Georges Cadoudal (1769-1804)

Georges Cadoudal, lieutenant-général vendéen, né à Brech, près d’Auray, dans la Basse-Bretagne, en 1769, ne fut connu dans les guerres civiles que sous son seul pré­nom de Georges. Il avait à peine fait ses études au collè­ge de Vannes, lorsque la révolution française éclate, en 1789. II ne prend d’abord aucune part aux événements po­litiques; mais, en mars 1793, il se réunit comme simple cavalier aux troupes de la première insurrection du Mor­bihan. Ce mouvement n’ayant en aucune suite, Georges, instruit, en novembre suivant, que les Vendéens viennent de passer la Loire, se décide à les rejoindre. Il se met à la tête d’une cinquantaine de paysans bas-bre­tons,  traverse les forêts, et après avoir essuyé en route  quelques petits combats, il arrive à Fougères, où son dé­tachement est armé par les soins des chefs royalistes.

Geor­ges va désormais suivre l’armée vendéenne, et s’y distinguer en plusieurs occasions. S’étant fait remarquer par sa force corporelle et son courage, il est nommé officier pendant le siège de Granville, dans le même mois de no­vembre 1793. A la bataille du Mans, perdue par les roya­listes, le 12 décembre suivant, Georges Cadoudal, s’étant embusqué avec ses Morbihanais près de Pont-Lieu, soutient les premiers chocs des républicains. Après cette désastreu­se affaire et celle de Savenay, l’armée vendéenne ayant été  forcée de se disperser, Georges retourne dans ses foyers at­tendre une nouvelle occasion de faire usage des connaissances militaires que déjà il a acquises.

Une nouvelle insurrection royaliste a lieu dans le Morbihan, et Geor­ges en devient l’un des artisans les plus actifs. De concert avec Mercier, dit la Vendée, son ami et son compagnon d’armes [1]Pierre-Mathurin Mercier dit la Vendée, né le 16 juillet 1774 au Lion-d’Angers en France et mort le 21 janvier 1801 à La Motte en France, est une personnalité militaire, commandant de la … Continue reading, il parcourt le pays; y fait de nombreux enrôle­ments de paysans, et engage même beaucoup de matelots, alors oisifs sur la côte. Dans une de leurs courses, Georges et Mercier sont surpris par un détachement républicain et conduits dans les prisons de Brest, où leur capti­vité va durer plusieurs mois.

Tous deux parviennent à s’évader sous des habits de matelots, et rejoignent le corps royaliste commandé par le comte de Silz [2]Sébastien de la Haye, comte de Silz, né le 14 mars 1756 à Arzal, baptisé le 7 mars 1757, mort le 28 mai 1795 à Grand-Champ, officier chouan pendant la Révolution française. . L’organisation de cette armée étant alors terminée, Georges n’y peut obtenir que le grade de chef de canton. Il prend part en cette qualité aux opérations militaires qui auront lieu jusqu’à la pacification de la Mabilais, en 1795 [3]Le traité de La Mabilais est un accord de paix signé le 20 avril 1795 dans le manoir de La Mabilais, à Rennes (route de Saint-Brieuc), entre les Chouans et la République française. .

La bataille de Grandchamp - peinture de B. de Gironde, XIXe siècle
La bataille de Grandchamp – peinture de B. de Gironde, XIXe siècle

S’étant prononcé contre cette pacification, il reprend bientôt après les armes, et combat, en juin de la même année, à Grand-Champ, où son parti est battu [4]La bataille de Grand-Champ est un combat de la Chouannerie. Le 28 mai 1795, les Républicains mettent en déroute les troupes de Silz lors d’une attaque surprise. . C’est lui qui, après la malheureuse issue de cette affaire et la mort du comte de Silz, tué pendant l’action, rallie les débris des corps vendéens.

