Correspondance de Joseph Napoléon – Mars 1814

Mars 1814

 

Paris, 1er mars 1814, 11 heures du matin.

À Napoléon.

Sire, le général Expert, mon aide de camp, que j’avais envoyé auprès des maréchaux hier, est de retour, après leur avoir donné toutes les indications que vous m’avez adressées sur votre marche. Le duc de Raguse l’a assuré que tout était disposé pour rétablir les ponts de Meaux dès que cela deviendrait utile. Voici le rapport de l’aide de camp sur ce qui s’est passé hier en avant de Meaux, sur l’Ourcq.

 

Paris, 1er mars 1814

À Élisa

Ma chère sœur, j’ai reçu ta lettre : j’ai été peiné de ta position. J’écris au roi de Naples : je désire réussir à rétablir la bonne harmonie, si néces­saire dans ces circonstances critiques. M. Faypoult entrera dans tous les développements de notre position : si M. Fouché peut lui être utile pour l’accomplissement de sa mission, je m’en rapporte à ce que tu feras dans ce but. J’écris aussi à Caro­line.

 

Paris , 2 mars 1814, 8 heures du marin.

À Napoléon

Sire, j’ai l’honneur d’adresser à Votre copie de la lettre que je reçois du duc de Raguse. Je dirige ce courrier par Lagny, où j’ai fait réparer le pont de bateaux qui était établi à Port-à-l’Anglais.

 

Paris, 2 mars 1814, 5 heures du soir

Sire, je reçois votre lettre de Jouarre du 1er mars à huit heures du soir. Les 600 Polonais qui devaient partir aujourd’hui sont partis; ils arrivent aujourd’hui à Meaux. J’ai écrit au général Préval (six lignes indéchiffrables, où il est question de la position de Blücher).

On dit aujourd’hui que la commission pour l’ar­mistice était dissoute. Il y a eu conseil de minis­tres; il paraît qu’on est partout à bout de toutes les ressources. J’avais fait envoyer 700 hommes à La­gny; ce sont de vieux soldats ramassés dans les hôpitaux, à la suite de la marche de la division Leval : ces soldats doivent rejoindre leurs corps. 600 hommes de la jeune garde avaient été en­voyés aux ponts de Saint-Maur et de Charenton : ils ont dû être relevés ce matin par 600 hommes de la ligne et rejoindre leurs corps, dirigés sur le duc de Trévise.

Paris, 3 mars 1814, 4 heures du matin.

À Napoléon.

Sire, je reçois votre lettre du 2, par laquelle vous ordonnez la réunion des grands dignitaires et ministres pour la lecture des pièces de la négociation. Ces pièces n’étant point jointes à la lettre, je n’ai pas pu remplir vos intentions. Un billet contenu dans l’enveloppe de la lettre porte que les copies de ces pièces seront faites dans la journée, et partiront par l’un des premiers courriers : je les at­tends.

 

Paris 3 mars 1814, 6 heures du matin.

À Napoléon.

Sire, je reçois votre lettre de la Ferté-sous-Jouarre du 2 mars au soir. Je recommande à M. de La Valette d’envoyer ses estafettes par la route la plus directe. J’écris au ministre de rappeler au prince Borghèse d’envoyer les troupes sur Chambéry. Il m’a dit que l’exécution de cet ordre est rempli et quant aux moyens de laisser à Alexandrie une garnison convenable, l’ordre est parti depuis longtemps. J’en­voie pour m’assurer si l’équipage est parti. J’igno­rais jusqu’ici qu’on dût en expédier un. Il me pa­raît difficile, si le mouvement de Schwarzenberg est vrai, que Votre Majesté puisse s’éloigner des environs de Paris. Le général Hullin n’a point d’hom­mes qui puissent sortir de Paris, à moins de com­prendre dans ce nombre les vétérans. J’ai déjà écrit à Votre Majesté que, pour former aujourd’hui la 4e division provisoire de la garde, on manque de contenu, d’armes et d’argent. On la formera à me­sure que les hommes et les armes arriveront, si Votre Majesté ordonne la répartition du dix-sep­tième million. Pour monter 2 mille hommes, il fau­drait mettre en répartition un dix-huitième million. Quant à la 4e division de ligne les obstacles sont les mêmes: on les lèvera au fur et à mesure qu’on pourra. Tant que la garde ne sera pas formée, celle de la ligne ne pourra pas l’être, puisque la garde, pour remplir promptement ses cadres, envoie peu d’hommes à la ligne. Je n’ai pas encore reçu les pièces de la négociation dont Votre Majesté a or­donné la lecture.

 

Paris, 3 mars 1814, 1 heure après midi

À Napoléon

Sire, la pièce ci-jointe me paraît assez importante pour l’adresser sur-le-champ à Votre Majesté, quoiqu’il soit présumable qu’elle l’ait déjà reçue en original (C’était une lettre de renseignements envoyée par le préfet de Melun.). Je n’ai pas encore reçu les pièces de la négociation dont je dois faire donner lecture.

 

Paris, 3 mars 1814, 10 heures du soir.

À Napoléon.

Sire, je reçois votre lettre de la Ferté du 3 mars. J’ai envoyée Troyes. Je rendrai compte à Votre Majesté de ce qui s’y sera passé. Je lui ai envoyé ce matin le double d’une lettre du préfet de Seine-et-Marne. Voici les pièces trouvées sur un hussard ennemi, qui prouvent l’intention d’attaquer Soissons. Je reçois les pièces de la négociation. Demain, je communiquerai vos intentions à l’Impératrice.

 

Paris, 4 mars 1814

À Napoléon

Sire, je vous envoie en original la lettre que je viens de recevoir du général Sébastiani, à qui j’écris, en lui faisant connaitre les mouvements Votre Majesté et sa position actuelle.

 

Paris, … mars 1914.

À Napoléon.

Sire… (deux lignes indéchiffrables) qui l’accompagnent … qu’il est… Du reste, cela se réduit  à 4 personnes. Il tiendrait beaucoup aussi à ne recevoir, dans son commandement, d’ordres que de Votre Majesté. Il a déjà congédié beaucoup de ses Westphaliens, et j’ai dit au ministre de la guerre, conformément aux ordres de Votre Majesté, qu’il pouvait leur donner des passeports pour retourner chez eux. Une partie des pages s’en va aussi.

