Avril 1809 – Le prince et le général – Eugène et Macdonald en Italie
Macdonald envoyé en Italie
A Milan, le vice-roi découvre que l’armée d’Italie devient rapidement un grand commandement, difficile à maintenir dans des mains inexpérimentées. Certes, Napoléon favorisait un système basé sur les corps d’armée, qui permettait à Eugène d’organiser lui-même son armée. Mais le choix des chefs de corps signifiait aussi la possibilité pour un ou plusieurs maréchaux de l’Empereur rejoignant l’armée de briller durant leur première campagne, et le vice-roi craignait l’arrivée d’un maréchal qui aurait pu aller à l’encontre de son autorité, ou de mette en question ses moindres mouvements. Le 8 mars 1809, Eugène écrit donc à son beau-père, alors à Milan.
J’espère, Sire, que votre armée d’Italie vous prouvera par des faits son dévouement. Généraux, officiers et soldats sont on ne peut mieux disposés, et le moral répond en tout point au physique. Je désire que Votre Majesté ne nous envoie par ici de maréchaux d’Empire ni de dignitaires. Quoique je me sente bien assez fort pour mener l’armée telle qu’il plairait à Votre Majesté de l’organiser, je ne lui cacherai pas pourtant que j’aimerais mieux avoir affaire directement à mes généraux de division, que je connais tous, et que je ferai bien marcher. D’ailleurs, ils sont tous très-bons, et ils n’ont pas les prétentions de MM. les maréchaux. Si cependant Votre Majesté m’en destinait, je préférerais le maréchal Rey, le maréchal Moncey et le maréchal Mortier à tous autres.
L’Empereur décide de diviser l’armée d’Italie en deux « ailes », chacune sous le commandement d’un lieutenant-général (Le titre de lieutenant général était un titre temporaire, généralement donné a un général de division mis, provisoirement, à la tête d’un corps d’armée), lui même subordonné à Eugène. Napoléon laisse, en principe, à son fils adoptif le soin de les nommer, c’est bien lui qui a le dernier mot. C’est apparemment sur la recommandation de Joséphine et de sa fille Hortense, que Macdonald, alors sans emploi, est nommé à la tête de la première « aile ». Cette nomination est suivie par celles de deux « anciens », Baraguey d’Hilliers et Grenier, qui sont, comme Macdonald, des anciens des campagnes d’Italie. Baraduay d’Hilliers a servi sous ses ordres, en 1800, dans les Grisons, et Grenier a été l’un des divisionnaires les plus expérimentés d’Eugène en Italie. Si Eugène est jeune, et a soif de gloire pour sa première campagne de commandant en chef, il n’en respecte pas moins la valeur de l’expérience.
C’est le 1er ou le 2 avril que le ministre de la guerre a informé Macdonald de sa nomination, qu’il accepte rapidement, mais avec quelques réserves.
Mon fils, j’ai donné des lettres de service pour l’armée d’Italie au général Macdonald ; il va s’y rendre incessamment. Cet officier a des talents et du nerf, mais je ne me fie point à ses opinions politiques.
Cependant les choses sont bien changées. Je suppose qu’il vous servira de tous ses moyens, et qu’il voudra gagner où ses talents et ses anciens services l’appèlent.. Je ne lui ai rien dit. Il sera employé comme général de division, mais ce sera un des généraux de division auxquels vous pourrez donner à commander une aile. Cette grâce qu’il recevra de vous vous l’attachera entièrement.
Voilà neuf années qu’il est resté dans l’inaction. La seule chose qu’il sait, c’est qu’il doit se rendre en Italie, où il recevra de nouveaux ordres du vice-roi.
Le 10 avril, Napoléon a, dans un simple post-scriptum, approuvé les nominations faites par le vice-roi.
P.S. Vous pouvez, si vous le jugez convenable, employer Grenier, Macdonald et Baraguey-d’Hilliers comme vos lieutenants.
