Correspondance de Napoléon – Août 1813
Zittau, 20 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Zittau.
Mon Cousin, donnez ordre à la brigade de grosse cavalerie du général Reiset de se rendre à Lauban pour y joindre le .général Latour-Maubourg.
Donnez ordre aussi au duc de Bellune de réunir dans le jour ses trois divisions sur la position en arrière de Zittau, de placer ses parcs, embarras et dépôts, sur la roule de Bautzen-, d’établir une correspondance directe avec le maréchal Saint-Cyr à Pirna, afin d’être informé de tout ce qu’il y a de nouveau; il enverra ses lettres par Dresde et établira des postes d’ordonnance intermédiaires pour communiquer avec Rumburg. Vous lui donnerez ordre de tenir la main à ce que les deux redoutes dont j’ai ordonné la construction sur les hauteurs des montagnes qui dominent le col y soient établies avec la plus grande activité; il fera barrer et palissader le col. Le canon placé dans les redoutes et sur la route formera un très-bon poste et nous rendra maîtres de ces positions importantes, faites pour inquiéter l’ennemi. Ces deux redoutes, défendues par un demi-bataillon et huit pièces de canon, assureraient, dans le cas, la retraite, et nous conserveraient la possession de cette position importante comme avant-poste. Il est urgent de travailler avec activité à ces deux ouvrages : les quatre compagnies du génie de son corps, celles du prince Poniatowski et tous les officiers du génie y seront employés.
Le duc de Bellune fera camper ses troupes sur les hauteurs, derrière la ville; il fera reconnaître cette position; il fera reconnaître aussi la route de Bautzen pour connaître les positions intermédiaires; enfin il ne conservera ni malades, ni voitures dételées. Vous lui ferez connaître que le général Vandamme est à Rumburg, qu’il devra correspondre avec lui; et que le prince Poniatowski est au-delà des montagnes vers Gabel, qu’il doit le soutenir avec toutes ses forces. Dites-lui de faire reconnaître dans le jour le terrain et la position des redoutes; qu’un général polonais est à Friedland, avec 800 chevaux et un bataillon. Dites-lui d’envoyer sa cavalerie légère avec deux bataillons et six pièces sur Reichenberg, qu’il est important d’occuper, cette ville étant populeuse et la quatrième ville de Bohême. On y trouvera des lettres à la poste, un bailli, un maître de poste; il faudra me les envoyer. Le duc de Bellune occupera ce poste et renverra son infanterie au prince Poniatowski, mais la cavalerie du 2e corps y restera détachée sous les ordres du comte de Valmy.
Zittau. 20 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Zittau.
Mon Cousin, envoyez l’ordre au général ou au colonel qui commande à Friedland de se porter sur Reichenberg. Prévenez ce commandant que le général Bruno, du 2° corps, avec de la cavalerie, de l’infanterie et trois pièces de canon, part à dix heures du matin pour se diriger sur Reichenberg. Arrivé à Reichenberg, le général Bruno gardera avec lui la cavalerie polonaise, et l’infanterie polonaise retournera alors à Gabel. Le général Bruno aura donc à Reichenberg la cavalerie légère du 2e corps, deux ou trois bataillons d’infanterie du même corps, trois pièces de canon; ce qui, avec les 800 cavaliers polonais, lui fera environ 3,000 hommes. Aussitôt que le général Bruno sera arrivé à Reichenberg, il fera prendre les lettres à la poste; il fera prendre également le maître de poste, le curé, le bourgmestre, les notables de l’endroit, et les enverra au quartier général avec une députation du pays. Reichenberg parait être la quatrième ville de Bohême. Le général Bruno choisira une bonne position près de la ville et y établira ses troupes. 11 ne logera aucune troupe en ville, si ce n’est une compagnie de voltigeurs pour maintenir l’ordre, et un piquet de cavalerie pendant la nuit. Il enverra de Reichenberg des partis dans toutes les directions, pour battre l’estrade et avoir des nouvelles.
- S. Le général Bruno se tiendra en communication avec le prince Poniatowski par des postes.
Zittau, 20 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Zittau.
Mon Cousin, faites connaître au duc de Bellune que je pars pour Lauban et de là je marcherai sur Lœwenberg pour attaquer l’ennemi. D’ici à cinq jours l’ennemi ne peut rien entreprendre du côté de Gabel, puisque le 18 il était à Schlan. Le prince Poniatowski, commandant le 8e corps, et le comte de Valmy, commandant le 4e corps de cavalerie, sont sous ses ordres. Dites-lui que mon intention est qu’il engage tout son corps pour se maintenir à Gabel et rester maître du défilé et du col, malgré tous les efforts de l’ennemi. 25,000 hommes qu’il a sons ses ordres sont capables de défendre le défilé plusieurs jours contre 100,000 hommes. Prévenez-le que le général Vandamme, qui a quatre divisions, fait fortifier le col de Rumburg. Je lui donne ordre de le défendre à toute extrémité. Ces trois corps réunis forment plus de 50,000 hommes. Le maréchal Saint-Cyr appuiera par sa gauche, avec deux divisions, si le mouvement de l’ennemi se prononçait en force de ce côté. Enfin j’exige qu’il n’y ait aucune hésitation. Il faut trois ou quatre jours pour fortifier les hauteurs, les défilés, faire les abatis et même les deux redoutes et un pont sur le ruisseau. Il faut qu’il organise le terrain pour une vive résistance; si on est obligé d’évacuer les défilés, il faut défendre les hauteurs.
J’ai ordonné ainsi ce qu’il fallait. Il est à croire que l’ennemi n’osera pas entreprendre une lutte qui lui deviendrait funeste. Si cependant le cas arrivait, je reviendrai rapidement, j’attaquerai à mon tour l’ennemi, j’entrerai en Bohême et me porterai sur Prague. Il est nécessaire que le duc de Bellune ait six bataillons sur les hauteurs et les occupe à la construction des redoutes; on leur donnera quelque gratification pour ce travail.
Le régiment de la Vistule sera en réserve à la tête des débouchés; il travaillera aux redoutes.
Il établira son quartier général dans les maisons voisines du col. Une de ses divisions sera placée sur les hauteurs en arrière de la ville, et l’autre en avant de la ville au pied des collines, de sorte que ces deux divisions, faisant un mouvement, arriveraient en ordre au défilé; que, sa droite se liant avec le général Vandamme, il n’a rien à craindre de ce côté; quant à sa gauche, il reconnaîtra le pays et fera occuper les positions sur lesquelles il doit s’appuyer. Enfin il faut, coûte que coûte, défendre les défilés et le col. Il choisira près de la ville une bonne position où il puisse développer quarante pièces en batterie. Il évacuera ses blessés et embarras sur Lœbau et Bautzen. Si enfin, après une défense opiniâtre, il était forcé à se retirer, et l’armée étant à Gœrlitz, il s’y appuiera pour couvrir les derrières de l’armée.
