Pierre Berthezène, général,Baron de l’Empire (1775-1847)

Pierre Berthezène, Baron de l’Empire, Lieutenant général Pair de France, Grand-Croix de la Légion d’honneur, naquit, le 24 mars 1775, à Vendargues, petite commune du département de l’Hérault, voisine de Montpellier.

Il n’avait pas encore dix-huit ans et demi, lorsqu’il fut compris dans la levée en masse, et partit avec le 5e bataillon de l’Hérault, pour l’armée des Pyrénées-Orientales. Au bout d’une semaine, il fut nommé sergent-major et ne tarda pas à être envoyé au siège de Toulon. A l’attaque de la fameuse redoute de l’Éguillette, dont la prise décida l’évacuation de la ville, il enleva à un sous-officier anglais son fusil, et cette arme, qu’il rapporta comme son premier
trophée, lui valut le grade de sous-lieutenant. Sa nomination date du 19 juin 1794. Il se trouvait alors à l’armée d’Italie, où ses bons services et le choix de ses camarades le firent nommer lieutenant, le 18 novembre 1795, à l’âge de vingt ans. L’année suivante, il fut incorporé avec son bataillon dans la 11e demi-brigade de ligne, et fit dans ses rangs les immortelles campagnes d’Italie.
À la reprise des hostilités, en 1799, il fut attaché à l’état-major du général Grenier. Le 23 juin, il fut nommé capitaine sur le champ de bataille de San-Giuliano, et le 25 juillet 1800, il fut élevé au grade de chef de bataillon, à la suite de l’enlèvement des redoutes de Sette-Pani et de Ronchi-di-Maglia, où il avait été blessé d’un coup de feu à la tête ; il avait alors vingt-cinq ans et il était aide-de-camp du général Compans. Par suite de cet avancement, il passa à la 72e demi-brigade de ligne et se trouva au combat de Pozzolo, sur le Mincio, où il reçut à la jambe gauche une blessure très-grave, qui le força pendant deux ans à marcher avec des béquilles.
Il était au camp de Boulogne, lorsque l’Empereur le comprit dans la grande promotion de la Légion d’honneur du 14 juin 1804. Le 10 juillet 1806, il fut promu major du 65e régiment de ligne (le grade de major était à cette époque l’équivalent de celui de lieutenant-colonel ), et enfin, le 10 février 1807, n’ayant pas encore trente-deux ans, il fût nommé colonel du 10e régiment d’infanterie légère. En lui confiant ce commandement, Napoléon lui dit qu’il lui donnait un régiment qui valait sa Garde, et en effet, le 10e léger jouissait de la plus haute renommée militaire. Trois mois après, jour pour jour, le nouveau colonel justifiait sa nomination au sanglant combat de Heilsberg, où il gagnait la croix d’officier de la Légion d’honneur.
Le19 mars 1808, il reçut le titre de baron de l’Empire et une dotation en Westpbalie.
En 1809, il était avec son régiment dans l’île de Rugén, sur les côtes de la Poméranie, lorsque les armements de l’Autriche appelèrent nos armées sur le Danube. En vingt jours, le 10e léger franchit la distance qui le séparait de Ratisbonne, et prit une part brillante aux affaires qui signalèrent le début de la campagne. Blessé au genou à la bataille d’Eckmühl, le colonel Berthezène fut nommé, le lendemain, à la revue passée par l’Empereur, commandeur de la Légion d’honneur, récompense d’autant plus honorable, qu’à cette époque elle semblait être réservée aux officiers généraux. A peine rétabli de sa blessure, il reçut deux coups de feu, le 6 juillet, à la bataille de Wagram, l’un aux reins et l’autre à la main droite.
Promu général de brigade le 6 août 1811, il alla commander dans l’île de Walcheren ; mais l’Empereur, qui avait apprécié sa bravoure et sa fermeté, ne le laissa pas longtemps dans ce poste; dès le 6 décembre de la même année, il l’attacha à la Garde impériale, en qualité d’adjudant général. Le 1er janvier 1812, il l’envoya commander les troupes de la Garde qui étaient à Bruxelles, et, quand la guerre de Russie éclata, il mit sous ses ordres trois régiments de la Jeune Garde. Lors de l’évacuation de Moscou, le général Berthezène fit l’extrême arrière-garde et soutint intrépidement la retraite au milieu des rigueurs du froid et de la faim, jusqu’à ce que le corps du duc de Bellune vînt le relever dans ce glorieux service. A la Bérézina, au milieu de la panique universelle, il réunit quelques troupes désorganisées et, aidé par le prince Emile de Hesse- Darmstadt, il attaqua la droite des Russes et leur fit 1,400 prisonniers, qui défilèrent près du pont, sous les yeux mêmes de l’Empereur. Ce beau fait d’armes contribua puissamment au succès des manœuvres du maréchal Ney.
Au début de la campagne de 1813, et avant l’arrivée du général Roguet, il commanda ce qui restait de la Vieille Garde à l’armée. Le jour de la bataille de Lützen, ce fut à lui que Napoléon envoya au crayon cet ordre aussi bref qu’énergique : La Garde au feu ! La Garde se rendit au feu, et la Couronne de fer devint la récompense de la conduite de son brave chef.
Élevé au grade de général de division, le 4 août 1813, à l’âge de trente-huit ans et après la bataille de Bautzen, où, par d’habiles dispositions, il avait réussi à faciliter le débouché du corps du général Bertrand, il servit en cette nouvelle qualité sous les ordres du maréchal Gouvion-Saint-Cyr, dont sa division fit l’avant-garde et dont il sut se concilier l’estime et la bienveillance. Le 14e corps, dont il faisait partie, et les débris du 1er corps, ayant été laissés à Dresde, furent forcés à capituler, par le manque de vivres et de munitions. On sait de quelle honteuse manière cette capitulation fut violée par les armées coalisées.