(Cette lettre, dont le commencement manque, est relative au
roi Jérôme, qui, ayant sollicité un commandement, se disposait à
partir pour Lyon, mais qui désirait correspondre directement avec l’Empereur. Les événements se pressèrent de telle sorte, et le duc de Castiglione effectua sa retraite sur Limonest et sur Grenoble si rapidement, que le projet de l’Empereur à l’égard du dernier de ses frères ne fut plus réalisable. Ce fut un malheur, car le prince était jeune, avait le feu sacré qui manquait si complètement alors au maréchal Augereau; il eût pu opérer une utile diversion dans le midi, en tenant quelques jours à Lyon).

 

Paris, 4 mars 1814, 6 heures du soir.

À Napoléon.

Sire, je n’ai pas de vos lettres depuis celle d’hier de la Ferté-sous-Jouarre. Aujourd’hui, l’Impératrice a tenu le conseil extraordinaire ordonné par Votre Majesté. J’ai fait donner lecture des pièces qui m’avaient été adressées. Tous les membres de ce conseil ont paru mus par les mêmes sentiments : on a trouvé les propositions de l’ennemi fort injustes, et on a montré une absolue confiance dans ce que Votre Majesté ordonnerait à son  plénipotentiaire pour que la France pût jouir sur-le-champ du prix des sacrifices immenses que l’on exige d’elle, et que l’on sait bien que Votre Majesté ne fera qu’à la dernière extrémité; et pour cela, elle est meilleur juge que personne autre. Mais l’on s’est assez généralement réuni à penser que la né­cessité de voir la France réduite au territoire qu’elle avait en 1792 devait être acceptée, plutôt que d’ex­poser la capitale. On regarde l’occupation de, la capitale connue la fin de l’ordre actuel, et le commencement de grands malheurs. L’Europe coalisée tout entière veut réduire la France à ce qu’elle était en 1792; que ce soit le fond d’un traité or­donné par les circonstances, à la bonne heure; mais que le territoire soit évacué sur-le-champ. En ré­sumé, la paix prochaine, quelle qu’elle soit, est indispensable. Ce sera une trêve de deux ou trois ans ; mais, bonne ou mauvaise, il faut la paix. L’Em­pereur la fera la moins mauvaise possible. Dans l’état actuel, ce sera toujours un bienfait, puis­qu’elle permet à l’Empereur de s’occuper exclusive­ment de l’intérieur, et que, par une bonne admi­nistration, il est en état de reprendre ce qui lui aura été injustement demandé et sagement accordé. Les limites naturelles seraient un bien réel pour la France et pour l’Europe : elles laisseraient l’espoir d’une longue paix ; mais à l’impossible nul n’est tenu. La paix est indispensable aujourd’hui; elle-pourra cesser le jour où la France sera en état de revendiquer ses droits. Faites donc une trêve in petto, puisque l’injustice de l’ennemi ne vous permet pas une paix juste, et que la situation des esprits et des choses ne vous permet pas d’espérer de la France des efforts proportionnés au but qu’il faudrait atteindre. On a trouvé votre lettre à l’em­pereur d’Autriche pleine de noblesse et de rai­son. Vous resterez à la France; elle vous restera la même que quand elle a étonné l’Europe; et vous, qui l’avez sauvée une fois, vous la sauverez une seconde en signant !a paix aujourd’hui, et en vous sauvant avec elle. Soyez reconnu par l’An­gleterre, délivrez la France des Cosaques et des Prussiens, et la France vous rendra un jour en bé­nédictions ce que des gens superficiels croiront que vous aurez perdu en gloire. Mais je m’aperçois que je suis beaucoup trop diffus. Que Votre Majesté ait remporté aujourd’hui une victoire ou non, il faut également qu’elle pense à la paix. Voici le ré­sultat de ce que tout le monde pense et dit ici.

 

Paris, 4 mars 1814, 9 heures du soir.

À Napoléon.

Sire, j’ai l’honneur d’adresser à Votre Majesté une lettre du général Sébastiani, qui m’informe des mouvements de l’armée ennemie et de la marche rétrograde de nos troupes. Le ministre de la guerre me fait part de la capitulation de Soissons, qui s’est rendu aux ennemis. Le ministre envoie à Votre Majesté l’original de cette capitulation. La garnison rentre avec 6 pièces de canon, sans être prisonnière de guerre.

 

Paris, 4 mars 1814, 9 heures du soir.

À Napoléon.

Sire, le général Sébastiani mande de Troyes le 3, à 5 heures du soir, que le général Milhaud dire que l’ennemi fait un mouvement sérieux avec des forces considérables.

 

Paris, 4 mars 1814.

À Napoléon.

Sire, je verrai demain le général Hullin rela­tivement aux hommes à encadrer dans les bataillons pour former la deuxième division. J’écris au mi­nistre de la marine pour la défense du fort Lasalle. 620 chevaux du 2e régiment de marche sont partis aujourd’hui de Versailles pour Meaux, sous les or­dres de M. Planzeau, colonel du 8e régiment de chasseurs à cheval.

 

Paris, 5 mars 1814.

À Napoléon.

Sire, j’adresse à Votre Majesté le procès-verbal du conseil, que le duc de Cadore vient de me remettre. Je n’ai point de nouvelles du général Sébastiani. Je lui ai envoyé un officier ce matin. La défaite du duc de Dalmatie, la reddition de Soissons, la marche des Autrichiens sur la Seine, ont beaucoup détérioré l’opinion aujourd’hui.

 

Paris, 5 mars 1814.

À Napoléon.

Sire, je n’ai pas de lettres de Votre Majesté dépuis celle d’hier de Bezu-Saint-Germain. Le prince de Neufchâtel m’a écrit de Fère en Tardenois. Voici la seule lettre que j’ai sur les événements qui se pas­sent sur la Seine vis-à-vis les Autrichiens. 545 hom­mes montés de divers régiments partent demain.

 

Paris, 5 mars 1814.

À Napoléon.

Sire, vous trouverez ci-joint une lettre du gé­néral Sébastiani, de Nogent. Je viens d’en donner lecture au ministre, afin qu’il puisse écrire au …Je n’ai point de nouvelles de Votre Majesté depuis la lettre du prince de Neufchâtel de Fère en Tarde­nois, du 4 mars, à une heure après midi.

 

Paris, 5 mars 1814.

À Berthier.

