Correspondance de Napoléon – Avril 1807

Finkenstein, 23 avril 1807    

A M. Cambacérès

Je vous envoie le plan de Danzig, sur lequel sont tracés tous les ouvrages du siége jusqu’aujourd’hui 23 que commencera le feu. Faites-le graver et répandre. Cela fera que le public pourra suivre les opérations du siège.

 

Finkenstein, 23 avril 1807

DÉCISION

Le ministre de la marine soumet à l’Empereur un projet d’établissement de cartel pour l’échange des prisonniers de guerre avec l’Angleterre.Il faut réclamer l’armée de Hanovre qui est actuellement au service de l’Angleterre sous le nom de Légion du Nord. Si l’Angleterre consent à ces conditions, j’approuve l’échange ainsi que l’établissement d’un cartel; mais je ne veux pas d’agents anglais à Paris.

 

Finkenstein, 23 avril 1807, midi

Au maréchal Lefebvre

Je reçois vos lettres du 21 et du 22. J’apprends avec un vrai plaisir que vous vous trouverez en état de commencer le feu ce soir, 23.

Hier, 22, soixante et dix milliers de poudre, avec 4 mortiers, 6 obusiers et des obus et bombes ont passé à la hauteur de Marienwerder.

J’attends avec impatience la prise de Danzig. Vous devez sans doute vous méfier de ce que l’ennemi pourrait tenter du côté du Frische-Haff; il y est tellement en force que nous n’avons pu y armer que deux mauvaises chaloupes canonnières; ainsi il est maître de tout ce haff. Il est donc possible qu’il essaye de jeter quelques bataillons pour vous faire du mal; mais ce ne seront que des prussiens, qui ne tiendront pas en pleine campagne. Ayez une réserve prête à vous porter partout.

Vous ne me parlez pas du beau 12e que je vous ai envoyé; en vérité, vous êtes un ingrat. Si vous avez des nouvelles du 7e provisoire, ordonnez-lui de se rendre devant Danzig, sans obtempérer aux ordres du gouverneur de Stettin.

Le maréchal Mortier a battu les Suédois et les a mis dans le plus grand désordre. On petit considérer cette petite pièce comme finie.

Je reste toujours dans l’opinion que vous devriez faire jeter un pont de radeaux sur la basse Vistule. C’est le moyen de contenir la garnison qui, lorsqu’elle sera réduite, essayera de se jeter dans le camp retranché, tentative qu’elle fera certainement.

 

Finkenstein, 23 avril 1807

72e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Les opérations du maréchal Mortier ont réussi comme on pouvait le désirer. Les Suédois ont eu l’imprudence de passer la Peene, de déboucher sur Anklam et Demmin, et de se porter sur Pasewalk. Le 16, avant le jour, le maréchal Mortier réunit ses troupes, déboucha de Pasewalk sur la route d’Anklam , culbuta les positions de Belling et de Ferdinandshof, fit 400 prisonniers, prit deux pièces de canon, entra pêle-mêle avee l’ennemi dans Anklam, et s’empara de son pont sur la Peene.

La colonne du général suédois Cardell a été coupée. Elle était à Uckermünde lorsque nous étions déjà à Anklam. Le général en chef suédois d’Armfeld a été blessé d’un coup de mitraille. Tous les magasins de l’ennemi ont été pris.

La colonne coupée du général Cardell a été attaquée, le 17, à Uckermünde , par le général de brigade Veaux. Elle a perdu trois pièces de canon et 500 prisonniers. Le reste s’est embarqué sur des chaloupes canonnières sur le haff. Deux autres pièces de canon et 100 hommes ont été pris du côté de Demmin.

Le baron d’Essen, qui se trouve commander l’armée suédoise en l’absence du général d’Armfeld, a proposé une trêve au maréchal Mortier, en lui faisant connaître qu’il avait l’autorisation spéciale du Roi pour sa conclusion. La paix, et même une trêve accordée à la Suède, remplirait les plus chers désirs de l’Empereur, qui a toujours éprouvé une véritable douleur de faire la guerre à une nation généreuse, brave, géographiquement et historiquement amie de la France. Et, dans le fait, le sang suédois doit-il être versé pour la défense de l’empire ottoman, ou pour sa ruine ? doit-il être versé pour maintenir l’équilibre des mers, ou pour leur asservissement ? Qu’a à craindre la Suède de la France ? Rien. Qu’a-t-elle à craindre de la Russie ? Tout. Ces raisons sont trop solides pour que, dans un cabinet aussi éclairé et chez une nation qui a des lumières et de l’opinion, la guerre actuelle n’ait promptement un terme. Immédiatement après la bataille d’Iéna, l’Empereur fit connaître le désir qu’il avait de rétablir les anciennes relations de la Suède avec la France. Ces premières ouvertures furent faites au ministre de Suède à Hambourg; mais elles furent repoussées. L’instruction de l’Empereur à ses généraux a toujours été de traiter les Suédois comme des amis avec lesquels nous sommes brouillés, et avec lesquels la nature des choses ne tardera pas à nous remettre en paix. Ce sont là les plus chers intérêts des deux peuples. S’ils nous faisaient du mal, ils le pleureraient un jour; et nous, nous voudrions réparer le mal que nous leur aurions fait. L’intérêt de l’État l’emporte tôt ou tard sur les brouilleries et sur les petites passions. Ce sont les propres termes des ordres de l’Empereur. C’est dans ce sentiment que l’Empereur a contremandé les opérations du siège de Stralsund et en a fait revenir les mortiers et les pièces qu’on y avait envoyés de Stettin. Il écrivait dans ces termes au général Mortier :  » Je regrette déjà ce qui s’est fait. Je suis fâché que le beau faubourg de Stralsund ait été brûlé. Est-ce à nous à faire du mal à la Suède ? Ceci n’est qu’un rêve. C’est à nous à la défendre, et non à lui faire du mal. Faites-lui-en le moins que vous pourrez. Proposez au gouverneur de Stralsund un armistice, une suspension d’armes, afin d’alléger et de rendre moins funeste une guerre que je regarde comme criminelle, parce qu’elle est impolitique. »

La suspension d’armes a été signée, le 18, entre le maréchal Mortier et le baron d’Essen.

