Correspondance de Napoléon – Avril 1804
Avril 1804
Paris, 4 avril 1804
Au citoyen Régnier
Je vous envoie, Citoyen Ministre, l’état des employés aux postes des frontières du Rhin. D’après ce que vous m’avez dit, il paraît qu’ils ont été travaillés. Il est donc convenable que vous fassiez prendre les informations nécessaires pour avoir des renseignements exacts sur ceux dont la conduite et la moralité ne seraient pas à l’abri de tout soupçon.
Paris, 4 avril 1804
Au citoyen Régnier
Je vous envoie des lettres du commissaire de police de Bordeaux. C’est la seconde fois que ce commissaire m’adresse directement des rapports; je ne sais pourquoi. Faites-lui connaître qu’il faut qu’ils soient directement envoyés au ministre. Faites-lui connaître également que ce ne serait que dans le cas qu’il aurait à faire des plaintes contre le ministre qu’il pourrait s’adresser directement à moi.
Paris, 4 avril 1804
Au citoyen Régnier
Je vois, Citoyen Ministre, dans le bulletin de police du 13 germinal (3 avril), l’arrestation de Fenouillot. Si c’est celui dont il est question dans le mémoire de Montgaillard comme compromis dans la trahison de Pichegru de l’an V, il faut le faire venir à Paris.
Le frère Dubrieux, qui a été arrêté le 8 de ce mois, est évidemment un homme de la bande de Georges. Il faut le joindre au procès. Les nommés Fagedel et Heliot, venant de l’étranger après plusieurs années d’absence, paraissent en règle; mais il faut savoir si la qualité de négociants qu’ils prennent est réelle. Il faut pour cela écrire à Cahors. Si c’était un émigré, n’importe de quelle époque, il faudrait le retenir en prison.
Paris, 4 avril 1804
Au citoyen Régnier
Mon intention, Citoyen Ministre, est que les 11,000 francs qui ont été trouvés sur Saint-Vincent et sur son frère Armand Gaillard soient, immédiatement après le procès, remis à la municipalité de Mériel, pour être employés à des travaux publics le plus avantageux à ladite commune.
Vous ferez remettre 12,000 francs au général Moncey pour l’individu de la gendarmerie qui a fait découvrir et prendre Charles d’Hozier, conformément à la promesse que j’avais autorisé le premier inspecteur à faire dans l’ordre du jour de la gendarmerie.
Vous me présenterez un rapport qui me fisse connaître celui qui a fait découvrir Georges, afin de lui faire remettre les 48,000 francs qui ont été promis à celui qui le ferait arrêter.
Tout ce qui aura été trouvé sur Tamerlan sera remis, immédiatement après le procès, aux gendarmes d’élite et de département qui ont concouru à l’arrestation de Tamerlan, Saint-Vincent et Gaillard.
Vous me ferez également un rapport qui me fasse connaître le montant de toutes les sommes saisies sur les brigands, et vous m’en présenterez un projet de distribution, soit entre les agents de la police, soit entre les gendarmes qui ont contribué à leur arrestation. Les 100,000 francs donnés pour l’arrestation de Pichegru et les 48,000 francs donnés pour l’arrestation de Georges ne doivent point être compris dans ces sommes.
Paris, 4 avril 1804
Au citoyen Chaptal
Mon intention, Citoyen Ministre, est que, dimanche prochain, vous me présentiez le sous-préfet de Pontoise et les municipalités de Mériel, Frépillon et Villiers-Adam, ainsi que le nommé Étienne Cousin, vigneron, et ceux qui ont le plus contribué à l’arrestation des brigands Saint-Vincent et Armand Gaillard.
Vous ordonnerez au maire de Mériel de réunir le conseil municipal pour délibérer sur l’emploi des 11,000 francs qui ont été trouvés sur les brigands, mon intention étant qu’ils servent à l’établissement d’un monument d’utilité publique pour la commune. À cette occasion, je désire que vous me fassiez connaître ce que je puis faire, soit pour les communes, soit pour les différents individus , voulant, dimanche, leur accorder des grâces. Quant à Étienne Cousin, qui a eu l’échalas coupé dans la main par un coup de pistolet, mon intention est de le faire admettre comme légionnaire dans la Légion d’honneur.
