Aventures d’un officier saxon : Otto Auguste Rühle von Lilienstern

Né en 1780, à Berlin, l’auteur des lettres qui vont suivre, entra à l’âge de 15 ans, comme enseigne dans un régiment de Gardes. En 1806, il prend part, dans l’armée du prince de Hohenlohe-Ingelfingen, à la campagne en Prusse et écrit, à ce moment là, des souvenirs très intéressants.  Un an plus tard, il est déjà Major et gouverneur du duc Bernard von Weimar, en compagnie duquel , dans l’armée saxonne, sous le commandement de Bernadotte, il participe à la campagne de Napoléon contre l’Autriche. Durant les « guerres de libération » il servit de nouveau avec bravoure dans l’armée prussienne. Il décèdera en 1847, à l’issue d’une vie vouée aux choses militaires et à l’état.

Les souvenirs de Rühle von Liliensterns sur la campagne d’Autriche (intitulés « Voyage avec l’armée en 1809 ») se composent d’une série de lettres envoyées de façon régulière à sa « très aimée et honorée » sœur Ernestine, dans lesquelles il rapporte les impressions ressenties durant ses pérégrinations avec l’armée. À coté des descriptions exceptionnelles des différents combats, ces lettres contiennent également beaucoup d’informations intéressantes sur d’autres sujets, en particulier sur l’art, la littérature et l’éducation. Les évènements de 1809 sont l’occasion, pour l’auteur de ces lettres, de critiques et d’observation très détaillées en tant que soldat, mais aussi en tant qu’homme.

(Note : Ces lettres ont été publiées dans « Feldzugerrinnungen aus der Kriegsjahre 1809 – Bearbeitet von Friedrich M. Kircheisen – Gutenberg-Verlag, Hamburg, 1909. )


Straubing, le 9 mai

Mon capitaine avait raison. A peine plus d’une heure après l’envoi de ma dernière lettre, des officiers sont arrivés qui, depuis Schleitz, avaient traversé presque la moitié de l’Allemagne, à la recherche de la division Dupas.

Dès le 27 avril, c’est-à-dire ce même jour où ces officiers s’étaient mis en marche, elle se trouvait à Donauwörth, traversant le Danube. Après plusieurs marches pour rien, ils avaient enfin, non loin de Straubing, où le maréchal (??) Dupas avait établi son quartier général, rencontré ce dernier dans un vieux château.

Mais il leur avait dit que tout était modifié, qu’il avait reçu l’ordre de suivre l’empereur en direction de Linz, où toutes les divisions étaient maintenant appelées, et que le corps du maréchal Bernadotte devait lui aussi suivre la marche de la grande Armée par Passau.. Une des lettres à ce dernier devait contenir le pourquoi et le comment de tout ceci, qui pour nous devait rester secret. Au lieu de, comme prévu, nous reposer à Retz le 8 mai, nous nous mîmes en route dans la joie générale et marchâmes sur Cham.

Cham est une petite ville sur une petite rivière qui ici serpente dans une vallée exceptionnellement large, faite de prairies boueuses, de mares et de petits bras d’eau, et que ne traverse qu’une seule digue, ce qui, par là même, fait des hauteurs situées sur la rive gauche une position presque inattaquable.

L’archiduc Charles et son état-major. Myrbach. Dorotheum

L’archiduc Charles avait choisi cet endroit lorsque, battu à Eckmühl, il avait ordonné la retraite de l’armée, par Reggensburg. D’après les dires des habitants, il était arrivé lui-même avec un corps d’armée d’environ 40.000 hommes, mais son armée, en quelques jours, s’était grossie jusqu’à avoir plus de 100.000 hommes.

Les troupes étaient apparues bien armées et pleines d’ardeur, mais peu d’artillerie l’accompagnait. Il avait semblé que l’archiduc avait cru que l’empereur Napoléon allait le suivre ici avec toute son armée; d’ailleurs, des troupes françaises étaient rapidement apparues sur les collines de cette rive et on s’attendait à une nouvelle grande bataille.

Mais le 5e jour, l’armée autrichienne, manquant de vivres, avait brusquement levé le camp et s’était mise en marche par Waldmünchen, en direction de la Bohème. Les Français étaient ensuite arrivés et, à la surprise générale, on s’était aperçu qu’il ne s’agissait que d’une division légère (la division Montbrun). Le quartier général du duc d’Auerstaedt se trouvait à Mittenau.