Je reçois la lettre de Votre Altesse d’hier après midi; j’en attends une autre ce soir. Vos nouvelles sont toujours bonnes; mais voyez combien il faut qu’elles le soient pour contrebalancer le mauvais effet produit par la retraite du duc de Dalmatie, la chute de Soissons, et la retraite du duc de Reggio ! J’écris à L’Empereur.

 

Paris, 6 mars 1814, 2 heures après midi.

À Napoléon.

Sire, j’ai reçu vos lettres de Fismes du 4 et du 5, en même temps que celle du duc de Tarente, qui est annexée à la présente. Dans l’état actuel choses, je présume que Votre Majesté renoncera au mouvement par Vitry et Joinville pour se rappro­cher de la Seine. J’écris au duc de Tarente, en lui annonçant les 4 mille hommes prisonniers et l’en­trée des troupes de Votre Majesté à Reims, et le préviens que je vous adresse sa lettre. J’écris au ministre de la guerre, afin de faire diriger sur Moret deux bataillons et un bon général, avec de l’artillerie. J’avais précédemment écrit au ministre de la guerre et au comte Dejean de faire établir des tê­tes de ponts sur la Seine et sur la Marne.

 

Paris, 6 mars 1814, 4 heures du soir.

À Napoléon.

Sire, j’avais écrit au ministre de la guerre pour presser la formation de la 2e division de réserve. D’après l’avis que je viens de recevoir du général Fririon, il existe en ce moment six cadres qui peu­vent former la première brigade de cette division, et dont la force est de… Ces troupes seront en état de marcher demain. J’écris au ministre de la guerre de les faire porter immédiatement sur Moret., sous les ordres d’un bon général, avec de l’artillerie et un escadron de cavalerie.

 

Paris, 7 mars 1814, 1 heure après midi.

Sire, voici le rapport d’un de mes officiers qui arrive de Nogent. J’ai fait partir ce matin 2 mille hommes pour Moret. Je reçois votre lettre du 6 à midi. Je vais voir le ministre de la guerre pour le commandement du duc de Reggio et du général Sébastiani. Hier, la garde n’a reçu que quatorze cons­crits; il n’en arrive plus. L’approche de l’ennemi, et la dissolution de la commission chargée de négo­cier une suspension d’armes, ont de nouveau répandu l’alarme dans Paris.

 

Paris, 7 mars 1814.

À Napoléon.

Sire, je vous adresse le duplicata d’une lettre que le duc de Tarente a écrite au prince major général, par précaution; j’espère que l’original sera parvenu deux heures avant la présente, et je ne doute pas que l’armée ne soit en mouvement pour secourir Paris. Le ministre de la guerre a reçu l’avis que le duc de Tarente est très-bien portant, et qu’il peut continuer à commander   (Quatre lignes indé­chiffrables.) De la Bouillerie, jusqu’ici présent…. Une gomme de 200 mille francs pour les besoins de la garde a été couverte par les fonds mis à la disposition les généraux par des ordres subséquents de Votre Majesté. M. de la Bouillerie me prévient aujourd’hui de ne plus compter sur cette ressource, à moins que Votre Majesté ne lui donne des ordres pour la garde. Le maréchal duc de Conegliano m’ayant prévenu que la garde nationale n’a pu ob­tenir du ministère de la guerre les piques qu’il avait demandées, je l’ai autorisé à en faire faire. Il espère trouver à acheter dans Paris 3 mille fusils; je l’y ai autorisé (1). La commune de Paris fournira à cette dépense, qui pourra s’élever de 2 à 300 mille francs. Pour ne pas perdre plus de temps, je lui ai promis 50 mille francs, que je lui ferai comp­ter demain par forme d’avance, qui sera rem­boursée par la contribution de la commune de Pa­ris. Je compte cependant sur la condescendance de M. de la Bouillerie pour cet objet. Rien ne peut plus se faire ici par le crédit.

 

Paris, 8 mars, à midi.

À Napoléon.

Sire, les nouvelles de Mont-de-Marsan annoncent rentrée de l’ennemi dans cette ville, et nous font craindre la prochaine occupation de Bordeaux, qui se trouve à découvert par le mouvement du duc de Dalmatie        {Deux lignes indéchiffrables.)

D’un autre côté, les murs de Paris ont besoin d’être garantis par une levée de terre; et on remplirait ce double but, si on avait 4 à 500 mille francs à employer à ces travaux. Je propose à Votre Majesté, 1° d’ordonner la répartition d’une contribution do 500 mille francs sur les habitants de Paris pour ces deux objets ; 2° pour ne pas perdre un moment, d’au­toriser M. de la Bouillerie à en faire l’avance. J’ai ordonné la clôture de Saint-Denis et de quelques autres communes qui environnent Paris, et la for­mation de la garde nationale de ces communes.

 

Paris, 8 mars 1814.

À Napoléon.

Sire, je n’ai pas de vos lettres depuis celles du 6 à midi. Je vous ai écrit ce matin. Les nouvelles de l’armée du duc de Dalmatie répandent de plus en plus l’alarme. On voit déjà les Anglais à Bordeaux, et l’on ne voit pas ce qui pourra arrêter leur mar­che, si le duc de Dalmatie néglige de s’opposer leurs progrès dans le cœur de la France. La grande armée autrichienne est sur la Seine, et l’on voit avec inquiétude que Votre Majesté est bien éloignée. Les maréchaux duc de Tarente et de Reggio ne s’entendent pas; il est impossible de rien espérer de ces deux maréchaux servant ensemble.

Il est bien important que Votre Majesté puisse se trouver incessamment sur la Seine et aux environs de sa capitale : avec ce qui se passe sur la Garonne, il est à craindre pour l’issue qu’aurait l’occupation de Paris ; et si (Quelques lignes indéchiffrables)… et nos espérances en conséquence… répéter les mêmes choses.

 

Paris, 9 mars 1814, 11 heures du matin.

À Napoléon.

Sire, je reçois votre lettre de l’Ange-Gardien le 8, à onze heures du matin. Je n’en avais point eu depuis celle du 6, à midi. J’ai donné les nouvelles de la victoire de Craonne au duc de Tarente. Je présume quo Soissons est en notre pouvoir, et que vous vous rapprochez de Paris par cette direction. Cela est in­dispensable. L’armée du duc de Tarente paraît avoir été débordée par sa gauche, des partis ennemis étant entrés à Sézanne et s’étant même avancés jusqu’à Coulommiers. Hier, les effets sont tombés à 51 fr. Les mouvements du duc de Dalmatie me donnent les plus vives inquiétudes pour Bordeaux, qui devien­drait facilement un foyer de guerre civile. Après la nouvelle victoire que vous venez de remporter, vous pouvez signer glorieusement la paix avec les an­ciennes limites. Cette paix rendra la France à elle-même après la longue lutte commencée depuis 1792, et n’aura rien de déshonorant pour elle, puisqu’elle n’aura rien perdu de son territoire, et qu’elle aura opéré dans son intérieur les changements qu’elle aura voulus.

