Correspondance de Napoléon – Août 1804

Ostende, 14 août 1804

A M. Barbé-Marbois

Monsieur Barbé-Marbois, Ministre du trésor public, je reçois votre lettre du 22 (10 août), par laquelle vous m’annoncez que vous serez de retour à Paris le 25 (13 août). Les nouvelles de la Bourse m’ont vivement affecté. Je comprends pas comment des obligations de l’an XIII ont été tiré du portefeuille sans mon autorisation. Je comprends encore moins comment les personnes auxquelles ces obligations ont été confiées en dépôt ont eu l’extrême imprudence de les vendre sur la place ce qui, dans un seul moment, porte un coup funeste à notre crédit, surtout ces obligations échéant en l’an XIV. J’attends des éclaircissements sur ces différents faits, qui ont troublé la joie que j#éprouve au milieu des camps et des flottilles.

 

Ostende, 14 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je vous renvoie vos deux portefeuilles.

Répondez à M. Maillardoz (Envoyé extraordinaire de la Diète helvétique à Paris) que le Moniteur n’est officiel que dans les actes du Gouvernement; que, d’ailleurs, il n’avait rien dit qui pût blesser la Suisse, mais simplement que l’établissement d’un état-major général en temps de paix ne peut être considéré que comme contraire à l’acte de médiation.

Répondez à M. de Gravina :

« Monsieur, j’ai mis sous les yeux de Sa Majesté l’Empereur la lettre que vous m’avez communiquée. L’officier Wright a été pris par nos croiseurs au moment où il débarquait sur la côte de Bretagne Jean-Marie et deux autres brigands. Cet officier a débarqué à la falaise de Biville sur la côte de Normandie, par trois fois consécutives, les brigands chargés d’assassiner le premier magistrat de la France. Par toutes les enquêtes qui ont été faites, nous avons acquis la preuve qu’il a été mis à la disposition de lord Hawkesbury par l’amirauté, sans qu’elle connût l’usage auquel il devait être affecté; de braves militaires comme les lords de l’amirauté n’auraient pas souffert que le pavillon anglais et les officiers de la marine anglaise fussent déshonorés par un pareil service; on a la conviction que cet acte déshonorant est personnel à l’officier Wright, à lord Hawkesbury, qui a lui-même tiré de la trésorerie les 40,000 livres sterling qu’il a livrées pour prix de ce crime. Toutefois, le ministre actuel des affaires étrangères ayant réclamé par votre canal le capitaine Wright, Sa Majesté l’Empereur, toujours empressé de faire tout ce qui peut dépendre de lui pour diminuer les fléaux de la guerre, m’a ordonné de vous déclarer qu’il ne pouvait pas consentir à l’échange de M. Wright, ne pouvant échanger un criminel pour un brave et loyal officier; mais qu’il ordonnerait qu’il fût remis à la disposition du Gouvernement anglais, afin qu’il en soit usé par ce Gouvernement comme il lui conviendra. C’est à la postérité à d’imprimer le sceau de l’infamie sur lord Hawkesbury et les hommes assez lâches pour avoir adopté comme moyen de guerre l’assassinat et le crime. Je désire, Monsieur, que vous voyiez dans cette disposition de Sa Majesté l’Empereur un désir de faire quelque chose qui vous soit personnellement agréable, et aussi une preuve de l’intention où il est de ne jamais confondre l’indignation qu’il peut éprouver d’attentats particuliers tramés contre sa personne avec les intérêts généraux de l’humanité et de la génération présente. J’attendrai donc, Monsieur, de connaître par votre canal le lieu où le Gouvernement anglais désire que ce criminel soit remis. »

Je désire que cette lettre me soit communiquée avant d’être remise, désirant qu’elle ne soit connue de M. de Gravina que dans un moment donné.

Écrivez à M. Reinhard que la proposition qui lui est faite ne peut qu’avoir des avantages. Il faudrait promettre à son auteur une récompense proportionnée aux services qu’il rendra.

J’ai nommé Lesseps commissaire général des relations commerciales en Égypte.

Vous pouvez accorder à Beurnonville une permission de venir passer quelque temps à Paris.

 

Ostende, 14 août 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, il paraît que l’armée réclame un changement dans l’habillement. On voudrait supprimer les chapeaux, adopter le pantalon, les bottines et l’habit court, en donnant au soldat une capote pour l’hiver.

