Correspondance de Napoléon – Août 1812

Vitebsk, 6 août 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Duc de Bassano, je désire que vous fassiez donner l’ordre à Kovno, par le gouverneur général, que toutes les voitures d’équipages militaires qui y passeront se chargent, avant tout, de riz, jusqu’à ce qu’on ait épuisé tout ce qu’il y a de riz dans les magasins de Kovno, et, à défaut de riz, de biscuit. Si ces voitures sont chargées de farines, elles laisseront leurs farines à Kovno. Voyez aussi le gouverneur général pour que des mesures soient prises pour foire emmagasiner à Kovno, dans les églises et les couvents, fout ce qui est arrivé par le Niémen, et que les bateaux soient envoyés. Il faut qu’on prenne à Kovno tous les couvents, qu’ils aient été destinés pour des hôpitaux, pour la Garde ou pour qui que ce soit ; le prin­cipal est que sans délai tout y soit mis à couvert. Faites écrire à Kovno pour qu’on expédie des vivres sur Vilna, Grodno, Bialystok et même sur Varsovie. Ce qui est bien important, c’est que tous les bateaux qui sont è Kovno soient renvoyés et redeviennent dispo­nibles pour rapporter l’avoine et tout ce qu’on pourra tirer de Danzig et de Königsberg. Remuez donc cette commission de gouvernement, qui vraiment ne fait rien ; il est ridicule qu’il n’y ait qu’une aussi petite quantité de blé dans leurs magasins.

Les prisonniers que le duc de Reggio a faits à Polotsk sont dirigés sur Vilna. Je désire que vous les fassiez interroger avec soin, pour savoir de quel régiment, de quelle division et de quel corps ils sont. Je vous envoie une lettre que vous écrit le consul de Riga. Il est nécessaire que ce consul rejoigne sur-le-champ le duc de Tarente. Envoyez son mémoire au duc de Tarente.

 

  1. S. Le gouverneur général qui commande tous les gouverne­ments de la Lithuanie, le général Hogendorp, donnera main-forte à la commission de gouvernement et fera désormais exécuter ses diffé­rentes dispositions à Grodno, à Bialystok et ailleurs.

 

 

Vitebsk, 6 août 1812, cinq heures après midi

 

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant les 4e et 6e corps de la Grande Armée, à Souraje

 

Mon Fils, je suppose que vous n’avez pas de malades à Souraje ; que vous n’avez du moins que des malades que vous puissiez promptement évacuer, puisqu’il est important que vous soyez toujours en mesure d’évacuer avec rapidité tout le pays, sans y rien laisser. Faites-moi connaître quand vous pourrez avoir du pain pour huit ou dix jours, quand tous vos attelages seront suffisamment reposés et quand on pourra marcher sur Smolensk. Mon intention est de mar­cher à l’ennemi, probablement, par la rive gauche du Borysthène, d’enlever Smolensk, et de livrer bataille à l’armée russe, si elle veut tenir dans la position où elle est.

Avez-vous vos batteries de réserve ? J’ai vu hier votre parc de réserve à la position que vous occupiez près de Vitebsk : il attend à chaque instant une grande quantité de voitures. Faites-moi connaître si vous espérez recevoir encore quelques renforts et rallier beaucoup de vos troupes.

 

 

Vitebsk, 6 août 1812

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Doubrovna.

Mon Cousin, j’ai donné ordre à la division Gudin de se rendre à Babinovitchi. Laissez-la dans cet endroit, parce qu’elle y trouvera plus de facilités pour les subsistances; elle sera là à vos ordres. Je désire savoir quand deux ponts solides seront établis à Orcha, s’il y a des ponts à Doubrovna, enfin s’il y en a entre la Berezina et Rossasna.

Faites-moi connaître votre opinion sur cette question : est-il plus utile de marcher sur Smolensk par la rive droite que par la rive gauche ? Quelle est la nature du pays ? Y a-t-il des ressources pour nourrir la cavalerie, et des subsistances pour l’infanterie ? Si je me résous à marcher par la rive gauche, il faudra que la cavalerie du roi de Naples, le vice-roi, le 3e corps, viennent passer le Borysthène entre Rossasna et la Berezina. Il faudrait pour cela avoir des ponts solides et nombreux. Pendant ce temps, vous vous porteriez sur Krasnoï avec le corps du général Grouchy, le 8e et le 5e corps. Quelle est la marche que devrait faire le 5e corps ? Vous auriez alors sous vos ordres les divisions Compans, Gudin, Dessaix et Claparède, ce qui doit faire plus de 30,000 hommes d’infanterie. Le 8e corps doit être de 10,000 hommes, et le 5e corps de 20,000 hommes; vous auriez donc 60,000 hommes d’infanterie. La cavalerie du prince Poniatowski, celle du général Grouchy, la vôtre, la division Valence et le corps du général Latour-Maubourg devraient faire plus de 12,000 hommes de cavalerie. Votre seule armée serait donc de plus de 80,000 hommes. Le corps du duc d’Elchingen, le corps du vice-roi, la cavalerie du roi de Naples, la Garde et les divisions Morand et Friant devraient faire plus de 100,000 hommes. Faites-moi con­naître si vos troupes pourront se procurer pour huit ou dix jours de vivres, s’il y aurait suffisamment de ponts et de ponts solides pour faire passer la cavalerie, afin que le passage ne fasse point le défilé sur aucun point du Borysthène. J’attends l’appel de vos différents corps.

Vitebsk, 7 août 1812.

A M. Barbier, bibliothécaire de l’empereur, à Paris

L’Empereur désirerait avoir quelques livres amusants. S’il y avait quelques bons romans nouveaux, ou plus anciens qu’il ne connût pas, ou des mémoires d’une lecture agréable, vous feriez bien de nous les envoyer, car nous avons des moments de loisir qu’il n’est pas aisé de remplir ici.

Par ordre de l’Empereur, le secrétaire du portefeuille.