Le siège de Danzig se continue.

Le 16 avril, à huit heures du soir, un détachement de 9,000 hommes et six pièces de canon de la garnison de Glatz marcha sur la droite de la position de Frankenstein. Le lendemain 17, à la pointe du jour, une nouvelle colonne de 800 hommes sortit de Silberberg. Ces troupes réunies marchèrent sur Frankenstein et commencèrent l’attaque à cinq heures du matin pour en déloger le général Lefebvre, qui était là avec son corps d’observation. Le prince Jérôme partit de Münsterberg au premier coup de canon, et arriva à dix heures du matin à Frankenstein. L’ennemi a été complètement battu et poursuivi jusque sur les chemins couverts de Glatz. On lui a fait 600 prisonniers et pris trois pièces de canon. Parmi les prisonniers se trouvent un major et 8 officiers; 300 morts sont restés sur le champ de bataille; 400 hommes s’étant perdus dans les bois furent attaqués à onze heures du matin et pris. Le colonel Beckers, commandant le 6e régiment de ligne bavarois, et le colonel Scharffenstein, des troupes de Wurtemberg, ont fait des prodiges de valeur. Le premier, quoique blessé à l’épaule, ne voulut point quitter le champ de bataille; il se portait partout avec son bataillon, et partout faisait des prodiges L’Empereur a accordé à chacun de ces officiers l’aigle de la Légion d’honneur. Le capitaine Brockfeld, commandant provisoirement les chasseurs à cheval de Wurtemberg, s’est fait remarquer; c’est lui qui a pris les pièces de canon.

Le siège de Neisse avance. La ville est déjà à demi brûlée, et les tranchées approchent de la place.

 

Finkenstein, 24 avril 1807

A M. Fouché

Il paraîtrait, par votre lettre du 13, qu’effectivement Puisaye est à Jersey, et qu’il s’est mis à la tête de.toutes ces intrigues. J’avais meilleure opinion de sa tête. Est-il sûr que cet homme se soit ainsi compromis ?

 

Finkenstein, 24 avril 1807

A M. Fouché

Je reçois vos lettres des 13 et 14. Je ne sais pas ce que c’est que cette discussion au Conseil d’État, Si vous m’en eussiez remis une note, j’aurais compris ce que vous vouliez me dire. Vous me parlez toujours trop mystérieusement. C’est à vous à m’instruire de tout, et vous supposez toujours que je sais tout.

 

Finkenstein, 24 avril 1807

Au général Rampon, commandant les gardes nationales des départements du Nord, du Pas-de-Calais, etc.

Je reçois votre lettre du 11 avril. Le poste que vous occupez es très-important. Je vous recommande de bien exercer mes garde nationales. Je me fie à leur zèle et au vôtre pour défendre ce qu’il y a de plus précieux et maintenir l’honneur et l’inviolabilité du territoire sacré.

 

Finkenstein, 24 avril 1807

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Flessingue est en sûreté toutes les fois qu’il y des vivres. Vous pouvez correspondre avec le général Dejean, le roi de Hollande, le gouverneur de Flessingue, et vous-même mettre en dépôt quelques vivres pour l’approvisionnement de nos vaisseaux.

 

Finkenstein, 24 avril 1807

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je viens de recevoir une lettre du roi de Prusse. Pour vous mettre au fait de cette lettre, je vous envoie la copie de celles qui ont passé entre nous depuis deux mois.

Copenhague est un lieu qui me convient fort. C’est celui que, dans ma pensée, j’avais choisi moi-même. Deux articles de la lettre me déplaisent. Le premier, qui est relatif à Constantinople; mais il faut supposer que ce n’est pas là un ultimatum; cela est tellement injuste qu’il faut penser qu’ils n’y tiendront pas. Le second est relatif à l’indemnisation; mais je pense qu’elle regarde plutôt le roi de Naples que le roi de Sardaigne. Ce qui me parait le plus clair, c’est qu’ils espèrent avoir la réponse dans quatre ou cinq jours, et que sur-le-champ ils proposeraient un armistice; tout cela pour sauver Danzig. Le feu a commencé aujourd’hui, et il est probable que j’aurai cette place dans quinze jours.

Faites-moi un projet de lettre comme vous pensez que je doive répondre à la lettre du roi de Prusse.

Je pense qu’il ne faut rien dire de cela à M. de Vincent. Puisque vous avez ignoré les autres lettres, il est, à la rigueur, possible que vous ignoriez celle-ci.

Envoyez-moi, je vous prie, ce traité de Sistova que je n’ai pas présent, et une note sur les différentes relations de la Porte avec la Russie et sur le rôle qu’y a joué la France.