Envoyez copie de ces instructions au comte de Valmy et au prince Poniatowski. Le comte de Valmy et le prince Poniatowski vous rendront compte chaque jour, puisqu’ils commandent des corps séparés.
- S. Le duc de Bellune devra reconnaître la position du général Vandamme pour pouvoir concerter la défense.
Zittau, 20 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Zittau.
Mon Cousin, donnez ordre au général Lefebvre-Desnoëttes qu’aussitôt que la première division du général Vandamme sera arrivée, et que ce général aura occupé le col, il doit envoyer la division Decous à Lœbau. Il doit rester de sa personne avec la cavalerie, afin de faire, aussitôt que le général Vandamme aura passé le col, des incursions dans le pays pour avoir des nouvelles. Il renverra son artillerie à Lœbau avec les grenadiers à cheval, en les faisant marcher les uns et les autres avec la division Decous. Le général Lefebvre-Desnoëttes doit envoyer toutes les nouvelles importantes qu’il pourra se procurer, à Zittau et à Gœrlitz.
Sa Majesté se dirigera sur le point qui sera indiqué par les circonstances.
L’Empereur ordonne au général Lefebvre-Desnoëttes de faire rester la division Delaborde où elle est avec son artillerie et de la faire reposer.
Zittau, 20 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Zittau.
Mon Cousin, écrivez au général Vandamme que je pars pour Lauban où j’arriverai ce soir; que j’arriverai demain à Lœwenberg ; qu’après-demain 22 j’attaquerai l’armée ennemie, et qu’avec l’aide de Dieu je compte en avoir bon compte. Immédiatement après, je reviendrai ici pour entrer en Bohême et marcher sur Prague. D’après tous mes calculs, l’ennemi ne peut être en force sur Gabel et Rœhrsdorf que dans cinq jours. Vous trouverez ci-joints les ordres que je donne au duc de Bellune. Je donne les mêmes au général Vandamme; aussitôt qu’il saura que l’armée ennemie se dirige de ce côté-ci, il concentrera ses trois divisions et défendra les défilés et les montagnes jusqu’à toute extrémité : avec la division de la Garde, il a plus de 35,000 hommes; avec le duc de Bellune et le 8e corps, il a plus de 65,000 hommes. Dans des positions retranchées et préparées d’avance, il peut écraser l’ennemi et se défendre quatre ou cinq jours.
Lorsque l’ennemi apprendra que j’ai été à Gabel, il marchera sur ce point avec toutes ses forces. Le maréchal Saint-Cyr pourra, avec deux ou trois divisions, venir au secours du général Vandamme. L’intention de l’Empereur est qu’on se batte jusqu’à extinction. Le général Vandamme devra employer les quatre ou cinq jours qu’il a devant lui pour bien organiser son champ de bataille, bien fortifier le col : que, dans les endroits où le défilé s’élargit, il établisse des abatis, redoutes, etc. , détermine les emplacements de l’artillerie en bataille, en s’attachant à se lier avec le duc de Bellune. Il verra la position de Gabel et tout le terrain qu’il doit défendre, et se mettra en mesure de donner à l’Empereur le temps d’arriver après son expédition de Silésie. Il devra établir le quartier général au-delà du col, dans quelques-unes des maisons qui en sont voisines, pour être de plus près en communication avec le prince Poniatowski et le duc de Bellune.
Le maréchal Saint-Cyr prendra part à l’offensive en se portant sur sa droite.
Écrivez au maréchal Saint-Cyr, en lui envoyant copie des instructions que j’adresse au général Vandamme et au duc de Bellune. Prévenez-le que je pars pour Lœwenberg pour engager l’ennemi à une bataille, et, s’il n’accepte pas, le poursuivre à toute extrémité. 11 verra le rôle qu’il doit remplir. Je compte sur son zèle et ses talents militaires pour agir avec décision et vigueur.
Zittau, 20 août 1813.
Au général baron Haxo, commandant le génie de la Garde, à Gabel.
Je suppose que vous avez tracé une redoute et fait faire des abatis, et pris les dispositions pour assurer la défense du col de Gabel. Mon intention est que l’on fasse deux nouvelles redoutes au débouché du col et à l’endroit d’où l’on voit Gabel, sur le petit ruisseau, et un pont. Une des redoutes défendra ce pont, de sorte que l’on puisse longtemps défendre le défilé.
Zittau, 20 août 1S13.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Zittau.
Mon Cousin, donnez ordre à la vieille Garde qui est à Gœrlitz, à la 3e division de la Garde, à la division du général Walther, à la réserve d’artillerie de la Garde, de partir à raidi de Gœrlitz pour se rendre à Lauban.
Donnez ordre au général Roguet de partir, une demi-heure après la réception de l’ordre, pour se rendre à Lauban; au général Ornano, qui est près d’Ostritz, de partir, une heure après réception de l’ordre, pour se rendre à I.auban; au duc de Trévise, qui est entre Seidenberg et Lauban, de partir sur-le-champ pour Lauban, où je serai ce soir de ma personne. Donnez ordre au petit quartier général de se rendre à Lauban.
Goerlitz, 20 août 1813, deux heures après midi.
Au général baron Corbineau, commandant la division de cavalerie de réserve, à Rothenburg.
Monsieur le Général Corbineau, portez-vous avec votre cavalerie, votre infanterie et votre artillerie de Rothenburg sur Lauban; vous viendrez coucher ce soir à l’intersection de la route de Gœrlitz à Bunzlau, et vous enverrez un officier à Lauban pour prendre des ordres. Le quartier général y sera ce soir. Poussez voire cavalerie le plus loin que vous pourrez sur la route de Lauban. Nous sommes en manœuvre de guerre, et il faut nous rapprocher pour donner bataille. Ayez des postes de cavalerie sur la ligne, afin que votre officier puisse aller et revenir promptement et que vous ayez des ordres demain, avant la pointe du jour. Renvoyez votre biscuit à Gœrlitz, ou bien emmenez-le avec vous si vous avez des moyens de transport. Cette lettre vous arrivera à cinq heures; vous pouvez donc faire trois lieues aujourd’hui.
Gœrlitz, 20 août 1813, deux heures après midi.
Aux maréchaux Ney et Marmont, à Bunzlau.
