Correspondance de Napoléon – Avril 1806
Avril 1806
La Malmaison, 1er avril 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, un nommé Bretz, garde-magasin de la 4e division, sous les ordres du commissaire des guerres Masséna, a reçu du gouvernement de Vicence 2,116 livres ou souverains, en échange d’un bon de 8,000 rations de pain, dont il n’a été reçu que 1,000. Ordonnez l’arrestation de cet individu.
J’ai destitué le général Solignac. Vous lui notifierez sa destitution et vous lui ferez connaître que je sais, à point nommé et en grand détail, tout l’argent qu’il a eu, et pour lui et pour d’autres; qu’il faut que, sans délai, il restitue tout ce qui, dans la levée des contributions, a été à son profit; que l’Empereur, qui ne veut pas outrer les mesures de sévérité, voudra bien ne pas aller plus loin si ces sommes sont promptement rétablies dans la caisse de l’armée; mais que si le général Solignac tarde à le faire, il sera traduit devant une commission militaire comme ayant détourné à son profit des fonds destinés à servir à l’entretien et à être la récompense du soldat. Écrivez au général Seras que je suis instruit que plusieurs de ses aides de camp et des officiers de son état-major se sont fait donner des sommes d’argent par le pays conquis; que je désire qu’il fasse attention qu’avec la surveillance et la sévérité que je porte l’administration cela ne peut aller plus loin ; qu’il faut donc qu’il avertisse sérieusement ses officiers de prendre garde de se compromettre; sans quoi ils se verront traduits devant un conseil de guerre pour être jugés comme ayant détourné les fonds de l’armée à profit.
La Malmaison, 1er avril 1806
Au maréchal Berthier
Je vous envoie le Moniteur; vous verrez ce que j’ai fait pour vous. Je n’y mets qu’une condition, c’est que vous vous mariiez, et une condition que je mets à mon amitié. Votre passion a duré longtemps; elle est devenue ridicule; et j’ai droit d’espérer que celui que j’ai nommé mon compagnon d’armes, que la postérité mettra partout à côté de moi, ne restera pas plus longtemps abandonné à une faiblesse sans exemple. Je veux donc que vous vous mariez; sans cela, je ne vous verrai plus. Vous avez cinquante ans, mais êtes d’une race où l’on vit quatre-vingts , et ces trente années celles où les douceurs du mariage vous sont le plus nécessaires.
Quand les circonstances le permettront, vous vous rendrez à Strasbourg. De là vous passerez à votre principauté pour tout y arranger. Elle rendait 50,000 écus à la Prusse; elle doit vous rendre le double. Vous savez que personne ne vous aime plus que moi; mais vous savez aussi que la première condition de mon amitié est qu’elle soit subordonnée à mon estime. Vous l’avez méritée jusqu’ici. Continuez à vous en rendre digne en concourant à mes projets et en devenant la souche d’une bonne et grande famille.
Je vous ai écrit pour mes prisonniers de guerre d’Italie, qui ne sont pas encore rentrés.
La Malmaison, 3 avril 1806.
A M. Mollien
La province de Vicence a donné 300 souverains d’or au payeur général de l’armée pour l’engager à accorder des délais pour le paiement des contributions; 30 de ces souverains ont été donnés à un nommé Auzou. Écrivez à ce payeur pour savoir s’il a fait recette de cette somme; que, s’il ne l’a point fait, il se hâte de le faire, sans quoi il peut en résulter des conséquences funestes pour lui; qu’il faut que toutes les contributions payées par les provinces conquises se trouvent dans sa caisse; car l’Empereur les connaît toutes et veut savoir si tout ce qu’on a payé est entré dans la caisse de l’armée.
Je désirerais aussi que vous présentiez un payeur plus propre que M. Mesny, qui se trouve compromis dans plusieurs affaires. On pourra le laisser encore quelque temps, mais il faudra finir par l’ôter.
Le payeur Devisau a reçu du gouvernement vicentin 52 souverains d’or. Faites-moi connaître si cette somme a été encaissée.
La Malmaison, 4 avril 1806
A M. Gaudin
Mon intention est que toutes les marchandises anglaises saisie à Neufchàtel servent de gratification à l’armée. Il est nécessaire que le directeur des douanes demande au général Oudinot un officier pour les assister dans la vente, afin que l’armée ait la sûreté que rien ne soit détourné et que tout aille à son profit.
