Correspondance de Napoléon – Février 1806

Février 1806

 

Paris, 1er février 1806.

A M. Champagny

Monsieur Champagny, la commune de Paris, par l’importance de ses finances, mérite une attention particulière. Je désire que vous preniez une connaissance un peu approfondie de l’état des finances de cette commune, tant en recettes qu’en dépenses, et que, mercredi prochain, vous puissiez m’apporter la situation en l’an XIII, dans les trois mois de l’an XIV, et au ler janvier.

 

Paris, 1er février 1806

A M. Champagny

Monsieur Champagny, faites-moi connaître pourquoi les travaux du quai Napoléon sont arrêtés. Soumettez-moi dans la semaine an projet pour commencer sans délai la gare de l’arsenal, telle que je l’avais arrêtée il y a deux ans. Mon intention est que cette dépense soit faite sur les fonds de la commune de Paris. Je désire également savoir où en est la vente du terrain des Capucines, ainsi que le percement de la rue de Tournon; enfin l’état de tous les travaux relatifs à l’embellissement de Paris.

 

Paris, 1er février 1806

A M. Champagny

Monsieur Champagny, je désire que vous fassiez faire l’état de situation des compagnies départementales qui sont sous les ordres des préfets, et que vous m’en remettiez, tous les quinze jours, l’état de l’effectif et des présents sous les armes. J’apprends que la plupart de ces réserves ne s’instruisent pas et n’en sont pas encore à l’école de bataillon. Stimulez à cet égard le zèle des préfets.

 

Paris, 1er février 1806

A M. Champagny

Je suis instruit qu’un grand nombre d’ouvriers sont sans travail : je désire connaître quelle classe d’ouvriers et quel genre de travail. Faites-moi connaître aussi quelles sont les principales manufactures et les ateliers qui auraient suspendu leurs travaux par suite des circonstances.

 

Paris, 2 février 1806

A M. Fouché

Pour l’exil des personnes qui ont émigré et que le bien de l’État veut qu’on éloigne de Paris, il faudrait adopter des formes plus douces que celles de la police ordinaire. Voyez à imaginer là-dessus quelque chose qui soit plus analogue à la mesure elle-même.

 

Paris, 2 février 1806

Au roi de Bavière

Je suis arrivé depuis plusieurs jours dans ma capitale. Je ne veux pas tarder davantage à remercier Votre Majesté de toutes les choses aimables qu »elle a faites pour moi pendant le temps que j’ai demeuré dans ses États. Elle doit être persuadée du plaisir que j’aurai, lorsqu’elle viendra en France, à la payer de retour.

 

Paris, 2 février 1806

A la reine de Bavière

Madame ma Sœur, arrivé depuis plusieurs jours à Paris, j’éprouve un véritable besoin d’exprimer à Votre Majesté tous les sentiment qu’elle m’a inspirés, et de l’assurer de ma parfaite estime, de ma tendre amitié et du bonheur que j’aurai de trouver des occasions de lui être agréable.

 

Paris, 1er février 1806.

Au roi de Wurtemberg

Je reçois la lettre de Votre Majesté, du 21 janvier, au moment même où j’allais lui écrire pour la remercier des choses aimables qu’elle a faites pour moi pendant mon séjour dans ses États, la prier de me rappeler aux souvenirs de la Reine et l’assurer de mon désir de trouver les circonstances qu’elle a eues, pour pouvoir m’acquitter envers elle et la convaincre de ma parfaite estime et de ma constante amitié.

 

Paris, 1er février 1806

Au roi de Wurtemberg

J’ai lu avec attention les notes que vous avez mises en marge du projet de traité que vous a remis mon ministre. Au fond, j’y vois peu de différence; je crois qu’il est conforme à vos intérêts de terminer promptement, et que ce système de médiation est utile au moins quelques années; on pourrait en exclure, s’il est nécessaire, les petits princes, ou n’y admettre de nouveaux alliés que de consentement commun.

Munich et Bade ont signé. Je pense que nos intérêts communs, et surtout les vôtres, demandent que vous donniez des ordres à votre ministre pour terminer ici.

 

Paris, 2 février 1806

Au prince de la Paix

Rien ne m’étonne de la part de la reine de Naples; j’ai cependant frémi à la seule lecture de votre lettre.