Paris, 4 avril 1804
NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR
Écrire au Préfet d’Ille-et-Vilaine que les réclamations qu’il a faites contre les arrestations ordonnées par le premier inspecteur général de gendarmerie nationale ne sont point fondées; qu’il est précisément de principe que les arrestations, dans certains cas que le préfet ne peut apprécier, doivent se faire sans le concours de l’autorité locale; que, si le citoyen Monnier avait eu une plus longue habitude de l’administration, il aurait remarqué que les tribunaux décernent les mandats d’arrêt et les font exécuter par la gendarmerie, sans que l’autorité locale, mais même le Gouvernement, en aient aucune connaissance.
Paris, 4 avril 1804
Au citoyen Talleyrand
Je lis dans les journaux, Citoyen Ministre, l’extrait d’une note de Champagny, où il est dit que la réussite du complot ne rétablissait que l’anarchie; ce qui sous-entend que, si elle avait pu rétablir les Bourbons, elle était légitime. Faites voir à la Gazette de France et dans les autres journaux, d’où ils ont tiré cette pièce; et si elle est véritablement de Champagny, rappelez-le aux principes et faites-lui sentir combien cela est absurde et indigne d’un homme de son rang
et de sa sagacité.
Paris, 4 avril 1804
NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE.
L’article 6 de l’arrêté du 30 nivôse au XII, concernant la formation de deux corps de vélites, établit que les vélites recevront la même solde que la Garde, avec cette différence, toutefois, que la pension de 200 francs fournie par les parents de chaque vélite entrera dans la caisse du corps et viendra pour autant à la décharge du trésor public.
En conséquence, la solde desdits vélites doit être payée de la même manière que celle de la Garde, sauf la retenue que fera le trésor public du douzième de la pension de 200 francs par mois et pour chaque vélite présent au drapeau.
Paris, 4 avril 1804
DÉCISION
Le général Dessolle demande si l’on peut considérer comme de bonne prise les marchandises d’un bâtiment suédois appartenant à un Anglais et qui a été forcé de relâcher à Cuxhaven. | Ce vaisseau sera considéré comme de bonne prise. |
Paris, 5 avril 1804
A M. Edward Livingston
Monsieur Edward Livingston, Président de l’Académie des arts de New-York, j’ai appris avec intérêt, par votre lettre du 24 décembre 1803, la formation de la société littéraire de New-York; et, puisqu’il a été agréable à votre Académie que je sois un de ses membres faites-lui connaître que j’accepte avec plaisir et que je suis reconnaissant de la bonne opinion qu’elle veut bien avoir de moi.
Paris, 5 avril 1804
Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures
Vous recevrez, Citoyen Ministre, dans la journée de demain, un second rapport du grand juge sur la dernière lettre qu’on vient de recevoir de Drake et sur la mission d’un officier du 9e de ligne qui a eu de longues conférences avec Spencer Smith, lequel lui a remis 113,000 francs de lettres de change. Il est urgent que les deux lettres de Londres trouvées à Abbeville et que je vous ai envoyées, qui constatent que Spencer Smith devait avoir un abbé français pour
secrétaire, qu’il l’a effectivement à Stuttgart, et qu’il était là pour y remplacer Wickham, paraissent avec le rapport qui sera fait au nom du grand juge; faites-le rédiger. Il faudrait ensuite que vous ordonniez des démarches à Stuttgart, pour faire chasser Spencer Smith.
Paris, 5 avril 1804
Au général Berthier, ministre de la guerre
Vous demandez une gratification pour Lejeune, officier du génie(Louis-François, baron Lejeune, 1775-1848), auteur des batailles de Lodi et de Marengo. Je préférerais que ces batailles fussent gravées aux frais du Gouvernement et vendues à son compte.
Paris, 5 avril 1804
DÉCISION
Le ministre de la guerre rend compte que le 79e, par les incorporations qui doivent avoir lieu, aura un excédant de 292 hommes. Quelle sera la destination de cet excédant ? | Je n’ajoute pas grande foi à tous ces calculs. Quand les hommes seront arrivés, s’ils sont vraiment au-dessus du complet de corps, on m’en rendra compte, et il sera facile de voir alors ce qu’il y aura à faire. |
Paris, 6 avril 1804
Au général Berthier
On tient trop de troupes, Citoyen Ministre, à Mantoue. La saison va devenir très-mauvaise. Il me semble qu’il suffirait d’y laisser un bataillon de troupes françaises avec le bataillon noir et des troupes italiennes.
