Marseille, 24 pluviôse an II (12 février 1794).
AUX REPRÉSENTANTS DU PEUPLE.
Par des ordres réitérés du ministre, j’ai mis à la disposition des transports militaires :
60 milliers de poudre pour Bayonne;
60 —————————– Nice ;
30 — Perpignan.
150 milliers; pris à Saint-Chamas et au Port-la-Montagne.
Cette place se trouve donc absolument dépourvue ; j’ai instruit le ministre qu’il était indispensable de destiner le produit de la fabrique de Saint-Chamas pendant plusieurs mois pour l’approvisionnement de cette place.
Il est donc impossible de fournir 50 milliers de poudre à la marine.
Marseille et Antibes sont absolument dépourvues. Je viens d’ordonner au Port-la-Montagne que l’on donne provisoirement dix milliers de poudre à la marine, afin que les travaux de l’artifice ne soient pas suspendus, il est indispensable que pendant cet intervalle vous obteniez du Comité de salut public que l’on fasse passer des poudres de ce côté-ci pour les besoins de la marine.
Les pierriers dont nous nous servons aux sièges et pour la défense des places ne sont point propres à la marine.
Je ferai faire la recherche d’espingoles dont nous ne nous servons plus.
Il n’y a point de mousquetons.
Il sera impossible d’avoir des pistolets de calibre.
Les obus de 6 pouces dont nous nous servons sur terre, ayant quatre lignes de moins de vent, ne peuvent pas servir pour les caronades, pour lesquelles l’on ne s’est servi jusqu’à présent que de mitraille et de boulets de 36.
Si la marine persiste à se servir d’obus, je viens de donner l’ordre pour que l’on en mette 780 à sa disposition.
Buonaparte.
Marseille, 24 pluviôse an II (12 février 1794).
AU COMITÉ DE SALUT PUBLIC.
Je vous envoie les changements qu’il est indispensable de faire aux fourneaux à réverbère.
Le département des Bouches-du-Rhône en avait fait construire un à la batterie du Faro, à Marseille, qui n’a pas soutenu le feu. Il est hors de service; il a coûté 12 à 15,000 francs, tandis qu’on en établira de bien mieux faits au tiers de cette dépense.
Il est urgent de mettre de l’ordre dans les dépenses de la guerre relatives à l’artillerie et au génie ; l’on emploie des sommes immenses pour faire du très-mauvais ouvrage.
Il faut aussi que les généraux d’infanterie n’ordonnent aucune réparation, parce qu’ils sont toujours trompés, et, n’entendant rien à nos travaux, ils prêtent l’oreille à des faiseurs d’affaires.
Puisqu’il y a des fonds pour le génie et l’artillerie, pourquoi les commissaires ordonnateurs ordonnancent-ils des dépenses de cette nature sur l’extraordinaire ? Par ce moyen la République paye des ouvrages que les agents de l’artillerie et du génie ont refusé de faire solder.
Pis que cela encore, l’on fait faire à la République des travaux inutiles, nuisibles et qu’il faut défaire.
Je viens de la tour de Bouc, près Martigues ; il y avait quatre pièces de 16 en bronze montées sur très-bons affûts de place; on les a convertis en affûts marins, prétendant que les affûts de place ne valent rien.
Sur cette côte l’on a dépensé beaucoup d’argent à faire de la mauvaise besogne.
Un des objets qui méritent aussi votre attention et votre sollicitude, c’est un décret qui fixe invariablement l’organisation des canonniers occupés aux batteries de la côte. J’ai fait adopter par les représentants du peuple un règlement provisoire, mais qui n’est pas suffisant ; il faut une loi précise.
L’on paye beaucoup trop de monde et sans proportion de service et d’utilité.
Buonaparte.
Port-la-Montagne, 5 ventôse an II (23 février 1794).
AU CITOYEN MAZURIER, adjoint au ministre de la guerre.
Les représentants ont, par l’arrêté dont tu trouveras ici copie, rappelé, pour le service de la marine, les marins qui servaient aux batteries de la côte. Je pourvois à leur remplacement; il serait urgent qu’il y eut une organisation fixe pour le service de la côte.
