Correspondance de Napoléon – Avril 1806

Saint-Cloud , 15 avril 1806

NOTE

A dater du 21 courant, deux auditeurs près le Conseil d’État désignés pour chaque semaine, se tiendront, depuis dix heures du matin jusqu’à midi, dans la salle du palais des Tuileries dite des Maréchaux; ils y recevront toutes les pétitions qu’on voudrait pré senter à Sa Majesté; ils en feront l’analyse et prendront les notes et renseignements nécessaires pour en rendre compte à Sa Majesté le lendemain à son lever.

 

Saint-Cloud, 15 avril 1806

A M. Gaudin

Monsieur Gaudin, mon Ministre des finances, le travail pour arrêter la liste des trente plus imposés me paraît tellement défectueux que je ne puis fixer mes idées. Je ne citerai que le département de l’Aisne, où M. de Joguet, qui paye 7,809 francs, et M. Marquet- Montbreton, qui paye 6,099 francs, ne sont pas compris dans la liste des soixante propriétaires les plus distingués. Vous qui connaissez ce département, vous trouverez, en lisant la liste, d’autres personnes payant 9 et 8,000 francs d’impositions qui se trouvent également exclues de la liste des propriétaires distingués. Si ces personnes sont, en effet, dans la même classe que les deux que je viens de nommer, le travail que j’arrêterais sur de telles bases serait absolument contraire à mes idées et au but que je me propose. J’ai donc besoin de connaître la profession, les services des personnes qui, étant sur la liste des trente plus imposés, ne se trouvent pas sur la liste des soixante, ainsi que les motifs qui ont déterminé la commission de vérification à les en exclure.

 

Saint-Cloud, 15 avril 1806

A M. Mollien

Monsieur Mollien, mon trésor de Plaisance ne pourra pas être augmenté, comme j’en avais le projet. Le prince Eugène m’écrit les lettres les plus pressantes. Je me résous donc à lui laisser les 1,600,000 francs que me doit mon royaume d’Italie pour le mois d’avril. Donnez, en conséquence, l’ordre que cette somme soit versée dans la caisse du payeur de l’armée d’Italie, pour mettre la solde au courant, et surtout la solde des troupes de la division de Dalmatie, et de celles d’Albanie et du Frioul. Quant aux 1,371,000 francs provenant de la dette du Piémont, on ne pourra pas non plus les encaisser à Plaisance. Cette somme sera nécessaire pour solder le supplément des mois de mai, juin et juillet; car il me faut, dans mon royaume d’Italie, près de trois millions par mois; je n’aurai pour mai, juin et juillet que 2,500,000 francs, ce qui me fera un déficit de près de 1,500,000 francs, auquel je destine cette somme

 

Saint-Cloud, 15 avril 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre lettre du 8 avril. Cinq millions au moins, de tout ce qui a été détourné par Solignac et compagnie, rentrera dans les caisses.

Faites-vous rendre un compte sur Richelle; exigez la remise des sommes déposées chez MM. Bignani en échange de bons du payeur, en déclarant que cette somme a été surprise à sa caisse. Non seulement je vous autorise à user sans réserve de ces sommes pour aligner la solde de l’armée et subvenir à ses besoins, mais, si cela n’est suffisant, vous pouvez disposer des 1,600,000 francs que le royaume d’Italie doit au trésor de France pour le mois d’avril. J’avais ordonné que l’on encaissât ces 1,600,000 francs dans mon petit trésor de Plaisance pour des opérations très-importantes; mais il faut avant tout satisfaire aux besoins de votre armée. Mais aussi donnez-moi l’assurance qu’avec ces sacrifices, au ler mai, où le ministre Dejean prendra le service, solde, masse, tout sera au courant, et que rien ne sera dû.

Je lis ce que vous comptez dire au Conseil d’État; cela me partait plein de sagesse. Vous pouvez assurer que les ducs n’auront aucun droit ni aucune occasion de s’immiscer en rien dans l’administration, mais que leur institution tient à des vues de haute politique.

 

Saint-Cloud, 15 avril 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, Crémone n’est pas une place saine. Il ne faut pont y mettre de troupes dans les grandes chaleurs de l’été. Je ne crois qu’Este soit non plus un pays sain.