Dans la mauvaise saison, il faut tenir peu de troupes à Legnago, où l’air est aussi très-malsain. Brescia, Vérone, Salo, Come, Bergame, Bologne, sont de véritables postes pour tenir des troupes.
Je désire que vous écriviez au général Saint-Cyr que, les deux bataillons liguriens n’étant qu’à 800 hommes, il en fasse former un seul bataillon. Les officiers du second bataillon seront envoyés à Gênes pour le compléter. Un bataillon ne peut être moins de 800 hommes.
Écrivez au général Marmont que je n’ai pas approuvé la manière dont on a placé, l’année dernière, les troupes dans la Batavie; on a détruit tous les corps par les maladies. Il faut que le général Marmnont place le plus de troupes bataves possible dans l’ile de Walcheren, et très-peu de Français.
Paris, 6 avril 1804
DÉCISION
Rapport du ministre de la guerre sur l’avis, donné par le général Dessolle, de l’établissement, à Warendorf, d’un camp de revue d’environ 20,000 hommes, pour le 4 mai. | Il faut répondre que je ne crois point à l’existence d’aucun camp de ce coté, parce que ce n’est point l’année; que, dans tous les cas, il faut se contenter de rendre compte de tous les mouvements que feront les Prussiens; qu’on ne peut être mieux que nous ne le sommes avec la Prusse, et qu’il faut témoigner d’autant moins de méfiance quelle n’en a pas témoigné du voisinage d’une armée de 30,000 hommes. |
Paris, 6 avril 1804
A Pauline Borghèse
Madame et chère Sœur, j’ai appris avec peine que vous n’aviez pas le bon esprit de vous conformer aux mœurs et aux habitudes de la ville de Rome; que vous montriez du mépris aux habitants, et que sans cesse vous avez les yeux sur Paris. Quoique occupé de grandes affaires, j’ai cependant voulu vous faire connaître mes intentions, espérant que vous vous y conformerez.
Aimez votre mari et sa famille, soyez prévenante, accommodez-vous des mœurs de la ville de Rome, et mettez-vous bien dans la tête que, si à l’âge que vous avez vous vous laissez aller à de mauvais conseils, vous ne pouvez plus compter sur moi.
Quant à Paris, vous pouvez être certaine que vous n’y trouverez aucun appui, et que jamais je ne vous y recevrai qu’avec votre mari. Si vous vous brouillez avec lui, la faute serait à vous, et alors la France vous serait interdite. Vous perdriez votre bonheur et mon amitié.
Paris, 7 avril 1804
Au citoyen Régnier
Vous trouverez ci-joint, Citoyen Ministre, un rapport du citoyen Portalis, relatif à des mouvements que se sont donnés plusieurs prêtres rebelles au moment même où se tramait une conspiration contre nous; mais ces renseignements du citoyen Portalis sont bien loin d’être complets. Je sais que dans la Vendée il y a un certain nombre de prêtres qui ont refusé de reconnaître le concordat, et je me rappelle que l’évêque de la Rochelle en avait dénoncé neuf ou dix.
Dans le diocèse de Liége, il faut également prendre des renseignements et faire arrêter dix des principaux. Prenez aussi des mesures pour faire arrêter les prêtres qui sont portés dans les rapports du citoyen Portalis. Je veux bien encore être indulgent et consentir à ce que ces prêtres soient transportés à Rimini; mais je désire que vous me fassiez connaître la peine qu’encourt un prêtre en place qui se sépare de la communion de son évêque et qui abjure un serment prêté. Dieu le punira dans l’autre monde, mais César doit le punir aussi dans celui-ci.
Quand vous aurez recueilli tous les renseignements, faites dresser un état général de tous les prêtres qui, dans cette circonstance, se sont mal comportés.