J’éprouve une véritable consolation d’apprendre que Leurs Majestés sont en bonne santé. Ne doutez jamais de l’intérêt que je vous porte et du désir que j’ai de vous donner des preuves de ma protection, non plus que de l’estime et de l’amitié que j’ai pour le Roi.

 

Paris, 2 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 24. M. de Haugwitz est arrivé hier au soir à Paris. J’espère qu’à l’heure qu’il est vous êtes à Munich. Votre correspondance en deviendra plus rapide. Envoyez des officiers d’état-major dans la Silésie prussienne et dans la partie des États du roi de Prusse où sont les Russes, afin de savoir dans quelle situation ils sont. Ils peuvent même aller dans la Pologne prussienne. J’ai besoin d’être exactement et promptement informé, mon intention étant de ne point évacuer l’Allemagne ni faire passer le Rhin à mon armée, que les Russes ne soient rentrés chez eux n’aient évacué toute la Pologne.

 

Paris, 2 février 1806

Au prince Joseph

J’ai reçu votre lettre du 24. Le général Saint-Cyr s’est présenté à mon lever; devant tout le monde, je lui ai témoigné mon mécontentement, et je lui ai ordonné de partir sur-le-champ pour rejoindre son poste. Je vous envoie un travail sur Naples, qui est au moins une note géographique. Ce mémoire est fait par M. Vintimille, qui a resté (sic) à Naples et qui désire beaucoup s’attacher à mon service. Je le fais partir pour Naples, où il pourra vous servir.

L’état de situation que vous avez joint à votre lettre du 24 est trop sommaire.

Du moment que vous serez entré à Naples, vous ne manquerez point d’argent, si vous tenez la main à ce qu’on ne prenne pas tout. Le maréchal Masséna a tout pris dans les pays vénitiens.

A la réception de cette lettre, vous serez en marche. J’attends avec impatience de savoir que vous avez conquis Naples.

Vous avez cinq divisions d’infanterie; tenez-les toujours réunies. Croyez à mon amitié. N’écoutez pas ceux qui voudraient vous tenir loin du feu; vous avez besoin de faire vos preuves. S’il y a des occasions, exposez-vous ostensiblement. Quant au vrai danger, il est partout à la guerre.

 

Paris, 3 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, vous avez très-mal arrangé vos affaires à Paris; on me présente un compte de 1,500,000 francs pour votre maison; cette somme est énorme. M. Calmelet, Bataille et ce petit intendant que vous avez nommé sont des fripons; et je vois qu’ils ont tout embarrassé de manière qu’il sera impossible de ne pas payer beaucoup. Je vois cela avec peine; je vous croyais plus d’ordre. On ne doit rien faire faire sans un devis, avec engagement de ne pas le dépasser. Vous avez fait tout le contraire; l’architecte s’en est donné tant qu’il a voulu, et voilà des sommes immenses jetées dans la rivière. J’ai chargé Bessières de veiller lui-même à ces affaires. Portez plus d’attention et de savoir que cela aux affaires de ma liste civile d’Italie; les architectes sont partout les mêmes.

(voir la lettre à Fouché du 31 janvier)

 

Palais des Tuileries, 3 février 1806

DÉCRET

ARTICLE ler. Le service du cabinet de l’Empereur est fait par un secrétaire du portefeuille, un rapporteur des pétitions et un archiviste.

DU SECRÉTAIRE DU PORTEFEUILLE

ART. 2. – M. Meneval est secrétaire du portefeuille. Il présente seul à la signature de l’Empereur toute lettre ou note que Sa Majesté aurait dictée; toutes les expéditions sont faites par lui; il expédie tous les courriers.
ART. 3. – Il entre seul dans le cabinet de l’Empereur; il a seul les clefs du bureau et du portefeuille de l’Empereur.
ART. 4. – Le traitement de secrétaire du portefeuille est fixé à 24,000 francs par an.

DU RAPPORTEUR DES PÉTITIONS

ART. 5. – M. Deschamps, secrétaire des commandements de l’Impératrice, est rapporteur des pétitions et chargé de la mise en ordre et rédaction des matériaux relatifs à l’histoire des campagnes de l’Empereur. Il écrit aussi sous sa dictée.

Il conserve le titre et les fonctions qui l’attachent à l’Impératrice.

ART. 6. – Lorsque les pétitions dont il a fait le rapport ont été vues par l’Empereur, il les renvoie à la secrétairerie d’État, où les décisions qui peuvent être intervenues sont expédiées.
ART. 7. – Il a 12,000 francs de traitement.