En juillet suivant, l’expédition préparée en Angleterre, et depuis trop connue sous le nom de Quiberon, ayant abordé les côtes de France, Georges se hâte de seconder le chevalier de Tinténiac, auquel le commandement des royalistes du Morbihan a été dévolu. Il rassemble sous Carnac un corps de paysans destinés à soutenir le débarquement des trou­pes expéditionnaires, et marche ensuite avec une des co­lonnes dirigées vers les côtes du Nord, dans le but de faire plusieurs diversions dans l’intérieur du pays, et d’opérer une jonction avec le corps de Charette ou celui de Stofflet. [5]Jean-Nicolas Stofflet, né le à Bathelémont en Lorraine et mort fusillé le à Angers, militaire français et général royaliste de la guerre de Vendée.

Jean-Nicolas Stofflet, huile sur toile de Thomas Drake, XIXe siècle.
Jean-Nicolas Stofflet, huile sur toile de Thomas Drake, XIXe siècle.

La colonne de Tinténiac s’empare de Josselin ; mais son chef ayant été tué dans l’avenue du château de Coëtlogon, par un grenadier républicain qu’il poursuivait, Georges prend le commandement de cette colonne, désignée sous le nom d’armée rouge, parce que les paysans qui la composent ont tous endossé l’uniforme anglais.

Quoique le désas­tre de Quiberon eût rendu très-difficile le retour des Morbihannais dans leur pays, Georges parvient à les y ramener; et le succès de cette opération accroit la réputation d’habi­leté qu’il s’est déjà faite parmi les siens.

Rentré en Bas­se-Bretagne, il s’y considère comme le chef du parti roya­liste dans cette contrée; mais il adopte le système anti­nobiliaire, qui consiste à écarter du commandement les nobles, ainsi que les officiers émigrés. Vers ce temps, les soldats républicains, commandés par le général en chef Hoche, occupent tout le Morbihan, et Georges est obligé, durant le mois d’août, de licencier toute sa troupe; mais il prend en même temps ses mesures pour opérer un nou­veau rassemblement, dès que le moment sera devenu opportun; et bientôt il a un état-major, un corps d’é­lite permanent et des chefs de divisions.

A peine âgé de 26 ans, il se voit alors aussi puissant dans le Morbihan, que Charette, l’un des principaux chefs royalistes, l’était dans la Vendée. Il met Charette à même de favoriser utilement le débarquement du comte d’Artois, lorsque ce prince descend à l’Ile-Dieu.

Georges alors a plusieurs engagements sérieux avec les républicains. A la tête de 3000 hommes, il attaque à l’improviste le bourg d’Elven, défendu par 500 grenadiers républicains ; mais, malgré le sang-froid et l’intrépidité dont il donne de nombreuses preuves en cette occasion, il ne peut parvenir à vaincre cette poignée de braves, qui font une défense héroïque,  et parviennent, après un long combat, à s’ouvrir, par un trait d’audace, un passage au travers des nombreux assail­lants qui les cernent de toutes parts.

Les succès rempor­tés par le général républicain Hoche sur l’armée vendéenne de la rive droite de la Loire ont obligé cette der­nière à déposer les armes.

Bientôt Georges se trouve, de son côté, accablé par les forces républicaines, qui se sont portées dans le Morbihan. Dans cette extrémité, il fait de­mander, en mai 1796, une suspension d’armes au général Hoche, qui la refuse, et exige la soumission entière des Morbihannais ainsi que leur désarmement.

Georges fei­nt alors de céder; mais il donne des ordres secrets pour qu’une partie des armes soit encaissée et enterrée avec soin. Georges, ainsi que ses prin­cipaux officiers, parviennent à se soustraire à la surveillan­ce des autorités républicaines, en se tenant cachés dans les bois et dans les fermes écartées.

En 1797, les royalis­tes de l’intérieur s’occupent d’un plan général, tendant à renverser le gouvernement républicain ; et Georges, qui s’est assuré l’appui du gouvernement anglais, attend que le signal soit donné pour réunir ses fidèles Morbihannais et recommencer les hostilités; mais la journée du 18 fruc­tidor (4 septembre 1797) fait échouer de nouveau tous les projets des royalistes, et Cadoudal est forcé de demeurer dans une inaction qui va durer deux ans.

