Correspondance de Napoléon – Février 1803
Février 1803
Paris, 2 février 1803
NOTE POUR UNE CIRCULAIRE AUX PRÉFETS.
Quelques Belges, actuellement au service de l’Empereur, se sont considérés comme étrangers, et ont pensé que le sénatus-consulte portant amnistie pour les émigrés ne leur est pas applicable.
Le sénatus-consulte ne faisant aucune exception, et diverses considérations qu’il est inutile d’exposer ici se joignant à la lettre de acte, le droit est contre eux; mais le Premier Consul n’est point d’intention que l’on en use avec rigueur envers les peuples nouvellement réunis et depuis plusieurs siècles attachés à leur ancien souverain. Cependant, tout ce que le Gouvernement peut faire pour les Belges actuellement au service de l’Empereur, c’est de leur laisser l’alternative de renoncer au service de l’Autriche et à tout autre service étranger, et de prêter serment de fidélité à la République, de vendre, dans un délai qui sera fixé, les biens qu’ils possèdent France.
Le grand juge devant soumettre incessamment au Gouvernement un rapport sur cet objet, et ayant besoin, pour envisager la question sous plusieurs points de vue, de renseignements positifs, fera connaître aux préfets qu’il convient que les individus qui, étant dans le cas du sénatus-consulte, ne s’y sont pas conformés, soit que leurs biens se trouvent ou ne se trouvent pas séquestrés, se fassent inscrire et déclarent s’ils veulent ou s’ils ne veulent pas être citoyens français.
Dans le cas de l’affirmative, ils renonceront formellement au service étranger et prêteront serment de fidélité à la République. Dans le cas de la négative, ils vendront leurs biens et seront, en France, considérés et traités comme étrangers, tant sous les rapports des droits civils que sous ceux du droit politique.
Les préfets enverront au grand juge, avant le 15 ventôse, l’état des inscrits et des déclarations négatives et affirmatives. Ces états présenteront, dans plusieurs colonnes, des notions détaillées, tant sur l’âge des individus et l’époque de leur entrée au service de l’Au-triche, que sur les biens qu’ils possèdent, en distinguant les biens ruraux et les forêts.
Saint-Cloud, 3 février 1803
Au conseil Lebrun
Je vous prie, Citoyen Consul, de prendre connaissance du rapport ci-joint. Je ne conçois pas ce que veut dire ce mot de liquidation des pensions nouvellement créées.
Que le conseil général de liquidation liquide les pensions portées du grand-livre sur le nouveau en conséquence de la loi de l’an VI, qu’il liquide les pensions d’émigrés en conséquence de différentes lois, les différentes fournitures des ministres pendant les années V, VI et VII, en conséquence de la loi du 30 ventôse, cela me paraît en règle; qu’il liquide même les anciennes pensions, c’est-à-dire celles des individus qui en avaient avant l’an VI, en conséquence de la foi de l’an VI, cela me paraît encore en règle; mais créer de nouvelles pensions me paraît un acte de gouvernement de premier ordre.
Je vous prie de me faire un rapport qui me fasse connaître quelle est la loi qui autorise le conseil général de liquidation à présenter ce projet, et dès lors les changements qu’il conviendrait de faire.
Saint-Cloud, 3 février 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre aux directeurs de l’artillerie et du génie de pourvoir à l’approvisionnement des places de l’île d’Elbe, et d’en réparer les fortifications et casernes avec plus grande activité. Ces places devant toujours être en bon état, je les rends responsables si, au 1er vendémiaire an XII, les magasins de l’artillerie et du génie ne sont pas approvisionnés et les places en état de soutenir un siège et de faire toute la résistance dont elles sont susceptibles.
Paris, 3 février 1803
DÉCISION
Note sur les passagers détenus, embarqués au Cap-Français, sur le vaisseau le Swiftssure, commandé par le capitaine de vaisseau Hubert. | Renvoyé au ministre de la guerre, pour donner ordre que les mulâtres mauvais sujets soient renvoyés du service, et pour donner qu’on leur ôte l’épaulette, vu qu’ils ne sont point brevetés par le ministre et ne font partie d’aucun corps; leur défendre de porter l’habit militaire. La note ne dit pas dans quel corps ont servi les blancs et s’ils sont brevetés par le ministre. |
Paris, 3 février 1803
Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies
Les 1,200 hommes, Citoyen Ministre, qui sont partis du Havre, ceux prêts à partir de Dunkerque, les trois expéditions parties de Toulon, l’expédition de Gènes, celle de Livourne, les deux expéditions de Corse, feront arriver à la fois un assez grand nombre de troupes à Saint-Domingue.
