Correspondance de Napoléon – Août 1812

 Août 1812

 

 

Vitebsk, 1er août 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Duc de Bassano, écrivez donc dans le Grand-Duché pour qu’on organise les gardes nationales partout, et qu’on distribue des armes sur les frontières afin de s’y mettre à l’abri des Cosaques ; qu’on forme aussi quelques bataillons de garde-chasse pour augmen­ter la colonne mobile tirée de la garnison de Zaniosc et garantir ainsi la frontière. Faites avancer l’organisation des 10,000 hommes des régiments de Lithuanie. Je serais déjà sous Smolensk si je n’avais voulu donner quelques jours de repos à l’armée, afin de rallier ce qui est resté en arrière et de reposer la cavalerie.

Le major général vient enfin de recevoir des lettres du duc de Tarente du 22, du 24 et du 26. J’ai envoyé des auditeurs dans la Courlande; mettez-vous en correspondance avec eux. Il n’y aurait pas d’inconvénient à ce que vous envoyassiez de Memel des vice-consuls à Libau et à Millau.

Le prince royal de Wurtemberg est tombé malade au château de Belmont.

Vous voyez que toutes nos affaires vont bien. Tâchez de nous donner des .informations positives sur le nombre des divisions qui sont en Volhynie.

 

 

Vitebsk, 1er août 1812

 

Au comte Laplace, chancelier du sénat et membre de l’Institut, à Paris

Monsieur le Comte Laplace, je reçois avec plaisir votre traité du calcul des probabilités. Il est un temps où je l’aurais lu avec intérêt; aujourd’hui je dois me borner à vous témoigner la satisfaction que j’éprouve toutes les fois que je vous vois donner de nouveaux ouvrages qui perfectionnent et étendent cette première des sciences. Ils contribuent à l’illustration de la nation. L’avancement et la per­fection des mathématiques sont intimement liés à la prospérité de l’État.

 

Vitebsk, 1er août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, écrivez au roi de Naples que le pont de Porietche doit être observé par sa cavalerie légère; que la division Broussier sera placée entre Yanovitchi et Porietche, dans une bonne position, de manière à soutenir par quelques compagnies de voltigeurs la cavalerie de la réserve qui sera à Porietche. Mandez ces dispositions au vice-roi, qui par ce moyen aura disponibles les Bavarois, qu’il pourra employer à renforcer les reconnaissances sur la rive droite; je désire qu’il pousse ces reconnaissances le plus loin possible pour requérir des subsistances et avoir des nouvelles de ce que fait l’ennemi.

 

 

Vitebsk., 1er août 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, il est nécessaire d’organiser les districts de Velije, de Souraje, de Gorodok et de Nevel, et de tirer des vivres de ces quatre districts.

Le général Saint-Cyr tirera des vivres du district de Polotsk, et le duc de Reggio des districts de Drissa, de Sebeje, de Lioutsyne, de Riéjitsa et de Dinabourg. Toutes les ressources du district de Lepel seront conservées pour former un magasin central à Lepel, et orga­niser les étapes de Biéchenkovitchi

 

 

Vitebsk, 1er août 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, écrivez au duc de Tarente par duplicata ; une copie de votre lettre lui sera portée par un officier de votre état-major, que vous lui expédierez directement; l’autre copie sera adressée au duc de Reggio, qui la lui fera passer. Vous manderez au duc de Tarente
que vous avez mis sous mes yeux ses lettres du 22, du 24 et du 26 ; que j’ai vu avec plaisir l’opération des Prussiens ; que je leur accorde dix décorations de la Légion pour les officiers qui se sont le plus distingués; que je désire qu’il me présente ceux qui méritent cette récompense. Donnez-lui des nouvelles de ce qui s’est passé ici et de la situation où se trouve l’armée. Dites-lui qu’il peut prendre pour chef d’état-major le général Ricard ou le général Bachelu, et pour officiers d’état-major des officiers polonais de la division Grandjean; que le payeur de la division Grandjean servira pour son état-major; que l’équipage de siège est à Tilsit avec tout son matériel et son per­sonnel ; qu’il y a également un équipage de siège du génie, qui a aussi son personnel et son matériel ; que le général Campredon doit diriger le siège de Riga; que le général Chasseloup complète ses officiers du génie au nombre de 20 ; que sur la Dvina les meilleurs équipages sont des ponts de radeaux; que nous n’en avons pas em­ployé d’autres dans tous les passages que nous avons faits.