Par votre état de situation du ler avril, je vois que les dépôts des corps de l’armée de Naples sont organisé, conformément à mon décret; mais je n’y vois pas le rapport que je vous ai demandé résultant de la revue du général Charpentier. Je désire que vous divisiez les dépôts de cavalerie de la même armée de Naples en deux divisions, l’une composée des six régiments de chasseurs, et l’autre des cinq régiments de dragons. Il parait que les dépôts des cinq régiments de dragons ont 6 on 700 chevaux et le double d’hommes, et ceux des régiments de chasseurs 300 chevaux et plus du double d’hommes; cela n’est pas tellement nombreux que chacune de ces divisions ne puisse être réunie dans une ville. Vous pourrez réunir tous les dragons à Modène et les chasseurs à Reggio. Nommez un général de brigade pour commander les uns et les autres , et placez près des dragons un major bon manœuvrier, deux capitaines, et huit sergents pour leur apprendre à manœuvrer à pied. Il y a dans ces cinq régiments assez d’hommes pour pouvoir faire la manœuvre, puisqu’il y a plus de 1,800 hommes. Il m’importe que ces dragons soient bien instruits au maniement des armes.

Les dépôts des corps de l’armée de Naples ont donc aujourd’hui plus de 10,000 hommes. Ils seront bientôt augmentés de dix autres mille hommes. Donnez ordre que les généraux qui commandent ces dépôts n’envoient pas un homme à l’armée, même avec l’ordre du prince Joseph, sans que vous en donniez l’autorisation, puisque ces dépôts sont sous vos ordres; et, vous-même, ne faites rien partir sans que je vous l’aie ordonné. J’attends le rapport que je vous ai demandé sur la revue de ces dépôts, pour bien connaître le nombre d’officiers qu’il y a à chaque bataillon et escadron, et l’état de leur armement et habillement. Un bataillon du régiment de la Tour d’Auvergne est déjà passé à Turin. Mon intention est que vous le dirigiez sur Ancône, où il attendra de nouveaux ordres. Comme je ne pense pas que le prince Joseph en ait besoin, il servira à la garnison d’Ancône. Le 2e bataillon suivra la même direction. Vous préviendrez le prince Joseph de la destination que j’ai donnée à ce régiment. Caffarelli doit être arrivé. Il faut qu’il s’occupe de me faire promptement un rapport sur l’armée italienne, afin de commencer à lui donner une organisation convenable. Je ne saurais trop vous recommander l’instruction de mes cuirassiers. J’imagine qu’ils ont des manéges. Cette arme , qui m’a rendu de si importants services, a besoin d’être bien instruite, et on peut dire que l’instruction fait tout. La cavalerie russe ne manquait point de courage, et cependant elle a été presque toute massacrée, et ma Garde n’a perdu personne.

Faites aussi passer la revue de votre cavalerie, afin de bien connaître votre situation , et exigez que les corps qui ont de l’argent de leur masse de remonte achètent des chevaux. En général , les régiment de cavalerie ne portent point dans leurs achats le zèle qu’on devrait attendre d’eux; quand la guerre survient, ils ont de l’argent en caisse et point de chevaux.

Je vois que la solde n’est point payée couramment; faites rentrer tout ce qui a été donné sur les bons d’Ardant, en les couvrant par des bons du payeur. Employez le subside d’avril, mais que la solde soit au courant; c’est la première des obligations d’un gouvernement.

 

 

Saint-Cloud, 16 avril 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, mon Ministre de l’administration de la guerre, dans les dispositions que présente le trésor public, vous ne suivez pas le même ordre que celui du budget. En examinant avec attention ce que vous avez dépensé en six mois, je trouve des sommes qui me paraissent bien extraordinaires. Ainsi, en six mois, vous avez dépensé douze millions pour la boulangerie, sans y comprendre les principales forces de l’État; six millions pour les fourrages; sept millions pour les étapes et convois militaires; 2,300,000 francs pour le chauffage et l’éclairage; neuf millions pour l’habillement, indépendamment de dix-sept millions de fournitures extraordinaires où l’habillement est compris pour beaucoup. Enfin, pendant six mois, où toutes les armées de la France ont été en pays étranger, vous avez dépensé soixante-huit millions; ce qui ferait, pour douze mois, cent trente-six millions; et comme ces premiers payements ne terminent jamais le service et qu’il y a toujours un arriéré au moins d’un quart, votre dépense serait de cent soixante et dix millions. Si l’on y joint le service de l’armée d’Italie, que vous allez faire désormais et qui ne peut pas monter à moins de 1,500,000 francs par mois, et celui de la Grande Armée, qui ne peut pas monter à moins de trois millions par mois, il faudra ajouter cinquante-quatre millions; ce qui portera votre dépense à deux cent vingt-quatre millions. Il y a dans tout cela des choses incompréhensibles, et qui, avec le compte raccourci du trésor public que j’ai sous les yeux, me confondent absolument. Comment, en effet, concevoir que vous portiez près d’un million par mois pour les hôpitaux, ce qui supposerait plus de 30,000 malades dans l’intérieur; que vous ayez dépensé deux millions par mois pour la boulangerie, ce qui supposerait 2 à 300, 000 rations par jour dans l’intérieur ? Je désire que vous m’apportiez vendredi prochain un aperçu de vos dépenses sur tous les chapitres, et que vous n’ordonnanciez rien sur ce qui vous reste de crédit sur les distributions de l’an XIV et de 1806. Je commence à être sérieusement inquiet des dépenses de l’administration de la guerre.