 

Finkenstein, 24 avril 1807

Au prince Jérôme

Je reçois votre lettre du 10 avril. J’ai accordé un avancement dans la Légion d’honneur au général Lefebvre. J’ai fait ce que vous désiriez pour les officiers bavarois et wurtembergeois. Renvoyez-moi mes cuirassiers et ma cavalerie légère, j’en ai besoin; gardez les dragons. Qu’avez-vous besoin de retourner à Breslau ? Restez au camp. J’aurais voulu qu’au lieu du général Lefebvre ce fût vous qui eussiez été au milieu du feu. J’attends que vous m’appreniez bientôt que Neisse est pris. En me privant de 2,000 chevaux, vous me faites grand tort. Pourquoi laissez-vous Lefebvre avec 1,800 hommes ? Il faut vous-même baraquer là avec tout votre monde, Le général Lefebvre s’est bien conduit, mais vous n’avez pu venir à son secours qu’à onze heures du matin. Il est de principe à la guerre que même un corps de 12,000 hommes ne peut être éloigné de plus d’une heure du gros de l’armée. Si Lefebvre eût été battu, vous l’eussiez été aussi à onze heures; ainsi vous vous seriez compromis. Faites véritablement la guerre. Portez-vous là, ayez là vos 6,000 hommes réunis. Jetez à une lieue en avant, sur le chemin de Glatz, et à une lieue en avant de Silberberg , deux fortes avant-gardes, qui elles-mêmes tiendront des postes à une demi-lieue en avant. Vous n’avez alors rien à craindre de la garnison de Glatz , et vous pourrez me renvoyer ma cavalerie. Vous devez être levé à une heure du matin. Vos troupes doivent être sous les armes à deux heures, et vous au milieu d’elles pour recevoir les reconnaissances qui auront été envoyées sur tous les points. Vous ne devez rentrer à Frankenstein qu’à huit heures du matin, lorsqu’il est certain qu’il n’y a rien de nouveau.

Je regarde vos opérations ; le succès ne fait rien , mais je ne vois pas encore que vous fassiez la guerre. Comment Hédonville et Deroy ne vous disent-ils pas cela ? C’est que chacun aime à flatter un prince, et que chacun aime à rester tranquille dans une bonne ville. Au milieu de cela vous n’acquérez pas d’expérience. Quelle leçon perdue pour vous que ce combat de Frankenstein ! La guerre ne s’apprend qu’en allant au feu.

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Le feu a commencé aujourd’hui devant Danzig. Nous y avons 60 pièces de canon de gros calibre en batterie.

Les Suédois ont été battus par le maréchal Mortier, qui leur a fait 1,000 à 1,100 prisonniers et pris six pièces de canon.

 

Finkenstein, 24 avril 1807

Au général Clarke

Faites interroger les prisonniers suédois à mesure qu’ils passeront, pour tâcher de deviner quel était le nombre des Suédois dans la garnison de Stralsund, leur force, et en général l’état de l’armée suédoise. J’ai ratifié l’armistice avec la seule condition qu’on sera obligé de se prévenir un mois avant la reprise des Hostilités. A défaut de refuser cette condition, j’ai ordonné qu’on évacue la Poméranie suédoise.

 

Finkenstein, 24 avril 1807

Au général Clarke

La division Boudet arrive les 26, 27 et 28 à Augsbourg. Elle se mettra en marche le 29 par la route de Donauw0erth, Nuremberg, Bamberg, Iéna et Halle. Elle est composée de trois bataillons du 56e, de deux du 93e et de deux du 3e léger, avec son artillerie et tout ce qui lui est nécessaire. Cette division arrivera à Halle le 12 mai et au plus tard le 14. Comme elle fait beaucoup de journées de six à huit lieues, j’ai ordonné à ce général de vous envoyer un aide de camp pour que, si les circonstances l’exigeaient, vous les fassiez doubler de marches. Je n’ai pas besoin de vous dire que ce serait un grand malheur si cette division était obligée de forcer de marches. Au contraire, je trouve que les marches qu’elle fait sont déjà trop considérables. Ainsi mon intention est de la faire séjourner quelques jours à Halle, si rien ne s’y oppose. Vous en profiterez pour faire nettoyer cette ville et prendre toutes les mesures que vous jugerez convenables.

La division Molitor arrive les 29, 30 avril, 1er et 2 mai. Mon intention est de la réunir à Magdeburg, où elle sera avant le 20 mai; elle a aussi son artillerie et tout ce qui lui est nécessaire. En cas d’événements, elle sera aussi à votre disposition pour la faire doubler de marches. Voilà donc de gros et puissants renforts derrière vous. C’est une raison de plus pour diriger sans délai tous les régiments provisoires, soit de cavalerie, soit d’infanterie, sur l’armée. La division Molitor est composée des 2e, 16e, 37e et 67e de ligne; tout cela est d’excellentes troupes.

Le maréchal Brune me mande qu’il a mis en mouvement 10,000 hommes.

Écrivez au maréchal Brune la nouvelle de l’arrivée de ces troupes, afin qu’il en exagère encore le nombre et les fasse mettre dans tous les journaux. Cela le rassurera aussi.

Les troupes espagnoles passent les Pyrénées. Mais il ne faut pas y compter avant juin.

Mandez aussi au maréchal Mortier l’arrivée de ces troupes.

 

Finkenstein, 24 avril 1807

NOTE POUR LE GÉNÉRAL LERY SUR LE PROJET D’OSOPPO

(François-Joseph d’Estienne de Chaussegros, baron de Lery, 1754-1824. Sorti de  l’´cole du génie de Mézières. Général de brigade depuis 1799)

Le projet qu’on propose tend à dépenser 500,000 livres assez inutilement. L’ouvrage 14 est tellement dominé que c’est 100,000 francs perdus. Tous les autres ouvrages ne donnent aucune nouvelle force à la place. Le tracé est généralement mauvais, car on voit que l’ouvrage 16 n’est pas flanqué; mais cela n’a pas d’inconvénient parce que, dans le fait, ces ouvrages sont inutiles. Osoppo ressemble un peu aux fortifications anciennes; on n’y connaissait pas les feux de flanc, on tirait toute la défense du commandement; le canon jetant à terre les murailles hautes aussi facilement que les murailles basses, il a fallu renoncer à ce genre de fortification. Mais Osoppo est un rocher et non une muraille. Là le canon ne peut rien; 100 ou 200 pieds de commandement en rendent l’accès impossible.