La Malmaison, ler avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, vous trouverez ci-joint le Moniteur; faites faire le plus tôt possible la répartition des trente millions de biens, et, lorsque M. Dauchy devra revenir, il rapportera tous les procès-verbaux.
Au 1er mai, Venise fera partie du royaume. Dès ce moment l’armée sera nourrie par Dejean, mais ce sera toujours par vous. Les 2,500,000 livres par mois suffiront-ils ?
Faites-bien sentir au Conseil d’État que la réunion de la Dalmatie, de l’Albanie, du Frioul, de Venise, exige que je tienne dans ces provinces un grand nombre de troupes, surtout pendant les premières années; que les 2,500,000 livres ne sont pas trop considérables; que l’augmentation pour le pays de Venise est de moins d’un million, puisque mon royaume d’Italie paye déjà 1,600,000 francs. Enfin n’oubliez pas que les 1,200,000 francs de rente sur le Mont-Napoléon sont une récompense juste; que les duchés que je crée ne sont que pour arriver à un système, puisqu’ils ne donnent aucun droit; que l’on en rachètera les dotations insensiblement; que l’occupation de Venise pourra être le prétexte de nouvelles guerres; qu’il est de mon devoir et de ma politique d’intéresser l’armée et la nation dans cette nouvelle querelle, quoiqu’il soit indifférent pour les autres puissances que Venise appartienne à l’Autriche ou à l’Italie.
Envoyez-moi l’état des commandeurs de la Couronne de fer que j’ai nommés et des places que j’ai encore à donner, avec les propositions que vous avez à me faire et la note de ce qu’a fait chaque individu proposé pour le bien du pays depuis la première entrée des Français en Italie.
La Malmaison, 2 avril 1806
Au général Junot
C’est par mon ordre que le prince Eugène réunit toute l’artillerie à Vérone. Le 3e léger vous est bien suffisant pour maintenir la police dans l’État de Parme. Où est donc le temps où, avec une colonne mobile de 300 hommes et deux pièces de canon, j’aurais fait trembler neuf millions d’individus ? Mais on est devenu trop grand seigneur, on ne se remue pas, on dort, et il ne faut point dormir. Je sens d’ailleurs qu’il peut être avantageux aux États de Parme d’avoir deux régiments ; je vous en enverrai un nouveau.
Je donne ordre à Oudinot, qui est à Neufchâtel, de vous envoyer le bataillon d’élite du 3e. Je n’entends pas dire que vous ayez été à Bardi, et que vous ayez parcouru toute la province. Parcourez toute la chaîne de montagnes; qu’il n’y ait pas un point que vous ne connaissiez. Je puis vous rappeler d’un instant à l’autre, et vous n’aurez pas connu le pays. Qu’il n’y ait pas un sentier, un col de l’Apennin, une vue d’amélioration qui vous ait échappé.
La Malmaison, 4 avril 1806
Au roi de Prusse
Monsieur mon Frère, j’ai fait connaître à M. le comte de Haugwitz, dans deux longues conférences, le fond de toutes mes pensées.
Je n’ai pas pu lui dissimuler la peine que j’ai éprouvée du peu d’accueil qui a été fait à Berlin à la convention de Vienne. Votre Majesté plus que personne sait qu’un traité est le concours de deux volontés, et qu’en le ratifiant on ne peut pas faire à une des parties un plus grand manquement que d’en changer ou interpréter les stipulations autrement qu’elles ne sont exprimées. Mais enfin la convention de Paris a mis un terme à cette trop longue incertitude pour mon cœur.
Sire, que Votre Majesté me permette de le lui dire : encore depuis le traité de Paris , dans la proclamation adressée à Neufchâtel, il a été dit, au nom de Votre Majesté, qu’il valait mieux qu’elle eût cédé cette principauté à la France que si la France l’eût conquise. Ah ! Sire , il n’a jamais été dans mon intention de faire la guerre à Votre Majesté, et, je l’eusse voulu, si j’eusse pu un moment oublier les principes de la politique de ma couronne et les sentiments que j’ai voués à la personne de Votre Majesté, si je m’étais laissé influencer par les insultes de son ministre et par cette espèce d’exaltation factice que l’on avait donnée à ses peuples contre la France, je le dis avec un noble orgueil, j’eusse pu la leur faire payer bien cher.