 

Vitebsk, 7 août 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Duc de Bassano, faites-moi connaître où en est la formation des troupes de la Lithuanie. Les armes sont arrivées à Kovno. Je désirerais connaître quand ces régiments seront suffisam­ment formés pour faire les garnisons de Vilna, de Kovno, de Minsk et de Grodno, afin que je puisse retirer toutes les troupes que j’ai dans ces différentes places. Les cinq régiments dont la formation a été ordonnée sont-ils pour toute la Lithuanie, ou seulement pour le gouvernement de Vilna ?

 

Vitebsk, 7 août 1812

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Duc de Bassano, dites au gouverneur général Hogendorp qu’il est nécessaire qu’il m’écrive tous les jours par l’estafette sur ce qui se passe dans son gouvernement, indépendamment des comptes qu’il rend à l’état-major. Dites-lui que, comme Drissa est dans son gouvernement, il serait bon qu’il y envoyât un bataillon avec des sapeurs pour démolir le camp retranché des Russes. Il fau­drait que ce bataillon emportai avec lui quatre ou cinq cents outils; en séjournant huit ou dix jours à Drissa, il finirait ce travail. J’attache de l’importance à ce que ce camp retranché soit entièrement détruit.

Lorsque le duc de Bellune sera arrivé à Tilsit, mandez-lui qu’il vous fasse connaître l’époque où les différents bataillons y arriveront.

 

Vitebsk, 7 août 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Duc de Bassano, je désire que vous voyiez si on a renfermé dans une église ou à l’arsenal les deux à trois cents chariots d’ancien modèle qui ont été laissés à Vilna exposés à l’air. Si cela n’avait pas encore été fait, le gouverneur devrait le faire.

 

Vitebsk, 7 août 1819.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, répondez au duc de Reggio que l’état de situation qu’il a remis du corps de Wittgenstein contient un double emploi ; que les quatre régiments de chasseurs à pied que commande le général Koulnief sont des régiments de la 5e et de la 14e division, c’est-à-
dire les 23e, 24e, 25e et 26e; que, depuis cette campagne, les Russes ont pris l’usage de mêler l’infanterie légère avec la cavalerie pour former leurs avant-gardes, et par conséquent ces régiments ne font pas nombre; que les corps du général Sazonof, commandant la 14e division (Navaginsky, Tenginsky, Toulskoï et Esthlandskoï, jus­tement les régiments de la 14e division), sont encore un double emploi; que le corps de Wittgenstein se réduirait à trois divisions, c’est-à-dire dix-huit régiments ou 15,000 hommes, supposant, ce qui est possible, que la 7e division y soit; mais les deux régiments d’infanterie légère de la 7e division n’y sont pas, que cela ne ferait donc que 14,000 hommes; qu’il est possible que le prince Repnine ait six bataillons de réserve composés de compagnies des 3e batail­lons, que nous n’avons pas de renseignements là-dessus; qu’à peu près ce nombre des 3e bataillons était à Dinabourg; qu’il est possible qu’on ait retiré les grenadiers de ces 3e bataillons, que cela ne ferait au plus qu’une force de 17 à 18,000 hommes d’infanterie.

Vous ajouterez au duc de Reggio que dans aucune campagne nous n’avons suivi avec plus d’attention les corps russes, et que nous sommes parfaitement au fait de leur organisation ; que tout porte à penser qu’il n’a pas plus de 20,000 hommes devant lui. Toutefois quel inconvénient y avait-il à ce qu’il restât dans sa position de Biélaya et vît l’ennemi se déployer en deçà du défilé ? Il aurait pu alors le compter. Depuis, quelle difficulté y avait-il à rester à Polotsk, couvert par quelques lunettes qu’il pouvait faire dans une nuit ? Dans une bonne position, il ne pouvait pas craindre un corps qui lui eût été même supérieur d’un tiers ; enfin, après qu’il aurait vu l’ennemi et qu’il se serait assuré de sa très-grande supériorité, n’était-il pas toujours à même de faire sa retraite et de repasser ses ponts ? Mais cette manière de faire très-légère compromet les opérations générales, puisqu’elle peut porter l’Empereur à faire de faux mouvements; et si nous n’étions pas très-supérieurs en forces à l’ennemi, le mouvement rétrograde du 2e corps sur Polotsk serait une véritable faute. Après la belle victoire qu’il avait obtenue, il est étonnant que ce soit l’en­nemi qui soit resté maître du champ de bataille. Il a reculé, l’ennemi a avancé; l’ennemi a su que deux divisions avaient passé la Dvina, il a avancé encore plus. La guerre est une affaire d’opinion, et l’art était de se conserver l’opinion qu’il avait pour lui, après le grand avantage qu’il avait remporté.

Ayez soin de faire observer au duc de Reggio que le prince Repnine n’est que général-major et ne peut commander qu’une brigade.

 

Vitebsk, 7 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, écrivez au duc de Reggio que les prisonniers qui ont dit qu’ils avaient entendu le canon sur notre gauche avaient raison ; que le duc de Tarente, qui était à Dinabourg, aura suivi l’ennemi, ce qui aura donné lieu à cette canonnade ; que l’aide de camp Philipof, se trouvant déjà en route pour Vilna, ne peut plus être échangé, puisqu’il se trouve sur les derrières de nos armées et a vu nos mou­vements; que la réponse qu’il a faite relativement au prisonnier Vadbousky est convenable ; qu’on n’a pas le droit d’envoyer des parlementaires lorsqu’on se bat.

Mandez-lui qu’il faut conserver l’artillerie régimentaire comme elle est formée, qu’on ne saurait avoir trop de pièces de canon, et que je désapprouve tout ce qu’il a fait pour envoyer des pièces sur les derrières. Recommandez-lui de soigner cette artillerie, au lieu de la laisser se désorganiser; que j’espère qu’avec sa belle division de cuirassiers il donnera une belle poussée à Wittgenstein, et qu’aussitôt que celui-ci aura été rompu il le mènera loin.

 

Vitebsk, 8 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, donnez ordre que tout ce qui appartient à la Garde et qui se trouve à Biéchenkovitchi en parte à deux heures après minuit, pour être rendu ici après-demain de bonne heure.

 

 

Vitebsk, 9 août 1812, deux heures du matin.

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Doubrovna.