J’arrive à Gœrlitz. 11 est deux heures. Je serai à cinq heures à Lauban. Mettez des postes de cavalerie entre Lauban et la position où vous êtes, afin d’avoir plusieurs fois de nos nouvelles dans la nuit.
La grande affaire dans ce moment, c’est de se réunir et de marcher à l’ennemi.
Si vous quittez Bunzlau, laissez-y une bonne garnison. Gomme vous restez en correspondance avec le duc de Trévise, vous devez connaître la position qu’il occupe.
Gœrlitz, 20 août 1813, trois heures après midi.
Au maréchal Macdonald, duc de Tarente, commandant le 11e corps de la Grande Armée, à Hagendorf.
Mon officier d’ordonnance m’a rejoint. Je vous l’ai réexpédié sur-le-champ. Je suppose qu’il vous est arrivé.
Je serai à cinq heures à Lauban ; faites-le connaître au général Lauriston. Le principal est de se réunir. Je ne sais pas positivement dans quelle position le général Lauriston est aujourd’hui, ni le duc de Raguse et le prince de la Moskova.
Envoyez quelques hommes de cavalerie pour que la correspondance de Lauban avec votre quartier général soit rapide et puisse se faire plusieurs fois dans la nuit.
Gœrlitz, 20 août 1813, quatre heures après midi.
À M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Dresde
Monsieur le Duc de Bassano, je viens d’arriver ici. Je pars ce soir pour Lauban.
Tout annonce une bataille, l’ennemi s’avançant à ce qu’il paraît avec 80 à 90,000 hommes sur la Queis. Ce serait un événement probablement fort heureux. Mais je crains qu’il n’y ait une lettre écrite par moi au duc de Tarente qui ait été prise, et que cela ne dégrise l’ennemi. Vous savez que le chiffre du major général avec les commandants d’armée a été pris ; ainsi il ne faut plus s’en servir. Envoyez au général Lemarois et au prince d’Eckmühl un autre chiffre que j’aie.
Lauban, 20 août 1813, minuit.
Au maréchal Macdonald, duc de Tarente, commandant le 11e corps de la Grande Armée, à Hagendorf.
Le major général vous fera connaître mes intentions. Mon intention est d’attaquer demain. Le prince de la Moskova attaquera ce qui est devant lui, et, après avoir passé le Bober, viendra sur Alt— Giersdorf pour former ma gauche. Le duc de Raguse sera à dix heures du matin à deux lieues de Lœwenberg sur ma gauche. Vous déboucherez avec le général Lauriston à Lœwenberg, le 11e corps sur la droite de Lœwenberg; ma Garde à pied et à cheval sera à Lœwenberg avant midi. Je compte me battre demain, de midi à six heures du soir. Il est certain que l’ennemi a un corps en Bohême; je ne suppose donc pas qu’il puisse avoir là plus de 100,000 hommes, et dans l’échiquier actuel le temps est pressé. J’aurais volontiers reculé jusqu’à la Queis, maïs l’ennemi ne nous suivrait pas, après la connaissance qu’il a de l’état des affaires. Je serai de bonne heure à Lœwenberg. Si vous croyez important que je vous voie avant Lœwenberg, venez me trouver à mon passage à Gruben. Je suppose que le Bober est guéable. Faites-moi connaître les ordres que vous donnez à vos divisions.
Lauban, 21 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Lauban.
L’Empereur ordonne les dispositions suivantes :
Le duc de Tarente, avec le 5e corps d’armée, ayant le 11e corps sur sa droite, sera prêt à déboucher aujourd’hui à midi, pour passer le Bober et attaquer l’ennemi.
Le duc de Raguse sera en position le plus tôt possible, à une lieue’ et demie ou deux lieues de Lœwenberg, sur la gauche.
Le prince de la Moskova débouchera aujourd’hui par ou près Bunzlau, avant dix heures du matin, avec tout son corps réuni, culbutera tout ce qu’il a devant lui et se portera sur Alt-Giersdorf, en faisant la poursuite de l’ennemi.
Le duc de Trévise partira à quatre heures du matin pour se porter sur Lœwenberg.
Le général Latour-Maubourg partira à cinq heures du malin pour se porter sur Lœwenberg.
Le général Ornano partira avec sa division de la Garde à cheval, à six heures du matin, pour se porter sur Lœwenberg. Il se tiendra toujours sur la droite de la route.
Le général Walther partira à-six heures du matin pour Lœwenberg.
La division de la vieille Garde à pied partira à cinq heures du matin pour Lœwenberg.
L’Empereur sera de sa personne à Lœwenberg à neuf heures du matin.
Lauban, 21 août 1813, trois heures du malin.
Au général baron Corbineau, commandant la 1e division de cavalerie légère de réserve, à Goerlitz.
Monsieur le général Corbineau, je pars de Lauban pour me porter à Lœwenberg. Suivez mon mouvement. La brigade du général prince de Reuss viendra prendre position comme réserve à Lauban. Faites-moi connaître sur-le-champ à quelle heure vous arriverez, ainsi que votre infanterie; si, à son arrivée à Lauban, elle n’a pas reçu d’autres ordres, elle prendra position sur la rive droite de la Queis, en avant de la ville, sur la route de Lœwenberg, en éclairant par des postes la route de Greiffenberg. Votre cavalerie légère continuera sa route.
Lauban, 21 août 1813, trois heures et demie du matin.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Lauban.
Mon Cousin, envoyez demander au général Macdonald (Macdonald de Klor Renald, général de brigade commandant, au 11e corps, une brigade napolitaine), qui commande le corps napolitain à Greiffenberg, de vous envoyer un officier pour vous faire connaître ce qui s’est passé à la droite; si Ton y a réellement entendu le canon et à quelle heure. Ne serait-ce pas dans la direction de Reichenberg, que le duc de Bellune a dû attaquer? Qui lui a dit que l’ennemi avait des postes à Langwasser ? Est-ce des Cosaques ou de l’infanterie ?
Lauban, 21 août 1813, quatre heures du malin.
Au maréchal Marmont, duc de Raguse, commandant le 6e corps de la Grande Armée, de la Grande Armée, à Ottendorf.
Je reçois votre lettre. L’ordre de l’armée vous aura fait connaître mes intentions.
Je donne l’ordre au prince de la Moskova d’attaquer aujourd’hui, à dix heures du matin, en repassant le Bober, de culbuter tout devant lui, et de venir après se porter sur Alt-Giersdorf, de manière à former ma gauche sur la rive droite.