Écrivez au général Chasseloup pour qu’il complète au nombre de 20 les officiers du génie pour le siège de Riga et pour qu’il y envoie les compagnies de sapeurs nécessaires pour cette opération.

 

 

Vitebsk, 1er août 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, écrivez au duc de Reggio pour lui faire connaître que la brigade de cavalerie légère du général Guyon, qui a passé sur la rive droite de la Dvina, ici à Vitebsk, a poussé jusqu’auprès de Nevel et n’y a rien trouvé; que le vice-roi de son côté a poussé des partis sur Velije et Ousviale et n’a également rien rencontré; que Wittgenstein doit donc être à Sebeje ou avoir appuyé sur Riga; que nous n’avons pas de ses nouvelles (du duc de Reggio) depuis le 2.7, et que nous sommes fort impatients d’en avoir; que le duc de Tarente a investi Riga sur la rive gauche ; qu’il était occupé le 26 à réunir des moyens pour jeter un pont ; que l’ennemi avait détruit la tête de pont et brûlé le pont; que de ce côté-ci l’ennemi s’est retiré à Smolensk ; que le roi de Naples est à Roudnia, le vice-roi à Souraje, le prince d’Eckmühl en avant d’Orcha, à demi chemin de Smolensk, le prince Poniatowski à Mohilef et les Bavarois à Biéclienkovitchi.

Vous enverrez cette dépêche au duc de Reggio par duplicata; l’une, par la rive droite, sera transmise par les soins du général Guyon, l’autre, par la rive gauche jusqu’à Polotsk, sera portée par un offi­cier de votre état-major.

 

Vitebsk, 1er août 1812, cinq heures après midi

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant les 4e et 6e corps de la Grande Armée, à Souraje.

Mon Fils, je reçois votre lettre du 31 juillet. Vous ne dites pas le numéro des régiments et des corps auxquels appartenaient les quatre bataillons qui ont été culbutés par votre cavalerie.

Le général Nansouty est à Troubilova et le général Bruyère sur Porietche ; ainsi vous êtes couvert de ce côté. Le corps du duc d’Elchingen est à Liozno et s’étend jusqu’à Roudnia. Vous pouvez porter la division Broussier sur le chemin de Porietche, entre Yanovitchi et Porietche; elle devra fournir quelques compagnies d’infanterie légère pour appuyer la cavalerie qui est à Porietche et éviter les échauffourées.

On a poussé des coureurs jusque près de Nevel sans trouver l’en­nemi. Vous devez plutôt éclairer Velije et Ousviate que les occuper. Je vois avec plaisir que la farine que vous avez prise vous offrira de bonnes ressources. Envoyez des partis à 15 ou 20 lieues, si l’ennemi vous le permet, surtout sur la rive droite, et faites requérir des blés, de la farine, des bœufs. Approvisionnez-vous vous-même par ce moyen.

Il est bien extraordinaire que les officiers qui commandent les détachements aient été assez bêtes pour piller les dépêches du cour­rier, qu’il était si important d’avoir. Faites faire une enquête là-dessus.

 

Vitebsk, 2 août 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna.

Monsieur le Duc de Bassano, j’ai reçu vos différentes lettres. J’ai lu avec intérêt les renseignements que vos voyageurs vous ont donnés sur la Courlande. Envoyez de nouveau des hommes intelligents peur avoir de plus amples renseignements encore.

 

Vitebsk, 2 août 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna.

Monsieur le Duc de Bassano, l’estafette arrive et m’apporte des nouvelles de l’échec arrivé aux trois bataillons que le général Reynier avait laissés si ridiculement en l’air.

Écrivez au prince Schwarzenberg que je vous ai fait connaître que je mettais le 7e corps sous ses ordres; que mon intention est qu’avec les deux corps réunis, qui doivent faire 40,000 hommes, il marche sur Tormasof et Kamenski, pour leur livrer bataille; qu’il entre même en Volhynie, s’il le faut, et qu’il ait soin de faire en sorte que, dans aucun cas, ni l’un ni l’autre ne puissent venir sur moi.

Faites connaître au prince Schwarzenberg que les Prussiens ont battu à Ekaou le général Essen et lui ont fait 300 prisonniers, et qu’ils ont investi Riga.