DE L’ARCHIVISTE DU CABINET

ART. 8. – M. Fain est archiviste du cabinet.
ART. 9. – L’archiviste du cabinet reçoit des mains du secrétaire du portefeuille toutes les pièces du travail de l’Empereur qui ont été répondues; il les classe et les met en ordre.

Il met au net les minutes dont il est dépositaire.

Tous les papiers, minutes, copies, etc., ne peuvent être remises à l’archiviste que par le secrétaire du portefeuille.
ART. 10. – Il y a aux archives du cabinet un carton où affaires secrètes sont renfermées sous une clef particulière. La seconde clef de ce carton est déposée dans un tiroir du cabinet l’Empereur; et le secrétaire du portefeuille lui-même ne peut s’en servir sans l’autorisation de I’Empereur.
ART. 11. – A la fin de chaque année, l’archiviste fait le relevé de ce qui peut être extrait des archives du cabinet pour être déposé dans les archives impériales, à la secrétairerie d’État. Il reçoit à ce sujet les ordres de l’Empereur.
ART. 12. – Le traitement de l’archiviste est fixé à 18,000 francs par an.

DES GARDES DU PORTEFEUILLE

ART. 13. – Il y a deux gardes du portefeuille qui sont de service tous les quinze jours.
ART. 14. – Il leur est défendu de laisser entrer dans le cabinet de l’Empereur, que le secrétaire du portefeuille; dans le cabinet rapporteur des pétitions, que ce rapporteur et le secrétaire du portefeuille; dans le cabinet des archives, que l’archiviste et le secrétaire du portefeuille.
ART. 15. – Le garde du portefeuille, de service, couche dans la pièce qui précède immédiatement le cabinet où travaille l’Empereur.
ART. 16. – Ils portent un uniforme et un sabre avec une bandoulière d’un modèle particulier.
ART. 17. – Leur traitement est de 4,000 francs chacun par an.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

ART. 18. – Le secrétaire du portefeuille ne peut s’absenter qu’avec la permission de l’Empereur; et alors il laisse sur le bureau de l’Empereur une note indiquant l’heure de son retour, et remet la clef du bureau au garde du portefeuille qui est de service. Mais, lorsqu’il s’absente, n’importe à quelque heure du jour ou de la nuit que soit, il pourvoit à ce que, soit le rapporteur des pétitions, soit l’archiviste, reste et soit en état de répondre à l’Empereur.

Dans ce cas, celui qui reste de garde se tient dans la pièce la plus voisine du cabinet de l’Empereur.
ART. 19. – Si, en l’absence du secrétaire du portefeuille, l’Empereur dicte quelque lettre ou note, ou fait expédier quelque travail, la minute, si ce travail a été expédié avant son retour, et la minute et la copie, si le travail n’a pas encore été expédié, sont remises au secrétaire du portefeuille aussitôt son arrivée.
ART. 20. – Le secrétaire du portefeuille, l’archiviste du cabinet et le rapporteur des pétitions sont logés dans le palais, le plus près possible de leur service.Ils ont une table commune.
ART. 21. – L’appartement consacré au cabinet sera, autant que le local le permettra, distribué dans les divers palais impériaux de la manière suivante :

1° Le cabinet de ]’Empereur;
2° Près de ce cabinet une pièce servant de supplément;
3° Un cabinet pour le rapporteur des pétitions;
4° Les archives, où seront établies des armoires solides pour la sûreté des papiers;
5° Le cabinet topographique.

On ne doit pénétrer dans ces pièces que par une seule entrée, près de laquelle doit être la salle du garde du portefeuille.

Notre grand maréchal du palais est chargé de surveiller l’exécution des articles 20 et 21.
ART. 22. – Il n’est dérogé en rien par la présente organisation aux droits et devoirs du secrétaire du cabinet.

 

Paris, 4 février 1806

PREMIÈRE NOTE.

J’ai besoin. d’une somme de soixante millions pour solder les exercices arriérés jusqu’au ler vendémiaire an XIV. Ces soixante millions, je les ai en domaines nationaux actuellement existant entre les mains de la caisse d’amortissement.

Je rachèterai ces domaines à la caisse d’amortissement, en lui donnant des inscriptions égales à celles que cette caisse a données au Sénat et à la Légion d’honneur pour équivalent desdits biens.

Je laisserai la caisse d’amortissement continuer à percevoir lesdites obligations pour solder mes exercices arriérés.