Vous avez l’ordre de vous rapprocher à deux petites lieues de Lœwenberg; ainsi je suppose que l’extrémité de votre droite n’en sera qu’à une lieue.
Faites faire les chevalets et les rampes, et disposez-vous à passer.
Si l’ennemi était en force à Lœwenberg, rapprochez-vous-en.
Le 5e corps débouche par Lœwenberg; le 11e corps, par la droite de Lœwenberg. Mon quartier général et toute ma Garde seront à dix heures du matin à Lœwenberg.
Lauban, 21 août 1813, cinq heures du matin.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Lauban.
Mon Cousin, écrivez au duc de Tarente que vous m’avez mis sous les yeux sa lettre du 21, à deux heures du matin; qu’il n’y avait pas joint la lettre du^ prince de la Moskova, mais que cette lettre était écrite avant que celui-ci sût mon arrivée; il l’a apprise à neuf heures du soir, et l’ordre d’évacuation derrière la Queis avait été donné dans l’après-midi. Il aura reçu depuis l’ordre de l’armée, qui lui sera arrivé avant le jour, et d’ailleurs dans la soirée vous lui aviez écrit que mon intention était d’attaquer sur-le-champ : il n’y a donc rien à changer aux dispositions prescrites pour l’armée.
Le duc de Raguse a mande hier qu’il n’avait personne devant lui.
Lauban, 21 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Lauban.
Mon Cousin, répondez au prince Poniatowski que j’ai reçu sa lettre datée du 20 août. Dites-lui que nous sommes en présence, et qu’aujourd’hui 21, ou au plus fard demain, nous comptons attaquer l’ennemi et avoir une bonne affaire. Écrivez la même chose au général Vandamme. Écrivez aussi la même chose au duc de Bellune; témoignez-lui mon mécontentement de ce qu’hier à midi on n’avait pas encore travaillé aux redoutes : il faut plus d’activité que cela pour réussir.
Lauban, 21 août 1813.
Au maréchal Ney, prince de la Moskova, commandant le 3e corps de la Grande Armée, à Birkenbruck.
Vous aurez vu que je pars pour Lœwenberg, où je serai de bonne heure; que vous devez rassembler à dix heures du matin votre corps et la division Sébastiani, passer le Bober et attaquer l’ennemi tête baissée. S’il présente devant vous moins de 30,000 hommes, vous le poursuivrez vivement, et vous vous appuierez sur Alt-Giersdorf, afin de venir sur ma gauche; tout porte à croire que la force de l’ennemi est dans le haut Bober.
J’ai envoyé ordre au duc de Raguse de se porter sur la gauche de Lœwenberg, à deux petites lieues, et le maréchal Macdonald se portera droit à Lœwenberg; Lauriston à Lœwenberg; je me porte aussi à Lœwenberg avec toute ma Garde.
Si vous avez des ordres à me demander ou des avis à me donner, faites-les passer sur la route de Lauban à Lœwenberg.
Lœwenberg, 22 août 1813.
Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris.
Mon Cousin, j’ai reçu votre lettre du 15 août. Nous sommes ici en opérations et les affaires vont bien. Les communications du duc de Bassano vous auront fait connaître notre situation politique, et les bulletins vous instruiront des combats qui ont déjà eu lieu et qui ont tous été à noire avantage.
Lœwenberg, 22 août 1813.
À M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Dresde
Monsieur le Duc de Bassano, je ne vois pas encore matière à faire un bulletin. Cependant on sera inquiet à Paris, et les alliés ne manqueront pas de faire courir toute espèce de bruits. Je vous envoie une petite note pour le journal de Leipzig, et que vous enverrez partout. Il ne faut pas donner à cette note un caractère trop officiel, parce qu’alors ce serait un bulletin.
Faites connaître au maréchal Saint-Cyr que je suis bien loin d’avoir renoncé à mon opération de Bohême, et que l’opération de Silésie en est un épisode. L’occupation de Gabel et de deux grands débouchés de Bohême, savoir la chaussée de Rumburg et la chaussée de Gabel, et la position de mes troupes qui s’étendent jusqu’à Bœhmisch-Leipa et Nièmes, n’ont dû être bien connues à Prague que te 20; on n’a donc pas pu, le 21, connaître à Pirna le résultat de ces opérations. Le duc de Bellune, qui a trois divisions; le général Vandamme, qui en a trois; le maréchal Saint-Cyr, qui en a quatre; une division de la Garde et le 8e corps qu’on comptera comme une division d’infanterie, ce qui forme douze divisions, n’ont pas bougé et occupent Zittau, Rumburg et Pirna. Je puis moi-même être en six heures à Zittau. Le 4e corps de cavalerie, une division de cavalerie de la Garde, et une partie du 5e corps de cavalerie sont également à portée. Les cols de Gabel ont été fortifiés. Si l’on s’avance en Bohême, ces fortifications sont indispensables pour pouvoir conserver les débouchés en cas de retraite; car, si l’ennemi prévenait l’armée de quelques jours, et que quatre bataillons vinssent à s’y établir, on aurait peine à les débusquer. Ainsi on ne peut pas s’enfoncer en Bohême sans avoir préparé le terrain, et le 20 on le pouvait d’autant moins que l’on était encore incertain des projets de l’ennemi, sur lesquels on acquiert tous les jours dos lumières.
L’armée ennemie de Silésie s’est portée sur la nôtre, et le 20 l’ennemi est entré à Bunzlau, à Goldberg et à Lœwenberg. Je m’y suis rendu de nia personne sur-le-champ. J’ai fait réattaquer le même jour l’ennemi, qui a été culbuté de toutes ses positions, et nous le poursuivons l’épée dans les reins. Le duc de Tarente est dans ce moment à Goldberg. Quant aux divisions de ma Garde qui sont destinées à se joindre à l’année que j’ai placée en Bohème, elles se reposent aujourd’hui, et demain probablement elles se mettront en marche sur Gœrlitz. Si cependant l’ennemi se portait sur Dresde, j’arriverais à temps pour l’y combattre, et rien de mes dispositions | précédentes ne serait changé. Le général Vandamme n’est qu’à deux jours de Dresde; le duc de Bellune n’en est qu’à trois jours; les divisions de ma Garde n’en sont qu’à quatre jours; ce qui ferait avec le 14e corps une réunion très-considérable de forces.
Les nouvelles que j’ai du duc de Reggio, du 20, sont qu’il s’est détourné et s’est porté sur Luckenwalde, et qu’il craignait de ne pas pouvoir franchir les inondations que l’ennemi, supposait-on, avait tendues tout autour de Berlin, surtout de ce côté-ci.