Que veut-on ? Un chemin couvert au pied et tout autour du rocher, qui fasse que les troupes puissent s’y réfugier après les sorties. Comme il sera défendu par les feux d’en haut, il suffira d’y avoir des ouvrages en terre qui coûteront peu d’argent. On voudrait qu’un corps de troupes pût y trouver protection; mais il est encore un autre avantage qu’Osoppo doit donner : c’est un pont sur le Tagliamento. Cette rivière est toujours un obstacle, et très-souvent un obstacle infranchissable. Il sera d’un grand avantage d’y avoir un pont sur pilotis permanent; ce sera la plus belle propriété de cette place. Pour cela faire on propose :

1° D’occuper l’extrémité de la hauteur Saint-Roch par une simple redoute casematée et à feux de revers;

2° D’occuper, par une autre redoute revêtue, le petit mamelon du haut Tagliamento;

3° D’établir un camp retranché en terre, entre Osoppo et le Tagliamento, éloigné de 950 toises du pied du rocher. On diguera le Tagliamento de manière qu’il ne puisse inonder ce camp. Enfin on établira vis-à-vis un pont avec une tête de pont dont on pourra maçonner le réduit et mettre, par la suite, tous les ouvrages. Alors le côté du rocher qui regarde le Tagliamento sera suffisamment défendu. Le côté qui regarde la hauteur Saint-Roch sera, aussi, bien défendu. Il ne restera plus que le grand côté qui regarde la prairie. On pense qu’il suffira d’une redoute maçonnée, placée à 50 toises en avant du chemin couvert, flanquant tout le chemin couvert et défendue par la hauteur; bien entendu que cette redoute aura elle- même son chemin couvert.

Ce projet coûtera moins que l’autre. Il faut que le camp retranché soit tracé de manière que, quand la redoute casematée sera prise, elle ait le moins d’effet possible sur le camp retranché. C’est pour cela qu’on propose d’éloigner le camp à 200 toises de la hauteur Saint-Roch.

Si par la suite on veut maçonner quelque ouvrage, on revêtira le demi-bastion de la rivière qui est exprès tracé d’une manière isolée, afin que , la hauteur Saint-Roch étant prise , l’ennemi qui voudra forcer le camp retranché, et qui naturellement l’attaquera par l’endroit le plus éloigné du fort pour être d’autant moins exposé à ses feux, trouve là aussi plus de résistance. Ainsi on aura deux camps retranchés.

Lorsque l’ennemi aura pris la hauteur Saint-Roch, il restera encore un très-bon camp retranché. L’ennemi ne pouvant insulter ce camp que devant la redoute de la hauteur Saint-Roch, ou la redoute du petit mamelon, il lui faudra du gros canon et du temps. Enfin le chemin couvert d’Osoppo sera toujours à l’abri de toute insulte sous un si fort commandement et protégé par la flèche en avant; et, lorsqu’on aura enlevé le camp, le fort d’Osoppo restera en entier.

Si dans le camp retranché il y a une division de 5 ou 6,000 hommes, elle aura un pont pour sa retraite; et, si l’ennemi passe deux fois le Tagliamento pour la bloquer, on sent l’avantage que cela donne à cette division par la quantité de forces que ce blocus exigera de l’ennemi.

Dans le cas où il n’y aurait que 7 à 800 hommes dans Osoppo, 100 hommes dans la redoute de la hauteur Saint-Roch, 100 hommes dans la redoute du petit mamelon, 100 hommes dans la redoute des chemins couverts, 100 hommes au réduit de la tête de pont, 3 à 400 hommes sur le plateau du fort d’Osoppo, obligeront l’ennemi à ouvrir la tranchée. Tous les magasins seront en sûreté. Enfin l’avantage d’avoir un pont bien solidement établi sur le Tagliamento mérite une grande considération et aussi le sacrifice de quelques centaines d’hommes qu’on laissera de plus en garnison dans cette place, comme de la dépense de quelque cent mille francs de plus pour s’assurer cette précieuse propriété. Il peut arriver tel événement où cet avantage sauve toute l’armée.

 

Finkenstein, 24 avril 1807

Au roi de Naples

Je reçois votre lettre du 2 avril. Je vois avec plaisir que vous êtes content de l’esprit de vos peuples.

Le feu a commencé ce matin devant Danzig. Il y a 80 bouches à feu et nos batteries ne sont qu’à 40 toises de la place.

L’empereur de Russie est arrivé à son armée; il paraît qu’on a tenu un grand conseil de guerre sur les moyens de tenter le déblocus de Danzig; mais le courage a manqué , et ils restent tranquilles.

Moi, je mets tous mes soins à prendre cette place, qui me donnera 18,000 prisonniers et remettra 25,000 hommes à ma disposition.

 

Finkenstein, 25 avril 1807

A l’Impératrice

Je reçois ta lettre du 12. Je vois que ta santé est bonne et que tu as un grand plaisir à aller à Malmaison. Le temps depuis hier est devenu beau. J’espère qu’il te soutiendra. Rien de nouveau ici. Je me porte fort biem, seulement je me plains de trop de sagess, cela fait mal.

Adieu mon amie. Ne te fais pas cachotière, tu es bien comme tu es.

Tout à toi.

Np

 

Finkenstein, 25 avril 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 15 avril. Vous ne sauriez trop persuader à M. de Champagny qu’en France, dans un espace de dix ans, il y a plusieurs bonnes années, plusieurs médiocres, suivies d’une très-mauvaise, et que, dès lors, sans le double approvisionnement qui doit toujours exister, nous nous trouverions dans le plus grand danger.

Je vais monter à cheval dans une heure pour faire une vingtaine de lieues sur le bas de la Vistule jusqu’à la mer; je coucherai probablement à Marienburg.