Mais je réclame ici la loyauté de Votre Majesté : je ne me suis jamais présenté à elle comme lui offrant la guerre on les conditions du traité de Vienne ou de Paris.
La guerre contre la Prusse n’a jamais pu être possible de ma part. J’ai offert à Votre Majesté de tout rétablir dans la même situation où étaient les choses avant le traité de Vienne, avant la guerre avec l’Autriche, en renvoyant le corps du maréchal Bernadotte en Hanovre; ou, si Votre Majesté voulait conserver la province de Hanovre, la lui laisser contre l’échange de quelques provinces. C’est donc injustement que l’on présente à Berlin la convention de Vienne et de Paris comme une convention imposée par la France; et , si j’ose le dire, ceux qui présentent ainsi Votre Majesté aux yeux de l’Europe, ne la présentent pas avec la dignité qui convient à un des plus puissants souverains et qui commande à une des plus fortes et des plus belles armées. Quoi qu’il en soit, je regarde tous ces événements passés comme le résultat des intrigues multipliées que les Anglais ont l’art de susciter dans tous les cabinets.
Je ne me souviens plus désormais que des clauses du traité de Paris qui nous lie, me flattant de mon côté que Votre Majesté rendra justice aux sentiments que je lui porte. M. le comte de Haugwitz ne saura jamais trop lui répéter combien mes intentions sont droites, franches et décidées. Je ne serai jamais, lorsqu’il s’agira de lui plaire, incertain, douteux , et n’aurai recours à aucun mezzo termine. Votre Majesté aura vu les communications faites au parlement d’Angleterre, elle aura reconnu là toute la duplicité de l’Autriche et de la Russie et elle se sera convaincue que cette dernière avait mis dans ses calculs de forcer la main à Votre Majesté pour la faire déclarer contre moi.
Enfin je m’en rapporte à ce que lui dira le comte de Haugwitz sur notre situation actuelle, et je serai heureux de penser que Votre Majesté est persuadée que, dans cette dernière circonstance, j’ai été au-dessus de toutes les petites passions, et que je me suis toujours conduit par les sentiments d’amitié que je lui porte et la considération des vrais intérêts de la France, qui, à mes yeux, ne peuvent jamais être considérés comme séparés de ceux de la Prusse.
La Malmaison, 4 avril 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 21 mars. Vous trouverez ci-joint une lettre du général Molitor qui vous fera connaître l’état de la question relativement à la Dalmatie. Vous voudrez bien réclamer toute l’artillerie et les munitions des places de cette province qui se trouvent encore à Trieste.
Faites connaître bien positivement que je n’irai point reprendre l’Albanie, puisqu’elle doit m’être remise, et que ceci est mal reconnaître les bons procédés que j’ai eus pour l’Autriche.
La Malmaison, 4 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, le passage en Dalmatie sera dû par terre, et je ne souffrirai pas que la cour de Vienne le refuse. Que le général Marmont écrive au général Bellegarde pour qu’il fasse retourner l’artillerie vénitienne dans les places de la Dalmatie. Faites surtout passer en Dalmatie les hommes appartenant aux cinq régiments qui s’y trouvent, afin que ces régiments soient nombreux et puissants. Faites-y passer des cartouches et de la poudre, afin que la place de Zara et les autres places fortes soient en état , et qu’en cas d’événement on puisse y réunir tous les dépôts et porter toute la division sur la Croatie. Faites-y surtout passer de l’argent. J’imagine qu’il y a un payeur; il faut que ce payeur ai constamment dans la caisse des fonds pour un mois de solde; que le soldat ne souffre pas, qu’il ait toujours deux paires de souliers dans le havre-sac. Je suis fâché et je ne puis que vous témoigner mon mécontentement de ce que vous ne m’ayez pas encore envoyé les plans de Zara et des autres places de la Dalmatie, ainsi que les états de leur approvisionnement et de leur armement en artillerie. Je n’admets aucune espèce d’excuses; c’est à vous à faire mettre aux arrêts les commandants d’artillerie et du génie, et à prendre toutes les mesures pour que je sois instruit ; vous ne les prenez pas. On dort à Milan, mais beaucoup plus encore en Dalmatie. J’approuve fort que vous n’ayez mis ni bœufs , ni fourrages à Palmanova; cela coûterait inutilement de l’argent.