Quant à vous, Sire, victorieux tant de fois, je suis convaincu que vous avez dans vous tout ce qu’il faut pour faire oublier aux Français, ou plutôt pour leur rappeler ce que Louis XII, Henri IV et Louis XIV ont eu de mieux dans leur manière de gouverner, si vous faites une paix solide avec l’Europe, et si, trouvant dans votre caractère les traces primitives de sa bonté naturelle, vous vous y laissez aller, et, renonçant à un caractère factice et à de grands efforts journaliers, vous consentez enfin à faire succéder le grand roi à l’homme extraordinaire.

Après avoir sauvé la France de l’anarchie et de l’Europe coalisée, vous deviendrez le père du peu­ple, et serez aussi adoré que Louis XII, après avoir été plus admiré que Henri IV et Louis XIV; et, pour accumuler tant de genres de gloire, il ne faut que vouloir votre bonheur et celui de la France.

 

Paris, 9 mars 1814, minuit.

À Napoléon.

Sire, j’ai l’honneur d’envoyer à Votre Majesté, 1° un rapport du général  Préval, qui demande 2.200.000 fr. pour mettre à cheval 6 mille hommes dans le courant de mars ; 2° un résumé de l’état de situation des troupes de la 1e division militaire au 8 de ce mois. Votre Majesté verra que, dans l’étendue de son territoire, il n’y a de disponibles que 7.575 hommes. A Paris il ne reste plus personne, tout ce qu’il y avait ayant été successivement dirigé sur Meaux, et depuis sur Moret.

 

Paris, 10 mars 1814.

À Napoléon

Sire , les ministres écrivant à Votre Majesté, il est superflu que je répète combien les prisonniers de toutes les nations, épars dans le Midi, les inquiè­tent dans le moment actuel. Quelques chefs des plus dangereux se sont évadés parmi les Espagnols. Je prie Votre Majesté de permettre qu’un officier supé­rieur espagnol soit renvoyé en Espagne. Ce n’est qu’à cette condition que madame O’ffarill, femme du ministre, obtiendra la permission de rentrer en France. Un officier espagnol rentrant en plus n’est pas un grand gain pour l’Espagne, et cela procu­rerait la tranquillité à une famille à laquelle je prends le plus vif intérêt, et dont je ne puis autrement reconnaître le dévouement.

 

Paris, 11 mars 1914, 10 heures du soir.

À Napoléon.

Sire, j’ai reçu votre lettre de Chavignon. J’ai réuni les ministres : ceux de l’intérieur et de la police ont jugé qu’il était de toute impossibilité de trouver mille hommes qui voulussent sortir de Paris pour rejoindre l’armée; celui de la guerre m’a remis l’état des armes, dont Votre Majesté trouvera ci-joint copie. Il résulte que, loin d’avoir 30 mille fusils, il n’y en a pas 6 mille en état de servir, et que ces 6 mille servent à l’armement journalier des bataillons de la ligne et de la garde impériale. Ainsi, pour (deux lignes indéchiffrables). Il résulte de tout ce qui m’a été dit par les ministres, par les chefs de la garde nationale, par tout ce que je connais de personnes attachées à l’ordre actuel, que la paix est forcée par la nature des choses. Il n’est point d’individu dans Paris qui n’en fît hautement la demande, si on ne craignait de vous déplaire; et, dans le fait, il ne saurait y avoir que vos ennemis qui puissent vous engager à refuser la paix avec les anciennes limites. L’armée aux ordres du duc de Tarente est mal disposée. La lettre ci-jointe vous fera connaître la position de l’armée du duc de Dalmatie et des départements au-delà de la Garonne. Des bruits fâcheux commen­cent à se répandre dans la capitale; ils tendons à dépopulariser Votre Majesté. Par exemple, on parle du rappel du duc de Conegliano, qui est aimé ; de son remplacement par le générai Sébastiani, qui est ici depuis cinq jours ; de l’arrivée du duc de Padoue, qui va être aussi employé à Paris, que l’on voudrait défendre. Le mois de mars s’écoule, et les terres ne s’ensemencent point.  Mais il est inutile d’entrer dans plus de détails. Votre Majesté doit sentir qu’il n’y a plus d’autre remède que la paix, et la paix la plus prochaine. Chaque jour de perdu nous fait per­sonnellement un tort considérable; la misère parti­culière est à son comble, et le jour où l’on serait convaincu que Votre Majesté aurait préféré la pro­longation de la guerre à une paix même désavantageuse, il n’est pas douteux que la lassitude tournera les esprits d’un autre côté. Si Toulouse ou Bordeaux protègent un Bourbon, vous aurez la guerre civile, et l’immense population de Paris sera pour celui qui laissera entrevoir une plus prochaine

Telle est la disposition des esprits : il n’est donné à personne de les changer. Dans une telle disposition, il n’y a d’autre parti à prendre que celui de s’arranger. Si la paix est mauvaise, ce ne sera pas de votre faute, puisqu’elle sera dictée par la volonté de toutes les classes de la société. Je ne peux pas me tromper, parce que ma manière de voir est conforme à celle de tous : nous sommes à la veille d’une dissolution totale; il n’y a d’autre salut que dans la paix. Je me trouvais chez l’Impératrice lorsqu’elle reçut une lettre de son père. D’après ce qu’elle m’en a dit, il paraîtrait qu’il est dans de très-bons sentiments. Il paraît avoir répondu à votre lettre. Je désire bien vivement que la réplique soit pour terminer sur-le-champ.

1060 hommes montés au dépôt de Versailles couchent ce soir à Paris, et partent demain matin pour Soissons. Je reçois à l’instant le procès-verbal de la réunion d’aujourd’hui, ci-joint sous le n° 3.

 

Paris, 12 mars 1814.

À Napoléon.