A cet effet, la caisse versera au trésor trois mille rescriptions, chacune de 20,000 francs, et payables 500 en 1806, et ainsi de suite chaque année.

La caisse d’amortissement ne payera pas l’intérêt pour 1806; mais, à dater de 1807, elle payera les intérêts, pour toutes les années , à sept pour cent.

Le trésor payera les ordonnances des services liquidés jusqu’en vendémiaire, avec ces rescriptions. Par ce moyen, les rescriptions données par la caisse d’amortissement en payement des fournisseurs ne seront autre chose qu’un emprunt remboursable en six ans, avec hypothèque, et portant intérêt de sept pour cent.

Quant à la caisse d’amortissement, elle sera remboursée par la vente des domaines, et il faut faire les calculs pour voir ce qu’elle aura à payer et ce qu’elle retrouvera.

Ces rescriptions jouiront aussi d’un autre privilège : c’est d’être admises comme argent comptant à l’achat de tous les domaines nationaux appartenant à la caisse d’amortissement.

Et si la caisse d’amortissement n’avait pas les soixante millions qu’il lui faut, je ferai le complément avec ce qui m’appartient.

Ceci a deux buts :

1° De faire fonction de signes pour la vente des domaines nationaux, et d’en accélérer la vente;

2° D’avoir un signe pour réaliser de suite le crédit des fournisseurs. Cette valeur ne peut pas trop se détériorer, parce qu’elle a remboursement sûr, intérêt honnête et hypothèque connue.

Cela est beaucoup meilleur que tous les projets présentés.

En effet, les simples rescriptions payables en domaines nationaux ne sont que des assignats. Quand l’hypothèque est déterminée d’une valeur égale à celle des rescriptions, ce ne sont plus des assignats, sans doute, mais on risque que, par l’enchère, cela n’en devienne. Il ne faut donc que l’imprudence des porteurs pour anéantir le gage, qui n’a de valeur que pour achat de domaines.

Ici, au contraire, si l’enchère d’un bien monte trop haut, on n’est pas alarmé, parce que le remboursement et l’échéance sont assurés.

Ces effets ne peuvent pas trop tomber, parce que, les biens nationaux se vendant, tous les individus qui ont à payer sentiront le profit des effets pour payer à la caisse d’amortissement; dès qu’il y aurait deux on trois pour cent à gagner, il ne rentrerait plus rien à la caisse d’amortissement, et tout rentrerait dans ces effets.

Enfin cela vaut mieux qu’une consolidation sur le grand-livre, parce qu’il n’y a que deux moyens : ou au taux de la place, et de là à 60 francs, perte énorme; ou à cinq pour cent, banqueroute de moitié. Et enfin cela augmente la dette publique évidemment, tandis que l’extinction de la dette de la caisse avec les biens nationaux saute moins aux yeux, et que d’ailleurs l’extinction avec les soixante millions de la caisse est progressive et lente, et l’émission de papier, brusque, pour ainsi dire instantanée.

Il n’y aurait qu’une précaution à prendre : c’est de désigner que les rescriptions, qui ne sont exigibles qu’en 1808 et 1809, etc., ne pourraient être reçues dans la vente des domaines que comme troisième, quatrième et cinquième payement , dans la crainte qu’il ne rentrât à la caisse que des dernières échéances, que les premières ne fussent gardées, et que par là elle ne se trouvât gênée dans le remboursement.

DEUXIÈME NOTE.

Dans les soixante millions qui ont été portés comme dus sur les services arriérés, la plus grande partie doit être considérée comme portée dans le budget des différentes années que la trésorerie n’a pu payer, soit parce que les rentrées des fonds du budget ne se sontpoint opérées, soit parce que le ministre du trésor a affecté aux services courants les fonds des exercices arriérés.

Ainsi donc, au commencement de l’an IX, le budget de l’an était de cinq cent quarante-cinq millions; au ler vendémiaire an XI il avait été payé cinq cent vingt-huit millions; il restait dû dix-sept millions, mais, sur ces dix-sept millions, une partie était à régulariser. Je désire donc qu’on ajoute à l’état C une quatrième colonne où on distinguera ce qui est à régulariser de ce qui est dû; et le montant de ce qui sera dû formera le premier article de la dette. Il faudrait joindre une cinquième colonne pour établir la situation au ler janvier 1806. On y joindrait ce qui a été ordonnancé pour l’an IX pour janvier et février, parce que le compte sera arrêté au ler mai et tout ce qui restera dû pour remplir le budget au ler mars sera payé par les soixante millions dont il est question dans la première note. Mais alors l’an 1806 héritera de toutes les ressources de l’an IX, ce qui sera porté à son budget comme ressource. Ici il faudra que le ministre des finances fasse attention, en disant que les régies ont rendu cinq cent quarante-huit millions, d’ôter tout ce qui serait non-valeur, afin que véritablement les ressources que l’on donnerait en l’an 1806 soient réelles.