La Malmaison, 4 avril 1806
Au prince Joachim
Le général Dupont m’apporte votre lettre. Je donne ordre qu’on établisse à Wesel une manutention. Il ne faut rien vendre; cela n’aboutit à rien. Je désire qu’arrivé à Wesel vous me fassiez un rapport sur le duché de Clèves et sur toutes les places. Les troupes qui sont dans le duché de Berg continueront à être traitées sur le pied de guerre. Je les ferai nourrir et habiller. Mon intention est de n’occuper que Wesel , avec un régiment; je ferai rentrer le reste des troupes en France. Quant à vous, je pense qu’il faut vous former un régiment de quatre bataillons, chaque bataillon de huit compagnies, de manière à pouvoir mettre en campagne 2,400 hommes, avec une compagnie d’artillerie et six pièces de canon ; mais il faut bien se garder de se dépêcher de le former. Il faut suivre la manière économique du pays; les troupes allemandes coûtent beaucoup moins que les nôtres. Il faut aussi porter une grande attention dans le choix des officiers, y mettre beaucoup de propriétaires du pays.
La Malmaison, 4 avril 1806
Au prince Joachim
Je ne vois pas d’inconvénient que vous gardiez le bataillon bavarois. Je ne veux point qu’on désarme Wesel, et je suis fort surpris qu’un officier du génie vous fasse une pareille proposition; sur quels renseignements a-t-il pu asseoir cette idée ? Cet officier du génie ne s’est pas fait honneur; dites-le-lui de ma part; son mémoire ne dit rien. Est-ce ainsi qu’on fait une reconnaissance ? Je n’ai pas plus d’idée de la place de Wesel, après avoir lu son mémoire, qu’auparavant. Ordonnez à cet officier d’y rentrer, d’en lever le plan, et de m’envoyer un mémoire en règle. Il faut au contraire armer la place de Wesel, en compléter les approvisionnements et la tenir en bon état.
Je suis fort surpris d’apprendre que les principaux du duché de Clèves n’aient pas voulu prêter serment ; qu’ils le prêtent sous vingt quatre heures, sans quoi faites-les arrêter, traduire en prison et confisquer leurs biens.
Le nom de ministre appartient à ceux qui en remplissent les fonctions chez tous les princes souverains ; il n’y a pas un petit prince en Allemagne qui n’en ait; par conséquent, vous devez avoir trois ministres.
La Malmaison, 4 avril 1806
Au prince Joachim
J’ai relu avec attention le projet d’organisation que vous m’avez envoyé; il est incomplet et mauvais. J’ai dicté à M. Maret quelques articles, qu’il vous enverra par le même courrier, non comme quelque chose de définitif, mais pour faire voir comme cela doit être fait. Ne vous pressez point. Pour bien constituer le pays de Berg et de Clèves , il faut se donner le temps d’observer et de voir. Faites recueillir tous les renseignements; après quoi, il sera possible d’arriver à une organisation qui convienne aux habitants et à vous, et qui rende vos voisins envieux de faire partie de votre domination. C’est là surtout le but qu’il faut se proposer.
Trois ministres suffisent; 6,000 francs à chacun est un traitement convenable. Huit conseillers d’État, à 2,000 francs chacun , paraissent suffisants pour le pays. Quant aux états, il faut bien savoir comment ils sont formés pour en concevoir une idée. Quant à la justice, il faut aussi savoir comment elle est formée et combien elle est payée aujourd’hui. Il est probable qu’on allait en dernier appel à Munich ou même devant les tribunaux de l’Empire. Il faut abolir cela, et que tout se termine en dernier appel à Düsseldorf. Quant aux biens, vous devez vous emparer de ceux de l’ordre de Malte et de l’ordre Teutonique, et de ceux des moines; tout cela réuni devrait accroître votre domaine. Il faudrait que les biens , réunis à la portion d’impôt que vous garderez pour vous, vous formassent un revenu de deux millions de francs, afin que vous puissiez soutenir votre État sans avoir besoin d’autre chose. Les troupes doivent être soldées avec les fonds dont vous aurez l’administration, mais qui seront des fonds du trésor, de même que les canaux, les dettes et autres besoins publics. Il n’y a donc pas de renseignements suffisants pour faire quelque chose de passable; occupez-vous de les réunir.