Il emploie ce temps à étendre ses connaissances militaires; à affermir l’influen­ce qu’il a acquise sur les paysans bas-bretons, et à en­tretenir chez ceux-ci le désir de reprendre les armes dès que l’occasion favorable s’en présentera. En janvier 1799, tout annonce une nouvelle coalition des puissances con­tre la France.

Georges disposant des éléments insurrectionnels qu’il avait su se ménager, donne aux chefs royalistes, cachés dans le Maine et dans la Bretagne, l’avis d’un pro­chain soulèvement; et en même temps, il s’adresse au comte d’Artois et au gouvernement anglais, pour en obtenir des armes et des munitions. Profitant peu après de ce que la guerre est déjà commencée sur les frontières, il forme ses rassemblements vers le mois d’août, et occu­pe le camp de Beauchène, où il va exercer ses paysans et rallier les déserteurs.

Plusieurs des principaux chefs royalis­tes étant alors arrivés d’Angleterre, il les convoque en conseil-général au château de la Jonchère. Il est décidé dans cette assemblée que Georges Cadoudal conservera le com­mandement en chef du Morbihan et des Côtes-du-Nord : on y décide aussi le commencement des hostilités contre les républicains.

Georges occupe en conséquence un grand nombre de bourgs ; menace la ville de Vannes, et s’empare de quelques canons à Sarzeau. La guerre civile se poursuit, partout avec la plus grande activité et surtout dans la Basse-Bretagne, lorsque le 18 bru­maire (9 novembre 1799) met Napoléon Bonaparte à la tête du gouvernement français, et paralyse encore une fois les efforts du parti royaliste.

Les généraux Brune et Hédouville, envoyés par le premier consul pour réduire à l’obéissance les départements de l’Ouest, parviennent à ramener par la persuasion quelques chefs de l’insurrection, qui capitulent à des conditions avantageuses, au com­mencement de l’année 1800.

Georges est du nombre de ceux qui se refusent opiniâtrement à toute espèce d’accommodement, et qui restent encore en armes pendant quelque temps. Durant le mois de décembre précédent, il avait dirigé une expédition sur les bords de la Vilaine pour recevoir un transport de fusils et de munitions qu’y avaient débarqué les Anglais. Il escorte cet armement avec 800 hommes dans l’intérieur du pays, et répartit ces secours entre les divisions royalistes.

Il rentre ensuite dans ses cantonne­ments, où il s’occupe à rallier autour de lui une quinzaine de mille hommes. Cependant son obstination à refuser la paix attire bientôt contre lui toute l’armée commandée par le général Brune.

Le général Brune
Le général Brune

Georges dispute le terrain ; mais jugeant enfin que toute résistance est devenue inutile, il songe à par­ticiper à la pacification. Il conclut à Theix, le 9 février 1800, une convention avec le général Brune, s’obligeant de licencier ses troupes, et promettant de remettre l’artillerie et les fusils qu’il posséde, mais à des conditions favorables aux Morbihannais.

Il se rend ensuite à Paris pour obtenir la ratification de cette convention. Après avoir séjourné un mois dans la capitale, sans avoir pu obtenir satisfaction ; craignant d’ailleurs que Bonaparte ne le fasse arrêter, il part secrètement, et se rend en Angleterre, où il est accueilli avec distinction par le gouvernement britannique. Le comte d’Artois, lui donne, au nom du roi, le cordon rouge et le grade de lieutenant- général.

Georges repasse secrètement en France vers la fin de 1800, avec le commandement-général des départements du Morbihan, d’Ile-et-Vilaine, des Côtes-du-Nord et du Finistère. D’après les plans dressés par le mar­quis de Rivoire, ancien officier de la marine royale, il a l’espoir de surprendre Belle-Ile et de s’empa­rer de Brest; mais ces projets sont éventés et ne peuvent réussir.

