Correspondance de Napoléon – Janvier 1805

Paris, 25 janvier 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, mon intention est que le maréchal Jourdan réunisse à Vérone les ler, 10e, 52e et 101e régiments de ligne, et les 3e et 15e régiments de chasseurs, avec douze pièces d’artillerie attelée sous les ordres du général de division Gardanne et de deux généraux de brigade; qu’il mette à Legnago un des deux bataillons suisses qui sont à Forli, pour former le fonds de la garnison de cette place sans que le commandant puisse distraire aucun homme du service habituel de la place, et que l’autre bataillon soit mis à Ferrare pour le même objet; que le général Gardanne tienne réunies, le plus possible, ses forces à Vérone et villages environnants, pouvant cependant s’étendre à Villefranche, Peschiera et Bussolengo; qu’il tienne quelques détachements de cavalerie aux principales communications de l’Adige jusqu’au canal Blanc; que le 2e de hussards italiens, également sous les ordres du général Gardanne, se cantonne à Rovigo et fournisse des détachements depuis le canal Blanc jusqu’à la mer. Vous ferez connaître au maréchal Jourdan que, pour aujourd’hui, ces dispositions me paraissent suffisantes, jointes à l’armement que j’ai ordonné des places et à un premier approvisionnement. Cette division du général Gardanne portera le titre de contre-cordon. Ce général doit d’ailleurs se comporter avec la plus grande urbanité, ne témoigner aucune méfiance et ne pas laisser penser que cela vienne du Gouvernement; il se bornera à dire, dans la conversation, que ce sont de simples mesures de précaution qui cesseront dès que le cordon autrichien sera dissous. Vous lui recommanderez de porter par-dessus tout la plus grande attention sur Legnago, et de faire mettre sur-le-champ, par le directeur du génie, cette place à l’abri d’un coup de main. Vous ferez connaître au maréchal Jourdan que je n’ai aucune vue hostile, que je ne veux pas faire la guerre à l’Empereur, et que je ne pense pas qu’il veuille me la faire; que j’ai lieu d’être tranquille; mais que, voyant un mouvement de troupes extraordinaire, il ne serait rien moins que convenable que les places se trouvassent toutes exposées; au lieu que, moyennant ces premières dispositions, Legnago, Peschiera et Mantoue se trouveront suffisamment garnies. Faites-vous rendre compte de la situation de ces places. C’est surtout contre Legnago qu’on doit maintenir la plus grande police; elle est en état de siège, et, étant sur le cordon, elle pourrait être surprise tous les matins.

Donnez ordre au 22e régiment d’infanterie légère de se rendre à Novare, ainsi qu’au 9e de ligne et au 15e d’infanterie légère. Ces régiments emmèneront avec eux leurs compagnies d’élite et passeront par le Simplon. Faites-les marcher à très-petites journées, en augmentant les repos prescrits par l’ordonnance, et dirigez leur route, autant que possible, hors du pays où ils se sont recrutés, en prenant toutes les mesures pour empêcher la désertion.

Donnez ordre à la compagnie d’artillerie légère italienne, qui est en France, de retourner en Italie.

 