La Malmaison, 5 avril 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur Talleyrand, M. Laforest n’explique pas assez quelles sont les plaintes que porte la Prusse, ni l’espèce de discussion qui existe entre M. de Schulenburg et le général Rapp. J’ai peine à concevoir cela. Il faut bien prévenir M. Laforest de ne pas se mêler de la médiation de la Prusse pour la Russie; tout cela n’est que du verbiage; il n’en est et n’en a jamais été question, et il faut toujours se taire là-dessus.
La Malmaison, 5 avril 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, vous trouverez ci-joint la justification du général Baraguey d’Hilliers; je désire que vous la lisiez avec attention, et que vous la communiquiez an maréchal Ney avec les noms des officiers cités en témoignage; car il est juste que, s’il y a eu impossibilité pour le général Baraguey d’Hilliers à se trouver à l’affaire du 19 vendémiaire, il soit entièrement lavé et qu’aucune ombre de soupçon ne plane sur sa tête. Faites dresser un procès-verbal en règle de l’examen des faits. S’il y a de sa faute, il doit être puni ; mais s’il a fait son devoir, il ne doit rester aucune prévention contre lui.
La Malmaison, 5 avril 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, occupez-vous un peu de la carte de Bavière. Il serait bien important que l’on nous gravât cette carte et celle de Souabe, afin que nous sachions à quoi nous en tenir.
Paris, 7 avril 1806
A M. Regnier
La cour criminelle de Marseille m’est dénoncée comme ne remplissant pas ses devoirs, comme ayant acquitté deux individus dont l’un est un chef connu d’insurrection, à Aix, et l’autre convaincu d’avoir tué un gendarme. On se plaint particulièrement du président. Faites-moi un rapport sur cette affaire, et faites venir à Paris toutes les pièces du procès.
Paris, 7 avril 1806
NOTE POUR M. REGNAUD, PRÉSIDENT DE LA SECTION DE L’INTÉRIEUR AU CONSEIL D’ÉTAT.
Il y aura au Conseil d’État une section composée d’un président et quatre conseillers d’État, laquelle sera spécialement chargée , 1° des budgets des communes; 2° des tarifs d’octroi; 3° des projets d’échanges, aliénations, impositions extraordinaires; 4° des autorisations pour les coupes des quarts de réserve ; 5° de tous les projets de lois et règlements concernant ou l’administration des communes, ou leurs propriétés.
Paris, 7 avril 1806
A M. Fouché
Dans votre bulletin du 18 mars, je vois qu’il y aurait à Aix encore des discussions ; qu’il y aurait un nombre de maisons qui affichent l’opposition au gouvernement et qui auraient fêté Mme. d’Escars son passage à Aix pour son exil; c’est ce que je lis dans votre bulletin du 18 mars. Mon intention est que, sans délai, vous demandiez un état des individus qui seraient dans cette opposition au gouvernement; car lorsqu’on ne donne pas les noms, on ne me dit rien. faire des tableaux, c’est ne me rien apprendre, ce n’est pas remplir ses devoirs. Témoignez-en mon mécontentement au commissaire général de police. On distinguera bien ceux qui sont émigrés ou non; et vous me présenterez un rapport pour envoyer à trente lieues d’Aix les cinq on six coupables, pour rendre la tranquillité à la ville.
Demandez à Bordeaux le nom des individus de l’ancienne noblesse qui se comportent mal. Et en général ne mettez pas dans les bulletins dans des tableaux, mais des faits.
Paris, 7 avril 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur Talleyrand, je vous envoie une lettre et des pièces qui vous serviront à répondre à M. de Lucchesini et à lui faire comprendre que Werden et les autres biens sont compris dans le duché e Clèves; que je suis fâché de la chaleur qu’on met dans cette affaire qui n’est pas d’une telle conséquence qu’on ne puisse l’aranger à l’amiable tout doucement.
Paris, 7 avril 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je reçois votre lettre datée du 1er avril. Je vous assure que je ne suis pas moins empressé que vous de vous voir arriver à Paris; mais je ne vois pas comment l’affaire d’Albanie pourra s’arranger. Il faut donc garder Braunau et vous tenir dans la position actuelle jusqu’à nouvel ordre.