Ces changements ont souvent été tentés dans l’armée française, mais on n’a pas tardé longtemps à revenir au costume qui est encore en usage.

Cependant, comme il est possible que ces divers changements aient été l’effet de la mauvaise organisation qu’avait l’armée à ces différentes époques, l’Empereur désire que les maréchaux commandant les camps de Bruges, de Saint-Omer et de Montreuil, autorisent les colonels des corps composant les divisions qui forment leurs armées à se réunir à un jour qu’ils détermineront.

Les colonels des divisions réunis formeront un conseil par armée, et seront présidés par l’adjudant commandant de la première division. Chaque conseil consignera dans un procès-verbal qui sera dressé, son opinion sur les changements, les formes et les modèles qu’il jugera propres à concilier ce qu’exigent le bien-être du soldat et l’économie, éléments de premier ordre dans une armée aussi considérable que l’armée française.

Ces conseils seront consultés en même temps sur la question de savoir si les conseils d’administration des corps pourraient se procurer avec économie les draps nécessaires à l’habillement, et s’il serait possible et avantageux de leur confier l’administration de la première masse de la même manière que celle de la seconde, qui leur est déjà attribuée.

Les procès-verbaux et les modèles vous seront envoyés de manière qu’ils soient tous parvenus à Paris avant le ler vendémiaire au XIII, et que vous puissiez me les présenter dans la première semaine de ce mois.

 

Ostende, 14 août 1804

A l’impératrice Joséphine

Mon Amie, je n’ai pas reçu de tes nouvelles depuis plusieurs jours; j’aurais cependant été fort aise d’être instruit du bon effet des eaux, et de la manière dont tu passes ton temps. Je suis depuis huit jours à Ostende. Je serai après demain à Boulogne pour une fête assez brillante. Instruis-moi par le courrier de ce que tu comptes faire et de l’époque où tu dois terminer tes bains.

Je suis très-satisfait de l’armée et des flottilles. Eugène est toujours à Blois. Je n’entends pas plus parler d’Hortense que si elle était au Congo. Je lui écris pour la gronder.

Mille choses aimables pour tous.

 

Ostende, 15 août 1804

A M. Cambacérès

Je n’ai point reçu la lettre de Marbois que vous m’annoncez. Quant à ces obligations qu’il croit n’avoir pas été vendues à la Bourse, il est dans l’erreur, car j’en ai vu. C’est ainsi qu’on trompe ce ministre et que dans la plus belle prospérité on désorganise nos finances.

Cet événement du jeune Ségur est fort extraordinaire; j’en écris au ministre de la police.

 

Ostende, 15 août 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, cette petite brochure sur la légitimité m’a paru assez bien, mais pas assez piquante pour qu’elle soit lue; je n’y ai rien trouvé d’inconvenant. Je pars dans une heure pour Boulogne, où je serai arrivé avant minuit.

L’événement du jeune Ségur est fort extraordinaire. J’imagine que la police aura fait toutes les perquisitions convenables. Faites-moi connaître ce qu’il faut penser de cet événement.

 

Ostende , 15 août 1804

A M. Jaubert

Monsieur Jaubert, rendez-vous auprès de l’ambassadeur turc. Faites-lui comprendre que la Russie veut entrer dans des opération contre la Turquie, et qu’il doit donner ces renseignements chez lui qu’on doit s’y tenir en garde, et ne plus laisser passer de troupe russes. Surveillez M. Belleval, sachez ce qu’il dit et la manière dont il se présente.

 

Ostende, 15 août 1804

Au maréchal Murat, gouverneur de Paris

Je suis fâché que, sans mon aveu, vous ayez écrit au colonel du 5e de ligne ce que je vous avais dit. Il n’a jamais été question d’opposition à l’hérédité, et c’est affliger sans raison ce régiment que de lui faire soupçonner que j’avais eu ces idées.

 

Ostende, 15 août 1804

DÉCISION

Le ministre de l’intérieur propose d’ajouter à la liste du collège électoral du département du Pô vingt membres des plus imposés, se fondant sur ce que la première liste est fort mal faite, qu’il s’y trouve des individus qui n’ont que 30 à 60,000 francs de fortune, tandis qu’on ne devrait pas y vois des hommes qui eussent moins de 200,000 francs. Cette proposition n’est point  adoptée. L’Empereur ne désire faire usage de la faculté de sa prérogative que dans les circonstances d’une plus haute importance.