 

 Saint-Cloud, 16 avril 1806

A M. Mollien

Monsieur Mollien, je vous renvoie l’aperçu des ressources du trésor public pour les huit derniers mois de 1806. Mon intention est que vous le fassiez cadrer avec le mémoire que vous m’avez remis hier et que vous y joigniez une situation au ler avril qui constate les ordonnances à payer et les crédits que les ministres ont à réaliser. Je crois donc que ces états devraient comprendre neuf mois. Vous me ferez connaître par ces états la situation de la caisse au ler avril, les ordonnances à payer sur celles des mois passés, les crédits des ministres sur ces mois passés, enfin mes ressources pour neuf mois. Alors cela me forme un ensemble qui me fait bien voir la situation de mes affaires; et même, pour m’éviter les recherches et me porter an premier coup d’œil la conviction, il sera bon d’y joindre un autre état qui contienne le budget tel que l’a réglé le ministre des finance: avec une colonne qui présente la portion qui a été consommée au 1er avril, une seconde colonne qui présente la portion qui sera consommée dans les neuf mois, en conséquence du travail que vous me présentez, et une troisième colonne qui présente la portion qui ne sera point consommée et qui resterait.

 

Saint-Cloud, 16 avril 1806

Au prince Joachim

Vous avez mal fait de répondre à l’archichancelier que vous ne voulez point établir l’octroi; si vous aviez consulté, vous auriez sa que vous étiez tenu de l’établir par le recès de l’Empire. Vous deviez lui faire répondre que, jusqu’à ce que vous ayez pris connaissance de la situation des choses, vous les laissiez dans l’état où elles trouvaient. Il ne faut point s’indisposer ainsi toute l’Allemagne. J’ai reçu vos lettres du 11 avril. Vous marchez avec une telle précipitation que je ne doute pas que vous ne soyez constamment obligé de reculer. Vous marchez trop à l’étourdie. L’opinion de la population ne signifie rien du tout. Il n’est pas dans ma politique de m’indisposer le roi de Prusse; ma politique est tournée ailleurs. Il ne faut point vous montrer voisin aussi inquiet. On ne se repent jamais de répondre des choses honnêtes et d’attendre. L’archichancelier même est un prince à ménager; vous étiez autorisé à ne pas établir l’octroi comme il le veut, puisque la Prusse ne l’avait pas établi. Quand vous aviez une réponse si simple à faire, pourquoi aller brusquer ? La Prusse, qui n’a jamais établi l’octroi au profit de l’archichancelier, et qui n’en avait pas l’intention, ne disait cependant pas qu’elle ne voulait pas le faire, et gagnait du temps. Je vous recommande de la prudence et de la tranquillité; il n’est pas un propos que vous tenez qui ne soit à l’instant répété à Berlin, Vienne et Saint-Pétersbourg, et par les hommes mêmes qui vous excitent à le tenir. Cependant il était bien plus naturel de commencer par mettre une bonne garnison dans Wesel, par bien connaître l’état de l’artillerie et de la place, et par assurer son approvisionnement et sa défense. Cela doit être la première de toutes les opérations, et j’ai si peu de renseignements, depuis cependant tant de jours, que je ne sais pas quel nombre de pièces il y a. Si une armée se présentait devant Wesel, comment feriez-vous ? Voilà cependant ce à quoi il faut penser avant d’insulter les grandes puissances par des démarches et par des propos hasardés.