Paris, 25 janvier 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, vous donnerez ordre au 4e bataillon du du train qui est à Cambrai, et au 8e bataillon de se rendre à la Fère. Là, le 8e bataillon remettra tous ses chevaux, au nombre de 750, au bataillon n° 4 bis. Vous ferez compléter ce bataillon à 900 par les chevaux d’artillerie qui sont à mon service et que le grand écuyer fera remettre. Vous préposerez un officier pour veiller à ce que la remise s’en fasse dans le plus grand ordre et que les matricules et procès-verbaux soient en règle. Vous dirigerez alors ce bataillon n° 4 bis sur Turin à très-petites journées, et vous lui marquerez de fréquents séjours. Le bataillon n° 4 est à Turin et a 150 chevaux Mon intention est de le porter à 1,000. A cet effet, les 490 chevaux de ma Garde partis le 22 nivôse de Paris seront réunis à Turin au bataillon n° 4, et, immédiatement après, les hommes opéreront leur retour sur Paris. Vous ferez partir un détachement du train de ma Garde avec 200 chevaux pour Turin. Les hommes reviendront à Paris après avoir fait la remise de leurs chevaux. Vous me proposez un mouvement de 150 chevaux tirés des 11e, 12e ou 13e division militaires pour compléter le nombre de 1,000 que ce bataillon peut servir. Les deux bataillons n° 6 sont en Italie. Le bataillon principal est dans le royaume de Naples; il n’a que 530 chevaux : mon intention est qu’il soit porté à 800. A cet effet, vous autoriserez le conseil d’administration , sous la surveillance du directeur du parc d’artillerie de l’armée française dans le royaume de Naples, à acheter 300 chevaux ou gros mulets de trait et à y affecter le produit de vente des chevaux de la République italienne. Vous établirez pour cet effet une masse. En ne donnant à ce bataillon que 800 chevaux, quoiqu’il ait 600 hommes, j’ai égard à la circonstance et à la facilité qu’on aurait en cas de guerre à lever des chevaux, et à ce qu’on ne manquerait point d’en prendre au train napolitain. Le bataillon n° 6 bis est à Plaisance; il n’a que 150 chevaux; les 400 chevaux partis de Saintes le 5 nivôse y seront réunis, ainsi que les 232 partis le 26 nivôse, ce qui le complétera à près de 800 hommes. Ces dispositions une fois exécutées, j’aurai donc au delà des Alpes quatre bataillons du train formant 2,400 hommes et ayant 3,500 chevaux harnachés et pour le service uniquement du train d’artillerie. Il vous restera à me faire connaître ce qu’il manque au complet de ces bataillons du train, quelles mesures il faut prendre pour les compléter, et enfin combien ils peuvent encore servir de chevaux. Vous vous assurerez aussi que les harnais et tout ce qui est nécessaire soient dans le meilleur état. Vous donnerez ordre qu’à mesure que ces chevaux arriveront dans la 27e division militaire, ils soient placés dans des villes où ils soient bien tenus, bien nourris, et où ils ne fassent d’autre service que les mouvements d’artillerie locaux. Faites-moi connaître par un rapport particulier s’ils sont de bonne qualité, et si l’on peut compter généralement sur un bon service. Faites-moi également connaître le temps qu’il faudrait pour organiser un bon équipage de campagne en Italie, lorsque ces chevaux y seront arrivés, et les mesures qu’il y aurait à prendre pour sa réparation. Enfin, j’ai besoin de connaître la situation des salles d’armes de la République italienne et de la 27e division militaire. Faites aussi vérifier l’état des magasins d’habillement en vestes et en culottes, ou du moins en draps propres à les confectionner, qui doivent être établis dans la 27e division militaire. Les charrois d’artillerie, ceux des vivres et des ambulances ont aussi leur importance et retardent souvent la formation des armées : faites-moi connaître le nombre des caissons de vivres qui se trouvent dans la 27e division militaire; combien il en existait à la paix en l’an IX, et, si le service se continuait par les charrois du pays, combien il en faudrait pour une armée de 60,000 hommes; et enfin quelles mesures à prendre pour se procurer des attelages. Donnez ordre au colonel du 2e régiment d’artillerie à pied de rejoindre son corps.

 

Paris, 27 janvier 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, mon Ministre de l’intérieur, la malpropreté des égouts et des canaux d’Anvers, y accroît les maladies. Il est nécessaire que vous preniez des mesures pour remédier à cette cause d’insalubrité, d’autant plus digne d’attention que cette place est devenue  un arsenal important.

 

Paris, 28 janvier 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, mon Ministre de l’intérieur, le Louvre faisant partie du domaine de la couronne, mon intention est de n’avoir qu’un seul architecte pour tous les travaux qui peuvent s’y faire, soit pour le service de la couronne, soit pour l’établissement de la bibliothèque. M. Fontaine, que j’ai nommé architecte du palais impérial des Tuileries et du Louvre, sera chargé de tous ces travaux.

 

Paris, 28 janvier 1805

DÉCISION

M. Portalis propose d’autoriser une association de prêtres qui se forme à Lyon, sous le patronage du cardinal Fesch, pour l’éducation de la jeunesse.Je ne veux d’aucune congrégation ecclésiastique; cela est inutile; de bons curés, de bons évêques, de bons prêtres, des séminaires bien tenus, c’est tout ce qui est utile.

 

Paris, 28 janvier 1805

Au vice-amiral Decrès

Faites partir la frégatela Canonnière de Cherbourg, avec 250 hommes du 102e régiment, pour la Martinique, et chargée d’autant de poudre qu’il sera possible. Vous ferez aussi embarquer deux mortiers à grande portée à la Gomer, avec deux crapauds. Vous enverrez vos ordres par cette frégate. Le 37e fournira 50 hommes et un officier, pour s’embarquer sur le brick que vous faites partir de Lorient. La 24e légère en fournira 50 sur le brick que vous faites partir de Nantes. Ces 350 hommes ne peuvent être que fort utiles. Ordonnez aux bricks de prendre autant de poudre qu’ils en pourront porter.