Sire, j’ai fait écrire au général Préval de redoubler encore d’activité, s’il est possible, pour les remontes, et qu’il pouvait compter sur les 2 mil­lions. Votre Majesté ordonne des travaux de dé­fense, qui serviraient en même temps d’ateliers de charité, sur les hauteurs de Paris, et nommément de Montmartre. Le comité de défense a fait son projet; l’exécution n’en est arrêtée que par le manque de fonds. Lorsque, par ma lettre du 5, j’ai proposé à Votre Majesté d’autoriser une contribution de 4 à 500 mille francs sur la ville de Paris, je lui ai proposé en même temps de faire donner l’ordre à M. de la Bouillerie de faire l’avance de ces fonds, parce que je prévoyais les retards que doit nécessairement entraîner une contribution qui, avant d’être imposée, doit être délibérée au conseil de la commune, au conseil d’État, etc. Votre Majesté me donne l’ordre, par sa lettre d’hier, de faire exécuter ces travaux. J’écris à M. de la Bouillerie pour savoir s’il est autorisé à en faire les avances. Si Votre Majesté ne lui avait pas encore fait donner d’ordres à cet égard, il est indispensable qu’elle lui fasse écrire, si elle veut que les travaux aient lieu sans perdre de temps.

 

Paris, 13 mars 1814

11 heures du soir.

À Napoléon.

Sire, la personne que j’avais envoyée au prince de Suède est de retour depuis aujourd’hui (M. de Franzemberg); elle a laissé le prince à Liège le 10 du courant. Si Votre Majesté veut l’interroger, elle n’aura qu’à lui donner ses ordres chez le prince de Neufchâtel, pour lequel je lui remettrai une lettre. Cette personne est un Fran­çais, ancien médecin de Bernadotte, et secrétaire de sa femme depuis huit ans : il est un peu lourd, mais fort sensé. Si Votre Majesté ne veut pas le voir, il pourra donner des détails militaires assez impor­tants sur le pays qu’il a parcouru. Je ne tarde pas à annoncer à Votre Majesté la nouvelle d’une sortie faite par le général Carnot ; il a poussé l’ennemi jusqu’à Malines, et est rentré dans Anvers avec des vivres et 600 prisonniers. Le prince de Suède parle ouvertement et fréquemment des Bourbons; il temporise pour vous donner le temps, à ce qu’il dit, de faire la paix; il la désire pour s’en retourner chez lui. (Plusieurs lignes indéchiffrables.)

 

Paris, 13 mars 1814

À Napoléon.

Sire, je reçois votre lettre d’aujourd’hui. Demain, j’espère pouvoir adresser à Votre Majesté le plan des fortifications projetées pour Paris. Le comte Dejean me l’a fait espérer. On s’occupe de l’organi­sation des gardes nationales des communes les plus rapprochées de Paris, qui seraient comprises dans le plan de défense générale.

 

Paris, 15 mars 1814, 9 heures du matin.

Sire, vous aurez sans doute connaissance des nouvelles contenues dans les deux pièces ci-jointes ; toutefois je les adresse à Votre Majesté. On annonce aujourd’hui l’entrée des Anglais à Bordeaux. Le général l’Huilier se retire sur la droite de la Dordogne. Je ne prévois pas ce qui pourra arrêter l’ennemi, si le duc de Dalmatie continue à se retirer sur Toulouse. Mon opinion sur ce maréchal est faite depuis longtemps. Pourquoi n’a-t-il pas disputé le passage de la Garonne ? Pourquoi attend-il à aujourd’hui à demander des pouvoirs proconsulaires ? Si on ne les lui accorde pas, il dira qu’on lui a refusé les moyens de sauver le Midi ; si on les lui accorde, il aura obtenu de nouveaux moyens d’assouvir ses passions, et de se rendre important n’importe pour qui, dans les déchirements dont l’avenir menace la France.

 

Paris, 15 mars 1814, 10 heures du matin.

À Napoléon.

Sire, le porteur de la présente est M. de Franzemberg, qui vient de Liège, que j’ai annoncé hier Votre Majesté. Je l’adresse au prince de Neuchâtel. Il  pourra donner tous les détails que le prince pour­rait désirer sur les forces ennemies et sur la situa­tion des choses dans ces départements. Il sera aux ordres de Votre Majesté. Il a des enfants au service de Votre Majesté. C’est un bon Français, et il a du bon sens, quoiqu’il ne s’exprime pas avec beaucoup de facilité. Il a passé sept jours auprès de Bernadotte.

 

 

Paris, 15 mars 1814.

À Napoléon.

(Deux lignes indéchiffrables, dans lesquelles on voit seulement qu’il est question des ouvrages de défense de Paris et des ateliers de charité)

Sire, le conseil d’État discute aujourd’hui un projet de contribution de la ville de Paris pour pour­voir à ces dépenses. Cependant, pour que ces travaux puissent se commencer sur-le-champ, 1° il faut que le plan reçoive l’approbation de Votre Majesté ; 2° qu’elle veuille bien autoriser une avance de 100 mille francs, remboursables au trésor de la cou­ronne par le produit de lu nouvelle contribution.

 

Paris, 15 mars 1814, 11 heures du soir.

À Napoléon.

Sire, je reçois la lettre par laquelle vous voulez bien me prévenir de la victoire remportée sur le corps du général Saint-Priest : elle a été annoncée dans les journaux et par une salve d’artillerie.

 

Paris, 16 mars 1814, 5 heures du soir.

À Napoléon.

Sire, je vous adresse la lettre que je reçois de M. Faypoult, qui est la personne que j’ai choisie pour porter au roi de Naples la lettre que Votre Majesté m’a mandé de lui écrire. Les événements de Bordeaux   m’engagent à vous adresser aussi, Sire, la lettre ci-jointe du sénateur Lemercier. Le général Ornano vient de m’apprendre que la garde impériale est partie ce matin, par suite des ordres qu’il a reçus de Votre Majesté. L’armement de la garde nationale en fusils de munition, de chasse et lances, est aujourd’hui pour douze mille hommes.

 

Paris, 17 mars

À Napoléon.

Sire, le général Préval me fait prévenir qu’il en faut beaucoup que M. de la Bouillerie lui connaître… (trois lignes indéchiffrables.)… partir sans un ordre de Votre Majesté. Comme ces deux services importants sont ralentis par ces contrariétés de formes et qu’ils sont au moment de s’arrêter, je crois devoir mettre cette observation sous les yeux de Votre Majesté. Je sais que les ministres de l’inté­rieur et de la police générale envoient à Votre Majesté les rapports des événements du Midi. J’ap­prends dans ce moment qu’un parti ennemi s’est présenté à Bergerac, sur la droite de la Dordogne.