Il n’y a du reste ici rien de nouveau. L’ennemi s’est retiré en toute hâte sur Smolensk. Nos postes ont été jusqu’à Nevel; nos avant-postes sont aux trois quarts du chemin de Smolensk.

C’est toujours pour moi un problème de savoir si Bagration a quatre ou six divisions.

Reployez vos agents du côté de la gauche; envoyez-en même à Mittau et sur Riga, et surtout qu’ils aillent rapidement.

 

  1. S. Envoyez aussi des agents dans le district de Vidzy, jusqu’à Drissa et Disna, pour savoir s’il y a des traînards, si la tranquillité est rétablie, et si l’on a des inquiétudes des Cosaques du côté de la rive droite.

 

Vitebsk, 2 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, envoyez un officier au prince Schwarzenberg pour lui faire connaître que je mets le 7e corps sous ses ordres, qu’il rallie ce corps et marche à Tormasof et Kamenski et leur livre ba­taille, et qu’il les doit suivre partout, jusqu’à ce qu’il en soit venu à bout.

Faites connaître au général Reynier que j’ai donné au prince Schwarzenberg le commandement supérieur sur les deux corps réunis.

 

Vitebsk, 2 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, écrivez au prince d’Eckmühl pour lui faire connaître que par ma lettre du 30 juillet je lui ai mandé qu’il était nécessaire qu’il eût un pont et une tête de pont sur le Borysthène ; que rempla­cement naturel de ce pont me paraissait être sur la route de Lioubavitchi à Liady ; qu’il fallait avoir un pont et une tête de pont à Orcha; qu’il en fallait autant à Mohilef; qu’il fallait que le 8e corps à Orcha et le 5e à Mohilef exerçassent un grand mouvement sur la rive gauche, tant pour se procurer des vivres que pour ne pas laisser l’ennemi s’en approcher; que le général Gudin est à Pavlovitchi; qu’il a fourni deux bataillons au général Grouchy et placé un batail­lon à Babinovitchi ; que je ne serai pas éloigné de diriger cette divi­sion sur lui aussitôt que je connaîtrai définitivement la position qu’il a prise.

 

Vitebsk, 3 août 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, il est convenable que vous expédiiez aujourd’hui, avant six heures du matin, un officier polonais intelligent et de con­fiance au prince Schwarzenberg, avec le duplicata de la lettre que vous lui avez écrite par votre aide de camp Flahault. Vous lui ferez connaître que, conformément à l’intention que m’avait manifestée l’empereur d’Autriche, je voulais appeler son corps d’armée sous mes ordres immédiats; que je pensais que le corps du général Reynier pourrait être suffisant pour contenir les troupes de la Volhynie, projetant d’envoyer un corps considérable de Polonais par Mozyr dans la Volhynie aussitôt que le corps du prince Schwarzenberg serait entré en ligne; mais qu’aujourd’hui, l’ennemi ayant si fortement pris l’ini­tiative et le corps du général Reynier s’étant laissé entamer, mon intention est qu’il marche en toute diligence pour repousser l’ennemi et l’empêcher de ravager cette partie du territoire; que, comme c’est particulièrement de cavalerie que manque le général Reynier, sa cavalerie peut prendre les devants ; que je désire qu’il laisse un mil­lier de chevaux, deux batteries d’artillerie et une brigade, au total 4,000 hommes, à Nesvije, afin de former une réserve, commandée par un général de brigade, qui puisse servir selon les circonstances ; que je le laisse même maître de porter cette réserve à 7 ou 8,000 hommes, s’il croyait pouvoir le faire sans inconvénient.