Le général Berthezène avait été conduit prisonnier en Hongrie. A sa rentrée en France, après la Restauration, il fut d’abord mis en non-activité, le 1er septembre 1814, mais, au mois de décembre, le maréchal Soult l’appela au comité de la guerre. Il avait reçu la croix de Saint-Louis le 29 juillet de la même année.
A la suite du retour de l’Empereur en 1815, il fut chargé du placement des officiers en demi-solde, et le 7 juin, au moment de l’ouverture de la campagne, il fut mis à la tête d’une division du 3e corps de l’armée du Nord. Il combattit avec elle à Fleurus, où son cheval fut tué sous lui. A Wavre, il prit le commandement de la division du général Habert, qui avait été grièvement blessé; il la réunit à la sienne, puis il chassa des hauteurs de Bierge huit bataillons prussiens, qui s’étaient maintenus jusque-là dans cette position formidable. Deux jours après le désastre de Waterloo, le général Vandamme mit sous ses ordres deux autres divisions d’infanterie et le chargea d’arrêter l’ennemi, pour donner le temps au maréchal Grouchy de prendre position à Dinant; il en résulta un combat très-vif sous Namur, dans lequel il eut encore un cheval tué sous lui.
Lorsque le Gouvernement provisoire fit semblant de vouloir se battre sous Paris, le général Berthezène fut envoyé au 4e corps, pour en prendre le commandement ; mais l’armistice ayant été conclu, il rentra à sa division et la conduisit derrière la Loire. Au mois d’août, il fut chargé d’opérer le licenciement du 4e corps, et revint ensuite à Paris ; mais le duc de Feltre, ministre de la guerre, lui intima l’ordre de se rendre dans ses foyers. Sur l’observation qu’il fit, que ce serait chercher une mort certaine, le ministre lui dit de choisir une autre résidence. Il choisit successivement Lyon, Strasbourg et Rouen, qu’on lui refusa; il demanda aussi inutilement la permission d’aller en Italie ou en Prusse, et fut enfin obligé de se rendre en Belgique. Au surplus, son exil ne dura que peu de mois, et le même ministre, qui l’avait forcé de quitter la France, lui écrivit de rentrer sans délai, sous peine d’être rayé des contrôles de l’armée.
A la fin de 1818, le maréchal Saint-Cyr le comprit dans le cadre des inspecteurs généraux d’infanterie; en 1828, il commanda une division au camp d’instruction de Saint- Omer, et fut nommé grand officier de la Légion d’honneur, le 29 octobre.
Au commencement de 1830, il fit partie du Comité consultatif d’infanterie ; le 21 février de la même année, il fut désigné pour commander la lre division de l’armée expéditionnaire d’Afrique. Il débarqua le premier et s’empara, le même jour, de la forte position occupée par les Turcs et défendue par 18 pièces de canon.
Le 16 juin, deux jours après le débarquement, l’armée fut assaillie par un orage épouvantable, qui la fit beaucoup souffrir et qui avaria tellement ses munitions, que le général en chef, M. de Bourmont, craignant une attaque dans ces graves circonstances, donna l’ordre aux troupes de rentrer à Sidi-Ferruch. Mais le général Berthezène lui fit remarquer que ce mouvement en arrière ranimerait la confiance de l’ennemi et serait peut-être fatal au succès de l’expédition. Il ajouta que, quand bien même ses soldats ne pourraient se servir que de leurs baïonnettes, il répondait encore de conserver sa position. M. de Bourmont se rendit à ce sage avis, et le général Berthezène se maintint à son poste avancé. Peu de temps après, il s’empara du camp de Staouëli et du Boujareah.
Il rentra en France au mois de novembre, et fut nommé grand-croix de la Légion d’honneur, le 27 décembre; un mois après, et sans l’avoir demandé, il était renvoyé en Afrique par le maréchal Soult, pour y commander en chef. Toute sa conduite à Alger tendit à faire aimer et respecter le nom français; il y réussit, et les Arabes le surnommèrent le Marabout (le Saint). Alger lui doit la création de son môle, le camp de Moustapha, un abattoir hors de la ville et une caserne. Forcé de se rendre à Médeah, au milieu des chaleurs ardentes de l’été, pour défendre le bey que nous y avions installé, il battit les tribus soulevées et leur fit éprouver de grandes pertes.
Mais à son retour, et au passage du col de Téniah, une panique s’empara de l’arrière-garde, qui se rejeta sur le centre de la valonne; il en résulta momentanément un grand désordre, et cependant à peine eûmes-nous huit ou dix hommes blessés. Le général Berthezène prit sa revanche de ce petit échec, dès qu’il eut gagné la plaine, et, grâce à des avantages répétés, il recula de plus d’une lieue la ligne de nos postes.
Remplacé, au mois de, décembre 1831, par le duc de Rovigo, il revint en France et fut élevé à la dignité de pair de France, le 11 janvier 1832. Il ne fut plus employé en service actif à dater de cette époque, mais, le 23 mars 1840, au moment où il venait d’atteindre la limite d’âge de soixante-cinq .ans, une ordonnance royale le maintint dans la première section du cadre de l’état-major général, comme ayant commandé en chef.
Pierre Berthezène meurt à Vendargues, le 9 octobre 1847, dans sa soixante-treizième année. [1]Source : La Sabretache