 

Finkenstein, 25 avril 1807

Au prince Jérôme

Mon Frère, j’ai reçu votre lettre du 17 avril avec la lettre adressée à M. de Talleyrand. Répondez an roi de Wurtemberg que des circonstances momentanées m’ont forcé à faire un détachement de son armée, mais que je la réunirai le plus tôt possible.

 

Finkenstein, 25 avril 1807

Au général Clarke

Je reçois votre lettre du 21 avril. Vous êtes assuré actuellement d’avoir derrière vous des forces considérables, puisque je vous ai annoncé, par ma dernière lettre, que 15 bataillons formant deux divisions et ayant leur artillerie, seraient sur l’Elbe avant le 20 mai. Il n’y a donc point d’inconvénient à diriger les régiments provisoires sur Thorn et Marienwerder. Dirigez-y donc les 5e, 6e, 7e, 8e provisoires. Vous en avez quatre autres; gardez-en seulement deux pour la garnison de Stettin et de Küstrin, et dirigez les deux autres sur l’armée. Le maréchal Kellermann me mande que les 15e et 16e provisoires sont partis; que le régiment provisoire de la garnison de Magdeburg arrivera dans cette place aux premiers jours de mai : préparez tout pour son habillement et équipement. Il m’importe beaucoup d’avoir mes seize régiments provisoires, d’abord parce que cela recrute mes cadres et parce que cela donne de l’élan à l’armée qui voit ses pertes réparées, et qu’enfin, en renvoyant les officiers et sous-officiers en France, ce sera des cadres pour la nouvelle conscription.

Je ne doute pas que les Suédois n’adhèrent à la modification que j’ai proposée à l’armistice. D’ailleurs, les renforts qui doivent rejoindre le maréchal Mortier sont tellement près, qu’il n’y a pas d’inconvénient à envoyer sur la Vistule tous les régiments provisoires et détachements, et tout ce qui, enfin, peut renforcer ma cavalerie et mon infanterie sur la Vistule.

On a commencé le feu depuis hier à Danzig. Le feu a déjà été dans la ville. Nous avons 60 pièces de canon de gros calibre, et nos batteries sont à 40, 50 et 60 toises de la place.

 

Finkenstein, 25 avril 1807

A Louis

Je reçois votre lettre du 16 avril. Je suis fâché que vous ne distinguiez pas entre ce que c’est que faire faire une quête à des particuliers, ce qui est peu digne d’un roi, et demander pour les besoins de l’État la sanction du corps qui représente la nation.

Il n’est pas non plus exact de dire que vous avez répondu à tous ceux qui demandent votre ordre de s’adresser à moi; si vous aviez fait cela, vous eussiez bien fait. Vous l’avez accordé à Brune, à Portalis et à plusieurs autres individus. La permission est une chose d’usage qui ne se refuse jamais; c’est la première fois que je l’ai refusée.

Je n’ai jamais non plus pensé que vous deviez rien faire pour les catholiques mais que vous ne deviez pas les décourager surtout, que vous ne deviez rétablir aucun titre dans votre cour.

L’institution de votre ordre n’a pas de sens; beaucoup de choses qui seront bonnes dans un an ne le sont pas aujourd’hui. Vous vous lamentez dans de vaines protestations. Un jour l’expérience vous prouvera combien j’avais raison. Du reste, ce n’est pas trop exiger que de demander que vous-même ne refusiez pas à mes serviteurs une chose qui ne se refuse jamais, de n’accorder votre ordre à personne qui soit français.

Quant aux notes que vous m’avez envoyées, je ne sais qui les a faites. Je vois dans la note 4 que les Hollandais espéraient que, dans le système de guerre, ils n’auraient qu’une armée peu nombreuse et que les légions françaises leur serviraient de boucliers. Voilà une plaisante idée: un État qui veut être indépendant et ne veut pas avoir d’armée.

Si les Hollandais ont vendu leurs colonies aux Anglais, se sont laissés conquérir par tout le monde, s’ils sont sans conscription, sans énergie, de qui est-ce la faute, si ce n’est la leur ?

 

Finkenstein, 26 avril 1807, 10 heures du soir

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois vos lettres du 24. Je suis arrivé il y a deux heures de Marienburg. Je ne vous écris qu’un mot, car j’ai fait aujourd’hui plus de trente lieues à cheval, et je vais me coucher. Écrivez à Sebastiani. Donnez-lui des nouvelles de Danzig; dites-lui que la mauvaise saison me retient dans mes positions qui protégent le siège de cette place; que nous en sommes à 20 toises et que nous y avons 60 bouches à feu en batterie. Écrivez-lui également que la Russie m’a fait des propositions de paix; que l’Autriche a offert sa médiation, et que j’ai déclaré que je ne traiterai point sans mes alliés, parmi lesquels la Porte tient le premier rang; qu’il convient que la Porte envoie des instructions à son ministre à Varsovie pour assister au congrès, si toutefois il y en a; que je ne séparerai jamais ma cause de celle de la Porte; mais que le moment où on parle de paix est celui où il faut redoubler de préparatifs et multiplier les ressources; que j’apprendrai avec plaisir que le vizir aura passé le Danube, et qu’alors, et quand j’aurai pris Danzig, je me mettrai en mouvement pour chasser loin les Russes.

Vous me dites qu’on aperçoit des mouvements dans l’armée russe, mais vous ne me donnez pas de détails. Je suppose que, si vous en avez eu , vous me les aurez transmis promptement. Vous pouvez me parler sans mystère; il n’y a plus de crainte que vos dépêches soient perdues. L’ambassadeur persan est arrivé pendant mon absence et s’est couché.