 

Paris, 18 mars 1814, minuit.

À Napoléon.

Sire, j’ai reçu vos lettres des 10 et 17 mars. J’ai prévenu l’Impératrice des intentions de Majesté; je les ai communiquées à l’archichancelier, au ministre de la guerre et au ministre de la marine (i). Le ministre de la guerre va prendre les mesures nécessaires pour leur exécution; il écrit directement à Votre Majesté. Je pense que le duc d’Albufera est très-propre à la commission dont il est chargé. Je suis convaincu qu’il saura concilier ce qu’il doit aux habitants du Midi avec ce qu’il doit à son armée, et que, par esprit de conciliation et d’ordre, il réunira beaucoup de gardes natio­nales aux troupes de ligne que Votre Majesté met sous ses ordres. Le ministre de la marine va pren­dre des dispositions pour la rentrée de l’escadre. Il se concerte avec le ministre de la guerre pour mettre à la disposition de l’armée de terre tout le person­nel et le matériel de la marine de Rochefort

 

Paris, 18 mars 1814.

À Clarke.

Monsieur le duc, l’Empereur m’écrit sur les événements qui se passent sur la Garonne. Il serait bon que je vous visse dans la matinée au pavillon de Flore, où je vous attendrai à midi. Je désire que vous vous fassiez rendre compte des généraux de division et de brigade que vous jugerez devoir employer dans cette partie. Il est à désirer que ce soient des hommes dont les opinions et le caractère soient prononcés. Pourrez-vous trouver à Tours des moyens pour former deux ou trois batteries. Quelles seront les ressources que vous présenteront les dé­pôts de cavalerie au-delà de la Loire? Où doivent se trouver aujourd’hui les 10 mille hommes envoyés par le duc d’Albufera, et quels sont les généraux qui les commandent ?

 

Paris, 18 mars 1814.

À Clarke.

Monsieur le duc, la lettre de l’Empereur du 17 mars, de Reims, dont je vous ai entretenu ce matin, porte en substance que 6 mille hommes, à prendre sur les 10 mille détachés en dernier lieu de l’armée de Catalogne, doivent être transportés en poste sur la Dordogne; que l’on y réunira tout ce que l’on pourra tirer de Rochefort et des dépôts de cavalerie de la Loire, de sorte que, le duc de Dalmatie venant à reprendre l’offensive, nos troupes puissent rentrer à Bordeaux. L’Empereur pense que le duc d’Albufera serait très-propre à commander cette armée; il faut donc lui donner Tordre d’y ve­nir. Il me paraîtrait que le ministre de l’intérieur pourrait ordonner un travail préparatoire pour les levées en masse de ces départements, qui se réuni­raient aux troupes de ligne, et finiraient par former au duc d’Albufera une armée capable de remplir le but auquel elle est destinée.

L’Empereur désire que vous employiez à cette armée, qui portera le nom d’armée de la Garonne, deux généraux de division et quatre généraux de brigade parfaitement sûrs. L’Empereur pense qu’il y a à Tours de quoi organiser quatre à cinq batteries. Le commandement des Pyrénées-Orientales doit être donné au général Decaen.

 

Paris, 19 mars 1814.

À Napoléon.

Sire, je reçois votre lettre du 18. J’ai envoyé des officiers à Soissons, Épernay, Compiègne et Reims. J’ai fait prévenir les ministres de la guerre et de la police des précautions à prendre pour la sûreté de leur correspondance. Le duc de Tarente était le 18, à quatre heures de l’après-midi, à Villaines : il croyait l’ennemi déjà prêt à se retirer; il avait envoyé une reconnaissance de 2 mille che­vaux s’en assurer.

 

Paris, 19 mars 1814, 1 heure après midi.

À Napoléon.

Sire, je reçois votre lettre du 18 à midi. Le général Préval m’écrit de nouveau. Il met beaucoup de zèle à remplir la mission importante dont il est chargé. Les 2 millions qu’il a demandés ne tar­deront pas à être nécessaires, car les sommes qu’il avait par devers lui et les 500 mille francs qu’il avait touchés sont déjà absorbés.

 

Paris, 20 mars 1814

À Napoléon.

Sire, le général Préval continue à se plaindre du manque d’argent. Il me mande, en date d’aujourd’hui, que le défaut de fonds depuis trois jours nuisait à la mise en activité des détachements.

 

Paris, 22 mars 1814.

À Clarke.

Monsieur le duc, je reçois votre lettre de ce jour. Je trouve très-convenable que vous envoyiez à Meaux deux ou trois bataillons de la 2e brigade de la 2e division de réserve. Le pont de Meaux me parait très-important à bien garder.

 

Paris, 22 mars 1814

À Clarke.

Monsieur le duc, l’officier que j’ai envoyé à Compiègne, et qui est arrivé à l’instant, me rend compte que les habitants du département de l’Oise sont animés d’un bon esprit et disposés à se défen­dre, mais qu’ils manquent de poudre. Il serait important d’en envoyer au commandant de Compiègne, et de le charger d’en surveiller la distribution aux habitants armés. Les troupes qui sont à Compiègne réclament les vivres de campagne.

 

Paris, 24 mars 1814

À Clarke.

Monsieur le duc, l’apparition de l’ennemi et sa marche sur l’Oise me paraissent nécessiter mesures promptes, au moyen desquelles on puisse s’opposer à ses progrès. Comme l’esprit des habi­tants de ces contrées parait bon, et qu’il ne s’agit que de le diriger utilement, je pense qu’il est né­cessaire d’envoyer à Senlis, s’il n’y en a déjà, un officier général qui pourra requérir les gardes na­tionales ou la levée en masse, et qui sera chargé : 1° de faire mettre à l’abri d’un coup de main et défendre cette ville, susceptible, au moyen de quel­ques travaux, de faire résistance; 2° de faire occu­per et défendre les ponts de Creil et de Pont-Sainte-Maxence, ainsi que les hauteurs de Verberie. S’il était possible de mettre quelques détachements de troupes de ligne à ces quatre points, pour marcher à la tête des gardes nationales et des habitants ar­més, ce serait fort utile. Il importe aussi d’envoyer à Pontoise, s’il n’y en a point en ce moment, un officier supérieur pour commander dans cette place, requérir les gardes nationales ou la levée en masse, et défendre le pont. Je vous prie de donner les or­dres nécessaires pour l’exécution de ces mesures, qui me paraissent urgentes.

