Correspondance de Napoléon – Avril 1803

Saint-Cloud, 19 avril 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Vous voudrez bien, Citoyen Ministre, faire partir sur-le-champ un courrier pour le citoyen Semonville, pour lui faire connaître qu’il est nécessaire de requérir du Gouvernement batave l’armement du fort de l’île de Coerce, de l’île de Woorn et du fort de Brielle, ainsi que de toutes les batteries de la côte qui peuvent influer sur la sûreté de notre expédition qui est embarquée dans la rade d’Helvoet-sluys.

Votre courrier, avant de partir, prendra les dépêches du ministre de la guerre, qui doit écrire au général Victor.

 

Saint-Cloud, 19 avril 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Mon intention, Citoyen Ministre, est que l’île d’Yeu (département de la Vendée) soit armée dans le plus court délai, et d’y maintenir comme commandant d’armes un chef de bataillon, qui aura la haute police sur toute la population.

Faites partir sur-le-champ de Nantes pour cette île six pièces de 36, six pièces de 18 en fer, avec un approvisionnement de 200 coups par pièce, deux grils à boulets rouges et trois mortiers à la Gomer.

Vous y enverrez trois compagnies de 100 hommes chacune, avec des vivres pour trois mois. On enrôlera tous les habitants en état de porter les armes ; et, s’il est nécessaire, vous y nommerez les officiers nécessaires, sous le titre d’adjudants, pour commander cette population.

Cette île doit avoir 400 hommes en état de porter les armes.

Si l’artillerie n’existait pas à l’arsenal de Nantes, il faudrait prendre dans les batteries les plus près de cette île.

Il est convenable que tout cela parte le plus promptement et le plus secrètement possible.

Si vous n’avez pas les approvisionnements nécessaires à 400 hommes pour trois mois, vous les demanderez au ministre de la marine qui les ferait partir de Rochefort.

S’il n’y a pas, à portée, de l’artillerie de terre, vous en demanderez au ministre de la marine, qui vous fera passer 50 hommes d’artillerie de la marine, jusqu’à ce que vous puissiez les remplacer.

Mon intention n’est pas qu’on mette de Suisses dans cette île. Le général commandant la 12e division militaire formera trois compagnes de la 63e demi-brigade.

Il est nécessaire que les hommes, l’artillerie et les approvisionnements arrivent à la fois. Le général commandant la division en passera la revue et classera les habitants en compagnies.

Donnez ordre au général du génie Bertrand de s’y rendre sur-le-champ, pour disposer de la manière la plus convenable les moyens de défense, faire construire les ouvrages de campagne et former un projet de défense permanente, mon intention étant de s’assurer cette île par un bon ouvrage.

Le général commandant la division établira sur la côte une bonne batterie pour organiser et assurer les communications.

Vous mettrez la somme de 25,000 francs à la disposition général Bertrand.

Mon intention est que vous donniez ordre au général commandant la 13e division militaire d’envoyer à l’île de Groix un officier du génie, un officier d’état-major et le nombre de troupes et d’artillerie nécessaire pour assurer la possession de cette île.

Donnez ordre également au général commandant la 13e division militaire de s’assurer de la situation de l’approvisionnement, armement et travaux qu’on fait au fort Penthièvre, de la situation de l’armement et approvisionnement de l’île et du fort Cicogne, et de faire les réparations qui pourraient être nécessaires à ce fort, de l’augmenter de quelques pièces d’artillerie, afin que des convois de vaisseaux ou frégates puissent être protégés dans ce mouillage.

Vous donnerez ordre de faire occuper l’île de Méaban, à l’entrée du Morbihan, en y faisant établir une redoute et des détachements, et y nommant un bon capitaine pour y commander.

Faites également occuper l’île de Batz et les îles de Perros. Apportez-moi demain toutes les cartes et renseignements, soit topographiques, soit géographiques, des côtes depuis l’île d’Yeu jusqu’à l’île d’Ouessant, et les plans des fortifications qui y étaient avant la dernière guerre.