Mandez-lui que Tormasof a une division à Mozyr et probablement deux divisions avec lui ; que ces deux divisions ne doivent être com­posées que de 3e bataillons, comme celles de Courlande, qui ont été culbutées si facilement par les Prussiens ; que 200 chevaux ita­liens du vice-roi ont rencontré aussi quatre de ces bataillons et les ont culbutés d’une charge; que, dans l’organisation générale de l’armée russe, nous savions que Tormasof devait avoir la 27e divi­sion., qui était une nouvelle division et qui formait sa véritable force; mais je crois que cette 27e division n’a pas pu le joindre, et qu’il est probable alors qu’il aura gardé la 9e ou la 15e division; qu’il est nécessaire qu’il prenne tous les moyens pour bien connaître les divi­sions que l’ennemi a en Volhynie; que nous croyons que Bagration a passé le Borysthène avec six divisions; que, cela étant, il en resterait tout au plus une en Volhynie, indépendamment des 3e bataillons de Tormasof; que je désire donc qu’il marche avec rapidité, attaque et culbute l’ennemi, Kamenski et Tormasof, et porte la guerre dans la Volhynie; que d’ailleurs les événements qui se passeront et les ren­seignements précis qu’il aura sur le nombre de divisions régulières que l’ennemi a en Volhynie me mettront à même de lui faire con­naître mes intentions .ultérieures.

 

  1. S. Que le général de brigade qu’il laissera à Nesvije ait ordre de correspondre avec le quartier général,  et avec le général comman­dant à Minsk, .pour instruire de tout ce qu’il y aurait de nouveau.

 

Vitebsk, 3 août 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vitebsk.

Mon Cousin, mandez au général Saint-Cyr qu’il se mette en mouvement demain 4 pour se diriger sur Polotsk. Cette ville étant assez considérable, il y trouvera plus de moyens de se réorganiser. Il sera sous les ordres du duc de Reggio, pour pousser l’ennemi et l’obliger à quitter ces parages. Ainsi, sous le double point de vue des opérations militaires, et des cantonnements de subsistances, il sera mieux placé là.

Recommandez au duc de Reggio de bien faire évacuer tous les prisonniers sur Vilna, en ayant soin de les faire bien escorter et d’avoir l’état des officiers, sous-officiers et soldats prisonniers par régiment et par division. Cet état surtout est très-nécessaire. Envoyez l’adjudant commandant Falkonski pour interroger ces prisonniers. Il s’attachera spécialement à savoir de quel division et de quel corps sont ces prisonniers, s’il y en a beaucoup parmi eux des 3e batail­lons ; enfin s’il y en a des régiments que commande le prince Repnine. Y en a-t-il de la 5e division ?

Réexpédiez cette lettre au duc de Reggio par l’adjudant commandant Falkowski; on expédiera plus tard l’aide de camp du duc de Reggio. Faites connaître au duc de Reggio que le corps du général Saint-Cyr se rend à Polotsk pour le renforcer afin de pousser vivement le général Wittgenstein et de l’obliger à évacuer toute la rive droite de la Drissa.

 

 

Vitebsk, 3 août 1812, six heures du soir.

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Doubrovna.

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 2 à onze heures du soir. Vos troupes me paraissent bien placées; mais ayez soin que vos têtes de ponts soient bien faites, qu’elles soient palissandées et qu’elles soient des ouvrages qui puissent être utiles. Il faut que, voulant ne manœuvrer que sur une rive, on puisse rester maitre du pont et que l’ennemi ne puisse le détruire quoique maître de l’autre rive.

Cette incertitude sur Bagration me contrarie beaucoup, puisque, par là, je ne sais point les forces qui se trouvent en Volhynie ; si Bagration n’a que quatre divisions, il est clair qu’il y a trois divisions, indépendamment des divisions formées des 3re bataillons. Il est nécessaire que le général Latour-Maubourg se place sur la droite de Mohilef, tenant en observation Robrouiak et pouvant même savoir à temps ce qui se passe à Mozyr. Une division du prince Poniatowski doit être placée plusieurs journées plus bas que Mohilef, afin d’être bien éclairé sur tout ce qui se fait dans le midi. Le général Kamenski a attaqué Kobrine et y a enlevé, après quelques heures de combat, trois bataillons saxons que le général Reynier y avait laissés. J’ai donné ordre au prince Schwarzenberg, qui était déjà arrivé à Nesvije, de se diriger en toute diligence sur la Volhynie et d’attaquer Tormasof et Kamenski, mais on m’assure qu’il y a à Mozyr une division sur laquelle il est convenable de se tenir éveillé.

Le duc de Reggio a eu, le 30, le 31 et le 1er août, des affaires assez chaudes avec le prince Wittgenstein, entre Polotsk et Sebeje. Le résultat a été la prise de 14 canons, 3 caissons, 3,000 prison­niers et un grand nombre de tués. Il n’évalue notre perte qu’à 600 blessés, mais j’ai lieu de la croire double. Les Prussiens ont eu, le 19, à Ekaou, une affaire avec le corps qui est à Riga; ils l’ont battu, lui ont fait 300 prisonniers et ont cerné la tête de pont.