Mon Cousin, je vous prie de m’envoyer l’itinéraire d’une route de Babinovitchi à Rossasna, ou tout autre point plus direct pour se rendre de Vitebsk à Smolensk, de sorte que de Vitebsk on puisse se rendre sur le Dniepr en trois jours et arriver le sixième devant Smolensk. Je vous prie de même de me faire connaître les routes qui pourraient communiquer de Liozno et de Roudnia à Smolensk. Je désire connaître la nature de ce pays. Je vous prie de me tracer la route que pourrait tenir le prince Poniatowski pour arriver en trois ou quatre jours à la hauteur de Krasnoï; la grande route le conduirait en trois jours à Mstislavl, et en quatre ou cinq à Sviériakovo, sur la route de Smolensk à Roslavl ; cette marche serait avantageuse et nous permettrait d’arriver sur deux colonnes pour éviter une position assez forte que l’ennemi a en avant de Smolensk ; ce chemin la tour­nerait. Resterait à connaître les communications intermédiaires de Liady à Smolensk et entre Liady et Sviériakovo, toujours sur Smo­lensk. J’attends, pour fixer le moment où je passerai le Dniepr, de connaître celui où vos ponts seront terminés et où vous aurez des fours à Doubrovna.

 

Vitebsk, 9 août 1812, deux heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant les 4e et 6e corps de la Grande Armée, à Souraje.

Mon Fils, il est possible que de Souraje vous puissiez vous porter sur le Dniepr, en passant par Kolychki et Rossasna, afin de manœu­vrer avec l’armée sur la rive gauche du fleuve; dans ce cas, faites secrètement reconnaître la route, sa nature et le nombre de jours nécessaire pour la marche. Je n’ai pas besoin de vous dire que, dans cette hypothèse, on ne peut laisser de garnison à Souraje; il faut tout évacuer sur Vitebsk.

 

Vitebsk, 9 août 1812, cinq heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant le 4e corps (le 6e corps était placé, depuis le 7 août, sous le commandement du général Gouvion Saiot-Cyr) de la Grande Armée, à Souraje.

Mon Fils, l’ennemi s’est porté hier en grande force vis-à-vis Inkovo, ce qui m’a décidé de réunir l’armée à Liozno, où se trouve le duc d’Elchingen. Les divisions Friant, Morand et Gudin se mettent en marche ce matin. Mettez-vous en marche de votre côté et réunissez-vous près de Liozno. Envoyez un aide de camp au duc d’Elchingen pour savoir ce qui se passe, et dirigez-vous en très-petites ou en grandes journées, selon ce qui se sera passé aujourd’hui. Si c’est un mouvement offensif de l’ennemi, arrivez le plus vite que vous pour­rez ; si, au contraire, ce n’est qu’une reconnaissance de cavalerie, faites toujours votre mouvement, mais faites-le doucement, mon intention étant de continuer alors ces mouvements pour marcher sur Smolensk. Laissez une arrière-garde d’infanterie et de cavalerie le plus longtemps possible-à Souraje; tâchez de ne laisser personne sur la rive droite. Une arrière-garde d’infanterie et de cavalerie paraît devoir être nécessaire à Souraje encore pendant plusieurs jours. Faites-moi connaître toutes vos dispositions. Je n’ai pas besoin de vous répéter d’envoyer auprès du roi de Naples et du duc d’Elchingen pour savoir ce qui se passe, afin de bien régler vos mouvements.

 

Vitebsk, 9 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, une fois que le mouvement sur Smolensk sera décidé, il sera nécessaire que la communication de Smolensk avec Vilna se fasse par Minsk, puisque cette nouvelle direction n’aura que 116 lieues et que celle de Smolensk avec Vilna par Vitebsk et Gloubokoïé en aurait 136. Le pays est d’ailleurs meilleur, il n’a pas été entamé, et l’on aura d’ailleurs pour point de repère Borisof et Minsk, qui sont deux grandes villes. Il est donc nécessaire d’écrire au gouverneur de Minsk de prendre d’avance ses mesures pour bien organiser cette route et pour que le passage des troupes et des prisonniers puisse se faire sans attirer de désordres dans le pays. Cette nouvelle route offrira aussi l’avantage d’une direction de Minsk sur Varsovie sans passer Vilna : de Smolensk à Varsovie, il n’y aura que 225 lieues.

 

Vitebsk, 9 août 1812.

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Doubrovna.

Mon Cousin, je désire que vous me donniez des renseignements sur une route qui longerait la rive gauche du Dniepr à trois ou quatre lieues de distance, et passerait par Savvya, Romanovo, Gorodok, Palkino, Montchina, etc. Cette route, si elle existe, tournerait tous les petits torrents qui versent leurs eaux à la rive gauche du Dniepr.

 

Vitebsk, 9 août 1812

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Duc de Bassano, je reçois vos lettres du 6 août. J’es­père qu’à l’heure qu’il est le dac de Reggio aura sa communication ouverte avec le duc de Tarente. Le général Wittgenstein a été blessé au combat de la Drissa; le général Koulnief a été tué ; c’était un offi­cier de cavalerie qui est regretté des Russes. Les fatigues ont mis un peu de retard dans la marche du duc de Reggio ; il est à peu de marches de (manque). L’ennemi a fait une forte attaque sur la division Sébastiani, à huit lieues de Smolensk. Il y a eu beaucoup de coups de  sabre donnés sans trop de résultat. L’ennemi avait 10,000 hommes de cavalerie contre cette seule division. Je compte marcher sur Smo­lensk pour voir si l’ennemi veut nous attendre, ce qui paraît assez probable, puisque sa réunion avec Bagration est faite et qu’il n’a plus grand’chose à attendre. Faites interroger les prisonniers qu’a faits le duc de Reggio, à mesure qu’ils arriveront, afin de bien connaître les troupes qu’avait Wittgenstein. Pressez autant qu’il vous sera possible pour les subsistances et pour que les étapes des derrières soient abon­damment pourvues; c’est la seule manière de maintenir l’ordre et la tranquillité sur les derrières.

Une fois que nous serons à Smolensk, il serait possible que la route passât par Orcha et Minsk. De Smolensk à Vilna par Minsk il n’y a que 116 lieues, et de Smolensk à Vilna par Gloubokoïé il y en a 136. Il faut donc que la route de Vilna à Minsk soit parfaitement organisée pour les étapes, ainsi que celle de Minsk à Orcha.