Si cela ne l’encombre pas trop, la frégate embarquera quelques centaines de bombes de 12 pouces.

Chacun des bricks de Nantes et Lorient embarquera un mortier de 8 pouces, avec un crapaud et une cinquantaine de bombes de 8 pouces.

Il sera nécessaire d’envoyer un brick ou corvette à Cayenne avec une centaine d’hommes.

Il faudrait aussi envoyer une centaine d’hommes au Sénégal.

Je désire que vous donniez l’ordre à une corvette, ou à un brick, de se tenir prête à partir de Rochefort. Elle embarquera 60 ou 100 hommes des dépôts de l’expédition, et sera aussi porteur de vos ordres. Ce brick sera très-utile à la Martinique et à la Guadeloupe, pour maintenir la communication entre ces deux îles, puisque les frégates et vaisseaux anglais ne pourront pas se trouver partout.

 

Paris, 29 janvier 1805

DÉCISION

État des secours à payer sur le fonds annuel de 40,000 francs mis à la disposition du ministre de la police.Faire connaître les titres de chaque individu. S’ils n’en ont pas plus que le premier, M. d’Aigrefeuille, ce serait de l’argent jeté.

 

Paris, 30 janvier 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je vous envoie le statut organique de la République italienne. Le décret de Lyon est son premier acte constitutionnel, comme la constitution de l’an VIII l’est pour nous. Ce statut en contient les modifications. J’ai dicté différentes autres observations sur chaque titre, à mettre dans la nouvelle rédaction. Vous lirez aussi les observations de M. Melzi et de la Consulte, et vous verrez s’il y en a qui méritent considération. Quand vous aurez pris connaissance de toutes ces pièces, vous pourrez en causer avec moi. Lisez bien la constitution de Lyon, pour voir les articles dont la suppression serait nécessaire, et ajoutez les observations que votre expérience vous suggérera. Le premier titre est L’Autorité royale, déjà rédigé dans mon portefeuille. Je désire que vous puissiez me remettre cela bien en règle pour dimanche prochain.

 

Paris, 30 janvier 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

Pour exécuter les projets qu’on peut avoir sur la Madeleine, il convient d’abord d’y affecter la valeur du terrain des Capucines.

Cette affectation ne serait qu’une avance, et l’on pourrait trouver définitivement le remplacement de cette dépense en achetant secrètement et sans délai les chantiers et terrains qui environnent la Madeleine. Après l’exécution du projet, on les vendrait avec un bénéfice de deux cents pour cent.

Le ministre de l’intérieur est invité à présenter les projets sur l’usage à faire des terrains et du bâtiment de la Madeleine. Sa Majesté désire connaître ce que produirait l’exécution des projets qui existent déjà, pour tirer parti du terrain des Filles de Saint-Thomas et savoir si l’on pourrait en affecter la valeur à l’établissement de la Bibliothèque impériale au Louvre.

 

Paris, 30 janvier 1805

DÉCISION

Le ministre de l’intérieur demande l’autorisation de louer, aux frais de I’État, un local destiné à servir d’atelier à M. David, premier peintre de Sa Majesté.Approuvé la location de l’église de Cluny.

 

 Paris, 30 janvier 1805

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, j’ai signé le décret relatif à la grande décoration de la Légion, d’honneur, qui consistera en une plaque et un cordon rouge. Je désire que vous vous entendiez avec M. Lacépède pour la faire faire et l’expédier sans délai au roi de Prusse. Faites-moi demain matin un rapport sur cet objet, et apportez avec vous toutes les pièces originales qui me fassent connaître comment tout doit se faire. Je pense aussi qu’il serait convenable de faire la même chose vis-à-vis de l’Espagne pour la Toison d’or. On pourrait suivre le même système pour Munich. Ces idées me viennent naturellement, au moment où je serai obligé de désigner sept ou huit personnes pour les cordons du roi de Prusse, qui, étant d’une nature toute différente, formeront ici une grande disparate; il faudrait en donner une trentaine, soit de ceux du roi de Prusse, soit de l’Espagne, des électeurs d’Allemagne, ou du Portugal.