Paris, 1 avril 1806
Au général Junot
J’ai donné ordre au ministre de l’intérieur de correspondre avec vous pour la mesure à prendre pour détruire la mendicité. L’établissement de trois ou quatre maisons de force, contenant 7 ou 800 personnes, où l’on formerait des ateliers de travail, est une fort bonne idée. Il faudrait les placer à Parme et à Plaisance plutôt qu’ailleurs, parce que le mal de la mendicité y est plus dangereux.
Il y a eu quelques assassinats ; la gendarmerie a arrêté les coupables; livrez-les à des commissions militaires ou à des tribunaux spéciaux; mais faites faire une prompte et sévère justice.
Paris, 7 avril 1806
Au prince Eugène
Mou Fils, je reçois votre rapport sur le vif-argent. Mon opinion est que vous ne vous en dessaisissiez pas que je ne sache à quoi m’en tenir là-dessus. Faites venir le propriétaire et demandez-lui un mémoire; dites-lui que cela a été vendu trop bon marché, et que je veux savoir toute l’histoire secrète de cette affaire. Vous pouvez le lui faire demander par le conseiller d’État Dauchy, s’il est à Venise; car il faut que je connaisse tout ce qui s’est fait, dans le plus grand détail.
Réduisez tous les bureaux de poste aux lettres de Venise à un seul. Ne laissez plus partir de courrier, soit par mer, soit par terre, qu’il ne parte de ce bureau.. Employez pour cela la police de Venise. N’ayez aucun égard. Si l’empereur a à réclamer, nous verrons. Ne nommez point les bureaux dans votre décret, et dites seulement que les onze bureaux de poste aux lettres établis à Venise sont réduits à un seul. Faites exécuter cette mesure avec une telle promptitude, que, vingt-quatre après que votre décret sera pris, tout soit réuni dans un point central.
Vous devez avoir plus de biscuit qu’il ne vous en faut en Dalmatie et en Istrie; mais, comme il est bon d’en avoir une grande partie à Zara, je ne m’oppose pas à ce que le biscuit qui est dans la 27e division militaire soit aussi dirigé sur cette place.
Ayez en Dalmatie un ordonnateur, un inspecteur aux revues et un payeur qui correspondent avec votre ordonnateur en chef, votre inspecteur en chef aux revues et avec votre payeur général; et alors, avec le nombre de troupes qui s’y trouvent, on saura ce qu’il leur faut.
Vous pouvez nommer pour provéditeur en Dalmatie la personne que vous jugerez la plus propre à cette place; vous lui donnerez les pouvoirs qu’avaient les anciens provéditeurs vénitiens, et il correspondra avec vous et avec vos ministres.
Paris, 7 avril 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je n’ai jamais rien vu de plus mal fait que les mémoires que m’envoie le général de génie Poitevin : il se mêle de ce qui ne le regarde pas; il bâtit des plans de campagne qui n’ont point de sens, et ne donne point la description du pays ni des places fortes, la seule chose qui m’intéresse. Demandez-lui donc, non des lignes de défense, des camps retranchés, etc., mais la topographie proprement dite du pays; qu’il fasse l’ingénieur et non le général en chef.
Paris, 7 avril 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, le général du génie Poitevin, qui est en Dalmatie depuis deux mois, au lieu de faire une description topographique et militaire du pays qui me fasse connaître la nature des chemins, les côtes, les ports, les montagnes, les villes, la population, etc., fait des rêves de première ligne de défense, de seconde ligne de défense, de plans d’offensive, de défensive; ce qui est un véritable galimatias. Témoignez-lui mon mécontentement, et dites-lui bien qu’il m’envoie un mémoire sur toute la topographie du pays, sur les montagnes, routes, canaux, etc., sans y joindre des projets d’attaque, de défense, ni rien de ce qui n’est pas précis et qui ne tend pas à faire connaître la nature du pays.
La Malmaison, 10 avril 1806
A M. Cretet
Monsieur Cretet, je vous envoie le rapport de M. de Champagny sur les eaux de Paris; je désire que vous me fassiez un petit travail là-dessus. Le but où je voudrais arriver avant tout serait de faire couler jour et nuit l’eau dans le plus de fontaines possible.