 

  1. S. Je vous renvoie des lettres de service que j’ai ouvertes.

 

Vitebsk, 9 août 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Duc de Bassano, écrivez à Danzig et à Königsberg pour que l’on fasse partir tous les dépôts d’habillement, soit de la Garde, soit des différents corps de l’armée, car déjà le besoin d’effets d’habillement et de souliers commence à se faire sentir; que tout cela soit embarqué, transporté sur le Niémen et débarqué à Kovno. Écrivez à l’amiral Baste qu’il fasse son affaire de ce mouvement, et qu’il rende compte de tout ce qui arrivera. Je désire que vous écriviez aussi au général Loison, à Königsberg, pour lui recommander que, conformément aux ordres que j’ai donnés, tout l’équipage de siège de Magdeburg, qui était destiné pour le siège de Dinabourg, rentre à Danzig. La moitié qui était à Elbing est déjà rentrée ; l’autre moitié, qui est à Königsberg, doit y rentrer sur-le-champ. La prompte rentrée de cet équipage aura deux résultats : 1° compléter l’armement de Danzig ; 2° empêcher qu’en cas de descente l’ennemi puisse s’em­parer de cet équipage, et rendre les bateaux disponibles pour faire venir des dépôts d’habillement ce qui sera nécessaire. Mandez à l’amiral Baste de presser la rentrée de cet équipage sous le canon de Danzig.

Un autre objet important dont je désire que vous vous occupiez, c’est de voir si l’on pourrait passer un marché, soit avec des juifs du pays, soit avec des gens de Königsberg, pour le transport, de Kovno à Vitebsk et à Smolensk, des objets d’habillement et de subsistance qui se trouveront à Kovno. Le marché serait fait en argent comptant, à tant par quintal. Vous vous concerterez avec l’ordonnateur et les gens du pays pour savoir quel prix il serait raisonnable d’accorder, en ne perdant pas de vue qu’il faudrait établir deux prix, l’un d’ici au traînage, l’autre pour le moment du traînage. C’est la meilleure manière de pourvoir à ce que les effets d’habillement, le biscuit, le riz, etc., qui sont à Kovno, nous arrivent. Il faudrait qu’ils s’enga­geassent à mettre tous les jours en mouvement tant de quintaux, et, en cas que les objets dussent rester en route, le prix serait réglé selon la distance. Vous remarquerez que ces voituriers pourraient rapporter du sel de Vitebsk, d’Orcha et de Borisof. Nous en avons une immense quantité, pour près de 20 millions, et on m’assure que le pays de Königsberg, la Courlande et la Samogitie tiraient leur sel d’ici. Voyez à combiner une opération là-dessus. Il faudrait faire également un marché pour le transport sur Minsk, par Grodno, des farines, riz, effets d’habillement, etc., que nous avons à Varsovie, en éta­blissant également deux prix, l’un pour le moment du traînage et l’autre avant le traînage. L’armée ayant passé, le pays doit se réta­blir, et avec de l’argent on doit trouver tout cela.

 

 

Vitebsk, 10 août 1812, une heure du matin.

 

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant le 4e corps de la Grande Armée, à Yanovitchi

Mon Fils, j’ai reçu votre lettre dans laquelle vous me faites con­naître que vous serez à huit heures du soir à Yanovitchi. J’ai reçu des lettres des avant-postes de hier 9, à quatre heures après midi. Il parait que l’ennemi s’est retiré et que c’était une affaire de cavalerie, provoquée probablement par les imprudences du général Sébastiani, qui ne sait pas se garder dans des cantonnements de repos et va s’en­foncer dans des plaines où il croit que l’ennemi n’est pas en force. Ainsi donc vous êtes maître de votre mouvement de la journée. Faites ce que vous jugez le plus convenable pour le bien de vos troupes. Le temps est si mauvais, et il pleut tant, que je suis bien fâché de voir mes troupes en mouvement par un pareil temps.

Votre mouvement a été d’ailleurs brusque. Ralliez bien tous vos détachements, rappelez tout votre monde, et employez la journée à vous réunir, ou marchez à votre volonté : vous ne devez être dirigé que par l’intérêt de vos troupes.

Je ne fais pas partir la Garde aujourd’hui à cause du mauvais temps, mais elle partira demain.

Ayez soin de mettre à l’embranchement des routes un officier d’état-major, avec un piquet, pour empêcher vos soldats de continuer à se rendre à Souraje; prenez la même précaution au pont, sur la route qui va à Velije ; car en vérité ils sont sans considération, et, quand ils voient un pont, ils y passent, de sorte que nous perdons ainsi en détail beaucoup de monde.

 

 

Vitebsk, 10 août 1812, deux heures du matin.

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Doubrovna.

Mon Cousin, le mouvement d’hier a été provoqué, à ce qu’il paraît, par le général Sébastiani, puisqu’on m’écrit des avant-postes, à quatre heures après midi, que l’ennemi s’est retiré. Le vice-roi a porté son quartier général à Yanovitchi et commencé son mouve­ment. Je voudrais avoir des renseignements sur les routes de Lioubavitcbi À Rossasna et de Babinovitchi à Rossasna. J’aurais fait partir ce matin toute ma Garde, mais il pleut tant, que je retarde son mou­vement d’un jour pour laisser passer le mauvais temps. Je retiens également la division Friant, qui, étant bien baraquée, est à l’abri de la pluie, mais tout le monde est prêt à partir. Je suis encore indécis de savoir si de ma personne je prendrai la route de Liozno ou celle de Babinovitchi. Je me déciderai par les nouvelles ultérieures que je recevrai de l’ennemi et par les renseignements que vous m’en­verrez sur les localités. Il est nécessaire que le général Latour-Maubourg se rapproche, afin que je fasse venir sa cavalerie et même la division d’infanterie à la bataille, puisque, si l’ennemi tient à Smolensk, comme je suis fondé à le penser, ce sera une affaire décisive, et nous ne saurions y être trop de monde. Je suppose que, d’après mon ordre d’hier, vous aurez appuyé Latour-Maubourg sur Mohilef, et qu’ainsi tout cela pourrait se faire. Il faut à Rossasna, où l’armée doit passer, quatre ponts. Faites préparer tous les moyens, sans pourtant jeter ces ponts, mais de sorte que vos sapeurs et vos pontonniers aient d’avance tout ce qui est nécessaire, et puissent jeter ces ponts aussitôt que la tête de la gauche paraîtra, sans démasquer plus tôt le mouvement.

