Le gros de l’armée autrichienne est rassemblé autour de Linz. De ces troupes, les bataillons 4 et 6 des Volontaires Viennois sont autour d’Ebelsberg. Radetzky a passé Marchtrenk et se retire le long de la Traun, protégé par la brigade Nordmann, en direction de Kleinmünchen. La brigade Bianchi bivouaque devant Wihering, dans la vallée du Danube. Au nord de ce dernier se trouvent les troupes d’Hardegg et de Richter. Un soucis pourtant pour Hiller: Schustekh, qui effectue toujours sa retraite vers Oftering et Leonding, par Schmiding.
Les Français sont menaçant avant tout en raison de Masséna, dont les avants-postes ne se trouvent qu’à quelques kilomètres de Bianchi, attendant l’ordre de marche vers Linz. A l’est de de Wels, sur la Traun, Lannes et Bessières tiennent le terrain, le gros des forces de Napoléon se repose autour et dans Lambach. Vandamme reste à Riedau, la Garde est encore dans le Innviertel, et Davout vient d’atteindre Passau. Enfin Wrede s’avance de Straßwalchen vers Vöcklabruck.
En 1809, la Traun n’est pas domestiquée (elle est en crue ce mois de mai) et présente un obstacle important, avec son bras principal de près de 400 mètres de large.
« En passant la Traun sur le pont d’Ebersberg, je fus frappé de la longueur de ce pont, de sa hauteur au-dessus des eaux, de la rapidité du courant à travers les rochers, enfin de l’audace qu’il avait fallu déployer pour s’en emparer. »Boulard
Mais ce bras est coupé par deux îles, juste en aval et en amont du pont. Sur la rive droite, quelques chenaux et de nombreux fossés, les marécages s’étendent sur environ 1000 à 1500 pas. Éboulis et rapides rendent difficile la construction d’un pont.
A l’ouest de la Traun, les agglomérations comme Kleinmünchen et Scharlinz, ne réunissent que quelques fermes. Mais le réseau routier n’a depuis lors presque pas changé.
Les deux rives sont reliées par un pont de bois d’une longueur de 550 mètres, pour une largeur de 13.
« Notre premier obstacle fut le passage d’un pont sur la Traun qui avait au moins deux cents toises de longueur. Il avait été construit pour couvrir et passer ce torrent quand il débordait. » Pouget
« Ebelsberg, sur la rive droite de la Traun, tient à la rive gauche par un pont de bois fort long » Bellot de Kergorre:
« .. on trouve le pont en bois de la Traun, long de 590 mètres, à l’extrémité duquel est une tour percée d’une porte. » Masséna
« Ce pont offrait un défilé très long sur lequel jouaient les batteries ennemies placées dans une superbe situation » Marulaz
Ebelsberg au début du XXe siècle
Lorsqu’on traverse ce pont en venant de l’ouest, on atteint tout d’abord une porte en forme de tour, derrière laquelle s’étend la place du marché. Celle-ci, longue de 110 mètres et large de 50, est fermée par la Ennser Tor.
« Longue de 100 mètres et large de 40, cette place communique par deux petites rues fort étroites avec les portes de Lintz et et d’Enns » Masséna
Au-delà commencent les faubourgs de l’Enns (Ennser-Vorstadt). Le cimetière se trouve à l’endroit qu’il occupe aujourd’hui.
« Immédiatement à gauche de cette porte s’élève une rampe escarpée de 3 ou 4 mètres de largeur, et de 140 de développement, qui conduit à un vieux château bâti sur une hauteur dominant le pont de 36 à 40 mètres. » Masséna
Le château, qui domine toujours la campagne, est à toits de bardeaux, comme les 87 maisons du marché. Mais il n’a pas encore sa terrasse, ni ses plantations d’arbres.
« La tour intérieure quadrilatère, dont le plus long coté n’a guère moins de 30 mètres, est environnée de vieux bâtiments couverts en bardeaux » Masséna
Les fossés qui entourent la demeure seigneuriale sont plus profonds et abrupts. La route impériale avait un autre tracé que maintenant (le tracé actuel est d’ailleurs du à Napoléon, qui souhaitait une route plus facile pour ses troupes)
Le temps vient de changer brusquement: après une semaine de pluie, le soleil brille ce matin du 3 mai, et le ciel merveilleusement bleu promet une belle journée de printemps.
Dispositions
Hiller et Masséna ont, la veille, pris leurs dispositions.