 

Pont-de-Briques, 16 août 1804

Au général Durutte

Monsieur le Général Durutte, je n’ouvre votre lettre que ce matin. Je vois avec peine que vous pensiez que je puisse me former un faux jugement sur un officier aussi distingué sans l’avoir entendu. Vous devez donc être sans inquiétude sur mes sentiments. Je dirai même que les personnes à qui il est possible que votre manière d’être ne convienne pas ne m’ont rien dit de grave et que vous-même n’eussiez pu entendre. Du moment que je ferai le travail de l’armée, je vous placerai d’une manière qui vous convienne davantage, et où vous continuerez à rendre des services à la patrie.

 

Pont-de-Briques, 17 août 1804

A M. Cambacérès

La fête s’est fort bien passée hier; seulement avec un peu de vent. Le coup d’œil était nouveau et imposant. On a trouvé rarement autant de baïonnettes réunies. (Il s’agit de la cérémonie au cours de laquelle des légions d’honneur ont été remises à l’armée)

 

Pont-de-Briques, 17 août 1804

A M. Barbé-Marbois

Monsieur Barbé-Marbois, Ministre du trésor public, les obligations de l’an XIII à peine signées ont dû être renfermées dans le grand portefeuille, d’où elles ne doivent être tirées que par un acte authentique. Si l’on vous a dit que les obligations de l’an XIV n’ont point été négociées, on vous en a imposé. Les banquiers les ont bêtement colportées de maison en maison. C’est un événement qui a réveillé la méfiance, et dont l’influence se fera sentir sur le crédit.

Dans l’arrêté du 17 messidor, qui n’a cependant pas été imprimé, mais qui aura été communiqué à la trésorerie, quelque faute de rédaction a fait conclure qu’il y avait un arriéré de l’an IX, chose également contraire à la loi publique et à mes intentions. Il faut sans doute qu’il y ait quelque chose qui ne soit pas clair; voyez ce qu’il y a à faire pour éclaircir les doutes de ceux qui se les sont formés. Sous quelque prétexte que ce soit, il n’y aura jamais d’arriéré depuis l’an VIII. Les exercices ne sont qu’une affaire d’ordre intérieur; ce qu’il y a de mal, c’est qu’il paraît qu’il y a des gens à la trésorerie qui ne demandent pas mieux que de discréditer nos affaires.

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Les banquiers du trésor donnent des obligations et empruntent dessus à un pour cent; toutes leurs opérations les discréditent, et l’on ne comprend pas trop où ils nous mèneront. Ont-ils des valeurs à nous ? Peuvent-ils nous faire perdre s’ils faisaient banqueroute ?

 

Pont-de-Briques, 17 août 1804

DÉCISION

Le sergent Béraud réclame sa part de la succession de ses père et mère, qui, faute de formalités remplies, est passée à sa sœur. Renvoyé au grand juge, pour ordonner au procureur impérial d’arranger les parties, si cela est possible et, dans le cas contraire, de faire rendre justice au réclamant.

 

Boulogne, 17 août 1804

A l’Impératrice

Je reçois ta lettre. Hortense entrait en même temps dans mon salon avec M. Napoléon (   ). Louis les a laissés venir pour passer ici deux jours voir Boulogne et la mer.

Elle se porte bien. J’ai eu bien du plaisir à voir cette chère fille qui est toujours bonne, raisonnable et sensible.

Tu dois aller à Malmaison directement. Dis-moi quand tu comptes x être et s’il est nécessaire que tu y ailles d’abord avant de me rejoindre.

Adieu, ma bonne amie, mille choses tendres et bonnes partout.

 

Pont-de-Briques, 18 août 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, je vois avec peine que vous ayez mis en liberté le nommé Jean Kinna. Je pense que c’est le même individu qui était à la tête des insurgés de la Martinique. Si c’est le même, faites-le remettre en prison. Cet homme se sauvera en Angleterre, et les Anglais s’en serviront pour dévaster nos plantations de la Martinique.