 

Saint-Cloud, 16 avril 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, j’ai réuni l’État de Venise à mon royaume d’Italie; mon intention est que l’artillerie vénitienne soit remise à l’artillerie du royaume d’Italie. Mais toute l’artillerie autrichienne, soit celle que j’ai fait évacuer de Vienne, soit celle que m’a remise l’Autriche, à Venise et ailleurs, en échange de l’artillerie que je lui ai laissée à Vienne, soit celle prise sur le champ de bataille à l’ennemi, doit toute appartenir à la France.

 

Saint-Cloud, 17 avril 1806

DÉCRET

NAPOLÉON, Empereur des Français, Roi d’Italie,

En conséquence des services rendus à la patrie par le connétable Duguesclin, de glorieuse mémoire,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit

ARTICLE ler. – Madame de Gesvres sera rappelée de son exil et relevée de toute surveillance.

ART. 2. – Il lui est accordé, sur notre trésor impérial, une pension de 6,000 francs, dont elle jouira sa vie durant, à dater du 11er janvier 1806.

ART. 3. – Nos ministres des finances, du trésor public et de la police générale, sont chargés de l’exécution du présent décret.

 

Saint-Cloud, 17 avril 1806

A M. Mollien

Je vous envoie le service du mois de mai; vous verrez que je l’ai diminué de plus de sept millions. Outre que je pense que la somme accordée est suffisante, ce qui m’est prouvé par la constante habitude des ministres d’avoir des crédits qu’ils ne réalisent pas, je considère aussi que le service ne se fait point par mois, mais par année, et qu’il faut donner toute son attention à mettre une grande ponctualité, dans le payement des ordonnances.

Je pense qu’il est très-important de vous occuper sans retard, avec le ministre des finances et le directeur de la caisse d’amortissement, de la fabrication des bons, de manière à pouvoir en émettre, dans le courant de mai, pour cinq millions; on offrira ainsi des ressources aux fournisseurs et des moyens pour soutenir leur service.

Vous verrez que, par l’article second du décret de distribution, j’ai suspendu tous les crédits de l’exercice an XIV et 1806 qui n’auraient pas été ordonnancés au 15 avril. Par ce moyen, il n’en sera plus question dans les écritures, et, dans le fait, cela doit être ainsi; le crédit du mois n’ajoutant rien au crédit législatif, ce n’est qu’une mesure d’ordre pour proportionner les besoins aux moyens. Cet ordre se trouve bouleversé toutes les fois que ces crédits ne sont pas réalisés dans un ou deux mois. Il est aussi très-urgent, pour mettre de l’ordre dans notre comptabilité, d’établir la situation au vrai de tous les ministères, sur tous les exercices, et, pour cela, de faire régulariser tous les payements qui ont eu lieu sans ordonnances des ministres.

Je vous prie de distinguer dans les prochains états, pour l’exercice an XIV et 1806, le budget d’un an et le budget des cent jours. Vous pourrez toujours les considérer comme un seul exercice et porter des parties aliquotes; mais je ne puis pas mettre dans m,a mémoire des sommes de quinze mois, et cette distinction, qui n’est qu’une chose d’ordre, m’évitera les calculs.

Il est nécessaire de porter enfin une grande attention sur les payeurs. Il résulte de vos états que soixante et treize millions de solde auraient été payés pour six mois; ce qui ferait au delà de douze millions par mois, sans compter les armées de Hollande, d’Italie et de Naples, qui n’y sont comprises que pour peu de chose, et la solde de la Grande Armée, qui a été payée en Allemagne avec le trésor de Vienne. La solde de la Grande Armée ne peut être évaluée à
moins de trois millions par mois, ce qui ferait pour les six mois dix-huit millions. Vous n’en portez que douze, ce qui supposera six millions payés à Vienne. Trois millions au moins ont été payés en Italie sur les provinces vénitiennes. Des payements ont été fait sur les revenus de Naples. Ainsi la solde monterait, par mois, à 13,800,000 francs, ce qui est vraiment trop considérable.

Le directeur de l’administration de la guerre a encore dix millions à ordonnancer sur son crédit de l’an XIV et 1806. Je lui ai fait connaître que mon intention est qu’il ne se prévale d’aucune partie de ce crédit. Je ne veux pas le suspendre encore; mais je désire que provisoirement il n’y soit donné aucune suite, jusqu’à ce que j’a reçu les comptes de l’administration de la guerre et vu où en est le service.