 

Paris, 30 janvier 1805

A l’Empereur de Turquie

Très-haut, très-excellent, très-puissant, très-magnanime et invincible Prince, le grand empereur des Musulmans, sultan Selim, en qui tout honneur et vertu abonde, notre très-cher et parfait ami, Dieu veuille augmenter ta grandeur et hautesse, avec fin très-heureuse. Toi, descendant des grands Ottomans, empereur d’un des plus grands empires du monde, as-tu cessé de régner ? Comment souffres-tu que la Russie te donne des lois ? Tu refuses de me rendre ce que je te rends : es-tu aveuglé à ce point sur tes intérêts ? Si la Russie a 15,000 hommes à Corfou, crois-tu que c’est contre moi ? Ses bâtiments armés prennent l’habitude de se présenter devant Constantinople : es-tu assez aveugle pour ne pas voir qu’un jour, soit sous le prétexte de ramener en Russie les troupes qui sont à Corfou, soit sous celui d’accroître ces forces, une escadre et une armée russes, favorisées par les Grecs, envahiront ta capitale, et ton empire, aura cessé avec toi ? Ta dynastie descendra dans la nuit de l’oubli. Le reis-effendi te trahit; la moitié du divan est vendue à la Russie. La mort du capitan-pacha t’a privé de ton meilleur ami. Je t’ai prévenu deux fois, je te préviens une troisième. Chasse ton divan, punis le reis-effendi et règne dans Constantinople, où tu te perds. Quant à moi, j’ai voulu être ton ami. Si tu persistes à me refuser ce que la France a eu de tout temps, le premier pas à Constantinople, si tu veux rester servilement soumis à tes ennemis, je me mettrai aussi contre toi; je n’ai jamais été un ennemi faible. Ton divan ne prend aucune mesure pour rétablir l’ordre en Égypte et en Syrie; il laisse perdre la Mecque et Médine; il insulte à tes amis et se prosterne et caresse tes ennemis de tous les temps. La Perse a la guerre; elle est menacée par la Russie, et, loin de la secourir, le faible divan, ou plutôt les traîtres qui le mènent, ne savent pas même intervenir pour elle; ce n’est que contre moi qu’ils ont du courage. Je t’écris donc à toi; tu es le seul ami que la France conserve dans le sérail, si toutefois les hommes qui se sont emparés de toutes les issues de ton trône permettent à ma lettre de t’arriver. Réveille-toi, Selim. Appelle au ministère tes amis; chasse les traîtres; confie-toi à tes vrais amis, la France et la Prusse, ou tu perdras ton pays, ta religion et ta famille. Tes vrais ennemis sont les Russes, parce qu’ils veulent régner sur la mer Noire, et qu’ils ne le peuvent sans avoir Constantinople; parce qu’ils sont de la religion des Grecs, qui est celle de la moitié de tes sujets. J’attends ta réponse, pour savoir ce que je dois penser et faire. Si tu ne gouvernes plus, si tu es tout à fait à la disposition des ennemis de la France , je gémirai sur l’aveuglement et la mauvaise politique du plus ancien allié de la France; mais je comprendrai que le destin, qui t’a fait si grand, veut détruire l’empire des Soliman, des Mustapha, des Selim; car tout change sur la terre, tout périt; Dieu seul ne périra jamais. Sur ce, je prie Dieu qu’il augmente les jours de Ta Hautesse et les remplisse de toutes prospérités, avec fin très-heureuse.

Ton très-cher et parfait ami.

NAPOLÉON

En mon château impérial des Tuileries, ce 10 pluviôse an XIII

 

Paris, 30 janvier 1805

A M. Lacépède

Voici des notes dont je désire que vous fassiez usage le plus tôt possible, afin que le résultat en soit porté, par un courrier extraordinaire, demain. N’écrivez ni ne signez rien, mais dictez.

NOTES

Voyez l’agent du prince de la Paix et dites-lui qu’il n’y a aucune espèce de crainte; que j’ai lu ses dépêches, mais à la hâte; que cependant j’en ai assez compris pour pouvoir y faire une première réponse dès aujourd’hui; que l’ambassadeur que j’ai nommé en Portugal, le général Junot, qui a été mon aide de camp, a toute ma confiance, et que le prince petit lui dire, sur l’intérieur et l’extérieur, tout ce qu’il voudra, que ce sera comme s’il me l’eût dit à moi- même; qu’il partira sous quinze jours; que la reine de Naples, ayant écrit à l’empereur de France, en a reçu la réponse ci-jointe, qui est pour lui seul; qu’il y verra combien l’Empereur est indisposé contre cette princesse, et qu’il la connaît bien;