 

Paris, 25 mars 1814.

À Napoléon.

Sire, toutes les nouvelles que l’on reçoit de la Garonne continuent celles qui vous ont été par les ministres de l’intérieur et de la guerre, sur le peu d’appui que les meneurs du parti bourbo­nien ont trouvé dans la masse des habitants. Si vous jugiez devoir employer le maréchal Suchet dans le Lyonnais (1), le maréchal Pérignon ne pourrait-il commander l’armée de la Garonne ? Votre Ma­jesté sait qu’il est avantageusement connu dans ces contrées. Je n’ai pas de lettres de Votre Majesté de­puis celle d’Arcis-sur-Aube. On parle beaucoup du voyage du duc de Vicence. On s’occupe des dispo­sitions de défense extérieure, dont le plan a été en­voyé à Votre Majesté le 15 du courant.

 

Paris, 25 mars 1814

À Clarke.

Monsieur le duc, les rapports de plusieurs commandants de place, et notamment de celui de Meaux, prouvent qu’un grand nombre de soldats sont sans armes. Il me paraît pressant de se faire rendre compte de la cause de cet état de choses, et d’y porter remède sur-le-champ. II est certain que des postes comme Meaux, la Ferté, etc., sont plus mal défendus par 2 mille hommes dont la moitié est armée, que par mille seulement ; et les mille désarmés seraient mieux dans Paris, où ils ne seraient pas exposés à entraîner leurs camarades par leur exemple, puisque l’ennemi n’est pas en présence; ils ne déserteraient pas non plus aussi facilement que lorsqu’ils sont en campagne, de manière à qu’ils sentent leur nullité. Ceci me ramène à l’idée de connaître journellement la quantité d’armes à pouvoir être distribuée à Paris. Il me paraît de toute nécessité : 1° de donner des armes aux troupes qui sont en campagne, et qui en manquent; 2° cette opération faite, s’il reste des armes, il faut exiger que les deux bataillons de gardes natio­nales mobiles auxquels Paris est taxé, soient com­plétés, et successivement proposer des moyens pour que les soldats ne manquent pas d’armes. Je suis disposé à engager la Régente à ne négliger aucune mesure pour atteindre ce but de salut public; mais le point de tout ceci est un double état, 1° des troupes non armées; 2° des armes non distribuées, faute de soldats. J’écris au comte Daru pour les sou­liers dont on manque ici.

 

Paris, 26 mars 1814

À Napoléon.

Sire, le général Préval voit son opération arrêtée, faute de fonds. J’écris au trésorier de la couronne de payer, sur le crédit des 2 millions que je sais que vous voulez ouvrir au général Préval, pour une remonte qui s’élèvera à 11 mille chevaux dans ce mois : que le trésorier accueille ou non mon invitation, il est également urgent que vous lui donniez vos ordres. M. d’Hauterive m’a remis hier la pièce dont Votre Majesté m’avait parlé dans une de ses lettres : je vais essayer de remplir les intentions de Votre Majesté de ce côté. Je n’ai point de lettres depuis celle d’Arcis-sur-Aube, le 21. L’Im­pératrice en a reçu une du 22. Demain, une colonne mobile se portera sur l’Oise, où les habitants sont armés pour repousser les partis ennemis. L’es­prit de la ville est bon. On s’occupe toujours des postes extérieurs.

 

Paris, 26 mars 1814

À Clarke.

Monsieur le duc, je reçois votre lettre d’aujourd’hui, avec la copie de celle du général Compans. Je désire que vous fassiez donner l’ordre aux trois escadrons d’éclaireurs polonais de se mettre sur-le-champ en marche en se dirigeant sur Meaux.

Pour plus de célérité, je fais en même temps donner l’ordre direct au général Hullin.

 

Paris, 27 mars 1814.

À Napoléon.

Sire, le ministre de la guerre m’annonce événements arrivés aux corps des ducs de Raguse et de Trévise. N’ayant point de chiffre, et le ministre
en ayant un … (Deux lignes indéchiffrables)

 

Paris, 27 mars 1814.

À Napoléon.

Sire, j’ai fait envoyer des troupes pour soutenir la garnison de Meaux, qui se retire sur Claye. Les nouvelles de Soissons du 25 sont bonnes. Je n’en ai aucunes de Votre Majesté depuis celles du 21. Nous nous attendions à chaque instant à appren­dre celle de votre approche de la capitale.

 

Paris, 27 mars 1814.

À Clarke.

Monsieur le duc, je reçois votre lettre de ce soir à 9 heures et demie, avec la copie de celles du général Compans et du duc de Trévise. Je donne ordre au général Ornano de faire porter à Claye une brigade d’infanterie, un escadron et une batterie de la garde. D’après les rapports que l’on recevra demain, ces troupes seront à portée de Meaux ou de Lagny. Vous ferez très-bien de faire envoyer aux ducs de Trévise et de Raguse les chevaux haut-le-pied dont vous pourrez disposer. Il sera né­cessaire que le général Compans prenne le comman­dement de toutes les troupes qui se réuniront à Meaux. Puisque vous devez voir M. Lavalette, engagez-le à multiplier les courriers pour porter à l’Empereur des nouvelles de ce qui se passe, par plu­sieurs routes. Comme vous avez un chiffre, je sup­pose que vous vous en servirez pour toutes les choses dont il est bon que l’ennemi n’ait pas con­naissance : n’ayant pas de chiffre, j’écris à l’Empe­reur que je m’en rapporte à ce que vous lui mandez. P. S. Je vous prie de recommander à M. Lavalette le billet ci-inclus.

 

Paris 27 mars 1814

À Clarke.

Monsieur le duc, avant de recevoir votre let­tre d’hier, j’avais chargé le général Hullin de faire partir le 11e régiment de marche de cavalerie, avec la colonne qui se rend sur l’Oise. Il ne restera pour la revue d’aujourd’hui que le 12e régiment de mar­che de cavalerie, qui pourra, après la revue, suivre sa destination, que je présume être pour Meaux, Je vous prie de me la faire connaître (Ainsi, le 28 mars, il ne devait plus rester aucune troupes à Paris; et si les corps des maréchaux Marmont et Trévise n’avaient battu en retraite sur la capitale, les alliés n’auraient eu à combattre que le corps formé des réserves de la garde, aux ordres du général Ornano).