Louis-Pierre Montbrun
Louis-Pierre Montbrun

A Cham, nous rencontrâmes les premières troupes françaises, un escadron de chasseurs à cheval, qui faisait partie d’un régiment qui prenait quartier ici, dans les environs de Kundschaft. Nous espérions qu’ils viendraient renforcer notre faible cavalerie, forte d’au plus 3500 chevaux. Mais ils restèrent en place, et nous continuâmes le jour suivant notre route vers Straubing.

Lorsque nous arrivâmes au petit matin, un brouillard épais et froid s’étendait sur les champs et les bosquets, mais au fur et à mesure que le soleil montait dans le ciel et que nous gravissions le flanc de la montagne, le voile devenait plus ténu, le climat plus doux, et la vue de plus en plus saisissante. Le discours d’un envoyé de la ville, qui rencontra le maréchal environ à une heure de notre destination pour lui demander d’épargner la ville se Straubing et de bivouaquer en dehors de ses murs, nous en apparu que plus déplaisante.

Le maréchal les rappela  de façon la plus  injurieuse à leurs devoirs et lorsque le soir même, du fait de la négligence ou la maladresse des autorités, il vit encore quelques bataillons sur la place du marché, sans toit et sans subsistances, il les admonesta si fortement, avec l’impétuosité d’un français du sud, qu’ils n’eurent plus le goût de recommencer de leur vie.

Je me fis à cette occasion la remarque combien il faut du courage à soldat, lorsqu’après toutes les fatigues d’une marche, il doit se passer d’un camp tranquille et d’une table servie, pour que le paisible citoyen ne puisse craindre pour sa propre tranquillité. Beaucoup de choses, dont je ne voulais pas auparavant me préoccuper et que j’avais souvent condamnées avec les mots les plus hostiles, m’apparaissaient maintenant s’éclairer, être excusables.

 

Passau, le 12 mai 1809

A marches forcées, nous nous dirigeons vers la grande ville impériale et peut-être vers les les évènements les plus sanglants. Un bulletin signé du commandement français lui-même, à Straubing, annonce que, dès le 7, Napoléon est entré sans résistance dans Vienne, mais le maréchal lui-même (il s’agit de Bernadotte, qui commande les troupes saxonnes) exprime des doutes quant á la véracité de cette nouvelle. [1]Effectivement, Napoléon n’est entré à Vienne que le 13 mai

Pour autant que l’on sache, le corps d’armée de l’archiduc Louis s’est replié de l’autre coté du Danube, après de sanglants combats, et que la route de Vienne est ouverte. Seuls les archiducs Charles et Jean se hâtent, de Bohème et d’Italie, pour venir au secours de la capitale menacée, et l’on croit qu’il y aura une bataille décisive dans les environs de Vienne.

D’après d’autres nouvelles, des propositions de paix auraient été faites du coté autrichien et Napoléon aurait répondu qu’il n’était pas enclin à faire la paix et qu’il ferait connaître ses conditions une fois à l’intérieur des murs de Vienne.

A Passau nous trouvâmes plein de gens et une cohue de troupes. Dans les rues se trouvaient trois régiments de cavalerie légère, appartenant à l’arrière-garde du corps de Davout, qui voulaient également aller de l’avant, pour faire de la place au corps du prince de Ponte-Corvo, et sur les collines environnantes bivouaquaient deux divisions d’infanterie, la division Dupas, si attendue, et une autre, Rouyer, formée du rassemblement des contingents de Nassau et des duchés saxons, en tout 9 à 10.000 hommes.

A l’instant où, sortant des bois, nous arrivions sur les hauteurs, desquelles nous aperçûmes tout d’abord, entre l’Inn et le Danube, enserrée sur une langue de terre plate et étroite, la petite ville, nous découvrîmes  derrière des redoutes nouvellement élevées nos plus proches compatriotes, les Gothaer, qui, à l’ombre des arbres fruitiers, avaient construits des huttes de pailles et de branches et se régalaient d’un grand tonneau, qu’une vivandière servait avec peine.