 

Vitebsk, 10 août 1812, au matin.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Doubrovna.

Mon Cousin, j’avais donné l’ordre hier aux divisions Gudin, Morand et Friant de se porter, l’une sur Babinovitchi, l’autre sur Poloviki et l’autre sur Liozno, de crainte que l’ennemi ne prît l’initiative. L’en­nemi paraissant s’être retiré, j’ai donné ordre que ces divisions pris­sent position entre Liozno et Rossasna, de manière qu’elles puissent les premières se réunir à vous. Le mauvais temps m’a décidé à retenir ici la division Friant. Je crois que je serai le 13 ou le 14 à Rossasna, avec ma Garde et toute l’armée. C’est donc dans la nuit du 13 au 14 qu’il faut que nos quatre ponts soient jetés, afin que le Dniepr ne puisse pas nous arrêter. Vous avez beaucoup de moyens en sapeurs et en matériel du génie; portez tout cela en avant sur Rossasna. Il est probable que je marcherai sur Smolensk avec 200,000 hommes. Puisque vous êtes dans le pays, étudiez un peu les chemins pour savoir si l’on ne pourrait pas marcher sur trois colonnes, une sur le grand chemin, une sur le pendant des eaux de ces petits torrents qui versent dans le Dniepr, et la troisième sur la droite, mais sans être éloignées de plus de 2 à 3 lieues l’une de l’autre. Je vous recom­mande surtout d’avoir beaucoup de fours.

 

 

Vitebsk, 10 août 1812, au matin.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Doubrovna.

Mon Cousin, vous ne m’avez pas encore envoyé l’appel du 8e corps, du 5e corps, ni du 4e corps de cavalerie; envoyez-moi ces appels le plus tôt possible. Vous ne m’avez pas fait connaître si vous avez des fours à Orcha, à Mohilef, à Rossasna et à Doubrovna. Je vous prie de me répondre le plus tôt possible. Il serait bien important d’avoir des fours à Orcha, Doubrovna et Rossasna, dans cette dernière ville surtout; s’il n’y en avait pas, faites-en construire douze. J’ai requis, il y a quinze jours, 6,000 quintaux de farine à Borisof : 2,000 sont arrivés ici; j’ordonne que les autres 4,000 soient dirigés sur Orcha. J’en fais requérir 10,000 à Minsk, 4,000 à Sienno, et j’envoie des agents pour organiser ces convois et les diriger sur Orcha. Tous les convois de l’armée vont changer de route à Kamen et se diriger éga­lement sur Orcha. Est-ce qu’on ne peut pas requérir dans le gouver­nement de Mohilef ? Il devrait pourtant offrir la ressource de quelques milliers de quintaux. Il me semble que depuis le 20 vous n’avez pas suffisamment approvisionné votre point central d’Orcha ou de Kokhanovo. Faites-moi un projet de route d’étape de Kamen à Orcha. Aussitôt que mon mouvement sera démasqué sur Smolensk, Orcha deviendra le point central de l’armée, et il est probable que je pren­drai alors ma direction par Borisof, Minsk et Vilna.

 

Vitebsk, 10 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, j’ai donné ordre qu’un tambour embrassant plusieurs maisons crénelées et palissadées couvrit la tête du pont de pilotis, et pût mettre 200 hommes à l’abri de toute insulte. Le gouvernement y fera porter une pièce de canon pour enfiler la grande rue du fau­bourg. On placera à l’hôpital et à côté de la manutention des pièces de canon pour battre la plaine.

Indépendamment du pont de pilotis, il y a, en descendant tout près, un pont de radeaux qui se trouvera couvert par ce tambour.

Donnez ordre aux pontonniers qui sont restés ici de faire lever, dans la journée de demain, un des deux ponts de radeaux que l’ar­tillerie a construits plus bas. Ce pont sera transporté contre le pont de pilotis, mais en haut, et fera pendant à celui qui est sur la droite, de sorte que le pont de pilotis et les deux ponts de radeaux soient couverts tous trois par le même tambour et défendus par la même garde. Cela devra être fait dans la journée de demain. Après-demain, après que ce travail sera terminé, on lèvera le quatrième pont et on en transportera les pièces près des deux autres ponts de radeaux, pour servir à les agrandir à mesure que la rivière augmentera.

Vous donnerez ordre au général Chasseloup de faire également établir un tambour au petit pont placé sur le ravin, lequel sera adossé à l’église neuve, qui sera crénelée et mise en état de défense, de sorte que 100 hommes avec une pièce de canon puissent être là dans un bon poste.

Je désire qu’un autre tambour soit établi sur la route de Souraje, en avant de la porte, et qu’une soixantaine d’hommes puissent s’y trouver à l’abri de toute insulte de la cavalerie légère.

Il doit rester un officier du génie et un officier d’artillerie comman­dant, attachés au général Charpentier. L’officier de pontonniers sera chargé de la garde et de l’entretien des deux ponts sur pilotis.

Aussitôt que les huit fours commencés et complétant le nombre des fours à vingt-quatre seront achevés, les constructeurs partiront et suivront le quartier général. L’officier du génie fera, avec les sapeurs et quelques ouvriers du pays, construire les huit autres fours et achever la manutention; vingt-quatre étant déjà faits, les huit autres ne sont plus si pressés, et je lui donne huit jours pour le construire.