Il est convenable que le général de division se transporte sur tous les points avec un officier du génie, en donnant les ordres les plus pressants et en vous envoyant un rapport détaillé de tout ce qu’il y aurait à y faire.

 

Saint-Cloud, 19 avril 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me faire un rapport sur les projets d’établissements qu’a présentés le vice-amiral Rosily sur différentes petites îles de la côte de l’Océan, tels que la construction d’un fort à l’île de Méaban, la construction d’une batterie à la pointe de Quiberon, à l’entrée de Port-Haliguen, le rétablissement des forts Haedok et Houat, l’établissement d’un fort sur les Errants, à l’entrée du port de Lorient, l’établissement d’une redoute revêtue à Penfret, l’une des Glénans, etc.

 

 Saint-Cloud, 20 avril 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Le ministre des relations extérieures écrit à la Haye pour que le gouvernement batave ait à faire établir sur-le-champ des batteries qui défendent le fort de l’île de Goerce, l’île de Voorn et le fort de Brielle.

La mise en sûreté de ces points est tout à fait nécessaire pour mettre à l’abri nos frégates et même les vaisseaux hollandais qui sont dans la rade d’Helvoet-sluys.

Comme il est probable que les Hollandais délibéreront avant d’agir et agiront à leur manière, vous donnerez l’ordre au général Victor d’armer le fort de l’île de Goerce, celui de Brielle, l’île de Voorn, et d’occuper tous les postes les plus importants, qui peuvent mettre à l’abri de toute attaque nos frégates et notre convoi.

Il peut, à cet effet, faire débarquer la moitié de l’expédition.

Vous lui recommanderez d’ordonner la plus grande surveillance car la mauvaise foi et la perfidie des Anglais est capable de tout.

 

Saint-Cloud, 21 avril 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Le Premier Consul désire, Citoyen Ministre, que vous écriviez au préfet de la Vendée pour lui demander des détails sur l’île d’Yeu. Ces renseignements doivent faire connaître à quelle sous-préfecture cette île appartient; à quel diocèse; quel est son curé; quels soi les individus du continent qui sont propriétaires dans l’île; s’il existe des propriétés nationales; quelle est la population; si les moyens de l’île pourraient en entretenir une plus considérable; quel est la fortune des vingt maisons les plus riches de l’île. Ces familles ont-elles des enfants qu’on puisse admettre au Prytanée ? Les habitants sont-ils classés dans la marine ? Combien fournissent-ils de matelots ? Ont-ils donné des hommes à la conscription actuelle ?  Quelle espèce de faveur pourrait-on faire aux habitants pour les attacher davantage au Gouvernement ? Quelle est la nature et la qualité de l’eau qui se trouve dans l’île ? Vous êtes prié, Citoyen Ministre d’ajouter toutes les questions qui vous paraîtront convenables pour compléter les renseignements propres à faire connaître cette île presque aussi ignorée jusqu’à ce jour que si elle n’avait jamais fait partie de la République.

 

Paris, 22 avril 1803

NOTE POUR LE MINISTRE DU TRÉSOR PUBLIC

Le ministre du trésor public enverra à Saint-Domingue un inspecteur de la trésorerie, avec ordre d’arrêter les registres du payeur général, d’annuler les traites et de revenir sur-le-champ en France.

Le même ministre fera connaître aux payeurs de Saint-Domingue et des autres colonies, ainsi qu’aux commissaires des relations extérieures, notamment à ceux qui sont le plus en usage de faire des traites, que toute lettre de change ou traite sur le trésor public, qui ne serait pas motivée sur une lettre d’un ministre autorisant la dépense dont ils feront ainsi les fonds, ne sera pas acquittée, et que le protêt tombera à leur charge, ainsi que toutes les indemnités que les tribunaux pourraient accorder aux porteurs pour raison des dommages résultant du défaut de payement.