 

Finkenstein, 27 avril 1807     

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, j’ai vu ce matin l’ambassadeur persan. J’ai coupé court à toutes ses phrases orientales, et je lui ai demandé net l’état de la question, en lui faisant comprendre que je connaissais l’état de son pays, et qu’il fallait traiter les affaires comme des affaires., Envoyez-moi, je vous prie, les instructions du général Gardane, que vous avez oublié de m’envoyer. On souhaite beaucoup l’ambassadeur persan à Paris; mais peut-être faudrait-il attendre que le second soit arrivé. Je me déciderai donc à renvoyer celui-ci chez lui; son retour ne peut qu’y faire du bien. J’attends les instructions du général Gardane, que vous avez du rédiger sur les bases que je vous ai indiquées dans ma dernière lettre sur ce sujet. (lettre du 12 avril 1807)

 

Finkenstein, 27 avril 1807

Au vice-amiral Decrès

Je reçois votre lettre du 15 avril. J’ai vu avec plaisir la belle conduite de M. de Liniers, ancien officier français, à laquelle j’ai pris part. Témoignez-lui-en ma satisfaction. (Jacques-Antoine-Marie de ou Deliniers, 1756-1810.  Se distingue en Argentine lors des mouvements indépendantistes)

 

Finkenstein, 28 avril 1807

A l’Impératrice

J’ai reçu ta lettre du 5 avril, j’y vois avec peine que tu as du chagrin de ce que je t’ai dit. Comme à l’ordinaire, sur-le-champ, ta petite tête créole se monte et s’afflige. N’en parlons donc plus. Je me portes fort bien; le temps est cependant pluvieux. Sacary est très malade, devant Dantzig, d’une fièvre bilieuse; j’espère que cela ne sera rien.

Adieu mon amie; mille choses aimables pour toi.

Napoléon

 

Finkenstein, 29 avril 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 19 avril. Je désire savoir à quelle puissance étrangère appartient le diamant dont il est question dans votre lettre.

L’ambassadeur persan est ici depuis deux jours.

L’expédition anglaise doit être sortie des ports d’Angleterre à l’heure qu’il est. Dès l’instant qu’il vous sera connu qu’elle est engagée dans les mers du Nord, vous ferez donner ordre aux deux bataillons du 5e régiment d’infanterie légère, portés au complet, de se rendre à Paris. Si jamais la Hollande était attaquée sérieusement, vous feriez marcher du camp de Boulogne et du camp de Saint-Lô des renforts pour se joindre aux troupes Hollandaises et défendre ce royaume.

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Nota. Le courrier porteur des dépêches dont les duplicata sont ci-joints a été assassiné et volé près de Meseritz.

 

Finkenstein, 29 avril 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 20. Il n’y a ici rien de nouveau. L’empereur de Russie et le roi de Prusse sont à leur armée,
dans la petite ville de Bartenstein. Le siège de Danzig se poursuit vigoureusement. Vous verrez par le bulletin que notre feu se soutient et que nous avançons.

 

Finkenstein, 29 avril 1807

A M. Gaudin

J’ai l’honneur de vous adresser, mon cher Collègue, des notes que sa Majesté vient de dicter sur votre compte de l’administration des finances en l’an XIV et 1806. Elle désire avoir, le plus tôt possible, les explications qu’elle vous demande.

Sa Majesté me charge aussi, mon cher Collègue, devons inviter à demander à tous les Ministres leurs comptes de 1806, par chapitres de budget, avec la situation de leurs crédits et de leurs dépenses au ler janvier 1807. Elle voudrait qu’ils y joignissent l’état de situation des crédits et des dépenses de cet exercice au 1er avril, et qu’ils fissent connaître non-seulement ce qui leur revient encore sur leurs crédits, mais s’il leur faut, sur les différents articles de leur budget, plus ou moins que ce qui reste disponible sur leurs crédits.

Le ministre secrétaire d’État, par ordre de l’Empereur.

 

Finkenstein, 29 avril 1807

Note sur le compte des finances de l’Exercice An XIV et 1806 (cliquez ici)

 

Finkenstein, 29 avril 1807

A M. Fouché

Je reçois votre lettre du 19 avril. Il paraît que la bande qui a déjà fait quelques dégâts sur la rive de la Loire a quelque intelligence avec l’étranger.

Pourquoi n’avez-vous pas fait arrêter le sieur Mounier d’Herbisse ? Cette affaire est très-importante.

Les Russes et les Prussiens ont le plus grand besoin d’armes; il leur faudrait 400,000 fusils. Jugez combien il est important qu’ils ne puissent en tirer ni de l’Empire, ni des États allemands. Écrivez en Hollande, et faites-vous rendre compte à Liège et partout ailleurs si l’on en extrait des fusils. Portez la plus grande attention sur cet objet, qui est le plus important de tous. Quelque mauvais que soient les fusils, il ne faut pas en laisser sortir.

 

Finkenstein, 29 avril 1807

A M. Fouché

Je reçois votre lettre du 20 avril. je vois avec peine qu’il y a de nouveaux actes de brigandage dans la Mayenne. J’attendrai vos prochains rapports , et, si cela continue, je me déciderai à quelques mesures pour réprimer ces brigandages dans leur naissance.

 

Finkenstein, 29 avril 1807

Au général Dejean

Formez un bataillon provisoire du 59e et du 69e. Formez ce bataillon de 1,900 hommes, en faisant fournir 600 hommes par chacun des deux 3e bataillons, et en détachant quatre compagnies de chacun des bataillons, les compagnies complétées chacune à 160 hommes. Nommez un des deux chefs de bataillon pour le commander, et dirigez ce bataillon par le plus court chemin sur Berlin.

Si les grenadiers et voltigeurs de ces deux 3e bataillons ne sont pas à la Grande Armée, faites-les-y comprendre.

Je vois avec plaisir que le 2e régiment des fusiliers de la Garde est parti le 21 avril.