La vie du premier consul  ayant été mise en danger, le 3 nivôse an IX (24 décembre 1800), par l’explosion d’une machine infernale, Georges est soupçon­né d’avoir été l’âme de la conspiration qui avait employé cet odieux moyen.

Devenu dès lors un objet de terreur et d’inquiétude pour Bonaparte, il est exposé à toutes les recherches de la police consulaire, qui lui fait tendre des pièges , et qui, dit-on, essaye même de le faire assassiner par des agents envoyés de Paris.

Ne se trouvant plus en sûreté dans le Morbihan, il repasse en Angleterre, où il a des relations avec Pichegru, concertant avec cet ex-général ré­publicain les moyens de renverser le gouvernement de Bonaparte. Il proposa d’attaquer Napoléon publiquement et à force ouverte au milieu de ses gardes ; et c’est avec l’intention d’accomplir ce dessein, qu’il débarque en Fran­ce, le 21 août 1803, après s’être fait précéder de plusieurs de ses officiers, qu’il destine à ce coup de main.

S’étant dirigé sur Paris par des stations que ses affidés lui ont préparées à l’avance, il reste caché dans divers domiciles, attendant que Pichegru lui donne le signal d’agir.

Cepen­dant, en février 1804, la police consulaire s’étant procuré des révélations de la part des conjurés su­balternes , la plupart des adhérents de Georges sont  arrêtés, et lui-même est recherché avec un soin et une ac­tivité extraordinaires.

Après avoir changé plusieurs fois de domicile, il s’aperçoit enfin que son dernier asile est ob­servé, et prend aussitôt la résolution de fuir en cabriolet. Ar­rivé près du palais du Luxembourg, il est cerné et son che­val est arrêté. Il tire alors ses pistolets, les décharge sur deux agents de la police qu’il étend morts sur le pavé, et cherche encore à s’évader ; mais au milieu de la foule d’émissaires qui l’environne et d’une populace nombreuse qui s’est ameutée, il est saisi par un boucher et conduit à la Préfecture de police, où il déclare, avec autant de sang-froid que de courage, qu’il est à la tête de la conspiration tendant à rétablir les Bourbons sur le trône.

Il est tradui­t avec un grand nombre de ses co-accusés au tribunal criminel, devant lequel il montre beaucoup de calme et de fermeté. Dans le cours de la procédure, il évite avec le plus grand soin de compromettre aucun de ses compagnons d’infortune.

Il est condamné à mort, avec 11 de ses offi­ciers, le 11 mai 1804; transféré de la maison de justice à Bicêtre, jeté dans un cachot, et exécuté le 24 juin suivant. Son calme ne l’abandonne pas un seul moment, et il en donne encore de grandes preuves au moment de son supplice.


Sources : Michaud – Mullié

References

References
1Pierre-Mathurin Mercier dit la Vendée, né le au Lion-d’Angers en France et mort le à La Motte en France, est une personnalité militaire, commandant de la légion de Vannes et de l’Armée catholique et royale des Côtes-du-Nord lors de la Chouannerie et de la Guerre de Vendée.
2Sébastien de la Haye, comte de Silz, né le 14 mars 1756 à Arzal, baptisé le 7 mars 1757, mort le 28 mai 1795 à Grand-Champ, officier chouan pendant la Révolution française.
3Le traité de La Mabilais est un accord de paix signé le 20 avril 1795 dans le manoir de La Mabilais, à Rennes (route de Saint-Brieuc), entre les Chouans et la République française.
4La bataille de Grand-Champ est un combat de la Chouannerie. Le 28 mai 1795, les Républicains mettent en déroute les troupes de Silz lors d’une attaque surprise.
5Jean-Nicolas Stofflet, né le à Bathelémont en Lorraine et mort fusillé le à Angers, militaire français et général royaliste de la guerre de Vendée.