Le général Dupas et quelques autres généraux, ainsi qu’une suite nombreuse d’officiers et de cavaliers nous dépassèrent au galop, pour aller à l’avant saluer comme il faut notre chef. A peine avions nous réclamé les quartiers qui nous étaient attribués,  que la nuée s’était abattue. Les hussards, qui formaient l’avant-garde, lancèrent leurs chevaux  si sauvagement et, en même temps, si maladroitement, sur les pavés de la place devant l’ancien château résidentiel du prince évêque, où deux bataillons  français et bavarois se tenaient prêts á marcher, que nous crûmes qu’au moins une douzaine d’entre eux  allaient se casser le cou.

Mais, par miracle, tout se déroula heureusement. Nous apprîmes bientôt que nous devions faire halte ici un ou deux jours et nous n’étions pas peu satisfaits de pouvoir enfin à loisir nous reposer et aller et venir comme bon il nous semblerait.

Le prince de Ponte-Corvo passa ici les divisions qui s’y trouvaient en revue.

Jean-Baptiste Bernadotte
Le maréchal Jean-Baptiste Bernadotte, prince de Ponte-Corvo en 1806

Efferding, 15 mai 1809

Lorsque, avant hier, un courrier arrivant de Vienne a apporté la nouvelle que ce que l’on appelle les remparts de Vienne refusaient fermement d’ouvrir leurs portes, se moquant des troupes françaises en possession  des faubourgs et des préparatifs pour un bombardement et la prise des îles  devant Leopoldstadt, toutes les mesures furent prises pour quitter Passau et, à marches forcées, suivre la grande Armée, et nous avions l’espoir, en 6 ou 8 jours, de bivouaquer en vue de Vienne.

Hier, nous avons marché jusqu’à Waizenkirchen, aujourd’hui on nous a indiqué Linz comme quartiers pour la nuit. Alors que nous étions en route, le prince de Ponte-Corvo a reçu un deuxième courrier qui annonçait la capitulation, après un bombardement. Désormais, il n’y avait plus de raison de se hâter.

Nous avons fait halte, à mi-chemin de Linz, dans la petite ville d’Efferding et aussitôt commencé les préparatifs pour l’étape, prévue le lendemain. Certains pensent que les troupes saxonnes seront envoyées à Vienne pour tenir garnison, d’autre croient que le prince formera un corps intermédiaire entre l’armée principale et l’armée d’Italie pour, avec les bavarois avançant dans le Tyrol, opérer sur les flancs de l’archiduc Jean, fortement menacé par le vice-roi Eugène et le général Macdonald.

Eugène de Beauharnais
Eugène de Beauharnais

Partout des ordres sont donnés aux autorités provinciales de confisquer les biens des gens de la Landwehr (milice) encore présents dans l’armée autrichienne. Ces ordres ainsi que les déclarations de Napoléon contre la maison de Lorraine – comme cela est dit dans les feuilles officielles – ont vraisemblablement propagé la rumeur qu’il se fera couronner à Vienne.

Le traitement amical de cette résidence – le pillage y est formellement interdit et la milice bourgeoise, forte de 15.000 hommes, reste armée, la police et la surveillance de la ville intérieure maintenue – est considéré  comme une confirmation de cette rumeur. D’après les proclamations et discours à l’armée bavaroise avant et après  les évènements de Ratisbonne, Salzburg serait déjà donnée au prince héritier de Bavière,  et l’Innviertel, qui était jadis bavarois, serait donné pour agrandir la Bavière. On croit aussi savoir, que l’on négocie déjà avec la Hongrie.

Sans vouloir, à partir de déclarations embarrassées de personnes isolées dans quelque coin de la Monarchie, tirer un avis prématuré sur l’esprit prévalant en général, je ne peux cependant pas dissimuler que le moins que j’ai entendu et vu ici, sur les bords du Danube, en Autriche, m’a conduit à une vue et à des conclusions  totalement différente de celles que j’avais pu tirer de ce que l’on colportait.

Tous ceux que j’ai jusqu’à présent rencontrés, dans différentes classes et états, sont des gens affables, simples, bons, ouverts et vertueux, sans culture remarquable sans être pour autant incultes, comme on en rencontre souvent à la campagne et dans les petites villes, pleins de gentillesse et de dévouement pour leurs princes, mais également d’un attachement agréablement paisible; plein d’antipathie intérieure pour l’étranger, en particulier envers les français, mais tout autant opposés à la guerre, et un ressaisissement héroïque dans les affaires politiques et morales.