Je ne suis pas étonné que les 59e et 69e aient été oubliés à Luxembourg; je n’ai pas d’états de situation. Mon dernier état de situation est du 1er février. C’est une paresse bien condamnable. Ai-je jamais eu plus besoin d’avoir sous la main les éléments qui peuvent me faire connaître l’état de mes forces ? Les bureaux de la guerre dorment. Ils savent cependant bien l’importance que j’y attache. Que je sois sur la Vistule ou sur la Seine, qu’est-ce que cela leur fait ? Ils doivent m’envoyer ponctuellement les états de situation. Je suis fâché d’avoir à leur répéter cela si souvent.

 

Finkenstein, 29 avril 1807

Au vice-amiral Decrès

Faites à Brest tous les préparatifs qui peuvent faire croire à une expédition d’Irlande. Parlez même avec les Irlandais , et faites que cette nouvelle se propage.

 

Finkenstein, 29 avril 1807

Au roi de Prusse

Monsieur mon Frère, Votre Majesté me paraissait désirer que la paix actuelle fut générale, honorable et solide. Mais serait-elle générale si plusieurs des principaux États belligérants n’y étaient pas compris et n’étaient pas appelés à défendre eux-mêmes leurs intérêts ? Serait-elle honorable si, contre la teneur des engagements les plus saints, elle séparait ceux qui ont fait cause commune dans la guerre actuelle, tandis qu’elle admet tous les alliés d’une des parties belligérantes ? Serait-elle solide si l’existence, l’indépendance et les rapports de plusieurs grandes puissances, à la fois continentales et maritimes, qui se trouvent engagées dans la présente guerre, n’étaient convenablement établis pour elles-mêmes et pour toute l’Europe ? Les garanties, quelles qu’elles soient, ne peuvent donner à la paix qu’un appui extérieur et fragile. Sa solidité réelle repose sur la nature des stipulations, sur l’harmonie réelle des rapports qu’elle établit. La participation aux travaux de la paix, de l’Espagne, de la Porte ottomane et des autres parties belligérantes, alliées de la France, engagées dans la présente guerre, est non moins nécessaire que juste. Je ne fais aucune difficulté d’admettre, ce que la France a toujours regardé comme contraire aux premiers principes de sa politique, l’Angleterre et la Russie à faire cause commune. Pourquoi me refuserait-on la même chose avec la Turquie ? Je me plais à espérer que Votre Majesté sera convaincue de la force des motifs qui me guident; et, en faisant admettre la participation de toutes les puissances belligérantes, de part et d’autre, au présent congrès, elle écartera le seul obstacle qui s’oppose actuellement à l’ouverture des négociations dont Votre Majesté espère, comme je veux aussi m’en flatter, la prompte fin de la guerre et le retour de la paix et de l’harmonie dont tous les peuples ont en réalité tant besoin.

 

Finkenstein, 29 avril 1807

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, dans la situation actuelle des choses, je pense qu’il est convenable que vous veniez me joindre. Laissez votre maison à Varsovie. Emmenez seulement avec vous un secrétaire et deux valets de chambre; vous trouverez ici tout le reste. Vous préviendrez le gouvernement que je vous ai appelé près de moi pour quelques jours et que vous reviendrez après à Varsovie. Vous direz la même chose à M. de Vincent; cela aura l’avantage de ne pas paraître dissimulé. Vous pourrez dire à M. de Vincent qu’il est possible qu’il m’ait été fait quelque ouverture; que cet appel inattendu vous le ferait penser, mais que vous n’en savez rien.

Les Polonais ne veulent point de Poniatowski. Si l’on pouvait mettre Dombrowski au ministère de la guerre et appeler Poniatowski à l’armée, ce serait bien.

 

Finkenstein, 29 avril 1807

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, faites partir sur-le-champ un officier d’état-major, avec ordre au maréchal Mortier de faire partir les 3e et 72e régiments de ligne pour se rendre devant Danzig; si les Suédois ont ratifié l’armistice, de faire partir également le 23e de chasseurs et tous les régiments provisoires, ainsi que tous les détachements d’infanterie ou de cavalerie appartenant à la Grande Armée, pour se rendre, par le chemin le plus court sur Thorn, Marienwerder ou Danzig.

Le général Loison doit avoir assez de monde pour investir fortement Kolberg. Si les Suédois ont ratifié l’armistice, il faut que le maréchal Mortier s’occupe sur-le-champ de la formation des équipages de siège, qu’il tienne à Anklam l’autre régiment hollandais, et  ses trois autres régiments français entre Anklam et Stettin, prêts à se porter sur Danzig, si l’expédition anglaise, qu’on dit en mer,  passait le Sund. Il n’y aurait plus à craindre pour Stralsund, si les Suédois avaient ratifié avec la modification d’un mois. En donnant  tous ces ordres, on suppose qu’on n’aurait encore aucune nouvelle de débarquement des Anglais, ni sur l’Elbe, ni du côté de Rostock, car, si déjà les Anglais avaient effectué un débarquement en force sur quelque point, il faudrait se tenir prêt à marcher sur ce point. Cependant ceci n’est que pour tout prévoir, car les rapports reçus d’Angleterre ne donnent pas lieu de craindre un débarquement avant quinze jours, et alors les divisions Boudet et Molitor seront à Magdeburg et assureront les derrières du maréchal Brune.

Ainsi, c’est aujourd’hui le 29 : le maréchal Mortier recevra vos ordres le 2. Si alors les Suédois ont ratifié l’armistice avec la modification d’un mois, et que le maréchal Mortier n’ait aucune nouvelle de débarquement effectué, qu’il fasse sur-le-champ partir les 3e et 72e régiments et tous les détachements de la Grande Armée pour Danzig.