Il me semble qu’il n’est pas bien dit dans le mémoire de M. Champagny ce qu’il en coûterait. Pendant quatre mois de l’été, cela est indispensable à Paris. On ne peut regarder à 100,000 francs lorsqu’il est question de l’agrément et de la santé d’une si immense ville. Faites-moi un rapport concis là-dessus, et présentez-moi un projet de décret pour augmenter le nombre des fontaines actuellement existantes, si cela peut se faire sans de trop grandes dépenses. Joignez une carte de Paris sur laquelle vous indiquerez par un signe le lieu où sont les cinquante-six fontaines actuelles.
Faites-moi un autre rapport sur les avantages ou les inconvénients qu’il y aurait à supprimer la pompe de Notre-Dame. Cela est-il urgent ou peut-on attendre que les eaux du canal de l’Ourcq soient arrivée et que la navigation de la Seine soit terminée jusqu’à Troyes ? Je désire que vous m’apportiez ces différents rapports mercredi au Conseil d’État. Il est honteux, dans mon opinion, qu’on vende de l’eau aux fontaines de Paris. Faites-moi connaître ce que perdrait la commune de Paris par la suppression de ce droit.
Enfin le but auquel je veux arriver est : 1° que les cinquante fontaines de Paris actuelles coulent jour et nuit, depuis le 1er mai prochain; qu’on cesse d’y vendre l’eau, et que chacun puisse en prendre autant qu’il en veut; 2° que les autres fontaines qui existe à Paris soient le plus tôt possible mises en état de fournir de l’eau. Il me semble que ce sera un beau réveil pour Paris, si cela peut s’exécuter aussi facilement que je commence à le concevoir, et avec aussi peu de sacrifices.
La Malmaison, 10 avril 1806
A M. Cretet
J’ai accordé plusieurs fonds cette année pour les travaux publics de Paris : 1,200,000 francs sur la caisse de la police, autant sur les coupes de bois en réserve appartenant aux communes, et déposés la caisse d’amortissement; et je crois même que je vous ai accordé d’autres fonds. Faites-moi connaître mercredi, au Conseil d’État, ce que vous comptez faire de ces fonds, et employez cette année 100,000 écus pour faire ce qui est nécessaire dans une première campagne. Faites réparer le Champ de Mars (cela me sera nécessaire pour maintenir la police, si j’y fais venir un grand nombre de troupes) de manière à le rétablir comme jadis.
Apportez-moi mercredi un rapport sur les routes du Piémont, Gênes et Parme. Qu’avez-vous fait en l’an XIII, et avez-vous joui des 400,000 francs de l’an XII ? Qu’y a-t-il de plus urgent à faire d’abord sur les routes de Suze à Alexandrie et d’Alexandrie à Parme, sur celle de Turin à Verceil, sur celle d’Alexandrie à Gênes et sur celle de Turin à Nice ? Que vous a-t-il été accordé en l’an XIII et XIV, et cette année, pour toutes ces routes? Que vous faut-il ?
Une autre chose que je désire mercredi, c’est le travail pour la Roche-sur-Yon.
La Malmaison, 10 avril 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur de Talleyrand, je vous renvoie votre rapport et le projet de M. Otto. Je ne puis l’adopter, parce qu’il confond ce qui me regarde directement avec ce qui me regarde indirectement. Ce qui me regarde directement, c’est l’exécution du traité de Presbourg et la mise en possession des pays autrichiens aujourd’hui occupés ou qui sont censés occupés par mon armée. Il y a là deux difficultés : l’une entre Wurtemberg et Bade, l’autre entre la Bavière et Wurtemberg. La question entre Wurtemberg et Bade est connue; je puis la décider sur-le-champ, puisque le principal obstacle a été levé par le travail du général Clarke. La question entre la Bavière et Wurtemberg devait être résolue par M. Otto; mais je vois qu’il ne l’a pas fait et qu’il s’est occupé d’objets étrangers à cette décision. Il sera donc nécessaire que je nomme pour cet objet un commissaire dont la délicatesse soit connue et à l’abri de toute corruption. Il tracera la ligne de démarcation des frontières entre la Bavière et Wurtemberg en conformité de ce que veut le traité de Presbourg. Il fera planter les poteaux de limites et fera dans cette partie un travail semblable à celui du général Clarke pour les frontières de Wurtemberg et de Bade. Le décret relatif à cette affaire finira tout ce que j’ai à terminer directement , et je désire le signer dans la semaine.