Les payeurs généraux de toutes les colonies seront également avertis que toutes les dispositions qu’ils feront sur le trésor public, sans y être spécialement autorisés, ne seront pas allouées dans leurs comptes.

Le ministre de la marine enverra désormais au ministre du trésor public les crédits qu’il ouvrira, tant aux capitaines généraux et préfets coloniaux qu’aux commissaires des relations commerciales, afin que le ministre du trésor public prévienne par ses instructions les payeurs de la somme jusqu’à concurrence de laquelle ces divers agents pourront tirer sur le trésor public.

Le ministre de la marine pourra prévoir les cas de relâche extra-ordinaire qui obligeraient à des emplois de fonds supérieurs aux crédits ouverts aux commissaires des relations commerciales ou à la portion libre de ces crédits, et autoriser ces commissaires à tirer des lettres de change sur la réquisition du capitaine commandant du bâtiment, après s’être assurés toutefois que les besoins sont véritables. Ces lettres de change seraient en conséquence visées par le capitaine commandant le bâtiment, lequel tiendrait note dans son journal du montant des lettres de change qu’il aurait visées, et des besoins auxquels les fonds auraient pourvu.

Le ministre de la marine fera connaître au citoyen d’Aure qu’il a mis sous les yeux du Premier Consul ses lettres et les états de son administration; que le Gouvernement a voulu suspendre toute détermination sur une conduite qui, jusqu’à présent, doit paraître aussi étrange que désordonnée. Il lui ordonnera de quitter la colonie sous dix jours pour revenir en France; d’apporter ses registres et les pièce de son administration. Les pièces qui ne seront pas de nature à être déplacées seront apportées par copies certifiées. Le citoyen d’Aure joindra aux registres et pièces tous les documents nécessaires pour établir et justifier les lettres de change qu’il a tirées et l’emploi de fonds dont il a disposé; il y joindra la déclaration signée de tout ce qu’il avait reçu à son départ de Saint-Domingue, et en conséquence, des opérations d’un bureau de décompte et autres vérifications. Lorsque le citoyen d’Aure sera arrivé avec les pièces, il sera formé une commission pour l’examen de sa gestion.

Le ministre de la marine réitérera aux capitaines généraux et au préfets coloniaux l’ordre de se conformer aux règlements, à l’organisation des colonies et aux instructions qui ont été données.

Il fera connaître que les opérations pour les lettres de change qui seront autorisées à l’avenir, doivent être le moins possible onéreuses à la République.

 

Paris, 23 avril 1803

DÉCISION

Le ministre de l’intérieur propose l’exportation de 200,000 quintaux de mais pour l’Espagne. Accordé; mais écrire, sans  faire une condition, pour réclamer à cette occasion, l’introduction en Espagne de nos cotonnades.

 

Paris, 23 avril 1803

PROJET D’UNE CONVENTION SECRÈTE AVEC LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

Le Premier Consul de la République française, au nom du Peuple français, et le Président des États-Unis d’Amérique, désirant prévenir tout sujet de mésintelligence relativement aux objets de discussion mentionnés dans les articles 2 et 5 de la convention du 8 vendémiaire an IX, et voulant fortifier de plus en plus les rapports d’union et d’amitié qui, à l’époque de ladite convention, ont été heureusement rétablis entre les deux États, ont respectivement nommés pour ministres plénipotentiaires le citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public, et . . . . .

Lesquels, après avoir fait l’échange de leurs pleins pouvoirs, sont convenus des articles suivants :