A la plupart des batteries, les premiers et seconds canonniers commandant les batteries sont payés à 7 1. par jour, d’autres le sont comme capitaines d’artillerie de 1e classe; les représentants viennent de faire un arrêté qui modifiera un peu cette dépense ; je t’en envoie une copie.
Je n’ai, conformément à ta lettre, placé qu’un canonnier pour les petites batteries et deux pour les plus grandes, ce qui fera un canonnier pour deux à trois pièces.
Buonaparte.
Port-la-Montagne. 5 ventôse an II (23 février 1794).
AU CITOYEN MAZURIER.
Pendant le siège de Toulon, le général de l’armée me donna l’ordre de faire une tournée à Marseille pour mettre en défense Saint-Nicolas et Saint-Jean.
Lorsque cette ville a été mise en état de siège, les représentants, par un arrêté dont tu trouveras ici copie, me chargèrent nominativement de mettre sur un pied respectable les forts Saint-Nicolas et Saint- Jean. Par mon rapport, je leur fis sentir que Saint-Nicolas ne servait qu’à maîtriser la ville, qu’il était absolument hors de défense, et qu’il fallait y rétablir une des deux enceintes, si l’on avait des raisons politiques qui ordonnassent de s’assurer de cette forteresse. En même temps j’en rendis compte au ministre. Les choses en sont toujours restées là. J’ai donc été bien loin de faire des dispositions pour relever les enceintes de Saint-Nicolas. Je sais trop que cette opération importante exige, non-seulement un ordre du ministre, mais même de la Convention ou du Comité de salut public. Je suis donc convaincu que cette forteresse ne peut être utile qu’à maîtriser la ville.
Si j’ai ordonné des changements aux batteries de la côte, c’est que les représentants du peuple m’en ont chargé ; mais mon emploi même m’en impose le devoir. Ce sont des changements qui sont de toute évidence et pressent.
La plupart des batteries de cette côte, surtout du côté de Marseille , ont été faites par les architectes du département ; aucun officier d’artillerie ne s’en est mêlé, de sorte que beaucoup sont mal tracées et mal construites ; il y en a où les canonniers sont à découvert jusqu’aux pieds, quoiqu’il y ait un épaulement; il y en a qui présentent le flanc à la haute mer ; j’ai dû ordonner des traverses faire hausser les épaulements, ordonner les réparations des chemins de plate-forme.
Les escadres ennemies croisent devant la côte, ce qui me fait penser que je dois continuer dans ma tournée jusqu’à Menton, et agir de même, à moins que tu ne me donnes positivement l’ordre de ne faire aucun changement aux batteries de la côte sans l’agrément du ministre, qui, je crois, ne doit pas douter que je mettrai toujours du zèle et de la circonspection dans le service de la République.
Je t’enverrai, dès le moment que j’aurai fini ma tournée, un état où il y aura le nom des batteries, depuis les bouches du Rhône jusqu’à Menton, les objets, les changements que j’ai ordonnés, leur approvisionnement, l’état du personnel des hommes qui servent les batteries.
Buonaparte
Port-la-Montagne, 7 ventôse an II (25 février 1794).
AU CITOYEN MAIGRET, représentant du peuple.
Je n’ai reçu qu’aujourd’hui ta lettre du 30 pluviôse; je t’envoie sur-le-champ ce que tu demandes.
Tout ce qui est porté à la colonne des changements est ordonné et l’on y travaille à force. Avant la belle saison, je ferai une nouvelle inspection. La défense de la côte avait été jusqu’ici livrée à des architectes qui avaient de la bonne volonté, mais non pas des connaissances militaires.
La côte du département des Bouches-du-Rhône s’étend depuis les bouches du Rhône jusqu’à la Ciotat ; si tu désires le reste des côtes, je te les enverrai à la lin de ma tournée à Nice.