J’attends avec un grand empressement les indices que vous pourrez avoir sur la corruption qui s’est introduite dans différents ministères. C’est la plus belle direction que puisse avoir la police.

Envoyez au général Marmont tous les renseignements que vous pouvez avoir sur les paquebots de Rotterdam; mettez-y le plus grand secret. Je l’ai chargé de saisir le moment où deux paquebots arriveraient de Londres, de les arrêter avec les individus et les lettres dont ils seraient chargés, et de les envoyer sur-le-champ à Paris.

Il me semble avoir vu quelque part qu’on a défendu l’introduction en France de la Gazette de Francfort; elle ne me paraît cependant point extrêmement mauvaise. La Gazette de Leyde se trouve comprise dans la même prohibition. Je n’ai jamais lu cette gazette; faites réunir tous les numéros de ces deux derniers mois, et envoyez-les moi; faites-moi en même temps un rapport sur l’esprit qui la dirige. Comme elle se publie en Hollande, je saurai bien la faire changer ou la faire supprimer. Faites mettre un article dans les journaux de Paris sur les brochures dont les Anglais inondent l’Allemagne, avec les titres.

J’imagine que vous suivez l’affaire de l’officier de gendarmerie qui avait arrêté Rose. Il est coupable, il ne devait point le déposer en Hollande.

Écrivez au général Marmont de faire arrêter le marquis de Lavalette, le comte de Launay et une douzaine d’individus dangereux qui sont en Hollande. Je n’ai pas besoin des Hollandais pour cela. Envoyez au général Marmont des notes sur ces individus, et dans le même jour on les arrêtera et on les enverra à Paris.

Je désire avoir des renseignements sur Gaspard, colonel réformé, et sur Fournier, frère du colonel de hussards, et sur la conduite qu’ils tiennent. S’ils sont à Paris, faites-les chasser. Je désire également savoir ce que c’est qu’un marquis Tupputi, Napolitain, quels sont les Napolitains qu’il réunit chez lui, ce qu’ils y disent, et ce qu ils font à Paris.

Écrivez au général Marmont dans le sens de cette lettre du commissaire général de police de Boulogne. On pourra dans les mêmes circonstances s’emparer de Rose, si tant il est vrai qu’il soit dans la maison indiquée.

 

Pont-de-Briques, 18 août 1804

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, je vois avec peine que vous avez renvoyé Fiocardo à Bruxelles. C’est un homme incorrigible et qui fera toujours ce qu’il a fait, des bulletins et des libelles contre la France. En général, il n’y a point de motifs pour lever les surveillances tant que la guerre durera. Les affaires du culte d’ailleurs sont sérieuses. Je désire donc que vous ne fassiez mettre en liberté aucun prêtre, ni que vous fassiez cesser la surveillance d’aucun, sans vous être entendu avec M. Portalis.

Faites mettre le séquestre sur les propriétés de Brulart; on m’assure qu’il en a.

Dans votre dernier rapport, il est question d’un Gronin de la Maison-Neuve; si c’est le même qui est compromis dans toutes les correspondances interceptées, vous ne devez pas différer d’un instant à le faire arrêter. Quand vous aurez la certitude qu’il a des correspondances avec le secrétaire de M. de Cobenzl, prenez des mesures pour le faire arrêter à la pointe du jour, et saisir en même temps ses papiers.

Des rapports m’assurent qu’on agite beaucoup Toulon; je ne sais dans quel sens, mais, vu la physionomie de cette ville, on doit se servir de la couleur jacobine.

Je ne comprends pas l’article Nevers de votre rapport. Je désire que vous m’envoyiez la lettre du préfet. Dit-il ou non qu’effectivement on ait mis dans la pièce des Châteaux en Espagne les passages, que vous citez, où se trouvent-ils dans cette pièce, qui est connue depuis longtemps ? Cette affaire, extrêmement sérieuse, ne me parait point expliquée clairement dans votre rapport; demandez des renseignements il détaillés. J’ai peine à croire à une malveillance aussi caractérisée; ce serait par trop d’impudence.

Écrivez en Hollande pour faire arrêter Esnoul.

 

Pont-de-Briques, 18 août 1804

A M. Talleyrand

L’Empereur me charge, Monsieur, de renvoyer à Votre Excellence quelques pièces qui sont ci-jointes, et de vous inviter à lui présenter une réponse à la lettre du duc de Mecklembourg, que je vous transmets également.