Il le confirme le 12 avril:
Vous pourrez nommer vos lieutenants généraux, Grenier, Baraguey d’Hilliers et Macdonald, en leur laissant leur division. Ils en commanderont deux, puisqu’ils sont plus anciens. (2)
Certains historiens (et non des moindres, comme Thiers) se sont demandé si cette nomination de Macdonald répondait au seul soucis militaire, c’est à dire fournir à Eugène un homme de talent, ou à la volonté de donner un « mentor » à son fils adoptif, dont les qualités militaires – vues après le cuisant revers de Sacile – ne lui apparaissaient pas appropriées à la conduite de la campagne en Italie. Comme souvent, la réponse à cette question se situe à mi-chemin de ces deux propositions, même si les lettres de Napoléon à Eugène, et une étude approfondie des dates, plaident en faveur de la première hypothèse.
Macdonald quitte Paris le 13 avril, laissant derrière lui ses deux jeunes filles. (La veille, les autrichiens ont envahi la Bavière de façon inattendue, et la campagne de 1809 a commencé plus tôt que ne le prévoyait Napoléon.) En Italie, il fait une brève halte à Turin, pur faire une brève visite à son ami, César Berthier (le frère du chef d’état-major de la Grande Armée), puis il continue sur Milan, où lui parviennent des nouvelles confuses d’une défaite de l’armée d’Italie, à Sacile. Il continue en hâte sur Vérone. Partout, c’est la confusion et l’absence d’informations certaines sur la défaite d’Eugène face aux Autrichiens. Mais il reste calme, car :
J’avais une haute opinion des talents militaires de l’Empereur, qui avait souvent fait des miracles; je lui faisais, à cet instant, confiance, et j’eu raison (Mémoires de Macdonald)
C’est à Desenzano, près du lac de Garde, qu’il peut enfin rassembler des informations sérieuses sur l’armée d’Italie. Il rencontre en effet un colonel français, porteur d’ordres de préparer immédiatement les places du Piémont, et de les mettre en position de se défendre. L’officier est fatigué et visiblement choqué, ne sachant que mentionner la défaite de Sacile, avant de continuer sa route. Arrivé à Vérone, Macdonald prend conscience du désordre de l’armée d’Italie.
Tout n’était que confusion. Les blessés arrivaient en grand nombre, comme les fuyards, des chevaux démontés, des trains, des chariots de bagages, bloquant les routes et remplissant les jardins; toutes les horreurs d’une déroute. (Mémoires de Macdonald)
Devant Macdonald, une colonne d’artillerie de siège passe, se dirigeant ver l’ouest, en direction de Mantoue. Personne n’est au courant ou n’a reçu d’Instructions pour son arrivée. Selon les rumeurs , l’armée doit se rallier à Mantoue, mais Macdonald peut difficilement croire qu’Eugène est prêt à abandonner la ligne Milan-Brescia-Verone-Venise. Le lendemain, il se rend à Vicenza, contre l’avis des autorités locales. Mais à peine sorti de la ville. il reçoit la confirmation que le vice-roi se trouve à Vicenza et son quartier général à 20 miles de là.
Arrivé dans la ville, Macdonald est rapidement entouré de soldas et d’officiers qui l’ont côtoyé ou connu, à Rome et à Naples. Il ne se gênent pas pour faire porter la cause de la défaite sur l’inexpérience du jeune commandant en chef. Celui-ci est bientôt informé de l’arrivée de général, le reçoit aimablement, mais se montre désespéré, et surtout inquiet des réactions de son beau-père, lorsque les nouvelles de la défaite de Sacile lui parviendront. Ne lui a-t-il pas écrit, le 17 avril :
J’ai donc livré bataille hier, et j’ai la douleur d’annoncer à Votre Majesté que je l’ai perdue (…) Dans cette circonstance, plus que dans aucune autre, j’ai besoin de l’indulgence et des bontés paternelles de Votre Majesté.
Macdonald questionne Eugène sur les circonstances de la défaite, avant d’en discuter,en privé, avec les officiers généraux, lesquels, hélas, en rejètent la responsabilité sur l’inexpérimenté Eugène ! En fait, si Broussier et Grenier se sont parfaitement comportés, il n’en a pas été de même pour Sahuc et Barbou. Eugène se plaignit d’avoir été entraîné dans cette affaire par les pressions politiques des autorités italiennes, peu désireuses de voir s’installer à nouveau l’autorité des Habsbourgs. Mais en réalité, c’est probablement dans l’impatience du jeune prince et dans son incapacité à correctement les forces autrichiennes qu’il faut trouver les raisons de cet échec.