Il y a, à Marseille, le citoyen Sugny, directeur d’artillerie , qui te donnera toutes les connaissances de détails et d’exécution que tu pourrais désirer.
Il y a le citoyen Ponge, ingénieur du département, que j’ai chargé du détail de l’exécution de tous les changements qui sont en maçonnerie et pour les fours à réverbère.
Après que les changements que j’ordonne seront exécutés, tu peux être sûr que la côte sera sur un pied plus respectable que jamais.
Le personnel a été réglé par un arrêté de tes collègues. Il souffre un peu de confusion parce que les marins ont été rappelés au service de la marine. Les bons canonniers deviennent rares. Fais, je t’en prie y prendre cela en considération à la Convention. L’on ne saurait assez faire attention à cette partie essentielle de l’armée.
Si tu as besoin de moi, tu m’écriras à Nice, pour où je pars dans l’instant.
Buonaparte.
Hëraclée. 10 ventôse An II (28 février 1794).
AU COMITÉ DE SALUT PUBLIC.
Je m’occupe depuis la prise de Port-la-Montagne à mettre nos côtes sur un état de défense respectable.
J’ai visité celles comprises depuis les bouches du Rhône jusqu’à Héraclée : on travaille partout à perfectionner les anciennes batteries et à en construire de nouvelles dans plusieurs endroits où je l’ai jugé indispensable.
L’on travaille à la fois à un grand nombre de fours à réverbère.
Le golfe d’Héraclée est bloqué par une escadre ennemie qui intercepte nos convois ; ils ont déjà pris quelques bâtiments chargés de vivres. Deux batteries que je vais faire établir, l’une au cap Lardier et l’autre au cap Taillat, protégeront désormais ces convois : dès que ces deux batteries seront en état, j’espère que la communication de Nice à Marseille sera libre et pourra s’opérer à la vue même des escadres ennemies.
Indépendamment de l’objet important de favoriser nos convois, j’ai pensé devoir faire renforcer les batteries de cette rade, afin qu’elles puissent, en cas de besoin, protéger notre escadre. Tout ce côté-ci est faible et a besoin d’un grand nombre de pièces.
La rade d’Hyères a, sous ce point de vue, particulièrement attiré mon attention; l’on y établit dans ce moment-ci les batteries des Républicains et de la Convention, chacune composée de quatre pièces de 36, deux de 18, et deux mortiers à plaque.
Ces deux batteries, situées l’une dans l’île de Porquerolles et l’autre dans l’île Port-Cros, sont indépendantes du reste de l’armement des forts de ces deux îles ; je fais établir à Brégançon, à Gapeau et à Giens, des pièces de 36 ; de sorte qu’avant peu de temps l’immense rade d’Hyères sera aussi bien défendue qu’il est possible et pourra offrir un refuge à notre escadre, quelle que soit la force de nos ennemis.
Je pars aujourd’hui pour achever l’inspection de la côte jusqu’à Menton. Dès que je l’aurai achevée, je vous enverrai un tableau général où vous verrez le but de chaque batterie, la situation où elle se trouvait, les changements qu’on a opérés, l’état de l’approvisionnement, l’état du personnel des canonniers qui les servent.
J’ai cru, en attendant , vous devoir ces détails, parce qu’il m’est revenu que vous avez des inquiétudes sur la situation de cette côte.
Buonaparte.
Héraclée, 10 ventôse an II (28 février 1794).
AU CITOYEN MAIGRET.
Il est encore arrivé ce soir des bâtiments chargés de blé dans cette rade ; mais l’escadre ennemie les empêche de se hasarder à passer ; les petits bâtiments n’attendent qu’un temps plus favorable.
Je vais faire établir deux batteries, qui, dès qu’elles seront achevées, rendront le cabotage de la côte sûr, à la vue même de l’escadre ennemie.
Le point de la côte le plus difficile, et où les ennemis interceptent nos convois, est entre Héraclée et Cavalaire, et c’est positivement sur les deux points intermédiaires, appelés le cap Lardier et le cap Taillât, que l’on va placer ces deux nouvelles batteries.
Buonaparte.