 

Paris, 27 mars 1814

À Clarke.

Monsieur le duc, le 12e régiment de marche de cavalerie doit s’être mis en route après la revue, pour coucher cette nuit à Claye et être rendu de­main à Meaux, d’après les dispositions contenues dans vos lettres d’aujourd’hui, qui doivent déjà être remplies : cependant il sera toujours prudent de s’en assurer.

 

Paris, 28 mars 1814, 9 heures du matin.

À Napoléon.

Sire, je vous ai annoncé l’arrivée des ducs de Trévise et de Raguse à Provins. Des troupes sont parties d’ici pour Claye, afin de soutenir la garnison de Meaux. Soissons tenait le 25. Point de lettres de Votre Majesté depuis celle du 21. Une lettre du 25, de M. Fain à M. La Valette, est la seule parvenue. Nous attendons impatiemment des nou­velles de votre retour près de la capitale.

 

Paris, 29 mars 1814.

À Clarke.

Monsieur le duc, afin qu’il n’y ait aucun mal­entendu pour tout ce dont nous sommes convenus, je crois devoir vous rappeler que vous devez donner des ordres pour que le duc de Trévise se porte cette nuit avec son corps à la Villette, où il réunira sous son commandement les troupes du général Ornano (Le général Ornano avait réuni un corps composé de différentes armes de toutes les réserves de la garde qui lui restaient, et s’était porté avec ces troupes aux avant-postes). Le duc de Raguse devra se réunir aux en­virons de Pantin au corps du général Compans, qui sera sous son commandement. Au moyen de ces dispositions, le duc de Trévise sera chargé de la défense de Paris depuis et compris la Villette jus­qu’à Saint-Denis inclusivement. Le duc de Raguse commandera depuis la Villette jusqu’à Charenton. Je me rendrai demain, dès le point du jour, à Mont­martre, pour être à portée de voir le mouvement de l’ennemi, et de donner des ordres en conséquence (C’est ce que fit Joseph vers 6 heures du matin, accompagné de son frère Jérôme)

 

Paris, 30 mars 1814, 8 heures du matin.

À la reine Julie.

Ma chère amie, on se tiraille depuis deux heures; il n’y a encore rien de sérieux, mais nous sommes au commencement de la journée. Je pense toujours que, si ta santé te le permet, tu dois partir avec les enfants (Joseph voulait obéir en tout aux ordres de son frère, qui lui avait dit de faire partir ses enfants et sa femme. La reine Julie se rendit en effet le jour même à Rambouillet, où le soir toute la fa­mille se trouva réunie), Miot, Presle, et les autres personnes que tu voudrais avoir avec toi. Sinon, il faudrait faire partir nos enfants avec M. Miot et madame Danneri ; tu ferais alors donner de l’argent par Presle à M. Miot. La maison de ta sœur est ton meilleur re­fuge; mais j’espère que tu pourras partir. Renvoie-moi Mailliard sans perdre de temps, avec ta réponse verbale.

Paris, 30 mars 1814

Au Grand-Juge.

Monsieur le comte, je pense que vous devez prévenir les ministres qu’il est convenable qu’ils se retirent, sur les traces de l’Impératrice. Prévenez les   sénateurs, conseillers d’État, etc.

 

Paris, 30 mars 1814

À l’architrésorier.

Monsieur l’architrésorier, je pense qu’il est convenable que les grands dignitaires se retirent de Paris, sur les traces de l’Impératrice, route de Chartres.

Veuillez prévenir les autres grands dignitaires.

 

Chartres, 31 mars 1814

À l’archichancelier.

Monsieur l’archichancelier, j’ai reçu la lettre ci-incluse du prince de Neufchâtel pour Votre Al­tesse Sérénissime. J’ai supposé qu’elle contenait des choses qu’il serait utile que je connaisse, dans l’éloignement de Votre Altesse; j’en ai donc pris con­naissance, et effectivement je suis bien aise de la liberté que j’ai prise, puisqu’il est question d’Or­léans, et, dans le cas où l’Impératrice aurait dépassé Chartres, de Blois, et, dans aucun cas, de Tours. Il me parmi donc, dans le cas actuel, qu’il faut s’arrêter à Blois. J’en ai parlé aux divers ministres qui sont ici, et qui m’ont semblé partager cette opinion.

Je reçois une lettre de l’Empereur du 31, à la poste de la Cour de France, à quatre heures du matin. L’Empereur a rencontré les armées des ducs de Raguse et de Trévise, qui vont être réunies aux autres armées près de Fontainebleau.

Je compte me mettre en marche demain, au point du jour.

 

Chartres, 31 mars 1814.

À Marie-Louise.

Madame ma sœur, voici une lettre de l’Empereur. Il mande sans doute à  votre Majesté de se rendre à Orléans ou à Blois. Je pense que Blois est préférable. L’Empereur préfère l’une et l’autre de ces villes à Tours : ainsi il ne faut plus penser à Tours.

L’officier porteur de la lettre de l’Empereur m’a dit qu’il a vu le prince de Neufchâtel et le duc de Vicence monter en voiture pour se rendre à . . .

 

Chartres, 31 mars 1814, 5 heures du soir.

À Napoléon.

Sire, je vous ai écrit ce matin un billet par un courrier déguisé. Je reçois ce soir la lettre de Majesté de ce matin Nous n’avons pas cette lettre). J’envoie à l’Impératrice celle qui lui est destinée. Je partirai cette nuit pour suivre l’Impératrice. Elle avait dû d’abord se ren­dre à Tours.  D’après ce que Votre Majesté me mande, elle se rendra , avec tout ce qui compose le gouvernement, à Blois. C’est aussi l’opinion des ministres qui sont ici, et qui partent ce soir. L’Im­pératrice et le roi de Rome sont bien portants, je lés ai vus ce matin; ce soir, ils seront à Châteaudun. Les ministres de la guerre, de l’administration de la guerre, des finances, du trésor, de l’intérieur, de la marine, sont ici. Votre Majesté doit déjà con­naître tout ce qui s’est passé par les rapports des maréchaux, parce que j’en ai dit à M. Dejean, aide de camp de Votre Majesté. L’armée ennemie était très-nombreuse : il était impossible aux corps des durs de Trévise et de Raguse de leur faire tête.