. Le payeur de votre armée a laissé protester 500,000 francs que le payeur de l’armée de Naples avait tirés sur lui; cela est propre à ôter tout crédit au prince Joseph. Écrivez-moi un mot là-dessus, et pourquoi ce payeur a protesté une si faible somme; il valait mieux la payer, on l’aurait remboursée d’ici, ou attendre quelques jours de plus. C’est ainsi que, par l’inconsidération des subalternes, on s’ôte tout crédit.

 

Paris, 28 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, Aldini vous expédiera un projet de décret qui liquide tous les comptes de mon royaume d’Italie avec la France. Partez bien du principe que j’ai besoin de beaucoup d’argent; songez que, dans ce moment, j’ai 510,000 hommes sur pied; que j’ai ordonné de grandes dépenses dans mes ports pour augmenter ma marine; que je vais augmenter mes forces de 100,000 hommes, et que je vais mettre de nouvelles impositions sur la France. Quant à mon armée d’Italie, tenez bien pour constant que ceux qui disent que Venise ne rend que huit millions sont des imbéciles. Je connais Venise mieux qu’eux; elle rendait aux Autrichiens vingt-cinq millions; dans mes mains, elle doit me rendre davantage encore. Si vous en faites le détail, branche de revenu par branche de revenu, vous vous en convaincrez.

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Les 500,000 francs dont il est question dans l’article ler de mon décret sont ceux que je vous ai prescrit d’expédier par mon courrier de ce matin.

 

Paris, 28 février 1806

A M. Aldini, secrétaire d’État du royaume d’Italie, résidant à Paris

Me faire connaître dans quelle situation se trouve le système monétaire de mon royaume d’Italie. Prenez les renseignements convenables; faites-m’en un rapport, et proposez-moi un décret qui ordonne la même monnaie qu’en France, hormis que mon effigie sera d’un côté et les armes d’Italie de l’autre. Il faut que ce soit le même alliage, les mêmes divisions qu’en France, parce que cela facilitera beaucoup nos opérations.

 

Paris, 28 février 1806

Au prince Joseph, gouverneur général des royaumes de Naples et de Sicile

Mon Frère, je donne ordre qu’on fasse partir de Milan 500,000 francs en or pour Naples. Je suis fâché qu’on ait protesté votre mandat, surtout s’il était en votre nom, ou s’il y avait une lettre de vous. Le payeur n’eût pas fait chose bien difficile en le payant en lettres de change sur Paris. J’attendrai votre premier courrier pour vous écrire de prendre le titre de roi de Naples. Vous pouvez toujours nommer ministres les personnes que vous appellerez à la tête du gouvernement. Je vous ai déjà écrit que vous pouviez prendre tous les officiers napolitains qui pourraient vous convenir. Vous ne pouvez plus manquer d’argent à l’heure qu’il est. Faites désarmer Naples et imposez une contribution de guerre de dix millions sur la ville. On la payera sans difficulté. Vous avez des ressources certaines en confisquant les marchandises anglaises. Cette perte retombera sur la partie de la nation qui mérite le moins de considération. Je vous ai envoyé des officiers de marine. Je vous fais mon compliment sur votre réconciliation avec saint Janvier; mais, au milieu de tout cela, j’imagine que vous avez bien fait occuper les forts, que vous avez eu soin de les faire armer et munir, que vous avez désarmé la ville et gouverné un peu avec vigueur. Il y a à Naples beaucoup de choses cachées appartenant à la Cour. Vous devez ordonner que tout soit rétabli.

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Désarmez cette canaille. Renvoyez de Naples les étrangers, Anglais, Russes, etc., et même les habitants qui ne seraient pas de Naples. Mettez votre armée dans une grande aisance, mais empêchez de voler.