 

Vitebsk, 10 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, écrivez au duc d’Elchingen pour lui faire connaître que le vice-roi a commencé son mouvement; que les divisions Morand, Gudin, Friant ont dû se mettre également en marche; que, mon intention étant de les porter sur le Dniepr aussitôt que je serai certain que l’ennemi ne veut pas prendre l’offensive, je désire qu’il place ces trois divisions dans les lieux où il jugera qu’elles pourront vivre plus facilement, entre lui et le Dniepr; qu’il serait possible que j’eusse mon quartier général le 14 à Rossasna, où il y aura quatre ponts, que j’y passasse le Dniepr et qu’avec près de 200,000 hom­mes je me portasse sur Smolensk; qu’il est convenable que, si dans la journée du 10 il est prouvé que l’ennemi n’a aucun projet offensif, il dirige diagonalement en arrière sa batterie de réserve et son gros parc, entre lui et le Dniepr, afin que rien ne le retarde.

Mandez-lui que je désire qu’il me fasse connaître l’état des pertes qu’a faites son corps dans la journée d’hier; qu’il faudrait remplacer la compagnie du 24e en en formant une autre, que cette perte est bien désagréable; que le duc de Reggio poursuit Wittgenstein, que dans son combat du 1er août il lui a tué et pris beaucoup de monde ; que cette armée ennemie paraissait être dans la consternation, que le général en chef Wittgenstein a été blessé et le général Koulnief tué.

 

Vitebsk, 10 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, donnez ordre au général Chasseloup de partir demain, à deux heures du matin, avec tous les sapeurs, mineurs, ouvriers du Danube, caissons et matériel du génie, pour se rendre à Bahinovitchi. Le général Kirgener et les sapeurs de la Garde parti­ront par la même occasion, ainsi que les deux compagnies de marins de la Garde. Ils auront tous du pain et de la viande assurés pour huit jours. Deux compagnies de sapeurs, dont une de la Garde, et une compagnie d’ouvriers du Danube, suivies des caissons les mieux attelés, marcheront à grandes journées, afin d’être rendues dans la journée du 13 à Rossasna.

Donnez ordre au général Éblé de marcher à grandes journées avec deux compagnies de pontonniers, afin d’être arrivé le 13 de bonne heure à Rossasna, et de s’y employer sur-le-champ à jeter dans cet endroit quatre ponts. Faites-moi connaître quand l’équipage de pont et le matériel du génie arriveront à Babinovitchi, afin que je n’ou­blie point de leur donner des ordres. Donnez ordre au petit quartier général de partir demain, à la pointe du jour, pour être rendu le 12 à Babinovitchi.

 

Vitebsk, 10 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, écrivez au roi de Naples qu’il est nécessaire que le corps du général Nansouty parte demain pour passer derrière Roudnia, être le 12 à Lioubavitchi et passer le Dniepr le 13 au soir. Il sera nécessaire que les deux divisions de cuirassiers du général Montbrun suivent, le 12, le mouvement du général Nansouty, afin que, le 13 au soir, elles puissent passer le Dniepr. La division Sébastiani servira de rideau pour couvrir ce mouvement. Écrivez au vice-roi qu’il dirige son mouvement de manière que le 13 il puisse passer le Dniepr du côté de Rossasna. Donnez ordre au duc de Danzig de partir demain, à la pointe du jour, avec la division de la vieille Garde, pour se rendre à Babinovitchi en deux jours. Vous ferez con­naître au prince d’Eckmühl que les divisions Friant, Morand et Gudin ont ordre d’être arrivées le 13 sur le Dniepr; que le général Éblé, avec l’équipage de pont et le matériel du génie, y arrive également par Babinovitchi; que le corps du général Nansouty y arrive par Lioubavitchi ainsi que le vice-roi et le 3e corps; qu’il est donc con­venable qu’il porte son quartier général à Rossasna, où il réunirait ses cinq divisions avec la division Claparède, le corps du général Grouchy et sa cavalerie légère couvrant les deux rives. Il est néces­saire que, le 13 au soir, il y ait à Rossasna quatre ponts, et deux sur la route de Lioubavitchi à Liady. A la même époque, le 13, le prince Poniatowski et le duc d’Abrantès doivent être à Romanovo, le général Latour-Maubourg occupant Mohilef, Mstislavl et Romanovo, et prêt à venir nous joindre si cela était nécessaire. Il est probable que le 12 je serai de ma personne à Rossasna.

 

Vitebsk, 10 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, donnez ordre au général Guyon de venir porter demain son quartier général dans le faubourg de Vitebsk, sur la rive droite. Il se rendra de sa personne au quartier général. Vous lui ferez connaître qu’il doit continuer l’opération des grains et des farines qu’a commencée la Garde, afin d’approvisionner les magasins de Vitebsk. Il doit placer un de ses régiments sur cette rive, afin d’avoir des postes en avant de la ville et d’éclairer tous les environs, soit du côté de Souraje, soit du côté de Roudnia, l’armée se portant tout entière sur la rive gauche du Borysthène, dans la direction de Smolensk. Il sera sous les ordres du général Charpentier, gouverneur de la province, et lui rendra compte. Il veillera à ce que tous les ponts faits par les maraudeurs, d’ici à Souraje, soient détruits. Il enverra des reconnaissances sur toutes les routes à la pointe du jour, ainsi que des agents du pays, afin de bien éclairer les environs de la ville. Il instruira le général Charpentier de tout ce qui pourrait inté­resser la sûreté de cette place de dépôt. Faites connaître au général Charpentier que je laisse cette brigade sous ses ordres afin d’éclairer la province. Le général Guyon aura de plus sous son commandement les 200 lanciers qui appartiennent à la division Valence, et qu’il gardera jusqu’à ce qu’il puisse communiquer avec cette division.