 

Finkenstein, 29 avril 1807

NOTE POUR LE MAJOR GÉNÉRAL

Me faire connaître le grade que le général Levasseur (Victor Levasseur, 1772-1811) a dans Légion d’honneur, et me proposer un décret pour le nommer commandant, s’il n’a déjà ce grade; lui témoigner ma satisfaction de sa conduite; le placer comme commandant et inspecteur du régiment de garnison de Magdeburg. Il se rendra sur-le-champ à Magdeburg; il y trouvera ce régiment fort de 3,300 hommes, tout composé conscrits. Il veillera à son armement, à son habillement et à son instruction, Il prendra le titre de général de brigade commandant le régiment de garnison de Magdeburg. Il fera à la fois les fonctions de chef de corps et d’inspecteur. Je ne doute pas de son zèle et de ses talents, et qu’il me mette ce régiment, dans l’espace de six semaines, en état de rejoindre l’armée ou de défendre Magdeburg, si cette place venait à être attaquée. Je reconnaîtrai cette nouvelle preuve qu’il me donnera de son zèle et de ses talents.

 

Finkenstein, 29 avril 1807

Au maréchal Berthier

Donner l’ordre au général Songis et au général du génie Lazowski de commencer le siége de Graudenz de manière à ouvrir la tranchée le 3 mai, de faire la première place d’armes, d’approcher avec des zigzags de manière à faire la seconde place d’armes, et de s’approcher de la forteresse à 150 toises, et d’être arrivés là avant le 10 mai; d’avoir aussi cinq ou six pièces de 12, pour pouvoir les placer dans les positions les plus importantes pour défendre la tranchée contre les sorties de la garnison.

Donner le même ordre au général Rouyer, qui enverra tous les jours le bulletin du siège.

Deux bataillons de 1,800 Polonais arrivent exprès devant Graudenz, afin de resserrer la place et de travailler aux travaux, de sorte que, Danzig pris, l’on puisse sur-le-champ marcher sérieusement sur la troisième parallèle, et, en dix jours de tranchée, s’emparer de la place.

Ordonner également que la tranchée soit ouverte devant Kolberg pour achever l’investissement de la place.

Le voisinage de cette place de Stettin fournira les moyens d’en tirer l’équipage de siége, Stettin venant d’être réapprovisionné par des convois de Magdeburg et l’équipage de Glogau, qui sont descendus par l’Oder.

Ordonner au général Songis de mettre l’équipage de Glogau et ce que peut fournir Stettin à la disposition du maréchal Mortier, pour le siège de Kolberg; bien entendu que rien ne sera fourni pour Kolberg, que toutes les munitions destinées pour Danzig ne soient parties.

Recommander à Stettin de faire partir pour Danzig la poudre et les boulets que cette place doit fournir.

 

Finkenstein, 29 avril 1807

DÉCISION

Le maréchal Mortier met sous les yeux de l’Empereur le trait suivant que lui signale le général Clarke :

M. Goedeck, capitaine au régiment de Nassau-Usingen, en garnison à Wrietzen, s’était acquis la reconnaissance des habitants par les services qu’il leur avait rendus en plusieurs occasions, et il venait de refuser une somme considérable qui lui avait été offerte. Mais, ayant appris que cinq officiers prussiens, prisonniers de guerre, qui s’étaient attiré l’estime générale, étaient réduits à une extrême misère, M. Goedeck pria les magistrats de Wrietzen de distribuer à ces cinq officiers la somme qui lui avait été destinée.

Lui en témoigner ma satisfaction et me faire connaître ce que je pourrais faire pour lui.

 

 Finkenstein, 29 avril 1807

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, vous trouverez ci-joint les instructions pour le maréchal Brune et le maréchal Mortier. Il faut actuellement régler la manière dont ces instructions doivent être exécutées.

Les deux régiments d’infanterie hollandaise passeront sur-le-champ sous les ordres du maréchal Brune. Un de ces régiments continuera de rester dans l’île de Wollin, l’autre se placera à Anklam et le long de la Peene. Le maréchal Brune complétera cette division de droite, nommera le général de division hollandais qui aura son quartier général à Demmin; un général de brigade restera à Anklam.

Il réunira sa 2e division à Schwerin, et renverra à Hambourg sa 3e division. Il sera le maître de rendre la division de Schwerin plus forte que les deux autres. Les trois divisions de Hollandais auront chacune leur artillerie et un peu de cavalerie. Comme les Suédois peuvent commencer les hostilités qu’un mois après avoir prévenu, il devient nécessaire d’avoir des troupes sur la Peene qu’afin d’être à même de secourir les îles, si les Anglais voulaient débarquer aux bouches de l’Oder.

Le maréchal Mortier fera partir sans délai le 3e et le 72e de ligne, pour se rendre devant Danzig. Il renforcera Kolberg d’un régiment français, jusqu’à ce que le 4e régiment italien soit arrivé. Il laissera  les divisions Dupas et Grandjean entre Stettin et Kolberg, jusqu’au 10 mai, temps où le maréchal Brune aura fait toutes ses dispositions, et époque où les généraux Molitor et Boudet seront avancés en Allemagne. Si, cependant, le maréchal Mortier apprenait par la correspondance que la flotte anglaise est entrée dans le Sund, il faudrait supposer qu’elle veut faire lever le siége de Danzig : alors il faudrait qu’il se portât avec toutes ses troupes sur Danzig pour secourir le maréchal Lefebvre.

Si, au contraire, l’escadre anglaise débarquait avant le 10 mai sur l’Elbe, le maréchal Mortier fera des dispositions pour soutenir le maréchal Brune.

Toutes ces instructions sont faites dans la supposition que les Suédois adhèrent à la proposition déjà faite de prévenir un mois avant les hostilités. Comme on recevra la réponse le ler mai, on fera les dispositions demain, afin que l’état-major puisse expédier, le 1er mai, les instructions.