Satisfaits de leur bonheur national tout comme de leur contraintes nationales, plus par  habitude instinctive et congénitale du fait d’un sentiment intérieur vivace et d’individualisme national.

L’Autrichien ne vaut rien comme soldat, disent beaucoup, il peut certes manier la charrue mais pas l’épée. Il aime la paix et ne comprend rien à la guerre.

« Si le vénéré empereur l’ordonne, nous marcherons tous, mais s’il ne tenait qu’à nous, nous resterions tous à la maison. »

On dit la milice autrichienne dissoute, à l’exception des bataillons de volontaires viennois et de la noblesse, et retournée paisiblement au pays. Là où on trouvait, chez certains, des traces évidentes d’un tempérament énergique, apparaît avant tout la méfiance dans les capacités guerrières des chefs. Comment pourrait-il en être autrement, lorsque la parole règne depuis presque 100 ans ?

 

Linz, le 17 Mai 1809.

Le pays, d’Efferding jusqu’ici, est particulièrement charmant. Efferding se trouve dans une vallée relativement plate qui, aux environs d’Ottenshaim, la ville natale de (note : der dritte Kunikundischen Otto), se resserre de telle façon qu’il n’y a pratiquement plus de place pour la route le long de la berge et que l’on peut tirer à la carabine par-dessus le fleuve. J’étais allé en avant de la colonne afin de m’arrêter à volonté aux endroits attrayants et de pouvoir jouir de la nature, particulièrement belle. Au milieu d’une de mes plus belles contemplations, je fut dérangé par une cavalcade. Le maréchal arrivait avec sa suite caracolante, je sautais sur mon cheval et….

 

Linz, 18 mai 1809, au matin

C’est aussi ce qui m’est arrivé hier midi, alors que j’étais assis à ma table pour écrire, parfaitement à l’aise pour terminer ta lettre, ma chère sœur. Il se fit un tumulte devant notre fenêtre, on fit appeler le capitaine, qui faisait déjà la sieste et on lui annonça que le maréchal souhaitait franchir le fleuve et que toutes les troupes du quartier général avaient reçu l’ordre de le suivre, car l’ennemi s’avançait pour attaquer.

Le capitaine hocha dubitativement la tête, pendant que nous montions en selle. Sur la place du marché se trouvait l’infanterie en ordre de marche et, comme nous arrivions au pont, on entendait déjà, très distinctivement le claquement d’armes de petit calibre et un peu de fumée s’élevait à l’horizon, dans la vallée.

Dominique-Joseph Vandamme
Dominique-Joseph Vandamme

Devant la bourgade Urfahr (Uferling) le maréchal, avec sa suite, s’arrêta pour donner les ordres pour la disposition de ses troupes. Le général Vandamme commandait à l’avant; quelques bataillons wurtembergeois ainsi que quelques canons défilèrent au pas accéléré; un officier mort et quelques soldats blessés furent amenés sur des civières.

C’est alors que je m’aperçus clairement que cela devenait sérieux. Quelques adjudants (aides de camps), que le maréchal avait envoyé en avant, pour se faire une idée plus précise des évènements, revinrent avec leur rapport. Devant, tout allait bien, parait-il; mais la fusillade continuait sur un village, un bataillon suivait l’autre et les officiers étaient expédiés pour amener rapidement toutes les troupes saxonnes qui étaient encore en marche.

Une petite vallée, large d’environ un quart d’heure, et long de cinq, partagée en plusieurs morceaux par des fossés, des buissons, des palissades et des villages, entourée  de montagnes, s’étend au delà de Urfahr le long du Danube. Une petite colline juste à la sortie de ce faubourg, sur laquelle les troupes saxonnes avaient été placées en plusieurs unités, de façon à facilement repousser  toutes les attaques, offrait en même temps une vue sur l’ensemble de la vallée.

Le combat semblait se dérouler au milieu de la vallée et l’ennemi s’avançait des bois, en deux endroits différents, ce qui rendait impossible l’évaluation de ses forces. Le fumée s’étendait toujours plus et semblait également se rapprocher.  Au début, il n’y avait que les tirs de canons de notre coté, mais bientôt des batteries ennemies se montrèrent de l’autre coté, sur les hauteurs. Cela dura bien ainsi une autre demie-heure sans que la situation ne se modifia sensiblement.