ARTICLE 1er. – La République française cède et transmet aux États-Unis d’Amérique tous les droits qu’elle a acquis sur la Louisiane en vertu du traité fait avec S. M. C. le roi d’Espagne, le 9 vendémiaire an IX de la République française (ler octobre 1802) ; et, en conséquence de ladite cession, la Louisiane, son territoire et ses dépendances propres deviendront partie de l’Union américaine et formeront successivement un ou plusieurs États, aux termes de la constitution fédérale des États-Unis.
ART. 2. – Les États-Unis s’engagent à favoriser, d’une manière spéciale, le commerce et la navigation des citoyens français et des sujets de Sa Majesté Catholique dans les v4illes, ports, rades, mers, fleuves, etc. de la Louisiane, et nommément de leur assurer, par un privilège qui ne pourra par la suite être accordé à aucune autre nation, le droit perpétuel d’entrepôt et de navigation qui fut concédé aux Américains par le traité du 27 octobre 1795, entre l’Espagne et les États-unis.
De plus, il est convenu que, dans les ports et villes de la Louisiane, le commerce français et espagnol jouira, pour les importations, d’une franchise entière. Les bâtiments et marchandises françaises et Espagnoles ne pourront, à perpétuité, être assujettis à aucun des droits ou charges qui pourraient être imposés au commerce des autres nations; ils seront, dans tous les ports de la Louisiane, assimilés en tous les points aux bâtiments et marchandises américains venant d’un autre port d’Amérique.
ART. 3. – Il sera accordé à la France et à l’Espagne trois autres lieux d’entrepôt commercial sur la rive droite du Mississipi, vers l’embouchure de la rivière Rouge, de celle des Arkansas et du Missouri, et deux entrepôts sur la gauche de la rivière de l’Illinois et vers l’embouchure de l’Ohio. Les négociants français jouiront, dans ces lieux, de tous les avantages qui avaient été accordés aux Américains par le roi d’Espagne le 27 octobre 1795; et il est convenu, de plus, que la France pourra y nommer, comme à la Nouvelle-Orléans, des agents commerciaux qui, conformément à l’article 10 de la convention du 8 vendémiaire an IX, jouiront de tous les droits et prérogatives qui sont attachés à ces sortes d’agences.
ART. 4. – Il est convenu que les engagements pris par le Gouvernement de la République française relativement aux dettes des sujets américains, en vertu de l’article 5 de la convention du 8 vendémiaire an IX, seront tenus pour acquittés de sa part, et que la charge en est transmise par le présent traité au Gouvernement des États-Unis, lequel s’engage à faire droit à cet égard à toute réclamation qui pourrait avoir été ou devoir être adressée sur cet objet au Gouvernement de la République. Bien entendu que les obligations contractées envers les citoyens français par le Gouvernement des États-Unis, en vertu dudit article 5, restent entières, ainsi que les droits des citoyens français pour l’acquit de leurs créances.
ART. 5. – Indépendamment de l’acquit des créances spécifiées dans l’article précédent, le Gouvernement des États-Unis s’engage à payer à la France la somme de 100 millions, en douze payements égaux, le terme de chacun desdits payements étant de douze mois, et le payement du premier terme devant être fait un mois après.
La présente convention sera ratifiée en bonne et due forme, et les ratifications seront échangées dans l’espace de six mois, après la date de la signature des ministres plénipotentiaires, ou plus tôt, s’il est possible.

 

Paris, 3 avril 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Le Premier Consul désire, Citoyen Ministre, que vous fassiez dresser les projets des travaux indiqués ci-après :

l° Pour construire à Brest quatre autres bassins dans l’anse du moulin à poudre, et établir six autres cales couvertes dans les points qui seront jugés les plus commodes;
2° Pour établir une forme à Lorient;
3° Pour établir un arsenal de construction et un bassin à l’embouchure de la Loire et de la Vilaine;
4° Pour établir une forme sur l’Escaut, soit à Flessingue, soit à Terneuse : dans le premier cas, en arrangeant ce bassin de manière que nos vaisseaux puissent y entrer; dans le second, en faisant un bassin et un arsenal à Terneuse.

 

Paris, 23 avril 1803

Au contre-amiral Decrès

Le Premier Consul est informé, Citoyen Ministre, que des Anglais qui habitent aux îles d’Hyères vont fréquemment à Toulon et y visitent librement le port et l’arsenal. Il désire que vous fassiez de nouveau connaître à tous les préfets maritimes qu’ils ne doivent, sous aucun prétexte, permettre l’entrée des ports et des arsenaux aux étrangers qui ne seraient pas porteurs dune autorisation expresse, accordée par vous et signée de votre main.