 

Saint-Cloud, 17 avril 1806

A M. Mollien (lettre non envoyée)

Dans les rapports que vous ne faites, il faut parler bien clairement, parce que la langue des finances ne permet pas les sous-entendus. Ainsi, vous dites que, pour les jours de l’an XIV, le ministre a ordonnancé 6,274,000 francs d’ordonnances nouvelles. Je ne sais pas si ces ordonnances sont sur le service d’avril, on bien si elles sont sur les services des mois antérieurs. Cette incertitude me fait comprendre difficilement le rapport que vous m’avez envoyé. Je ne vois pas non plus dans ce rapport le crédit que l’administration de la guerre a sur le trésor en conséquence de mes décisions, et combien il reste encore de ce crédit. En général, les rapports me perdent du temps; je préfère que vous répondiez par un état, en ayant soin d’exposer bien clairement le titre de chaque colonne. Je ne puis donc pas répondre à votre rapport.

Je crois que, par ma lettre d’hier, je vous ai écrit que le ministre de l’administration de le guerre ne devait pas ordonnancer sur les crédits antérieurs au crédit d’avril. Je vous ai aussi demandé le détail, par chapitres, des ordonnances qui ont été délivrées par le ministre, et non le crédit accordé. Renvoyez-moi un état avec une colonne de plus, qui me fasse connaître le crédit de l’administration de la guerre pour tout l’exercice an XIV.

Quant aux 7,5.00,000 francs, il faut distinguer ce qui appartient au service d’avril de ce qui est antérieur. En général, je désire que vous retardiez de quelques jours le payement de cette somme. Les consommations de l’administration de la guerre me paraissent énormes, et je veux attendre que les affaires de ce ministère soient éclaircies. Les crédits dont le ministre a usé pour l’an XIV sont de vendémiaire, brumaire, frimaire, dix jours de nivôse, janvier, février, mars et avril. La manière de me faire comprendre cette situation, c’est de faire un état divisé en sept colonnes, une pour chaque mois, et dans lequel chaque colonne sera subdivisée en trois autres, l’une indiquant le crédit accordé; la seconde, ce qui est ordonnancé par le ministre au 17 avril, époque où je fixe les yeux sur cette administration; la troisième, ce qui est payé par le trésor. Ce qui fait vingt et une colonnes.

La colonne verticale présentera les titres des différents chapitres du budget du ministère.

Autrefois, dans les livrets du trésor, on mettait toujours les crédits accordés par mes décisions; depuis, on ne l’a plus fait, parce que cela n’a plus été nécessaire; mais aujourd’hui qu’il faut rétablir l’ordre et l’économie, je désire que toujours les livrets aient : 10° une colonne pour les crédits ouverts par une décision; 2° une colonne pour ce qui est ordonnancé par le ministre, et une troisième pour ce qui est payé par le trésor.

 

Paris, 20 avril 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, dès que la mission de M. le conseiller d’État Dauchy, sera terminée à Venise, vous le chargerez de faire l’inventaire de tout ce qui y appartient à la France, comme de l’artillerie autrichienne, etc ., et de dresser l’état de trente millions de domaines qui doivent former les revenus des duchés. Vous le retiendrez ensuite en Italie, pendant quelque temps, pour vous aider de ses conseiils et vous lui ferez connaître qu’il me sera agréable qu’il s’instruise bien de mes affaires, afin que je puisse le consulter lorsqu’il sera de retour à Paris.

Je n’approuve point la sortie de ma marine italienne. Que voulez-vous que deux frégates, une corvette et deux bricks fassent contre deux frégates et un brick ? Il y a égalité de forces. S’il n’y avait que des Russes, on pourrait tenter la sortie; mais il faut éviter tout combat. Si l’ennemi se hasardait à venir avec une frégate devant Venise, je vous autorise alors à faire sortir toute ma flottille. En attendant, que tous les bâtiments restent en rade, prêts à sortir, mais ne sortent jamais; je ne veux point qu’ils luttent contre les Anglais, leur défaite serait certaine; et ils me servent autant qu’ils peuvent me servir en empêchant Venise d’être bloquée par une ou deux frégates. Des bâtiments légers, des chaloupes canonnières, voilà tout ce qu’il faut dans l’archipel. Des frégates qui marchent mal, comme les frégates vénitiennes, ne m’inspirent aucune confiance.