Sa Majesté me charge en même temps d’avoir l’honneur de vous faire connaître qu’elle désire que vous fassiez adresser une note au chargé d’affaires des villes hanséatiques à Paris, pour inviter ces villes à prendre des mesures efficaces afin d’&empêcher la circulation des pamphlets injurieux à la France que les Anglais versent sur le continent, mais aussi à ordonner la suppression du Journal critique sur la guerre actuelle, dont j’ai l’honneur de vous adresser un extrait.

Sa Majesté juge convenable, en même temps, que vous engagiez M. Reinhard à s’occuper plus activement de réprimer l’insolence des villes de Brême et de Hambourg., C’est à regret que l’Empereur se verrait obligé, si elles continuaient à faire si mal la police, à leur envoyer 8 ou 10,000 hommes pour la faire.

 

Pont-de-Briques, 18 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, le traité avec la République de Gênes, que vous m’avez envoyé, me parait fort bien; j’y ai fait seulement un léger changement : au lieu du mot fournirdes ouvriers, j’y ai mis le mot payer.

Il sera nécessaire, avant de conclure, de prendre des renseignements auprès du ministre des finances, pour savoir quel était l’ancien tarif et quel est le nouveau pour le transit, et quels changements les circonstances pourraient nous obliger d’y faire.

 


Pont-de-Briques, 20 août 1804

A M. Portalis

Monsieur Portalis, Ministre des cultes, chargé par intérim du portefeuille de l’intérieur, je crois nécessaire de défendre l’exportation des blés. Faites une circulaire à cet effet aux préfets, et prévenez le directeur général des douanes.

 

Pont-de-Briques, 20 août 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je suis surpris d’apprendre qu’au milieu de la pénurie où se trouve le Gouvernement batave, il a la bonté de payer douze millions au prince d’Orange. Ce qui m’a le plus étonné, c’est qu’on s’est autorisé de mon nom pour faire une pareille transaction, injuste d’abord, en ce qu’il a trahi le pays, absurde, en ce que ce gouvernement ne peut payer son armée dans les circonstances actuelles. Je désire savoir la part que notre ambassadeur a prise à cette opération.

La Batavie n’a pas rempli ses engagements, et la troisième partie de la flottille batave n’est pas encore organisée, faute d’équipages. Il n’y a pas assez d’officiers de marine, pas assez d’équipages, et, en général, ils sont mal composés. Faites faire des instances pour que les besoins de l’amiral Ver Huell soient le plus promptement satisfaits. Demandez aussi que l’expédition du Texel soit augmentée de deux vaisseaux, et qu’il y en ait sept au lieu de cinq. Les deux vaisseaux sont prêts à Amsterdam; il n’y a d’objections que pour les matelots, et il y en a tant en Batavie !

Présentez-moi des projets de réponse aux différents princes qui m’ont écrit et dont je vous renvoie les lettres.

Vous n’êtes pas assez sévère pour Hambourg. Si elle continue à être l’entrepôt de tous les mauvais libelles qui se répandent en Allemagne, mon intention bien formelle est de la laisser prendre à une puissance continentale qui y fera la police contre les Anglais.

Écrivez au général Vial que je verrai avec plaisir que la troisième demi-brigade helvétique passe au service de la République italienne.

Les dernières nouvelles de Vienne, si elles ne masquent pas un dessein de gagner du temps et de laisser passer l’automne, font pitié. Non-seulement je suis bien aise que le roi de Hongrie change son titre de roi en celui d’empereur, mais je verrais sans peine le titre de roi disparaître de l’Europe. Vous sentez l’espèce d’intérêt bien secondaire que je puis y mettre. Mais vous connaissez la fausseté de la cour de Vienne, et, si elle a le courage de tenter quelque chose, elle attendra l’hiver.

Nous sommes en septembre; il ne lui reste plus qu’un mois à gagner pour aller au mois de mai. Il y aurait, non point folie, mais impossibilité absolue à la Maison d’Autriche de lever l’étendard de la rébellion, seule, et même avec la Russie.