Mais tout devint en un instant plus vivant. Tant avec des lunettes qu’à l’œil nu on vit nettement, à Korn, deux régiments d’infanterie de ligne et 4 canons, qui commencèrent rapidement le feu, et tout au-dessus, dans les bois, un canon isolé était mis à feu. Il semblait répondre, d’une distance tout à fait inefficace, à une batterie, qui avait été amenée, de notre coté, sur la rive droite du Danube, pour prendre de flanc toute attaque de l’ennemi. Un bataillon d’infanterie wurtembergeois, qui, pendant tout ce temps, s’était tenu tranquillement dans la cour d’une église, située sur une hauteur, en avant, sur la gauche, descendait maintenant de la hauteur et prenait part au combat.

Quelques escadrons de cavalerie s’avancèrent au trot ; désormais, mon capitaine n’en pouvait plus de regarder les évènements de loin. J’étais du même avis, bien que le capitaine me conseillait de ne pas inutilement m’exposer au danger. Nous avions à peine atteint le deuxième village, lorsque l’ordre d’un des généraux m’atteignit prendre les dispositions pour le retour toujours plus nombreux des blessés. Je me dépêchais autant que je le pu, lorsque, rebroussant chemin pour suivre mon plan initial, les affaires étaient décidées.

L’avant-garde de l’ennemi s’était avec avantage postée derrière une palissade en bois et de ce fait déjouait pour un temps l’avance de nos troupes, pendant que la colonne qui suivait, que l’on pouvait estimer à 4 ou 5.000 hommes, tentait de se déployer sans difficultés en avant du bois.

Entre temps, l’ennemi était vraiment trop négligent dans son avance et l’utilisation du petit avantage du début. Son avant-garde était sortie du village, où elle s’était tenue longtemps, repoussée, prise de flanc, à partir de la cour d’église dont il a été question, et poursuivie par la cavalerie, dans une tréflière totalement plate, par laquelle elle du faire retraite. 

Tout ceci n’aurait été que de peu d’importance si seulement le gros de la troupe qui, comme nous pouvions parfaitement l’observer de loin, était en ordre de marche sur deux lignes sur le flanc d’une colline et soutenue par 4 canons, s’était mieux comporté. Il se produisit un mouvement ambigu, deux escadrons de hussards saxons et de chasseurs à cheval wurtembergeois chevauchèrent avec détermination à leur rencontre, et elles laissèrent leurs canons en place et s’enfuirent en désordre dans les bois.

En quelques minutes l’affaire était terminée à notre avantage. Quelques centaines d’Autrichiens furent faits prisonniers, six canons capturés, et le reste s’enfuit à la hâte. Des autres colonnes, que l’on croyait avoir vu au loin dans les bois, on n’aperçut plus rien.

Pendant ce temps – il pouvait être six heures du soir – le reste des troupes appartenant à la division saxonne s’était rassemblé de ce coté d’Urfahr. Quelques bataillons avaient même été rassemblés et envoyés dans différentes directions pour la poursuite. Tout le monde était joyeux, y compris les pauvres prisonniers, qui, couverts de sueur et de poussière, étaient emmenés, en larges groupes, vers la ville.

En particulier, un jeune wurtembergeois, se présentait triomphant devant un canon, qui lui revenait en partie, après qu’un officier autrichien, qui résistait seul et n’acceptait aucun pardon, avait été étendu à terre d’un coup de feu.

Je me joignis à un infirmier, qui passait à cheval, pour aller dans les blés voir s’il y avait encore quelque blessé sans secours. Heureusement, nous ne trouvâmes que quelques morts.

Les wurtembergeois commencèrent à faire les feux; tout était calme et nous chevauchâmes nonchalamment en direction de la ville.  Soudain, des mouvements étonnants se produisirent parmi les troupes, et non pas derrière nous, où avait eu lieu le combat, mais devant nous, exactement au nord d’Urfahr.

Nous mîmes nos chevaux exténué au trot, et l’on nous dit qu’une patrouille était tombée sur une colonne autrichienne, à l’endroit où retentissaient les tirs et avait été en grande partie faite prisonnière. Il apparu que le combat, d’ailleurs terminé, était une manœuvre de diversion, pour distraire nos troupes des ponts, et ainsi tomber sur nos arrières avec plus de force.