Voici les renseignements que jusqu’à cette heure nous avons sur l’ennemi qui est ici devant nous. Le général Langeron paraît commander un corps de cinq divisions; le général Sacken un corps de trois divisions, et les généraux York et Blücher quatre divisions ; total, douze divisions; ce qui suppose 80 à 90,000 hommes. Ce qui est satisfaisant, c’est que leur infanterie est extrêmement mauvaise. Au reste, comme on ne peut arriver à aucun résultat sans bataille, ce qui peut arriver de plus heureux c’est que l’ennemi marche sur Dresde, puisque alors il y aurait une bataille. Il paraît que leur armée de Silésie ne s’est avancée avec tant de rapidité que d’après le plan général des alliés et la croyance où ils étaient que nous repasserions l’Elbe. Ils croyaient qu’il n’y avait qu’à poursuivre, car, aussitôt qu’ils ont vu déboucher nos colonnes pour reprendre l’offensive, la terreur les a pris, et l’on a pu se convaincre que les chefs voulaient éviter un engagement sérieux. Tout le plan des alliés a été fondé sur l’assurance que leur a donnée Metternich que nous repasserions l’Elbe, et ils sont fort déconcertés de voir qu’il en est autrement. Parlez dans ce sens au maréchal Saint-Cyr et au général Durosnel, afin qu’ils sachent que mes dispositions sont toujours les mêmes.
En général, ce qu’il y a de fâcheux dans la position des choses, c’est le peu de confiance qu’ont les généraux en eux-mêmes : les forces de l’ennemi leur paraissent considérables partout où je ne suis pas.
Je vous ai mandé ce matin que j’avais autorisé le général Margaron à tenir un millier d’hommes à Dessau. Comme l’arrivée de l’ordre du major général peut tarder de quelques heures, faites-le-lui connaître directement.
Lœwenberg, 23 août 1813.
Au comte de Montalivet, ministre de l’extérieur, à Paris.
La clameur publique paraît porter plainte de ce que le directeur de la librairie a défendu l’impression de mémoires signés par un avocat, où l’on assure qu’il n’y avait rien contre le Gouvernement ni contre les mœurs; d’ailleurs, dans l’un et l’autre cas, ce mémoire n’aurait pu être arrêté sans consulter le grand juge, qui aurait fait poursuivre l’avocat, et sans m’en rendre compte. Ce serait, en effet, une chose inouïe que, dans une affaire contentieuse, le mémoire d’une partie ne pût pas obtenir la même publicité que celui de la partie adverse. C’est une chose si étrange, que je désire que vous m’en rendiez compte, et dans le plus bref délai.
Lœwenberg, Ï3 août 1813.
Au comte de Montesquiou, grand chambellan de l’Empereur, à Paris.
J’ai été mécontent d’apprendre que la fête du 15 août avait été mal disposée et les mesures si mal prises, que l’Impératrice avait été retenue par une mauvaise musique un temps infini, de sorte qu’on’ a fait attendre le public deux heures pour le feu d’artifice. Comment n’avez-vous pas compris qu’il n’y avait rien de plus inconvenant, et qu’il était bien plus simple, à l’heure indiquée pour le feu d’artifice, de prévenir l’Impératrice, qui aurait quitté le spectacle; qu’enfin il y avait un bien petit inconvénient à faire sortir un peu plus tôt l’Impératrice d’un spectacle où elle étouffait de chaleur, tandis qu’il y en avait un très-grand à faire attendre toute une population qui est accoutumée à se retirer à neuf heures du soir ?
Lœwenberg, 23 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Lœwenberg.
Mon Cousin, écrivez au prince de la Moskova qu’étant dans l’intention d’entrer en Bohême, et ayant besoin de lui auprès de moi pour diriger cette opération, je désire qu’il laisse le commandement de son corps au général Souham, et qu’il se rende demain auprès de moi, à Gœrlitz. Vous lui ferez cependant connaître qu’il est autorisé à rester vingt-quatre heures de plus à son corps, si, ce que je ne crois point, il se trouvait engage.
Lœwenberg, 23 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Lœwenberg.
Le major général donnera les ordres suivants :
Le maréchal duc de Tarente aura le commandement de l’armée sur le Bober. Cette armée sera composée des 11e corps, 3e corps, 5e corps, du 2e corps de cavalerie. Il renverra la division Chastel, qui appartient au 1er corps, dans quelques jours.
Le général d’artillerie a ordre de laisser ici des pontons et des compagnies de pontonniers pour jeter un pont de trente toises, ce qui fait plusieurs pouts pour les petites rivières qui sont entre l’Oder et l’Elbe.
Le général du génie a ordre de laisser une compagnie du train du génie, qui ait beaucoup d’outils et tout ce qui est nécessaire pour réparer les ponts.
L’intention de l’Empereur est que la 39e division, que commande .le général Marchand, soit provisoirement attachée au 11e corps, et, comme cette division est composée de troupes de la Confédération, cela ne fera aucun dérangement dans la comptabilité.
Sa Majesté ayant donné provisoirement une mission au prince de la Moskova, le général Souham commandera le 3* corps.
Le général Girard commandera le 11e corps pendant tout le temps que le duc de Tarente commandera sur le Bober.
Lœwenberg, 23 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Lœwenberg.
Mon Cousin, faites connaître au duc de Tarente comme instruction, que j’ai mis sous ses ordres l’armée du Bober, qui est composée de 100,000 hommes, infanterie, cavalerie, artillerie et troupes du génie comprises. Le principal but de cette armée est de tenir en échec l’armée- ennemie en Silésie, et d’empêcher qu’elle se porte sur Zittau pour interrompre ma communication, ou sur Berlin contre le duc de Reggio. Je désire qu’il pousse l’ennemi jusqu’au-delà de Jauer, et qu’il prenne ensuite position sur le Bober.
Trois divisions du 3e corps seront réunies dans un camp, en avant ou en arrière de Bunzlau, occupant Bunzlau pour le service du corps d’armée. On couvrira de redoutes le champ de bataille qui sera choisi.
Trois divisions du 11° corps camperont aux environs de Lœwenberg. Des redoutes seront construites sur les trois hauteurs, sur la rive droite; on établira solidement trois ponts, afin qu’on puisse déboucher facilement et rapidement. La quatrième division du 11e corps sera en réserve sur la Queis.
Le 5e corps sera campé dans la position jugée convenable entre Lœwenberg et Hirschberg, en occupant Hirschberg, si cela est possible, afin de tirer des ressources de cette ville.