Même observation pour l’an X; même travail pour l’an XI; même travail pour l’an XII. Toutes les ressources de ces trois exercices seraient affectées à l’an 1806. Le complément de leur budget serait payé par les fonds extraordinaires, et par ce moyen tout l’arriéré trouverait payé aussi vite que les ministres pourraient l’ordonnancer.

L’an XIII est encore trop près de nous pour être susceptible d’une pareille opération.

Je suis bien loin de penser qu’il y ait une insuffisance de crédits aussi considérable que le pense le ministre des finances. Sous le rapport des ministères, la différence de ce qu’il faudrait pour solder le budget des trois exercices, soixante millions, formerait un fonds commun qui serait distribué aux ministères, à mesure que les besoins viendraient à être prouvés.

Dans tous les comptes des ministres, il manque une colonne pour le mois de janvier 1806 : si le crédit qu’ils demandent est pour leur insuffisance ou bien simplement pour satisfaire au budget.

 

Paris, 4 février 1806

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, le ministère, en Angleterre, a été entièrement changé après la mort de M. Pitt; Fox a le portefeuille des relations extérieures.

Je désire que vous me présentiez, ce soir, une note rédigée d’après cette idée :

Le soussigné, ministre des relations extérieures, a reçu l’ordre exprès de S. M. l’Empereur de faire connaître à M. le comte de Haugwitz, à sa première entrevue, que Sa Majesté ne saurait regarder le traité conclu à Vienne comme existant, par défaut de ratification dans le temps prescrit; que Sa Majesté ne reconnaîtra à aucune puissance, et moins à la Prusse qu’à toute autre, parce que l’expérience a prouvé qu’il faut parler clairement et sans détour, le droit de modifier et d’interpréter selon son intérêt les différents articles d’un traité; que ce n’est pas échanger des ratifications que d’avoir deux textes différents d’un même traité, et que l’irrégularité paraît encore plus considérable si l’on considère les trois ou quatre pages de mémoire ajoutées aux ratifications de la Prusse; que M. Laforest, ministre de S. M. l’Empereur, chargé de l’échange des ratifications, serait coupable si lui-même n’eût fait observer toute l’irrégularité des procédés de la cour de Prusse; mais qu’il n’a accepté l’échange qu’avec la condition de l’approbation de l’Empereur. Le soussigné est donc chargé de déclarer que Sa Majesté ne l’approuve pas, par la considération due à la sainteté des traités. Mais en même temps le soussigné est chargé d’ajouter que S. M. l’Empereur désire toujours que les différends survenus, dans ces dernières circonstances, entre la France et la Prusse, se terminent à l’amiable, et que l’ancienne amitié qui avait existé entre elles continue à subsister comme par le passé. Sa Majesté désire même que le traité d’alliance offensif et défensif, s’il est compatible avec les autres arrangements de la Prusse, soit maintenu et assure les liaisons des deux Etats.

Cette note, que vous me présenterez ce soir, sera remise demain dans la conférence, et, sous quelque prétexte que ce soit, je ne vous laisse point le maître de ne la pas remettre. Vous comprendrez vous-même que ceci a deux buts : de me laisser le maître de faire ma paix avec l’Angleterre, si d’ici à quelques jours les nouvelles que je reçois se confirment, et de conclure avec la Prusse un traité sur une base plus large. La rédaction de cette note sera sévère et nette; mais vous y ajouterez de vive voix tous les adoucissements, les modifications, les illusions qui puissent faire croire à M. de Haugwitz que cela est une suite de mon caractère; qu’on est piqué de la forme, mais qu’au fond on est dans les mêmes sentiments pour la Prusse. Mon opinion est que, dans les circonstances actuelles, si véritablement M. Fox est à la tête des affaires étrangères d’Angleterre, nous ne pouvons céder le Hanovre à la Prusse que par suite d’un grand système, tel qu’il puisse nous garantir de la crainte d’une continuation d’hostilités.