 

Paris, 23 avril 1803

Au citoyen Cretet, conseiller d’État, chargé des ponts et chaussées

Le Premier Consul désire, Citoyen, savoir où en sont les travaux du fort que l’on construit à Port-Haliguen, presqu’île de Quiberon. Il est instant de prendre des mesures de manière qu’un bâtiment tirant douze pieds d’eau puisse trouver refuge dans ce port.

 

Saint-Cloud, 24 avril 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire écrire au citoyen Cacault, à Rome, qu’un nommé Valeri, Corse, très-mauvais sujet, et un curé de San-Pietro-in-Calibano à Pesaro, sont très-suspects d’ourdir des menées contre la France et correspondent avec des agents d’insurrection anglais. Il est convenable de faire arrêter le nommé Valeri, et le curé, si l’on partage à Rome ces soupçons sur ce dernier; sinon, le faire employer sur les confins de Naples.

 

Saint-Cloud, 24 avril 1803

Au citoyen Melzi, vice-président de la République Italienne)

Votre lettre du 13 avril m’a fait plaisir. L’arrêté de la Consulte  m’a paru convenable, et tout ce qui me revient, par les Italiens que j’ai lieu de voir ici, me persuade que vous avez bien fait de débarrasser les conseils de la République d’une tête aussi folle que Cicognara. Je ne laisse pas d’en être un peu peiné, parce que c’est un des premiers hommes que j’ai employés en Italie. Si l’assiette de sa tête se rétablit, il peut compter que j’oublierai tout, par le même principe que je n’oublierai jamais qu’il a été utile au système dans des temps critiques.

J’ai lu et relu le budget, et j’ai dicté plusieurs observations à Felici et Lambertenghi. J’attends le rapport qu’ils doivent m’en faire pour voir s’ils ont bien saisi ce que j’entendais.

Donnez de la confiance à l’opinion , et faites sentir que, tant que j’existerai, la République ne peut essuyer aucun tort; que tout ce qui a été fait à Lyon sera maintenu, et que des craintes chimériques et des bruits insensés, enfants de la malveillance, ne doivent trouver aucune espèce de croyance. Dans les événements qui pourront survenir, il est des chances qui peuvent augmenter le territoire de la République; mais je n’en vois aucune où elle puisse diminuer.

J’espère encore que Villa se rétablira; il n’est pas vieux. J’attendrai au reste votre prochaine lettre.

 

Saint-Cloud, 24 avril 1803

Au général Murat, commandant en chef les troupes françaises en Italie

J’ai reçu votre lettre, Citoyen Général. Je vois avec plaisir la bonne intelligence rétablie entre vous et le vice-président. De votre côté, attachez-vous à investir de considération les principaux fonctionnaires de la République. Ne souffrez jamais que, directement ou indirectement par des instigations, on vous mette en opposition avec eux : ce n’est pas là votre rôle. Vous êtes par votre position au-dessus de ces petites intrigues. Portez une grande attention à faire le bien-être de vos troupes. Dès que le cantonnement de Faenza sera organisé, rendez-vous-y, et assurez-vous qu’il ne lui manque rien pour pouvoir marcher au premier ordre.

Faites-moi connaître la quantité de recrues arrivées à chaque corps ; combien chacun peut mettre d’hommes en campagne. Je pense que tous les invalides et vétérans sont partis. Envoyez des officiers d’état-major jusqu’à Udine, Gratz, Laybach, lnspruck et Klagenfurt, pour savoir s’il y a des mouvements de troupes et observer la situation du pays. Envoyez aussi des officiers du génie dans le Tyrol. Ayez soin de choisir des hommes prudents et qui ne se compromettent pas. Que votre présence soit utile au pays et avantageuse à l’administration. Faites-moi connaître la marche de l’esprit public, non par des rapports obscurs qui ne méritent, vous le savez, aucune confiance, mais par des rapports généraux auxquels je puisse ajouter foi.