La communication de Bunzlau à Hirschberg aura lieu derrière le Bober; à cet effet, on établira à toutes les demi-lieues des corps de garde retranchés, avec des palissades, en préférant des maisons, s’il y en existe, et, dans le cas contraire, en faisant une baraque, de sorte que 25 à 30 hommes y soient à l’abri des entreprises des Cosaques. Toute la communication se fera derrière le Bober et ces petits blockhaus. On pourra placer de plus, de deux lieues en deux lieues, dans les positions où cela serait nécessaire, un bataillon qui se retranchera et aura du canon. La quatrième division du 3e corps sera placée en potence entre le Bober et la Queis, dans une position également retranchée; Je suppose que le duc de Tarente emploiera sa quatrième division du 11e corps, la division Marchand, à occuper les positions sur la Queis, c’est-à-dire Naumburg, Lauban et Greifenberg, ou autres points convenables. Il donnera des ordres pour qu’on se retranche sur-le-champ, et il s’assurera de vivres pour huit ou dix jours. Les magasins, les gros bagages el tous les embarras de l’armée seront à Lauban. Tous les convois envoyés par l’administration générale de l’armée n’iront que jusqu’à Lauban, et depuis là le duc de Tarente répartira ces secours entre les différents corps de farinée du Nouer, selon les besoins.
H paraît convenable de former deux gros corps de cavalerie, un à la droite et un à la gauche, qui, avec de l’infanterie et de l’artillerie, flanqueront l’armée et observeront les mouvements de l’ennemi qui voudrait la tourner, et assureront les communications. Je pense même que, selon les circonstances, si l’ennemi essayait de tourner la gauche, le duc de Tarente devrait réunir toute sa cavalerie sur sa gauche, avec une division d’infanterie, et la détacher en corps volant et observer les mouvements de l’ennemi; car il importe que l’ennemi ne passe point entre lui et l’Oder pour se porter sur Berlin.
Cette armée étant ainsi placée, si l’ennemi prenait l’offensive et qu’il n’eût pas été renforcé, je pense que le duc de Tarente devrait marcher à lui, en débouchant par Lœwenberg ou tout autre point, et le battre.
Les troupes seront baraquées ; tous les malades seront dirigés sur Lauban, d’où ils seront évacués au fur et à mesure sur Gœrlitz et la ligne de l’armée. L’armée sera toujours mobile et sans embarras. Toute voiture non attelée sera aussitôt renvoyée sur les derrières. Lauban ayant une double enceinte, on mettra cette ville en état de défense en établissant des redoutes sur les hauteurs.
Dans cette situation, l’ennemi ne peut point passer entre son armée et les montagnes des Géants, ni entre son armée et l’Oder, pour se porter sur Berlin, sans s’exposer à être coupé. Comme le 2′ corps de cavalerie a 8,000 chevaux et que le terrain à droite n’est pas favorable à la cavalerie, il peut réunir cette masse de 8,000 chevaux sur sa gauche, pour éclairer parfaitement les mouvements de l’ennemi.
Lœwenberg, 23 août 1813, midi.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Lœwenberg.
Écrivez au duc de Tarente que vous lui avez fait connaître, par vos deux dépêches de ce jour, la position de son armée et la position défensive que je pense qu’il convient de prendre; que ces lettres sont des instructions générales, susceptibles de toutes les modifications que le terrain et les circonstances pourront lui suggérer; que mon opinion est que, dans l’état moral de ses troupes et de l’ennemi, il n’a rien de mieux à faire que de marcher à lui du moment qu’il voudra prendre l’offensive; que l’ennemi, en prenant l’offensive, se portera sur plusieurs points; qu’au contraire le duc de Tarente doit alors réunir toutes ses troupes sur un point, afin de déboucher en force sur lui et de reprendre sur-le-champ l’initiative.
Mandez-lui que je porte aujourd’hui mon quartier général à Gœrlitz; que mes opérations dépendent de celles de l’ennemi; que, si l’ennemi prend, le 23 ou le 24, l’offensive d’une manière positive sur Dresde, mon intention est de laisser l’initiative à l’ennemi et de me rendre sur-le-champ dans le camp retranché de Dresde et de lui livrer une grande bataille; et, comme dans ce cas l’ennemi tournera le dos au Rhin et nous à l’Oder, dans le cas où la victoire ne serait pas gagnée, }e rentrerais dans mon camp retranché; au pis-aller, je passerais l’Elbe sur la rive droite, je conserverais mes communications avec lui, et je prendrais le parti que les circonstances exigeraient, soit pour déboucher sur Torgau, soit sur Wittenberg, soit sur Magdeburg; que, si l’ennemi ne prend pas aujourd’hui ou demain l’offensive d’une manière déterminée, il est possible que ce soit moi qui la prenne, en marchant sur Prague; dans ce cas, je prendrai dans les premiers jours une ligne d’opération sur Zittau et Bautzen; que, dès le moment que je prendrai ce parti, je mettrai Goerlitz sous ses ordres; que, pendant tout le temps que j’aurai ma ligne sur Zittau, il est de la plus haute importance qu’en aucun cas l’ennemi ne puisse se porter sur Zittau; et que si, par un mouvement inopiné ou par la perte d’une bataille, il était obligé de prendre la ligne de la Queis, il faudrait s’y maintenir et enfin faire sa retraite sur Zittau , puisque alors une fois réunis on pourra aviser à ce qui convient; que, si je me porte sur Prague, la première opération sera de tâcher de prendre ma ligne d’opération sur Dresde, et dès ce moment le duc de Tarente sera plus libre de ses mouvements; et que, s’il était obligé de reculer, ou je l’appellerais à moi sur Zittau, ou il se dirigerait sur l’Elbe, dans le camp retranché de Dresde.
Mandez-lui que tout ceci n’est qu’une instruction générale à consulter dans les événements imprévus; que mon intention est de maintenir constamment mes communications avec lui, qui ne peuvent être interrompues que par un fort mouvement de l’ennemi sur sa gauche. L’ennemi n’étant hardi que dans les opérations de plaine ou de cavalerie légère, le terrain ne lui est propre que sur la gauche; mais que dans ce cas le duc de Tarente, par un corps volant et avec sa cavalerie, sera secondé par un gros corps de cavalerie, que je tiendrai toujours sur ma gauche, entre Zittau et la Queis, pour communiquer avec lui.
Toutefois il est nécessaire d’ordonner qu’on ne communique de Gœrlitz à Lauban que par des convois bien escortés. Je donne ordre à mon grand écuyer d’établir une estafette de mes postillons, depuis Lœwenberg jusqu’au lieu où je serai, laquelle, étant servie par mes chevaux, rendra les communications extrêmement rapides par Gœrlitz et le point où je me trouverai.