L’instruction donnée, il y a deux mois, dans la supposition que l’expédition de la Louisiane partirait la première, et qui changeait la destination de la 54e, devient aujourd’hui inutile. Je désire donc que vous changiez cette instruction et que l’expédition de la Louisiane aille tout entière directement à sa destination. Je désire seulement que deux vaisseaux de guerre de la croisière de Saint-Domingue aillent à la la Havane, et de là puissent se porter, s’il était nécessaire, dans
le principal port des États-Unis.
Paris, 3 février 1803
Au contre-amiral Decrès
J’ai pris communication, Citoyen Ministre, des différentes lettres que vous m’avez envoyées. Je n’y vois rien qui puisse faire connaître la véritable situation des colonies. Les gazettes copiées dans le Moniteur ont été remises par le citoyen Marbois. Il serait nécessaire de prendre des mesures pour que, du Cap ou du Port-au-Prince, il vous fût toujours expédié un paquet de journaux. Il serait également nécessaire de faire partir tous les mois, du Havre ou de Bordeaux, un bâtiment pour Saint-Domingue. On s’y plaint qu’on n’y reçoit pas de nouvelles du continent, et il est constant que cette colonie reste souvent deux ou trois mois sans nouvelles de la métropole.
Paris, 4 février 1803
Au capitaine général Rochambeau, commandant en chef l’armée de Saint-Domingue (Jean-Marie Donatien de Vimeur, vicomte de Rochambeau, 1755-1813. Il remplacera Leclerc après la mort de celui-ci. Trouvera la mort à Leipzig)
Le ministre de la marine m’a communiqué vos dépêches du 23 frimaire; j’ai vu avec plaisir la reprise du fort Dauphin; je veux directement vous assurer de l’entière confiance que le Gouvernement a en vous, et de son approbation des mesures de rigueur que les circonstances vous obligent ou vous obligeraient de déployer.
Trois convois partis de Toulon, un parti de Gênes, un de Corse, un du Havre, et deux qui vont partir de Dunkerque et de Rochefort, vous portent 15,000 hommes.
Six dépôts ont été formés pour recruter votre armée, et déjà un grand nombre d’hommes s’y rend de tous côtés.On alimentera la colonie tout l’été; mais, si cela devient nécessaire, comme je le présume, on combinera une expédition de 15 ou 18,000 hommes, de manière à les faire arriver dans la colonie dans les premiers jours de brumaire.
Vous avez déjà rendu des services signalés dans les contrées où vous êtes; vous en avez rendu en Italie. Aujourd’hui vous commandez en chef; rien n’intéresse d’avantage la nation que l’île de Saint-Domingue; soyez-en le restaurateur, et inscrivez votre nom parmi le petit nombre de ceux que le peuple français n’oubliera jamais et que la postérité révérera, parce que ceux qui les ont portés n’auront été animés que par le sentiment de la vraie gloire.
Il est probable que, quand vous aurez reçu cette lettre, la légion d’honneur sera organisée. Vous y serez placé au rang des grands officiers.
Paris, 4 février 1803
DÉCISION
Rapport concernant la créance réclamée par le citoyen Gérard, de Marseille, pour la valeur d’une prise qui a été conduite à Porto-Ferrajo. | Ce sont les Anglais qui doivent payer cette créance. Nous n’acquittons pas les dettes contractées contre nous. |
Saint-Cloud, 5 février 1803
Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies
Quinze mille hommes, Citoyen Ministre, viennent ou vont finir d’être expédiés à Saint-Domingue. Les dépôts des colonies alimenteront ces troupes pendant tout l’été. Mais il faut combiner, aujourd’hui, une expédition de 6,000 hommes, qui s’embarqueront à Toulon ou sur les côtes de Provence; une de 6,000 hommes, qui s’embarqueront à Brest, et une de 3,000 hommes, sur les autres points de la côte de l’océan. Il faudrait que ces expéditions pussent partir le ler fructidor, afin d’arriver avant le 1er brumaire à Saint-Domingue.