 

Pont-de-Briques, 20 août 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, vous donnerez l’ordre au maréchal Davout et au commissaire générai Petiet de faire distribuer une ration de vin par jour au lieu d’eau-de-vie aux troupes présentes au camp d’Ostende et ce jusqu’au 1er vendémiaire. Vous préviendrez le maréchal Davout que le vice-amiral Ver Huell reçoit l’ordre de faire partir le plus tôt possible pour Dunkerque les deux premières parties de la flottille batave. Les garnisons des divisions Oudinot et Friant continueront à rester sur les bâtiments où elles sont aujourd’hui, et le gros des divisions continuera à rester à Ostende, campé dans le même emplacement, jusqu’à nouvel ordre. Vous ordonnerez qu’on embarque à Ostende, sur chaque chaloupe et bateau canonnier, les munitions d’artillerie et les vivres que ces bâtiments doivent porter pour la descente, en supposant que ces objets soient à Ostende. S’ils n’y étaient pas, vous m’en rendriez compte, et je vous ferais connaître s’ils doivent être envoyés à Ostende ou au point d’embarquement. Écrivez dans ce sens au commandant de l’artillerie et au commissaire général Petiet. Prévenez le maréchal Davout que la flottille de corvettes de pêche reçoit l’ordre de se rendre à Calais, et que les détachements des garnisons resteront comme ils s’y trouvent, et jusqu’à ce que des ordres soient donnés pour les relever. Vous donnerez l’ordre à toute l’infanterie de la division italienne de se rendre à Calais.

La troisième partie de la flottille batave s’organisera le plus promptement possible à Ostende.

 

Pont-de-Briques , 20 août 1804

A Madame Caroline Bressieux

Madame, votre lettre m’a été fort agréable. Le souvenir de madame votre mère et le vôtre m’ont toujours intéressé. Je saisirai la première circonstance pour être utile à votre frère. Je vois, par votre lettre, que vous demeurez près de Lyon; j’ai donc des reproches à vous faire de ne pas y être venue pendant que j’y étais, car j’aurai toujours un grand plaisir à vous voir. Soyez persuadée du désir que j’ai de vous être agréable.

 

Pont-de-Briques, 20 août 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je désire que vous me fassiez connaître si un commandant d’armes nommé par un arrêté peut être déplacé et envoyé dans une autre place sur un simple ordre du ministre de la guerre. Cela n’a pas lieu pour un corps; un chef de bataillon nommé par un arrêté ne pourrait être envoyé dans un autre corps sans un nouvel arrêté. Faites-moi connaître pourquoi cette différence.

 

Pont-de-Briques, 20 août 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, vous donnerez l’ordre au vice-amiral Ver Huell de se rendre le plus tôt possible, avec les deux premières parties de la flottille batave, à Dunkerque. Il embarquera les biscuits et les munitions d’artillerie qui lui seront remis par le général Sorbier, commandant l’artillerie, et par le commissaire ordonnateur de l’armée du maréchal Davout, dans les proportions arrêtées par l’installation imprimée des chaloupes canonnières et des bateaux canonniers. Vous enverrez un de vos contre-amiraux qui sont à Boulogne, à Dunkerque, pour faire partir les corvettes de pêche qui s’y trouvent et les réunir à Calais, et pour accélérer le départ des deux chaloupes canonnières, de la prame et des autres objets destinés pour Boulogne.

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Vous ferez connaître à l’amiral Ver Huell qu’il doit promptement organiser la troisième partie et la réunir toute à Ostende.

 

Boulogne, 20 août 1804

A l’Impératrice

Madame et chère femme, je serai dans dix jours à Aix-la-Chapelle. De là, j’irai avec vous à Cologne, Coblentz, Mayence, Trèves, Luxembourg.

Vous pouvez m’y attendre, à moins que vous ne craigniez d’être fatiguée par une si longue route. Dans ce cas, vous pouvez partir et vous diriger sur Saint-Omer où je vous verrai, et de là vous irez à Paris.

Je vais cette nuit à Étaples où je resterai deux jours.

Ma santé est bonne.

Il me tarde de vous voir, de vous dire tout ce que vous m’inspirez et de vous couvrir de baisers. C’est une vilaine vie que celle de garçon, et rien ne vaut une femme bonne, belle et tendre.

Cent choses aimables au petit cousin et à la petite cousine.