 

Paris, 4 février 1806

Au maréchal Lefebvre, à Mayence

Je reçois, par votre aide de camp, votre lettre du 31 janvier. J’approuve que vous ayez placé une partie de la division Lorge la rive droite, et que vous la fassiez nourrir par les habitants. Avec les moyens que vous avez, attelez le plus de pièces possible; mais ne me constituez pas dans de nouvelles dépenses. J’imagine que vous avez envoyé à la division Dupont tout ce qui est nécessaire pour porter les trois corps qui la composent au complet de guerre.

 

Paris, 4 février 1806

Au général Junot

Je vous fais passer différentes pièces sur les affaires de Parme. Je ne conçois plus rien à tout ceci. Que le prince Eugène vous envoie des troupes. Faites brûler cinq ou six villages; faites fusiller soixantaine de personnes; faites des exemples extrêmement sévères car les conséquences de ce qui se passe à Parme depuis un mois sont incalculables pour la sûreté de l’Italie. Je vois un tas d’administrateurs bavards et ne prenant que de fausses mesures. Je suis étonné que le général Menou n’ait pas donné signe de vie dans tout ceci.

—————–

Souvenez-vous de Binasco : il m’a valu la tranquillité dont a toujours joui depuis l’Italie, et a épargné le sang de bien des milliers d’hommes. Rien n’est plus salutaire que des exemples terribles donnés à propos.

 

Paris, 4 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, il n’y a point encore de troupes à Parme; faites-y-en passer promptement pour écraser ces rebelles et délivrer promptement l’Italie de ce germe d’insurrection. Vous avez dissous mon camp d’Alexandrie et fait des levées de gardes nationales avec tant de précipitation que vous avez allumé le feu dans toute l’Italie. Ayez plus de prudence et marchez plus posément.

 

Paris, 4 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre lettre du 28 janvier; elle ne m’instruit absolument en rien de ce que j’ai intérêt d’apprendre. Il est nécessaire que vous m’envoyiez l’état de situation de l’armée, l’état de ce que coûte la nourriture, de ce que rend le pays vénitien; l’état de tous les services, habillement, solde, etc.

Il ne faut point confondre les impôts ordinaires avec la contribution de guerre, qui doit être au profit de l’armée, et qui doit être versée dans la caisse de M. la Bouillerie. Vous ne m’apprenez pas non plus si l’on peut communiquer par terre depuis Monfalcone jusqu’à la Dalmatie, et si les Vénitiens avaient ce droit.

 

Paris, 4 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, les adresses que vous font les Italiens ne sont point convenables; ils ne pèsent point les mots, et les mots doivent être pesés.  Le remède à cela est de ne jamais imprimer leurs adresses. Mon intention est que vous preniez cela pour règle.

 

Paris, 4 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je suis surpris que vous ne me disiez pas un mot de votre voyage, ni de ce qui s’est passé dans le Tirol. Votre femme a été plus aimable que vous. Je désire cependant que vous m’en écriviez assez pour que je sache toujours où vous vous trouvez, où vous allez, et ce que vous faites; comment vous êtes ensemble, et quelle portion d’estime vous avez pour elle.

 

Paris, 4 février 1806

Au prince Joseph

Mon Frère, j’espère qu’à l’heure qu’il est vous êtes en marche sur Naples. Je n’ai pas besoin de vous dire que vous ne devez faire aucun bulletin ni aucune communication quelconque au public de ce passe à l’armée de Naples;  adressez-m’en les détails, pour que je voie ce qui doit en être publié. Il est même convenable que tout ce qui est relation officielle soit adressé directement au ministre de la guerre.

 

Paris, 5 février 1806

NOTES POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

  1. Le ministre ayant présenté la question de savoir si les dépenses allouées aux préfectures par abonnement doivent être justifiées par pièces, l’Empereur a fait connaître l’opinion où il est que, l’abonnement étant un véritable forfait, les préfets ne sont point assujettis à cet égard aux règles ordinaires de la comptabilité.
  2. Sa Majesté désire que le ministre présente le travail pour la nomination aux places d’agents de change vacantes.   Il y aura toujours pour chaque place plusieurs candidats, à moins que la place ne soit demandée par le fils ou le beau-fils du titulaire. Bien entendu que, dans ce cas, le candidat unique se trouvera d’ailleurs sur la liste du jury, et que le ministre le jugera digne du choix de Sa Majesté.