Je vous prie de me remettre un projet détaillé de cette expédition. Il faudrait, le plus possible, la faire partir sur des vaisseaux ou des transports de l’État.
Saint-Cloud 5 février 1803
NOTE
On a besoin, pour faire partir an mois de fructidor et pour Saint-Domingue, de 15,000 hommes.
On pourrait les former de la manière suivante :
Il y a cinquante-six bataillons d’infanterie légère qui n’ont point fourni de détachements aux îles. Chacun de ces bataillons pourrait fournir une compagnie de 100 hommes, avec les officiers, qui formeraient 5,600 hommes; ce qui ferait six bataillons, d’infanterie légère.
Il y a deux cent vingt bataillons de ligne qui n’ont point fourni de détachements pour les îles. En demandant une compagnie par bataillon, ce qui ferait 22,000 hommes, et 5.600 hommes d’infanterie légère formeraient 27,600 hommes, et, comme on n’a besoin que de 15,000 hommes, cela ne ferait que la moitié à prendre.
Il y a cinquante-quatre demi-brigades de ligne à trois bataillons, qui n’ont point fourni de détachements pour les îles. En leur demandant à chacune deux compagnies de 100 hommes, cela ferait 10,800 hommes.
Il y a vingt-neuf demi-brigades à deux bataillons. En leur demandant à chacune une compagnie à 100 hommes, cela ferait 9,900 hommes.
Il y a vingt et une demi-brigades d’infanterie légère qui n’ont point fourni de détachements aux îles. En leur demandant deux compagnies de 100 hommes à chacune, cela ferait 4,200 hommes; cela formerait un total de 17,900 hommes.
Saint-Cloud , 8 février 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Je vous prie, Citoyen Ministre, d’ordonner à l’officier commandant les troupes dans le Brisgau de recevoir deux compagnies de troupes autrichiennes qui y seront envoyées de Vienne, et de ne porter aucun obstacle à la prise de possession qui en sera faite par l’envoyé du duc de Modène. Quant aux troupes françaises, elles ne quitteront le Brisgau que par de nouveaux ordres; vous préviendrez le commandant de s’y préparer.
Paris, 8 février 1803
Au citoyen Haüy, membre de l’Institut, professeur de minéralogie au muséum d’histoire naturelle (René Just Haüy, 1743-1822. Il participa à la fabrication du kilogramme-étalon)
La confiance que j’ai dans vos grands talents me porte à désirer que vous vous chargiez de faire un ouvrage élémentaire pour la classe de, mathématiques des lycées nationaux.
Des ouvrages importants vous occupent; mais j’attends de celui-ci le plus grand résultat que l’on puisse se promettre : la propagation des lumières dans une partie aussi importante des connaissances humaines. Je désire donc que vous vous employiez entièrement à cet ouvrage, de manière à l’avoir terminé avant le commencement l’an XII.
J’attends de vous cette preuve de votre attachement et de votre zèle.
Paris, 9 février 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Le Premier Consul désire, Citoyen Ministre, que vous écriviez au général Murat, pour l’inviter à prendre toutes les mesures nécessaires afin que le bataillon de déserteurs étrangers qui se forme à Crémone soit le plus tôt possible porté au complet de 600 hommes; il pourra, si cela est nécessaire, y faire entrer des Polonais et des Suisses, et même des Italiens. Cette formation offrirait ainsi le moyen d’éloigner les hommes turbulents dont la présence peut nuire à la tranquillité de l’Italie.
Le ministre de la marine aura réuni à Gênes les moyens nécessaires pour que l’embarquement de 6 à 700 hommes s’effectue le 20 ventôse. Il convient que le général Murat ait pris ses mesures de manière que le bataillon de déserteurs étrangers soit arrivé à cette époque.
Paris, 9 février 1803
DÉCISION
Le nègre Télémaque remercie le Premier Consul de l’avoir nommé maire du Cap. Il proteste de son dévouement à la République et lui fait part des regrets que lui a causés la mort du général Leclerc. Il ne fait plus qu’un vœu, c’est de voir renaître la tranquillité, afin qu’il puisse retourner en France. | Renvoyé au ministre de la marine, pour recommander spécialement ce brave nègre au général Rochambeau. |