Jean-Charles comte Kolowrat
Jean-Charles comte Kolowrat

Car, d’après les dires des prisonniers, ce pouvait être tout le corps du Feldmarshall-Leutnant Kolowrat, fort de 22.000 hommes, qui, depuis Retz, de l’autre coté de la montagne, avec marché du même pas que nous, et qui, en cinq colonnes, était en marche contre nous – dans l’espoir de ne rencontrer que les wurtembergeois et de forcer le passage à Linz – avant que le maréchal Bernadotte ne réussisse la même chose avec son corps d’armée.

Désormais, c’était au tour des Saxons.  Dans la plus grande hâte, les bataillons et escadrons suivants avaient été mis sur la même colline en ordre de bataille, dont nous avions vu de loin les premiers combats. Il faisait désormais si sombre que l’on ne pouvait rien distinguer à quelques centaines de mètres de distance. Par chance, l’ennemi se hâtait si peu, que les troupes saxonnes étaient pratiquement rassemblées lorsque, à bonne distance, les premiers tirs de canons tombèrent.

Nous répondîmes, de notre coté, par des tirs de grenades et un bataillon ou même plusieurs envoyés à leur rencontre. Sur notre flanc gauche se trouvait une montagne haute et abrupte, le Pöstlinsberg, d’où l’ennemi commença à nous arroser de boulets de canons, dont quelques-uns arrivèrent si près de moi, que mon cheval, malgré son courage fut presque effrayé par la terre qu’ils faisaient jaillir.

La présence de l’ennemi de ce coté pouvaient être inopportune pour maréchal; un bataillon fut également envoyé dans cette direction, avec l’ordre de le repousser. Gravir dans l’obscurité la montagne abrupte et couverte de bois ne fut pas une tâche facile; mais il s’était à peine écoulé dix minutes, qu’il s’éleva, à mi-pente, une vive fusillade, qui monta toujours plus haut, jusqu’à la lisière des bois, et les éclairs des fusils montrait de façon distrayante la marche des combats. Peu à peu, les tirs s’éteignirent et, vers 10 heures, tout était silencieux; les troupes qui avaient été envoyées revinrent dans la nuit, avec la nouvelle que partout l’ennemi était en retraite. C’est ainsi que se termina ce combat sans la moindre conséquence fâcheuse pour nous. Au contraire, les chasseurs wurtembergeois réussirent encore, vers minuit, à habilement encercler, en haut, dans le château du Pöstlingberg, un avant-poste autrichien d’au moins une centaine d’hommes, grâce au mot de passe qu’ils avaient découvert, et à les faire tous sans exception prisonniers.

Toutes les troupes durent bivouaquer la nuit dans leurs positions; on envoya en ville, pour se procurer, en abondance, paille, vin et aliments, et je m’y rendis moi-même, avec les chevaux, car je n’était que très légèrement habillé et qu’il n’y avait aucune raison de préférer la belle étole au logement agréable qui nous était attribué.

Aujourd’hui les troupes de deuxième division sont également passées sur l’autre rive. Seule la cavalerie est restée, prête à marcher, encore provisoirement du coté de Linz. La division Dupas est attendue vers midi, et nous pourrons ainsi répondre sans trop de soucis à une nouvelle attaque de l’ennemi.

[2]Note : les faits ci-dessus se rapportent aux combats de Linz-Urfahr, du 17 mai 1809, qui opposèrent 12.000 wurtembergeois (Vandamme) et 6.000 saxons (Bernadotte) aux 15.000 autrichiens de Kolowratt. … Continue reading

References

References
1Effectivement, Napoléon n’est entré à Vienne que le 13 mai
2Note : les faits ci-dessus se rapportent aux combats de Linz-Urfahr, du 17 mai 1809, qui opposèrent 12.000 wurtembergeois (Vandamme) et 6.000 saxons (Bernadotte) aux 15.000 autrichiens de Kolowratt. Les Alliés perdent 42 morts, 302 blessés, 47 prisonniers ou disparus; les Autrichiens 49 tués, 263 blessés, 455 prisonniers, 124 disparus, ainsi que 6 canons.