Il est des affaires d’une nature différente que M. Otto a confondues et qui ne me regardent pas directement; je veux parler de la souveraineté sur les territoires des petits princes. Quel parti doit-on suivre relativement à cette question ? Doit-on maintenir les petits princes dans toute leur indépendance, leur laisser voix à la diète, ou réduire à l’état de particuliers ? Si on les laisse dans leur indépendance, ils voteront contre la France, soit parce qu’ils sont Autrichiens, soit parce qu’ils ont trop de relations avec l’Autriche qu’on ne pourra concilier ces petits princes avec les souverains de Bavière, de Wurtemberg et de Bade. Le véritable intérêt de la France est que l’empire germanique ne puisse se réorganiser qu’à l’aide d’une forte et puissante direction. La France n’en a pas un moins réel que les trois seuls princes qui, depuis la révolution, ont franchement fait cause commune avec elle en soient amplement récompensés. Je ne serais donc pas éloigné de penser qu’il serait conforme au système du moment de conclure une convention secrète avec trois souverains que je viens de nommer, et d’augmenter leurs États actuels de 150 à 200,000 ânes, sans pour cela y intervenir pour mon compte d’une manière directe; en un mot, de les laisser faire entre eux et en leur défendant de prononcer mon nom. Par ce moyen le Collège des princes serait privé de quelques votes autrichiens, et ce serait une nouvelle difficulté pour l’établissement de l’équilibre des votes entre l’Autriche et la Prusse. Les trois princes seraient pendant toute la génération actuelle, bien plus à ma discrétion qu’ils ne le sont en ce moment, parce que, n’ayant pas donné un assentiment public à leurs opérations, ils se trouveraient dans une situation violente; et comme leurs usurpations ne pourraient être légalement sanctionnées que par l’autorité impériale d’Allemagne, il en résulterait qu’ils seraient toujours obligés de recourir à mon appui , et je disposerais conséquemment de trois votes électoraux. L’opinion germanique serait par là plus partagée, ce qui est en tout favorable à la France. Il est cependant des princes, tels que celui de Hohenzollern, qui ne sont pas autrichiens, qu’il peut être de mon intérêt de garantir, même d’étendre et de placer sous mon influence tous les moyens convenables. Il ne faut pas s’en laisser imposer par les protestations des petits princes d’Allemagne. Ils ont fait la même chose à Rastadt, et nous n’avons pas d’ennemis intérieurement plus acharnés. La situation de l’Europe ne comporte plus de ces petites questions. Ils seraient les premiers sacrifiés et offerts par l’Autriche elle-même aux trois souverains pour rallier l’esprit germanique toutes les fois que l’Autriche le croirait de sa politique. Si mes armées avaient été battues, peut-on douter que la Russie et la Prusse n’eussent consenti à laisser la Bavière à l’Autriche ? Il y a eu, et le fait est bon à rappeler puisqu’il est historique, des moments, pendant la coalition, où Pitt a offert le Hanovre même à la Prusse. L’Autriche, la Russie et peut-être la Prusse, mais surtout l’Angleterre sentent très-bien qu’il n’est pas de sacrifice assez grand qu’elles ne doivent faire pour abaisser la France. D’ailleurs, les petits princes sont eux-mêmes fatigués de leur souveraineté; n’a-t-on pas vu celui d’Anspach renoncer à la sienne pour de l’argent ? Dans un siècle où on ne vit plus dans ses terres, où on est au service des grandes puissances, c’est au revenu seul qu’on s’attache, c’est le revenu seul qu’on compte. Résumons-nous : il est dans la nature des circonstances actuelles de laisser détruire tous ces petits princes. Réunis aux trois souverains nos alliés, ils leur donneront un régiment de plus et formeront dans l’empire germanique un esprit distinct de celui qui règne en ce moment en Allemagne. Ces petits princes, même fussent-ils pour nous, ne nous offriraient-ils pas une faible et ridicule ressource ? Quant au nord de l’Allemagne, cela est soumis à d’autres considérations. Pour achever, au surplus, de fixer mes idées, il est nécessaire que vous me transmettiez un détail des petits princes allemands qui sont dans la sphère d’activité des trois souverains dont j’ai parlé, de leurs habitudes et de celles de leurs pères avec la Maison d’Autriche. Il est impossible que le prince de Metternich, qui est tout autrichien, que celui de Fürstenberg, qui est tout autrichien, restent en Souabe.