Correspondance de Eugène – Avril 1814

Mantoue, 8 avril 1814.

À Napoléon. (cette lettre n’arrivera qu’après l’abdication de Napoléon)

Sire, d’après les dernières nouvelles de France et leur influence, je crois devoir dépêcher auprès de Votre Majesté l’un de mes aides de camp. — Je le charge de faire connaître à Votre Majesté la position actuelle de son armée d’Italie et de me rapporter les instructions qu’elle aurait à me donner. Malgré les forces très-supérieures de l’ennemi, puisque le ma­réchal de Bellegarde a une armée de 70,000 hom­mes, le roi de Naples de 24,000 et les Anglo-Siciliens de 8,000, l’armée de Votre Majesté en Italie occupe toujours la ligne du Mincio et celle du Taro, et les troupes chargées de la défense de Gènes ont leurs postes au-delà de Sestri-di-Levante. Les principales forces de l’armée sont sur le Mincio. Mon aide de camp, le général Giflenga est chargé de faire connaître ver­balement à Votre Majesté le détail de nos positions et mes projets d’après les différents mouvements que l’ennemi pourrait faire.

 

Munich, 11 avril 1814.

Le roi de Bavière à Eugène.

Mon bien-aimé fils, jusqu’ici je n’ai pu qu’approuver, mon cher ami, la loyauté de votre conduite; je dis plus, elle m’a rendu fier d’avoir un tel fils. Actuellement que tout a changé de face, comme vous le verrez par l’imprimé ci-joint, vous pouvez quitter la partie sans vous déshonorer. Vous le devez à votre femme et à vos enfants,

Un courrier, qui m’est arrivé cette nuit, m’a apporté la nouvelle que Marmont a passé chez nous avec 6,000 hommes d’infanterie, 2,000 chevaux, toute vieille troupe, et vingt pièces de canon. Les maré­chaux ont forcé l’Empereur, qui est à Fontainebleau, d’abdiquer en lui déclarant que son armée ne voulait plus lui obéir. Il s’est décidé à condition que l’impé­ratrice serait régente et le roi de Rome empereur ; Ney, Macdonald et Caulaincourt sont arrivés à Paris avec cette proposition au nom de l’armée. On atten­dait l’arrivée de l’empereur d’Autriche pour leur donner une réponse; elle sera, je crois, négative, vu qu’on s’est déjà trop prononcé pour les Bourbons.

Les alliés vous veulent tous du bien, mon cher Eugène, profitez de leur bonne volonté, et songez à votre famille.

Une plus longue retenue serait impardonnable,

Adieu, mon cher fils, je vous embrasse avec Auguste et vos enfants. La reine en fait autant. Votre bon père, Max. Joseph.

L’impératrice Joséphine est partie le 29 pour Navarre.

 

Paris, 17 avril 1814.

Le ministre de la guerre (général Dupont) à Eugène.

Monseigneur, Votre Altesse doit connaître aujourd’hui les grands événements qui replacent la famille des Bourbons sur le trône des Français et dont le premier résultat est de mettre un terme au fléau de la guerre.

Votre Altesse, Monseigneur, qui, par ses gran­des qualités et par ses services éminents, s’est concilié l’estime générale, mettra le comble à sa gloire dans un moment où les grands intérêts de la patrie qui eut toujours vos premières affections, imposent des devoirs devant lesquels se taisent tous les autres.

Les actes du Sénat, et l’abdication donnée par Napoléon Bonaparte de ses titres d’Empereur des Français et de roi d’Italie, ont fait cesser l’état de guerre et ouvert des négociations pour une paix prompte et honorable.

Dans cette situation, Monseigneur, j’invite Votre Altesse à convenir avec le général en chef qui se trouve devant votre armée d’un armistice indéfini, et à fixer entre vos troupes et les siennes une ligne de démarcation qui assure la tranquillité de vos can­tonnements et la facilité des subsistances,

Ce repos, toutefois, ne doit rien changer à la discipline militaire, et il est trop important que les armées conservent leur force et une altitude conve­nable au moment où la paix se négocie, pour que Votre Altesse ne mette pas tous ses soins à mainte­nir l’ordre et le complet des cadres.

Le gouvernement s’occupe avec la plus vive sol­licitude de la solde des troupes, et je prie Votre Al­tesse de lui communiquer à cet égard toutes ses vues et toutes ses ressources.     :

Je la prie aussi de m’adresser l’état de ses can­tonnements et celui de l’armée qu’elle commande.