Faites connaître au général Charpentier la situation du duc de Reggio et celle de Biéchenkovitchi, afin qu’il se mette en communi­cation avec ces différents points. Il est nécessaire de donner ici une consigne sévère pour qu’aucun soldat du 4e corps, ni du 3e ni de la cavalerie, ne dépasse Vitebsk, sous prétexte de rejoindre son corps ; tous ces hommes doivent être retenus ici et réunis en bataillons et en escadrons de marche, pour être dirigés ensuite par Babinovitchi sur Doubrovna. Des escouades de gendarmerie seront laissées à Vitebsk. Il sera placé des postes au pont, sur le défilé où l’ennemi était en position, afin de ne laisser passer aucun détachement qui voudrait entrer ici et de les prévenir que tous leurs corps sont sur la droite. L’exécution de cette mesure peut sauver beaucoup d’hommes ; sans quoi tous les traîneurs iront dans la plaine se faire prendre par les cavaliers ennemis. Je désire laisser ici 3,000 hommes de garnison. Une compagnie de sapeurs et une d’ouvriers du Danube resteront pour les différents travaux. J’ai destiné les trois bataillons de la Vistule à former la garnison de cette place; faites-moi connaître quand ils arrivent. Il y a un régiment de marche de trois bataillons qui a été formé à Mayence, qui est resté longtemps à Thorn, à Königsberg et à Vilna, qui est parti de cette ville; faites-moi connaître quand il arrive ici. Je laisse encore le régiment de flanqueurs de la Garde, qui est de 1,000 hommes. Ces forces réunies feront près de 4,000 hommes. Je suppose qu’il y a ici un commandant d’armes et deux adjudants de place. Un bataillon de Hesse-Darmstadt et différents détachements de la Garde arriveront successivement demain et après-demain; faites-moi connaître leur force et le jour de leur arrivée; je les laisserai ici, en attendant que les bataillons de la Vistule soient arrivés.

 

Vitebsk, 10 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, donnez ordre aux généraux Friant, Gudin et Morand de se diriger à petites journées, de manière à être arrivés le 13 entre Lioubavitchi et Rossasna, sur le Dniepr, d’où ils enverront des offi­ciers auprès du prince d’Eckmühl, qui est à Doubrovna, et de qui ils recevront des ordres. Ils préviendront également de leur mouve­ment le duc d’Elchingen, afin que, s’il arrivait quelque événement imprévu, il puisse savoir où les trouver.

 

Vitebsk, 10 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, je désire que vous donniez l’ordre que les 1,000 quintaux de farine chargés sur les voitures du 6e bataillon d’équi­pages militaires partent pour Babinovitchi, à cinq heures du matin; ils y arriveront en deux ou, au plus, trois jours. Donnez l’ordre que le petit quartier général, tel que je l’ai réglé, soit prêt à partir aujourd’hui à deux heures après midi. Remettez-m’en l’état du per­sonnel et du matériel à midi. Les boulangers et constructeurs reste­ront aujourd’hui pour continuer les fours et faire du pain. Ils ne partiront que demain.

Donnez l’ordre au général Chasseloup de tenir prêts à partir demain tout le personnel et le matériel du génie, hormis une compagnie de sapeurs et une d’ouvriers du Danube, qui resteront pour les ponts, les fours et les moulins de Vitebsk. Cependant tout le personnel con­tinuera à travailler aujourd’hui. Remettez-moi à midi l’état de ce qui partira.

Donnez l’ordre au général Éblé de partir aujourd’hui pour Babinovitchi avec trente-deux pontons et les outils et agrès nécessaires. Il laissera ici une compagnie pour garder le reste de l’équipage de pont. Il fera marcher la moitié du 4e bataillon d’équipages de la marine militaire et deux compagnies de pontonniers avec les pontons, et gagnera les devants avec le reste de son monde, muni d’outils et agrès nécessaires pour construire des ponts de radeaux. Il me fera connaître le moment de son arrivée à Babinovitchi, ainsi que l’ar­rivée des pontons.

Donnez l’ordre au général Sorbier de se mettre en route aujour­d’hui pour Babinovitchi avec les trois batteries de réserve de la Garde.

 

Vitebsk, 10 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, écrivez au général Loison pour lui faire connaître qu’il est nécessaire d’envoyer du corps prussien qui se trouve dans la province de Königsberg une brigade de 2,000 hommes, avec une batterie d’artillerie, à Memel. Cela ne compterait pas sur le contin­gent, et tiendrait garnison à Memel. Il préviendrait de ce mouvement le duc de Tarente et le général Grawert, qui, par ce moyen, seraient plus forts devant Riga.

Faites connaître au général Loison que je vois avec peine les bâti­ments qu’on a mis dans la passe de Pillau ; qu’il les fasse retirer ; que les seules batteries sont suffisantes et que les bâtiments sont inu­tiles; qu’au contraire ils tenteront les Anglais d’envoyer nuitamment des embarcations pour les enlever; que c’est donc une disposition mauvaise et une dépense inutile.

 

Vitebsk, 10 août 1812, après midi

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Doubrovna.

Mon Cousin, la division Gudin est à Babinovitchi; la division Morand est à trois lieues en arrière de Liozno; la division Friant est à Falkovitchi. J’ai donné l’ordre que, dans la journée de demain 11 et celle d’après-demain 12, ces trois divisions s’approchent insensi­blement du Borysthène, de manière à pouvoir être le 13 à Rossasna. Elles se trouveront ainsi naturellement sous vos ordres. Placez-les dans de bonnes positions entre Rossasna et Liozno.

Les nouvelles que je reçois sont que l’ennemi s’est entièrement retiré; on a poussé à plusieurs lieues en avant et on ne l’a point trouvé.

 

 

Vitebsk, 10 août 1812. cinq heures du soir.

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Doubrovna.

Mon Cousin, je vois par votre lettre du 9 que la route de Doubrovna est la meilleure; mais il me semble que de Babinovitchi à Doubrovna il y a une lieue de plus que de Babinovitchi à Rossasna , et qu’il y a, en outre, trois lieues de Doubrovna à Rossasna. Je perdrais donc quatre heures ou presque une marche. Je préfère, en con­séquence, avoir les ponts à Rossasna. Je voudrais aussi en avoir à
l’intersection de la route de Lioubavitchi à Liady du côté de Khomino. Le 13, toute l’armée va être sur Rossasna. Je dirige le duc d’Elchingen par Lioubavitchi sur l’intersection de la route vis-à-vis Liady, point où il jettera un pont; il gagnera ainsi Liady et formera l’avant-garde. Le vice-roi se dirige sur Rossasna par Liozno; il y sera le 13. Je vous ai fait connaître que vos trois divisions se dirigent
également sur Rossasna. La Garde se dirige sur Rossasna. Il est possible que je charge le duc d’Elchingen de faire l’avant-garde, avec le roi de Naples  commandant le corps de Grouchy, le corps de Nansouty, le corps de Montbrun, la cavalerie légère du duc d’Elchingen et, s’il est nécessaire, la vôtre, celle du vice-roi et celle de la Garde. Vous marcherez après le duc d’Elchingen avec vos six divisions. Le vice-roi marchera après vous, et en6n la Garde. Faites en sorte que
le prince Poniatowski puisse être le 13 à portée, soit à Romanovo, soit à Baïévo.  Vous réunirez derrière le corps du prince Ponia­towski tous les Westphaliens.