Donnez au duc de Tarente le petit chiffre, pour remplacer le chiffre qui probablement a été pris. Comme ce chiffre est facile à copier, le duc de Tarente l’enverra aux généraux commandant les corps sous ses ordres.
Lœwenberg, 23 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Lœwenberg.
Mon Cousin, donnez ordre au duc de Raguse de partir ce matin pour se rendre près de Lauban ; il passera la rivière, afin de pouvoir, demain de bonne heure, partir pour Gœrlitz, s’il y a lieu. Qu’il envoie un aide de camp à Gœrlitz, où sera ce soir le quartier général, pour faire connaître l’heure où il arrivera. Comme toute la Garde part à quatre heures du matin et se trouvera sur le chemin de Lœwenberg à Lauban, la route sera encombrée; il est donc nécessaire qu’il prenne une autre route. Qu’il retire la garnison qu’il aurait à Bunzlau.
Gœrlitz, 23 août 1813.
Au maréchal Gouvion Saint-Cyr, commandant le 14e corps de la Grande Armée, à Dresde.
J’ai reçu votre lettre du 22, à onze heures du soir. Dans la journée du 21, j’ai battu l’armée ennemie de Silésie; hier 22, je l’ai fait poursuivre jusqu’auprès de Jauer; hier soir, j’ai mis mes troupes en marche, et tout arrive aujourd’hui à Gœrlitz.
Les troupes qui sont ici seront à Dresde le 25; elles y seront le 26, si cela est moins urgent. Je suppose que le général Vandamme et le duc de Bellune, suivant leurs instructions, se sont mis en marche depuis ce matin. Toutefois je vais leur envoyer des ordres. Faites faire du pain le plus qu’il est possible, car nous serons bientôt 200,000 hommes à Dresde. Le roi de Naples, qui vous portera cette lettre, arrivera avant minuit, fin supposant que le mouvement sur Dresde soit un grand mouvement, il aurait fallu à l’ennemi la journée d’aujourd’hui pour se déployer et pour reconnaître. Je ne doute pas que vous n’ayez fait porter la plus grande partie de l’artillerie de la place dans les redoutes, et pris toutes les mesures pour faire repentir les Russes, s’ils voulaient enlever les faubourgs d’un coup de main. Je suppose que tous les bateaux qui étaient sur la rive gauche auront été portés sur la rive droite, et que la communication de Königstein avec Dresde sera assurée par la rive droite. Si l’ennemi a effectivement opéré un grand mouvement d’armée sur Dresde, je le considère comme une chose extrêmement heureuse, et cela me mettra à même d’avoir dans peu de jours une grande bataille, ce qui décidera bien des choses.
Gœrlitz, 23 août 1813.
Au général comte Vandamme, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Rumburg.
Monsieur le Comte Vandamme, le 21 j’ai battu l’armée de Silésie, composée de Russes et de Prussiens, devant Bunzlau et Lœwenberg. Je l’ai fait poursuivre jusqu’à Jauer. Hier soir, j’ai mis en mouvement une partie des troupes pour me porter sur Zittau ou Dresde, en laissant les troupes nécessaires pour contenir l’ennemi.
Je reçois une lettre du maréchal Saint-Cyr, datée du 22, à onze heures du soir, qui m’apprend qu’un corps russe a débouché par Peterswalde ; il le croit suivi par toute l’armée autrichienne. Cela étant, dirigez votre corps sur Dresde par la route la plus courte. Je suppose que la 2:ie et la 2e division y sont déjà rendues. Si cependant ce mouvement n’avait pas eu lieu, vous le feriez exécuter de suite en les dirigeant sur Stolpen.
Dirigez également sur le même point la division de jeune Garde et la division de cavalerie du général Lefebvre-Desnoëttes, de sorte que vous ne laisserez, pour masquer votre mouvement, qu’une arrière-garde d’infanterie, cavalerie et artillerie, jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par le prince Poniatowski. Je compte être avant demain matin à Bautzen, et j’aurai 100,000 hommes réunis le 25 à Dresde.
Répondez-moi en envoyant un officier qui se dirigera par Lauban et viendra couper la route de Reichenbach; si je ne suis pas encore passé dans ce dernier endroit, il prendra la route de Gœrlitz pour venir au-devant de moi; dans le cas contraire, si j’avais déjà passé Reichenbach, il me joindrait Bautzen. Mettez-moi au fait de tous vos mouvements.
Gœrlitz, 23 août 1813.
Au général comte Durosnel, gouverneur de Dresde.
Vous ne m’avez pas écrit, et je n’ai appris que par la lettre du maréchal Saint-Cyr, en date d’hier à onze heures du soir, le mouvement de l’ennemi sur Dresde. Je suppose que je recevrai une lettre de vous par estafette. La première mesure que vous aurez prise aura été de garnir les blockhaus de Königstein et de Dresde, et de faire passer sur la rive droite les bateaux qui étaient sur la rive gauche. Faites faire une grande quantité de pain. Envoyez sur-le-champ des courriers pour que toute la ligne d’opération depuis Dresde, par Nossen et Colditz, soit gardée; qu’on retienne tout ce qui devait arriver à Leipzig; que les estafettes ne passent plus par Leipzig; qu’elles passent la rivière à Meissen ou même à Torgau; et, si vous êtes assuré qu’il n’y a point de partis ennemis du côté de Torgau, ce qui ne peut plus exister depuis le mouvement du due de Reggio, il faudrait prendre la ligne de Leipzig sur Torgau et de Torgau sur la rive gauche.
Je suppose que les gardes d’honneur sont arrivées aujourd’hui 23 ; si elles ne sont point arrivées, veillez à ce qu’elles ne soient pas compromises, en les faisant venir par la rive droite.
Je ne sais pas quelle est la situation de la garnison de Torgau. Si elle n’est pas considérable, vous pouvez écrire au général Margaron, à Leipzig, de s’en rapprocher, en laissant une garnison suffisante pour mettre Leipzig à l’abri des partis. Je suppose que vous avez fait passer sur Torgau vos dépôts de cavalerie et tous vos embarras, et tout ce qui est nécessaire à la vie, sur la rive droite.
Nous serons avec l’armée à Dresde le 25, si cela est nécessaire. Faites faire beaucoup de pain d’avance; cela est l’affaire la plus importante.
Gœrlitz, 24 août 1813.
Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 18. Je viens de Lœwenberg, où j’ai battu l’armée ennemie de Silésie. Je suis entré en Bohême et nie suis emparé des principaux débouchés; mes troupes ont poussé jusqu’à seize lieues de Prague.