Ne pouvant plus compter sur le prince Schwarzenberg à Minsk, il est nécessaire, ainsi que je l’ai dit plus haut, que le prince Poniatowski ait une de ses divisions avec de la cavalerie qui se rapproche de l’ennemi et ait l’air de menacer Bobrouisk et Mozyr. .

Faites-moi connaître comment vous vivez et quelle est la situation de vos troupes. A-t-on construit des fours à Mohilef ? Avez-vous évacué tous vos blessés de l’affaire de Mohilef sur Borisof et Minsk, afin de ne rien avoir en première ligne ?

 

Vitebsk, 4 août 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Duc de Bassano, je reçois vos lettres du          Je vous ai déjà fait connaître que mon intention était que le prince Schwar­zenberg allât au secours du général Reynier. Le duc de Reggio a eu, le 30, le 31 et le 1er août, des combats avec Wittgenstein et le prince Repnine; il leur a pris 14 pièces de canon, tué 2 à 3,000 hommes et fait 3,000 prisonniers. Mandez cela au prince Schwar­zenberg à Varsovie, et au duc de Tarente. L’ennemi paraît s’être entièrement retiré sur Smolensk; il fera dans peu de jours sa jonc­tion avec Bagration; mais il paraît, d’après les lettres du général Reynier, qu’il a laissé deux divisions derrière lui. Ainsi, en ajoutant à l’absence de ces divisions les échecs qu’il a reçus, il n’amènera pas un grand renfort. Le prince Schwarzenberg a pris le bon parti ; réuni aux Saxons, j’espère qu’il portera rapidement la guerre en Volhynie.

J’ai jugé convenable de m’arrêter pour donner un peu de repos à l’armée et organiser les magasins. Employez-vous efficacement pour qu’on organise ceux de Vilna et de la route. Veillez à ce que le gou­verneur fasse décharger les bâtiments et emmagasiner leur charge­ment, afin qu’ils puissent retourner à Kovno.

Écrivez au duc de Tarente que je n’ai pas de ses nouvelles depuis le 26, que j’attends avec impatience qu’il ait passé la Dvina, puis­qu’il fera diversion en faveur du duc de Reggio.

 

4 août 1812 – Quartier impérial de Vitebsk.

 

ORDRE.

1° Grains. — Dix mille quintaux de seigle et de grains seront pris dans les pays de la rive droite de la Dvina, et ils seront emmagasinés à Vitebsk.

Le duc d’Istrie commandera à cet effet des détachements de la cavalerie de la Garde, et l’intendant général fera fournir trois con­vois des voitures du quartier général, chacun de 70 voitures; le 1er convoi partira aujourd’hui, le 2e convoi partira demain, et le 3e convoi partira après-demain 6.

Indépendamment de cela, les voitures appartenant à la Garde et à la suite de la Garde soit à pied, soit à cheval, seront employées au transport desdits grains. On emploiera également les voitures qu’on trouvera dans le pays.

Si cela est nécessaire, les voitures chargées de farine qui sont au quartier général seront déchargées, et les farines mises en magasin pour être rechargées au moment du départ.

Un commissaire des guerres et un employé de l’administra lion prendront les ordres du duc d’Istrie pour cette opération.

2° Farines. —Toutes les farines existant à Vitebsk seront requises pour les besoins de l’armée.

3° Moulins. — Le général Chasseloup commandera un officier avec le nombre d’ouvriers nécessaire pour raccommoder tous les mou­lins, afin qu’ils soient en état de servir le plus tôt possible.

Tous les moulins à bras existant dans la ville, dans les faubourgs et aux environs seront recensés et requis. Des détachements de la Garde seront commandés pour travailler aux moutures.

Les dispositions seront faites de manière que tous ces moyens de mouture réunis puissent procurer aux magasins de Vitebsk au moins 600 quintaux de farine par jour.

4° Foin. —Il sera construit trente-deux fours, de manière à pouvoir confectionner par jour 100,000 rations de pain.