Que l’Empereur vient d’autoriser l’exportation des grains par le canal de Vanlerberghe et d’Ouvrard, comme le cabinet l’a désiré; que les bois de construction demandés seront fournis, autant que possible, ainsi que l’approvisionnement des corsaires, dans les ports de France, en munitions de guerre et de toute espèce;

Que le prince ne doit avoir aucune crainte sur la guerre continentale; que même les affaires de Russie s’arrangent par l’intermédiaire de la Prusse; que si la guerre avait lieu, l’empereur d’Allemagne serait perdu, car l’armée française n’a jamais été si nombreuse et si animée; qu’il y a même eu des pourparlers et des démarches conciliatoires avec l’Angleterre; que jusque-là elles ne paraissent pas devoir rien produire, mais qu’il a paru toutefois de l’adoucissement et une certaine crainte de la part du cabinet de Londres; que l’on peut donc attendre une paix assez prompte, si une fois les escadres espagnoles sont en état et que l’Angleterre voie les ressources de la France considérablement augmentées;

Que l’escadre de Rochefort, composée de vaisseaux tout neufs et ayant 4,000 hommes de bonnes troupes, a mis à la voile; qu’elle fera du tort aux Anglais dans le lieu où elle se rend : ce que le général Junot sera chargé de confier au prince de la Paix seul; que les expéditions contre l’Angleterre vont prendre une telle activité, qu’elle n’osera pas éloigner un seul de ses hommes pour une autre partie du monde; qu’il doit être facile à l’Espagne d’approvisionner les escadres qui lui sont demandées de vin, de viande et d’un ou deux mois de biscuit; qu’on considérera, dans les opérations, la pénurie de l’Espagne en blé, et qu’on tâchera que les vaisseaux français puissent, le plus possible, leur en procurer;

Que, quant au Portugal, il faut absolument et entièrement exiger qu’il se déclare avec l’Espagne et la France;

Que l’Empereur a vu que des plaintes avaient été portées contre des relations existant entre l’ex-général Moreau et le capitaine général Solano; qu’elles sont inconvenantes; qu’il faut insinuer à ce général de se rendre en Amérique, sa destination ;

Qu’il faut que l’Espagne mette de l’énergie à se procurer de l’argent, seul moyen d’avoir des matelots et de mettre en état ses escadres; que cela ne va pas aussi vite que cela pourrait aller; que, comme l’Empereur compte sur la stricte exécution de la convention passée avec l’amiral Gravina, il espère aussi beaucoup pour l’exécution des projets militaires; que le moyen d’acquérir sa confiance et son estime est que cela ait lieu ; car, s’il n’y a point d’escadre à Cadix, ni au Ferrol, il n’aura point pour le prince l’estime qu’il est porté à lui accorder;

Enfin que l’Empereur a lieu d’espérer beaucoup de son zèle, et que, dans deux ou trois mois, lui, prince de la Paix, peut acquérir la protection, l’appui et l’estime de l’Empereur, ou se perdre entièrement dans son esprit; qu’il faut qu’il ait des matelots, et qu’ils soient soldés; et que le prince aura, dans tous les temps, appui contre ses ennemis intérieurs et extérieurs.

 

Paris, 30 janvier 1805

Au vice-amiral Decrès

Faites partir de Cherbourg sur la CanonnièreM. Tascher, adjoint du Palais, pour être chargé de dépêches. Il pourra donner de vive voix les renseignements qui pourront être utiles à ses compatriotes. Vous lui ordonnerez de revenir sur la même frégate ou sur l’escadre. Il ne faut pas cependant qu’il le sache. Vous lui remettrez cet ordre dans une lettre qu’il ouvrira à la Martinique.

 

Paris, 31 janvier 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, vous donnerez l’ordre au général Oudinot de se rendre à Arras pour y prendre le commandement de la réserve des grenadiers, en remplacement du général Junot.

Donnez ordre aux maréchaux Soult, Davout, Jourdan, Bernadotte, Augereau, et au général Marmont, de rejoindre leur armée avant le Ier ventôse.

Donnez le même ordre aux généraux, colonels, etc., qui n’auraient point obtenu une permission spéciale de vous.

 

Paris, 31 janvier 1805

Au vice-amiral Decrès

Comme il serait possible que, sur la fin de ventôse, j’allasse à Gênes, écrivez à Saliceti pour savoir s’il ne serait pas possible de faire lancer le vaisseau.

Donnez ordre que tous les généraux et officiers appartenant à la flottille et à l’armée de Brest rejoignent leur poste.