Je n’ai pas pu avoir l’état du corps du prince Poniatowski ; mais je suppose que cavalerie, infanterie et artillerie, et réuni au duc d’Abrantès, cela doit bien faire 30,000 hommes. Le général Latour-Maubourg occupera Mohilef et sera à portée de venir me rejoindre, s’il est nécessaire. Il reprendra ensuite sa position à Bobrouisk, où d’ailleurs il peut laisser quelques colonnes mobiles ; mais il est bon que son infanterie et le gros de sa cavalerie soient avec lui, a6n qu’il puisse rejoindre le prince Poniatowski pour livrer bataille. Je vois avec plaisir que demain au soir nous aurons des fours à Doubrovna. Il serait utile d’en avoir aussi à Rossasna. Vous ne me faites pas con­naître si vous en avez à Orcha, où il est également nécessaire d’en avoir. Portez-vous à Rossasna dans la journée du 12, et réunissez-y tout ce que vous avez. Aussitôt que les 1e, 2e et 3e divisions vous auront rejoint, rendez-leur leurs sapeurs; elles ont beaucoup souf­fert de ne pas en avoir.

 

Vitebsk, 10 août 1812.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant le 4e corps de la Grande Armée, à Vanovitchi.

Mon Fils, je reçois votre lettre du 10. J’approuve que votre corps se réunisse demain à Velechkovitchi, de manière à être le 13 à Ros­sasna, où je serai de ma personne. Faites-vous précéder de vos pon­tonniers, marins, sapeurs, afin que, lorsque vous serez arrivé à Lioubavilelii, si cela était convenable, au lieu de passer à Rossasna, vous puissiez passer sur la route de Lioubavitchi à Liady, où vous jetteriez un pont. Il est nécessaire que votre arrière-garde, qui est à Souraje, y reste jusqu’au 14, c’est-à-dire jusqu’au moment où le mouvement offensif sera fortement prononcé. Elle pourra vous rejoindre par la route que vous aurez prise, et, en cas d’événement, se jeter sur Vitebsk.

 

Vitebsk, l0 août 1812.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je crois vous avoir mandé d’envoyer six cohortes d’anciens Français à Bremen. Je crois encore vous avoir mandé d’envoyer, en cas de descente à Bremen, une deuxième bri­gade de cohortes, celle qui est à Utrecht, et de faire partir en même temps pour Wesel la brigade qui est à Paris. Ces dix-huit cohortes, destinées à défendre la 32e division, seraient alors à la disposition du duc de Castiglione.

Je crois vous avoir dit d’envoyer deux autres compagnies d’artil­lerie de ligne dans la 32e division militaire, outre celles du 9e et indépendamment des compagnies d’artillerie des cohortes. Je pense au­jourd’hui qu’il est convenable que vous fassiez partir deux autres compagnies d’artillerie de ligne pour la Pomeranie suédoise. Si elles y sont de trop, elles serviront pour Stettin. Envoyez-en une de plus à Magdeburg et une de plus à Spandau. Ce sera donc six compagnies d’ar­tillerie de ligne dont vous affaiblirez l’intérieur. Dans le projet que vous m’envoyez et auquel je répondrai incessamment, vous me pro­posez d’en tirer vingt ; ainsi il n’y aura pas d’inconvénient.

Je vous recommande de porter une attention particulière au 11e corps. Envoyez-y un bon chef d’état-major, les généraux du génie et d’artillerie qui sont nécessaires, et un bon ordonnateur. En­voyez-y deux compagnies de sapeurs et une de pontonniers. Chacune des trois premières divisions du duc de Castiglione doit avoir deux batteries de seize pièces d’artillerie attelées. La 4e division, qui est celle du général Morand (Joseph), a l’artillerie hessoise; ainsi l’ar­tillerie du 11e corps se composerait donc de quarante-huit pièces françaises et huit hessoises.

Si la descente avait lieu en Pomeranie, le duc de Castiglione pour­rait tirer des munitions de Stettin, de Spandau et de Magdeburg.

Si la descente avait lieu dans la 32e division militaire ou dans le Mecklenburg, Stettin et Magdeburg seraient encore à portée de ces différents points; mais il est nécessaire que le maréchal ait auprès de lui un commandant du génie, et que vous fassiez pour chacun une instruction qui leur fasse connaître les ressources d’artillerie et du génie qui sont dans ces places. Je ne sais pas si Coeverden et Delfzyl, en cas que la guerre ait lieu à Hambourg, ne pourraient pas fournir quelques ressources.

Il faut que le général Heudelet ait un officier du génie et deux d’artillerie. Je suppose que le général Morand les a déjà. Enfin, en cas de descente, vous devez donner ordre au général commandant la 32e division et aux préfets de cette division de fournir par réqui­sition les chevaux nécessaires pour atteler seize autres pièces et porter l’artillerie de la division Heudelet à trente-deux pièces.

Mandez au général Morand d’organiser des attelages pour seize pièces de canon; il fera les réquisitions nécessaires dans le pays. On pourrait également organiser dans le Hanovre et dans le Mecklenburg des attelages de réquisition pour les deux autres divisions. Enfin occupez-vous de ce corps d’armée. Ce n’est pas que je croie que les Russes, dans le moment actuel où nos avant-postes ne sont qu’à 80 lieues de Moscou, et où nous allons assiéger Riga, puissent faire diversion de ce côté, mais il convient d’y être en mesure.

J’ai renvoyé l’équipage de Magdeburg pour l’armement de Danzig, qui n’était pas assez fort. Cet équipage nous était devenu inutile depuis l’occupation de Dinabourg.