5° Hôpitaux. — Les boutiques, qui restent fermées par l’absente des propriétaires seront inventoriées et saisies ; tout ce qui s’y trouverait d’utile aux hôpitaux ou à l’armée sera livré aux différentes administrations. Il sera fait une descente dans les caves des couvents des Jésuites et autres ; les vins y existant seront affectés au service des hôpitaux.

L’intendant général prendra des mesures pour procurer du café aux hôpitaux, afin de suppléer autant que possible au vin.

 

6° Le major général donnera tous les ordres nécessaires et tiendra la main à l’exécution du présent ordre.

 

 

Vitebsk, 5 août l8l2.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna.

Monsieur le Duc de Bassano, écrivez au prince Schwarzenberg que j’approuve le mouvement qu’il a fait sur la Volhynie. Instruisez-le que le duc de Tarente est entré à Dinabourg et s’y est emparé de huit pièces de canon ; qu’ainsi, après avoir travaillé trois ans à cette place, l’ennemi l’a abandonnée; qu’on me rend compte que la divi­sion qui se trouvait à Mozyr a passé le Borysthène, pour se diriger sur l’armée; que toute l’armée russe est concentrée à Smolensk, hormis le corps d’armée de Wittgenstein, qui est entre Polotsk et Saint-Pétersbourg; que le général Latour-Maubourg s’est porté à Saint-Pobolof, entre Bobrouisk et le Borysthène, ayant des postes vis-à-vis Mozyr et Bobronisk.

Faites passer 10,000 francs au contre-amiral Baste. Il doit y avoir un payeur à Vilna. Employez ce moyen ou tout autre qui vous paraî­tra le plus expédient. Faites passer la lettre ci-jointe au colonel Deponthon à Tilsit. (Cette lettre n’a pas été retrouvée, mais on sait qu’elle contenait l’ordre au colonel Deponthon de se rendre auprès du duc de Tarente, pour être employé au siège de Riga.

 

Vitebsk, 5 août 1812, six heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant les 4e et 6e corps de la Grande Armée, à Souraje.

Mon Fils, je reçois votre lettre du 5 août. Vous ne me faites point connaître si l’exaltation des paysans au-delà de Velije est dans l’an­cienne Pologne ou dans l’ancienne Russie. Vérifiez le fait. Si cette révolte des paysans avait lieu dans l’ancienne Russie, cela pourrait être considéré comme une chose très-avantageuse et dont nous tire­rions un bon parti. Porietche est déjà dans l’ancienne Russie. Donnez-moi des renseignements là-dessus, et faites-moi connaître quelle espèce de décret et de proclamation on pourrait faire pour exciter la révolte des paysans dans la Russie et se les rallier.

 

Vitebsk, 5 août 1812.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Doubrovna.

Mon Cousin, je reçois votre lettre datée de Doubrovna le 4 août à huit heures du soir. Le duc de Tarente est entré à Dinabourg; après avoir travaillé pendant trois ans à cette place, l’ennemi a jugé à propos de l’évacuer. Il a pu s’y emparer de huit pièces de canon. J’attends avec impatience le résultat de vos appels. Je suppose qu’un jour d’affaire vous serez content du général Dessaix, qui est un bon soldat. Envoyez-moi le croquis des positions où vous êtes, avec vos ponts sur le Dniepr et les ouvrages que vous faites construire. L’en­nemi étant tout entier réuni à Smolensk, il faut être -très-attentif, parce qu’après quelques jours de repos il pourrait tenter quelque opé­ration. Il doit être facile par Mohilef d’envoyer des agents et des espions; ne les épargnez pas, afin de bien savoir ce qui se passe.

 

 

Vitebsk, 5 août 1812

 

Au capitaine d’Hautpoul, officier d’ordonnance de l’empereur, à Vitebsk.