Paris, 7 avril 1804
Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies
Je vous envoie votre correspondance de l’Inde. Il me paraît qu’il faut pourvoir à l’approvisionnement de l’île de France par le moyen de l’Amérique; rédigez en conséquence deux notes, qui seront envoyées au citoyen Talleyrand, l’une sur le cap de Bonne-Espérance, l’autre sur Batavia, soit pour des changements de garnisons, soit pour des augmentations de troupes, et pour démontrer la mauvaise situation de ces colonies. Enfin expédiez un ou deux millions de lettres de change sur Batavia ou sur le Rio de la Plata.
Paris, 7 avril 1804
Au citoyen Portalis
Je désirerais un rapport qui me fasse connaître si les curés qui, après avoir prêté serment au concordat, l’abjurent en donnant leur démission, sont sujets à des peines.
Je vous envoie, avec deux notes, le projet d’arrêté sur le traitement des prêtres; après quoi je vous prie de le porter à la première séance du Conseil d’État.
La Malmaison, 10 avril 1804
Au cardinal Fesch
Monsieur le Cardinal Fesch, je vous envoie une lettre pour madame Paulette. Je n’ajoute foi qu’à la moitié de ce qui est contenu dans votre lettre; cependant il est fâcheux pour moi de penser que madame Borghèse ne sente pas l’importance dont il est pour son bonheur de s’accoutumer aux mœurs de Rome et de se faire, de l’estime de cette grande ville, une récompense qui doit être douce à un cœur aussi bien né que le sien. Toutefois, je lui fais connaître mes intentions d’une manière très-simple et très-précise; j’espère qu’elle s’y conformera, et l’arrivée de sa mère, d’ailleurs, lui donnera un conseil naturel qui lui sera profitable. Dites-lui donc de ma part que déjà elle n’est plus belle, qu’elle le sera beaucoup moins dans quelques années, et que, toute sa vie, elle doit être bonne et estimée. Il est juste aussi que son mari ait quelque égard à l’habitude qu’elle a de vivre dans Paris, et qu’il lui laisse la liberté à laquelle nos femmes sont accoutumées dans ce pays. Elle devait se faire une étude de plaire à la famille de son mari et à tous les grands de Rome, et établir un ton de société digne du rang quelle occupe, et non ces mauvaises manières que le bon ton réprime, même dans les sociétés les plus légères de la capitale.
Saint-Cloud, 10 avril 1804
Au général Junot, commandant les grenadiers de la réserve, à Arras
Citoyen Général Junot, j’ai ordonné au général Dupas de retourner sous vos ordres. Je désire que vous le traitiez bien et que vous oubliiez le passé. C’est un bon soldat qui, dans l’occasion, vous sera utile. Il m’est revenu quelques plaintes sur la division. Vous devez vous étudier à ne pas mécontenter les chefs de corps et de bataillon, n’en pas exiger trop; il ne faut pas se fâcher quand ils ne répondent pas à votre attente, puisque vous êtes là pour les instruire.
Saint-Cloud, 12 avril 1804
Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice
Faites arrêter, Citoyen Ministre, le nommé Letellier, dont il est question dans le bulletin de police du 21 germinal.
Donnez ordre qu’il soit fait une liste des prêtres des Deux-Sèvres que le général Dufresse a dénoncés; prenez des renseignements du préfet, et faites-les arrêter si les renseignements du préfet confirment ceux du général.
Il aurait fallu charger quelques officiers de gendarmerie intelligents d’interroger avec soin les receleurs des brigands qui ont été arrêtés dans l’Orne, afin de découvrir toute la ligne des brigands de Paris à Rennes.
Faites arrêter Gasté de la Pallue, dont il est question dans le rapport du même jour, ainsi que le nommé Degrume, cité dans le même article. Il faudrait savoir ce que c’est que ce Gasté de la Pallue.
Saint-Cloud, 10 avril 1804
Au général Moncey, premier inspecteur général de la gendarmerie
Je désire que vous vous fassiez rendre compte du nombre des officiers qui composent la garde nationale de Caen, et que vous demandiez des notes sur leur attachement au Gouvernement, leur moralité, et la part qu’ils ont eue à la chouannerie et à la guerre civile; le nom de tous les membres du conseil général et de préfecture, avec des notes sous le même point de vue; le nom de tous les maires de Caen, et des notes dans le même sens.