C’est en vain que vous enverrez de l’argent en Istrie et en Dalmatie; si vous n’avez point un ordonnateur, un payeur, un inspecteur aux revues probes, et une grande surveillance, plus vous enverrez d’argent et plus on vous en dilapidera.

 

Saint-Cloud, 20 avril 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur Talleyrand, faites répondre par mon ministre au landamman de la Suisse que la note qu’il a fait remettre pour réclamer les marchandises saisies à Neufchâtel a excité mon indignation; j’ai vu avec beaucoup de peine que, parmi ces avides contrebandiers il y en avait plusieurs qui portaient son nom; que, s’il avait à cœur les vrais intérêts de sa patrie, il devrait les faire arrêter et punir, et les faire chasser d’une ville dont leur coupable cupidité compromettre l’indépendance.

 

Paris, 21 avril 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, par votre lettre du 15 avril vous me proposez de reconnaître la dette vénitienne. L’Autriche ne la reconnaissait pas. Puisque le dernier souverain, sous les lois duquel le pays a été, ne l’a point reconnue, je dois la regarder comme annulée. C’est en payant ainsi scrupuleusement des choses que les autres ne payaient pas, que je m’ôterais les moyens de soutenir mon armée et de faire face aux besoins les plus pressants. Mon intention est de laisser dormir cela; ne dites et ne faites rien sans mon ordre. Dites seulement que je reconnais ce que l’empereur a reconnu, et que je paye ce que l’empereur a payé.

 

Saint-Cloud, 21 avril 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j’approuve que les 4,000 Napolitains restent à Alexandrie pour être employés aux travaux de cette place. Les galériens napolitains pourraient également être envoyés à Mantoue pour travailler aux fortifications de Pietole.

Il ne doit pas être question de rembourser à Venise les deux millions de contributions qui lui ont été imposés. Ne dirait-on pas, à entendre les Vénitiens, qu’ils se sont donnés à moi par pure volonté ? Voilà l’inconvénient d’avoir une administration trop douce dans le commencement. Je trouve aussi que votre administration coûte bien cher; en mettant ainsi million à million à la disposition des ordonnateurs, ils vous mangeront des sommes immenses. J’imagine qu’à l’heure qu’il est vous avez le million de Bignani et, de plus, les 500,000 francs de Marmont et de Masséna, pour le vif- argent. Marmont doit vous faire remettre les 325,000 francs, sans qu’il soit besoin de le lui intimer; sans cela, je le lui ferai signifier.

Il est honteux qu’un général fasse des profits à l’ennemi, mais surtout lorsque ses troupes manquent de solde.

 

Saint-Cloud, 21 avril 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre lettre relative à l’esprit public de Venise. Je vous autorise à publier le discours que vous avez tenu au Conseil d’État. Mon intention n’est pas d’appeler aucun Italien ni aucun Vénitien aux duchés, qui doivent être la récompense exclusive de mes soldats. J’ai traité Venise comme pays conquis , sans doute; l’ai-je obtenu autrement que par la victoire ? Il ne faut donc point trop éloigner cette idée. Mais le droit de victoire terminé, je les traiterai en bon souverain, s’ils sont bons sujets. Je vous défends de jamais laisser espérer qu’aucun Italien ni Vénitien puisse être nommé à aucun des duchés. Quant à la principauté de Guastalla , je ne vois qu’un moyen, c’est de faire faire des propositions par le ministre des finances, pour la racheter de la princesse. C’est un pays que j’ai conquis et dont j’ai disposé. Si le duc de Parme eût voulu céder Guastalla au royaume d’Italie, combien le lui eût-on acheté ?

 

Saint-cloud, 21 avril 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, écrivez au général qui commande en Dalmatie qu’il doit approvisionner la place de Zara, et que tout le biscuit que vous lui envoyez doit être placé dans les deux principales places de  la Dalmatie. Si les circonstances voulaient qu’il marchât, soit contre les Autrichiens, soit d’un autre côté, il est nécessaire que ces places et surtout Zara, soient bien approvisionnées pour que les hommes de sa division qu’il y laisserait puissent vivre plusieurs mois sans avoir besoin d’aucun secours.

Je n’ai pas encore un bon rapport sur la Dalmatie, et je ne connais pas encore la situation des places. Il faut avouer que les officiers du génie font là bien mal leur devoir.

J’ai adopté définitivement les plans de défense de Palmanova.

Cependant vous ne me dites pas si le général Lery est arrivé, et si les travaux commencent.