L’officier d’ordonnance d’Hautpoul se rendra à Ostrovno et de là à Biéchenkovitchi.  Il verra à Ostrovno si le village est réhabité et s’il y a un commandant de place pour le réorganiser. Il verra à Biéchenkovitchi si les ponts sont faits et si on a substitué un pont de radeaux au pont de chevalets, qui ne résisterait pas aux premières crues de la rivière; il verra si on a travaillé à la tête de pont. Il verra l’hôpital, la manutention, les magasins, et enfin si le pays commence à se réorganiser. Il me rendra compte des troupes qui s’y trouvent, ainsi que des convois et des troupes qu’il rencontrera, soit cavalerie, soit artillerie, soit infanterie, soit équipages militaires. Il verra à Biéchenkovitchi le 4e régiment des chasseurs de la Garde et le bataillon de Hesse-Darmstadt, auxquels j’ai ordonné de rester là en position jusqu’à nouvel ordre; il doit y avoir aussi plusieurs pièces d’artillerie. Il faudra avoir soin que tout cela soit en position, et qu’on travaille à la tête de pont, afin de la terminer. Il s’informera si on a des nou­velles des Cosaques, et, s’il est nécessaire, il restera un jour à Biéchenkovitchi, afin de tout voir et de faire sa dépêche ; il m’écrira de cet endroit, en ayant soin de remettre sa lettre à la première esta­fette qui passera.

De Biéchenkovitchi, il continuera sa route sur Polotsk, d’où, il m’expédiera sa seconde dépêche. Il verra les fortifications de la ville, l’hôpital, la manutention. Il me fera connaître combien de prisonniers a faits le duc de Reggio à ces différentes affaires qui viennent d’avoir lieu, combien de blessés, tout ce qu’il pourra apprendre sur ces affaires et sur la situation du corps du duc de Reggio. Le duc de Tarente ayant pris Dinabourg, l’officier d’ordonnance d’Hautpoul s’in­formera si la communication entre les deux corps s’est opérée. Il prendra toutes les informations qui pourront me faire connaître la nature des forces opposées au duc de Reggio. Il restera avec ce ma­réchal, auquel il remettra la lettre ci-jointe, jusqu’à ce que celui-ci ait attaqué l’ennemi, éclairci la rive droite et opéré sa communica­tion avec Dinabourg.

 

Vitebsk, 6 août 1812.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je vous ai mandé que je désirais qu’une brigade de six cohortes de garde nationale, en prenant des cohortes composées d’anciens Français, se rendît à Bremen. Cette mesure me paraît plus urgente que jamais. Vous porterez un soin particulier à cette organisation. Vous ferez avancer, pour remplacer cette brigade à Utrecht et dans la 24e division militaire, la brigade qui est au Havre, afin que, si Hambourg était attaqué, cette brigade pût se porter aussi au secours de la 32e division militaire; le cas arrivant, vous enver­riez un général de division commander ces deux brigades.

Donnez ordre au général Heudelet de porter son quartier général à Hambourg et de réunir entre Hambourg et le Mecklenburg toute sa division. Deux demi-brigades pourront être dans le Mecklenburg et trois à Hambourg et Lubeck. La brigade d’Erfurt doit s’être rendue dans la Poméranie suédoise pour faire partie de la division Morand. Pressez autant qu’il vous sera possible la formation de la division de dragons et de l’artillerie de la division Heudelet. Par ce moyen, il y aurait à Hambourg cinq demi-brigades provisoires et six cohortes de garde nationale, indépendamment des six autres cohortes, qui, de la Hollande, seraient prêtes à s’y porter. La division Morand aurait douze bataillons dans la Poméranie, et le duc de Castiglione aurait dans sa main deux divisions prêtes à se porter sur le point menacé.

Un débarquement ne peut avoir lieu que du côté de Lubeck, dans le Mecklenburg ou dans la Poméranie suédoise. Il ne paraîtrait pas naturel qu’on fît un débarquement qui compromettrait les Prussiens. Il est donc convenable que le général Heudelet reconnaisse lui-même Lubeck et le Mecklenburg, ait sa division dans sa main et s’entende avec le général Morand pour pouvoir promptement se secourir.

Vous ne m’avez pas mandé si le duc de Castiglione était parti de Paris. Ayez soin de lui envoyer un général d’artillerie.

Envoyez deux nouvelles compagnies d’artillerie de ligne dans la 32e division militaire pour servir selon les besoins.

Tenez la main à ce que les officiers des cohortes, ceux des corps et les officiers d’artillerie soient à leur poste.

 

Vitebsk, 6 août 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Dur de Bassano, je désire que vous demandiez à la Prusse qu’en cas qu’il y eût une descente en Poméranie, ou dans le Mecklenburg, ou à Hambourg, elle fasse partir de Potsdam, ou de tout antre endroit, une brigade de 1,000 chevaux et douze pièces d’artillerie légère qui seront aux ordres du duc de Castiglione.