 

Saint-Cloud, 25 avril 1803

Au citoyen Lauriston, aide de camp du Premier Consul

Vous vous rendrez au Havre. Vous y resterez trois jours. Vous verrez la situation du dépôt colonial, celle de son habillement, de son armement; les bâtiments préparés pour l’embarquer; si les préparatifs se font pour l’armement des côtes; les chaloupes canonnières et bateaux canonniers qui sont dans le bassin, les bâtiments en construction, les bâtiments désarmés; si les travaux ordonnés au bassin et au port sont commencés; et tout ce qui peut m’intéresser sous le point de vue militaire et d’administration.

De là vous vous rendrez à Caen, aux îles Marcouf, à la Hougue et à Cherbourg. Vous y prendrez des renseignements sur les mêmes objets. Vous vous assurerez que la Hougue est à l’abri de toute attaque de l’ennemi; si les fortifications permanentes sont commencées à Cherbourg. Vous verrez si la 39e est bien casernée; si elle a perdu des hommes en route; si l’on travaille à rétablir la digue et la rade; ce qu’on y a fait cette année, ce que l’on compte y faire la campagne prochaine; si les préparatifs sont faits pour travailler au bassin; la quantité de bois et chanvre existant dans les magasins de la République; si la boulangerie est en bon état; le nombre de fours qu’il y a.

Vous vous arrêterez dans les ports de commerce un peu importants. Vous verrez à Saint-Malo la situation des constructions, et irez dans les forts qui défendent cette rade. Vous verrez à Saint-Malo et Granville le nombre de bâtiments destinés pour la pêche, leur grandeur, combien d’hommes et de vivres ils peuvent contenir.

Vous continuerez la côte par Saint-Brieuc, Morlaix, Brest. Vous vous arrêterez dans tous les ports, y verrez le nombre de bâtiments de pêcheurs capables d’une traversée et plus forts que 500 tonneaux. Vous observerez tout sans inquisition et sans exciter d’alarme. Partout vous observerez l’état du port, ce qu’on y a fait cette année, ce qu’on compte y faire l’année prochaine; le nombre de matelots au service de la marine ou du commerce qui sont absents du port, ceux qui sont dans le port, ceux qui ne sont point employés. Partout où il y a des troupes, assurez-vous de l’esprit des corps, du nombre de recrues qu’ils ont reçues, de leur habillement, en habits neufs, vieux ou de paysan.

Parcourez toutes les îles qui sont sur les côtes, spécialement le îles de Bréhat, d’Er, les Sept-Îles, le rocher de Saintes, l’île de Batz, d’Ouessant, les îles Glénans.

Vous resterez au moins six jours à Brest. Vous verrez si on se dispose à commencer les travaux du bassin dont j’ai ordonné la construction pour cette année. Vous verrez le nombre de vaisseaux en rade, si l’on travaille à l’armement, aux chantiers, et si les magasins sont fournis de tout ce qui peut être nécessaire.

Vous tiendrez note de toutes les fortifications, surtout dans les petites îles, et vous vous assurerez si l’on a pris des mesures pour les armer et les approvisionner.

Vous verrez les batteries de Brest, spécialement celle de Camaret et si elles sont disposées de manière à protéger tous nos petits bâtiments.

Vous reviendrez par Quimper, Pontivy, Rennes et Paris, où vous serez de retour le 30. Vous observerez dans les petites îles l’esprit des habitants, s’ils sont formés en compagnies pour leur défense. Vous ferez connaître à Ouessant que je sais que les habitants se sont toujours bien comportés; s’ils ont des demandes, ou des plaintes faire, vous me les apporterez. Vous verrez, à Pontivy, si l’on travaille à la navigation du Blavet; à Rennes, où en sont les travaux de caserne commandés et ceux de l’école d’artillerie.

Avant de partir de chaque port, vous m’enverrez votre rapport sur tous les objets compris dans la présente instruction.