Je nie porte actuellement sur Dresde pour attaquer les corps ennemis qui se sont portés dans cette direction. L’armée que j’ai dirigée sur Berlin doit être aujourd’hui dans cette ville. Ainsi vous-voyez que les affaires sont engagées de tous côtés avec une grande activité. Je suis au centre, et l’ennemi est partout aux extrémités. J’espère bien de la disposition des choses.
Gœrlitz, 24 août 1813.
À M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Dresde
Monsieur le Duc de Bassano, je vous écris en chiffre pour qu’à tout événement ce que je vous mande ne puisse pas être compris. Vous ferez déchiffrer cette lettre et vous en remettrez le déchiffrement signé de vous, comme conforme à l’original/ au maréchal Saint-Cyr, et vous me ferez connaître son opinion sur son contenu.
Mon intention est de me porter à Stolpen. Mon armée y sera réunie demain. J’y passerai le 26 à faire des préparatifs et à rallier mes colonnes. Le 26, dans la nuit, je ferai filer mes colonnes par Königstein, et à la pointe du jour, le 27, je me mettrai dans le camp de Pirna avec 100,000 hommes. J’opérerai de manière qu’à sept heures du matin l’attaque sur Hellendorf commence et que j’en sois maître à midi. Je me mettrai alors à cheval sur celle communication. Je m’emparerai de Pirna. J’aurai deux ponts prêts pour les jeter, si cela est nécessaire, à Pirna.
Ou l’ennemi a pris pour ligne d’opération la route de Peterswalde à Dresde, et alors je me trouverai sur ses derrières, toute mon armée contre lui, qui ne peut pas rallier la sienne en moins de quatre ou cinq jours. Ou bien il a pris sa ligne d’opération par la route de Kommotau à Leipzig; alors il ne rétrogradera pas, et il se portera sur Kommotau; Dresde se trouvera dégagé, et je me trouverai en Bohème plus près de Prague que l’ennemi, et j’y marcherai. Le maréchal Saint-Cyr suivra l’ennemi aussitôt que celui-ci parait très déconcerté. Je masquerai ce mouvement en couvrant la rive de l’Elbe de !50,000 hommes de cavalerie avec de l’artillerie légère, de sorte que l’ennemi, voyant foule la rivière bordée, croie mon armée sur Dresde.
Voilà mon projet, il peut d’ailleurs être modifie par les opérations de l’ennemi. Je suppose que, quand j’entreprendrai mon attaque, Dresde ne sera pas attaqué de manière à pouvoir être pris en vingt-quatre heures.
Quant au roi de Saxe, tous pouvez lui faire part, à lui seulement, de mes projets, et lui dire que, si l’ennemi pressait Dresde, il n’y aurait pas d’inconvénient à ce qu’il vînt me joindre à Stolpen, oui qu’il prît une maison de campagne sur la rive droite.
Donnez des nouvelles très-vagues à Paris, en faisant comprendre qu’on apprendra à la fois la victoire sur l’armée de Silésie, la prise de Berlin, et des événements plus importants encore.
Écrivez à Erfurt, à Munich et à Würzburg en chiffre. Mes ministres instruiront les généraux et les souverains de ce que vous leur mandez ; celui de Würzburg en fera part au duc de Castiglione.
Écrivez au général Margaron que, s’il est pressé à Leipzig, il doit se retirer sur Torgau. Voyez le directeur de l’estafette pour qu’elle passe par Leipzig et Torgau.
Si le maréchal Saint-Cyr a assez de monde pour défendre Dresde, et qu’il ne soit pas pressé, il faut qu’il envoie au-devant du général Vandamme, pour que celui-ci prenne position avec ses divisions à Neustadt, vu que tout mouvement rétrograde serait désavantageux.
Gœrlitz, 24 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Goerlitz.
Mon Cousin, écrivez ce qui suit au prince Poniatowski : « L’Empereur a battu, le 21, l’armée ennemie en Silésie, et il l’a fait poursuivre jusqu’à Jauer; il s’est porté ensuite sur Gœrlitz pour, suivant les circonstances, pousser sa pointe sur Prague ou marcher sur Dresde; mais le 22, à dix heures du malin, l’ennemi ayant attaqué Hellendorf avec une division russe, qui paraît Soutenue par l’armée autrichienne, Sa Majesté a pris le parti de se rendre à Dresde et Königstein pour livrer bataille à l’ennemi. Le duc de Bellune, le général Vandamme et le général Lefebvre-Desnoëttes doivent donc être en marche. L’Empereur vous confie la garde des deux défilés de Gabel et de Gcorgenthal; les Autrichiens n’ont pas là de forces supérieures aux vôtres. Comportez-vous selon les circonstances.
Il est nécessaire que l’ennemi ignore le plus longtemps possible le mouvement de nos troupes, parce que, lorsque ses propres mouvements deviendront plus clairs, si leur armée se trouvait loin, l’Empereur pourrait opérer sur Prague et rebrousser chemin sur vous. Si au contraire l’armée autrichienne prête à des combinaisons, l’Empereur tombera dessus. S’il a de l’avantage, il entrera en Bohème, en vous faisant soutenir par un corps d’armée sur les deux rives. Il est donc important de garder les deux cols. Le quartier général de l’Empereur sera aujourd’hui à Bautzen. Ayez soin de lui écrire tous les jours.
Le duc de Tarente est resté commandant de l’armée qui est sur le Bober, laquelle est forte de 120,000 hommes. Écrivez-lui tout ce que vous apprendrez de nouveau. Les officiers que vous chargerez de vos dépêches pourront passer par Lauban.
J’ai reçu une lettre du duc de Reggio; il comptait entrer aujourd’hui à Berlin, n
Gœrlitz, 24 août 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Goerlitz.
Mon Cousin, donnez ordre au duc de Raguse de laisser deux bataillons et trois pièces de canon à Gœrlitz.
Donnez ordre au duc de Tarente d’envoyer deux bataillons à Gœrlitz pour relever ceux du duc de Raguse. L’échiquier commence à s’éclaircir, le duc de Tarente n’a devant lui, de Russes, que les corps de Langeron et de Sacken, composés pour la plus grande partie de recrues. Il est donc convenable qu’il envoie sans délai ordre à la division Chastel de nous rejoindre; qu’il fournisse à la garnison de Gœrlitz, et qu’il forme des corps pour éloigner de sa gauche les partisans. Le prince Poniatowski, qui reste à Gabel, a ordre de correspondre avec lui.