III. Le ministre fera connaître combien de centimes sont nécessaires pour les dépenses des départements de Montenotte et des Apennins. Il remarquera que, ces départements ayant très-peu de contributions, on ne peut les assujettir au maximum des 16 centimes.

 

Paris, 5 février 1806

NOTE POUR LE GRAND JUGE

Sa Majesté désire que les procureurs généraux de ses cours criminelles à Parme soient choisis parmi les procureurs généraux les plus distingués de France.

Elle désire, en même temps, que le procureur général qui va être nommé pour la cour d’appel de Gènes se rende sur-le-champ à Parme, afin d’y organiser toutes les parties de l’ordre judiciaire.

Ce procureur général correspondra chaque jour avec le ministre.

Il lui sera donné, pour cette mission extraordinaire, une indemnité suffisante.

 

Paris, 5 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

Sa Majesté désire que le ministre fasse mercredi un rapport sur l’ordre politique dans les départements de Gènes, des Apennins et de Montenotte. Si, pour la session actuelle du Corps législatif, les formes pour la nomination des députés ne peuvent pas être remplies, il convient de présenter un projet de sénatus-consulte qui statue qu’ils seront nommés par l’Empereur. Leurs fonctions ne dureront qu’un an.

Le ministre demandera à M. l’architrésorier et aux trois préfets une liste de candidats dignes du choix de Sa Majesté.

 

Paris, 5 février 1806

DÉCISION

Le ministre directeur de l’administration de la guerre rend compte à l’Empereur des différentes consommations de poudre qui ont en lieu sans autorisation, pour la célébration de la bataille d’Austerlitz et de la signature de la paix. Il prie Sa Majesté de décider si, contrairement à des ordres précédents, les généraux peuvent faire consommer des poudres pour des fêtes. Approuvé le passé. Quant à l’avenir, l’Empire est trop grand, les circonstances imprévues se renouvellent trop souvent, pour qu’il ne faille pas laisser une certaine latitude aux généraux de division et aux directeurs d’artillerie. Il convient de leur donner une latitude de cent coups de canon. Ainsi le directeur pourra, sur la demande du commandant ou de tout autre officier, autoriser à tirer des coups de canon dans la limite de ce nombre. Ce crédit de
cent coups épuisé, il en demandera un nouveau.

 

Paris, 5 février 1806

NOTES POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

  1. L’État de Parme et de Plaisance formera provisoirement un État militaire à part. Le général Junot en sera le commandant militaire. Le ministre nommera un commissaire ordonnateur. L’État de Parme et de Plaisance formant aussi provisoirement une direction du génie et une direction d’artillerie, les directeurs seront incessamment nommés. Cette situation provisoire ne durera pas plus de trois ans.

Il sera défendu de faire aucuns nouveaux travaux à l’arsenal et au polygone de Plaisance. Tous ces établissements doivent être transportés à Alexandrie.

  1. Le ministre est invité à demander au général commandant actuellement la division si tous les commandants de place nommés pour les États de Parme et de Plaisance sont à leurs postes.

III. Indépendamment de Bardi, il y a sur les Apennins plusieurs châteaux, qu’il faut comprendre dans les places fortes. Le ministre est invité à en présenter promptement la nomenclature.

  1. Parmi les individus compris dans l’état des militaires des États de Parme, Plaisance et Guastalla, ceux qui ont moins de quarante ans seront admis à servir dans leur grade ; ceux de cet âge qui n’auraient pas pris de service, et ceux en général qui se trouveraient avoir moins de cinquante ans, seront classés dans les forts et auprès des commandants de place, avec jouissance du traitement pour lequel ils sont portés dans l’état. Parmi ceux qui ont plus de cinquante ans, les officiers conserveront leurs traitements, et les sous-officiers et portiers auront un traitement réglé conformément aux lois françaises.

 

Paris, 5 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

Sa Majesté désire que le ministre de la guerre fasse connaître son mécontentement au général Montchoisy. Parme fait partie de la 28e division militaire; le général Montchoisy avait donc dans ces États l’autorité nécessaire. Si au premier mouvement il s’y était porté, l’ordre aurait été rétabli sur-le-champ. Le quart des forces dont on s’est servi aurait suffi, si on l’eût employé avec ordre et méthode. Mais, au contraire, le général commandant la division n’a rien fait : il n’a pas même écrit au ministre de la guerre.