 

Saint-Cloud, 21 avril 1806

Au roi de Naples

Mon Frère, des troupes légères comme les Corses, qui, comme les troupes italiennes, parlent la langue du pays, seront excellentes pour faire la guerre aux brigands dans la Calabre. Organisez quatre colonnes mobiles commandées par des officiers intelligents, probes et fermes, composées chacune de 7 à 800 hommes, quelque cavalerie et beaucoup d’infanterie, réparties dans les différentes parties de cette province, et envoyant des détachements partout. Il n’y aura pas un mois que ces colonnes seront établies qu’elles connaîtront toutes les localités, qu’elles seront mêlées avec les habitants, et qu’elles auront fait une bonne chasse aux brigands. Il faut les faire fusiller sur-le-champ dès qu’il y en a d’arrêtés. Occuper les côtes est une autre chose de première nécessité. Toutes les mesures que vous avez prises pour établir des commandants militaires dans les provinces sont très-bonnes. Mais tenez la main à ce que les généraux ne volent pas. S’ils se conduisent arbitrairement, s’ils vexent et dépouillent les citoyens, ils soulèveront les provinces. Il faut frapper hardiment, destituer honteusement et livrer à une commission militaire le premier qui volera. Organisez peu de troupes napolitaines : il n’y a point à se fier à elles dans le premier moment. Vous pourriez former un régiment et renvoyer en France ; dès qu’il sera arrivé en Italie, je le prendrai à ma solde; il sera bon pour servir dans les Pyrénées.

La mesure que vous avez prise de donner une solde à tous les officiers qui n’avaient pas suivi le roi de Naples est sujette à bien des observations. Ne vous entraînez pas dans une immense dépense. L’existence d’un si grand nombre d’individus à Naples n’aura pas d’inconvénient tant que vous y aurez une forte armée française; mais lorsque les troupes françaises seront parties, ces gens-là seront organisés, et vous ne pourrez pas vous fier à eux.

Il faudrait les envoyer en France. Je ne comprends point dans ce nombre ceux qui sont opposés à la Reine et qui étaient en état de persécution sous l’ancien régime.

En masse, je vois dans vos décrets beaucoup de bonnes mesures. Je ne puis trop vous recommander de montrer de la vigueur.

Il faudra, dans chaque province, établir un provéditeur, dans la forme de nos préfets; les généraux ne sont pas en état d’administrer.  Il me semble que votre gendarmerie n’a pas assez d’étendue. Placez un capitaine dans chacun de vos commandements militaires, avec une compagnie de gendarmerie à pied; composez vos compagnies moitié de Français et moitié de Napolitains les plus attachés, en mettant quelques-uns de ceux qui ont été en France.

 

Saint-Cloud, 21 avril 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j’ai remis le rapport sur l’organisation des dépôts des corps de l’armée de Naples. J’imagine que le général Charpentier a tout vu par lui-même. J’attends avec intérêt un nouveau rapport. J’ai donné ordre à tous les majors de rester à leur dépôt, et aux cadres des 3e et 4e bataillons de venir joindre les dépôts. Puisque tous les corps ont des draps et des habits en magasin, j’en conclus que tout ce qui est présent aux dépôts est habillé, et que vous avez là 7ou 9,000 hommes prêts à faire la guerre, s’il le fallait. Je n’ai que trop de monde à Naples; mon intention n’est donc pas qu’aucun homme soit envoyé des dépôts à l’armée, à moins d’un ordre de moi. Je désire également qu’on n’envoie rien des dépôts à l’armée; le prince Joseph saura bien se procurer tout ce dont il aura besoin. On doit préparer aux dépôts des moyens d’habillement et d’armement par un nombre de conscrits suffisant pour porter les dépôts au grand complet de guerre, car telle est mon intention; de manière qu’ils puissent me former un corps de 14,000 hommes disponibles pour mon armée d’Italie. Mettez tout en règle pour ces dépôts, pour que vous soyez assuré qu’en payant la solde on ne paye que les présents; et pour les masses, de même. Tout ce qui est dans le royaume de Naples sera payé par le payeur de l’armée de Naples.

 

Saint-Cloud, 22 avril 1806

A M. Champagny

Monsieur Champagny, par mon décret du 18 février dernier j’ai accordé 500,000 francs pour les travaux à faire à Sainte-Geneviève; comme il serait possible que, cette année, vous ne dépensiez pas toute cette somme, je désire que, ce que vous ne pourrez pas consommer, vous le dépensiez à Saint-Denis. Présentez-moi mercredi un rapport qui me fasse connaître ce qui sera fait à Sainte-Geneviève et à Saint-Denis avec ces 500,000 francs. Je vous ai accordé, par le même décret, 500,000 francs pour l’arc de triomphe de l’entrée du boulevard Saint-Antoine; portez-moi également mercredi un projet pour savoir s’il est possible d’arrêter quelque chose sur cet objet. J’ai décidé que, pour faire les fonds de ces dépenses, vingt-cinq pour cent seraient pris sur les coupes de bois. Faites-moi connaître pour combien il y a de rescriptions pour coupes de bois à la caisse d’amortissement, ainsi que leur emploi; je désire en employer une partie à établir une fontaine sur la place de la Concorde, et savoir s’il restera une somme assez notable pour pouvoir être employée à d’autres travaux utiles et d’embellissement pour la capitale.

 

Saint-Cloud, 22 avril 1806

A M. Champagny

Monsieur Champagny, j’ai lu avec attention votre rapport sur les eaux de Paris. Mon intention serait qu’à dater du 1er juin les eaux coulassent de toutes les fontaines de Paris depuis le lever du soleil jusqu’à une heure après son coucher, et que, par ce moyen, les marchés et les rues se trouvassent lavés; ce qui sera d’un très-bon effet pour la propreté et la salubrité de la ville. Présentez-moi, la semaine prochaine, un projet de décret, afin de prescrire tout ce qui est nécessaire pour arriver à ce but. Il y sera désigné les fontaines dont l’eau commencera à couler du 1er mai, celles depuis le 1er juin, celles depuis le 1er juillet, celles depuis le 1er août, et jusqu’à ce que toutes les fontaines actuellement existantes à Paris puissent offrir cet avantage précieux.

 

Saint-Cloud, 22 avril 1806

A M. Cretet

Je viens de prendre un décret par lequel je mets à votre disposition 1,400,000 francs sur les produits de la régie des sels et tabacs du Piémont. Mon intention est que ce fonds soit employé comme porte le décret. J’attache une grande importance à la route de Savone à Alexandrie. Il faut , avant de rien dépenser sur les roi d’Acqui à Alexandrie, rendre très-carrossable la route de Savone à Carcare; c’est l’affaire de deux lieues et de moins de 300,000 francs. Je désire que vous m’appreniez que cela sera fait cette année. Vous verrez que je porte un soin particulier à la route de Gènes à Port-Maurice. La route de Gènes à Voltri est bonne; de Voltri à Savone, elle est en partie faite : Savone étant une place d’armes et offrant un nouveau débouché pour Acqui, il me sera utile, sous le point vue militaire, que cette communication existe. La route de Savone à Port-Maurice est également importante. Vous avez d’autres fonds pour faire celle de Port-Maurice à Nice.

La route de Port-Maurice à Ormea , par la vallée d’Oneille, est en partie faite; mais il y a une montée assez considérable.

Quant à celle de Plaisance à Sestri , faites tracer cette route et remettez-moi un mémoire; car, ne connaissant pas par moi-même les localités, je ne puis asseoir mes idées, et je ne sais si, sous le point de vue militaire, je ne préférerais pas une route de Plaisance à Gènes. J’attendrai donc votre rapport sur ces deux idées.

 

Saint-Cloud, 22 avril 1806

A M. Cretet

Sur les 1,200,000 francs accordés sur les fonds de la police, je désire que 400,000 francs soient employés à l’égout de la rue Froid-Manteau et au prolongement du quai du Louvre, comme je l’ai déjà arrêté; 60,000 francs pour la clôture du Champ-de-Mars et 300,000 francs pour le pont de l’École militaire; bien entendu que cette somme ne sera qu’une avance, qui sera remboursée par la compagnie des ponts, si on parvient à la former. Les 400,000 autres francs seront employés à continuer le quai Bonaparte, d’abord jusqu’aux Invalides. Mon intention est de continuer ensuite ce quai jusqu’au pont de l’École militaire.

 

Saint-Cloud, 22 avril 1806

A M. Fouché

Témoignez mon mécontentement au général Menou de ce qu’il fait imprimer des rapports dans les gazettes. Il ne doit faire imprimer aucun rapport quelconque; il ne doit faire de rapport officiel qu’au Gouvernement. Cette manière de parler au public est illégale.