Hiller ordonne le repli derrière la Traun. A quatre heures du matin (l’aube pointe alors à deux heures !), les autrichiens doivent quitter Linz. La Landwehr ouvre la marche, suivie du Ve corps, du IIe corps de réserve, de la brigade Hoffmesiter du VIe corps. Les chevau-légers de Rosenberg ferment la marche. Le reste de VIe corps autrichien ne se trouve pas en Haute-Autriche: Hohenfeld et Nordmann gardent le flanc ouest vers Krems, Weißenwolff cantonne à Kleinmünchen.
L’arrière-garde est emmenée par le général-major Bianchi. Il quitte, également à quatre heures du matin Wilhering en direction d’Ebelsberg. Weißenwolff doit tenir le nord de Kleinmünchen le temps nécessaire pour permettre à la brigade Hoffmeister et aux chevau-légers de Rosenberg de prendre position en avant de Kleinmünchen. C’est le feld-marschal leutnant Vincent qui assure le commandement de ces troupes. Il a reçu l’ordre formel d’attendre l’arrivée de Schustekhs et de le couvrir.
Le commandant autrichien a donc mis en branle un repli ordonné, hélas sans l’énergie nécessaire, comme les évènements vont le démontrer.
De son coté Masséna a pris les dispositions suivantes:
En tête, sous le commandement de Trenquallye, le 14e chasseur á cheval, les chevau-légers de Würtemberg et les dragons badois.
Derrière, la division Claparéde avec la 1e brigade et trois pièces de canon, formant l’avant garde.
Derrière Claparède, les divisions Legrand, Carra Saint-Cyr et Boudet. Claparède a avec lui une brigade des cuirassiers d’Espagne, l’autre étant avec Legrand. Le flanc droit est assuré par de la cavalerie légère. L’itinéraire: Wilhering-Linz-Ebelsberg.
À 8 heures du matin, le gros des forces d’Hiller atteint Kleimünchen et le pont d’Ebelsberg, où un embouteillage se forme bientôt.
Bianchi a, dans le même temps, entamé son retrait de Wilhering, qui s’effectue sous la pression de l’ennemi. Seule la providence, et les caves du couvent, lui ont permis d’atteindre Linz sans encombre, et de quitter cette ville à toute vitesse en direction d’Ebelsberg, pour ne pas perdre le contact.
Le décor est planté. L’affaire d’Ebelsberg peut maintenant commencer.
Les combats
On a vu que c’est à 8 heures du matin que le gros des forces autrichiennes a traversé Kleinmünchen, la tête de colonne atteignant Ebelsberg. A ce moment, les premiers cavaliers français apparaissent vers Niedernhart. Du coté de Radetzky, qui protège vers Wels, de petits postes de cavalerie français sont observés.
L’autrichien Vincent, qui commande les positions, a disposé ses troupes de la façon suivante: à droite, derrière le bois de Scharlinz, la brigade Hofmeister (RI 31à droite, RI 51 à gauche); le 3e bataillon du 51e tient Kleinmünchen, le reste, avec le 31e observent à la lisière de la forêt des deux cotés de la route et dans Scharlinz. Ses arrières sont protégés par les chevau-légers de Rosenberg, renforcés par un demi escadron des hussards Stipsicz. Un peloton de chevau-légers a été envoyé sur la droite, sur le Danube, un demi-escadron assure la liaison, sur la route Linz Wels, avec Radetzky. Un escadron de uhlans et deux compagnies Grenzer attendent l’ennemi, à l’intersection de ce que sont aujourd’hui les Salzburgerstrasse et Dauphinestrasse.
Vue d’Ebelsberg depuis le chemin menant au château
A 9 heures, il règne à Ebelsberg un chaos indescriptible: les cavaliers veulent impérativement faire soigner leurs montures à la forge, de nombreuses compagnies commencent à préparer la cuisine (on est en route depuis sept heures), et l’artillerie est en mouvement autour du château. Au même instant les français traversent Linz, sans s’arrêter.
A 9 heures et demi se produisent les premières escarmouches devant Kleinmünchen. Au même moment survient la colonne Schustekh, venant de Leonding par Oberhart: elle essaye de gagner le passage de la Traun. En même temps, les préparatifs sont faits pour la destruction du pont.
10 heures. Les positions autrichiennes semblent fixées: au marché d’Ebelsberg se trouvent les 1er et 2e bataillons des Grenzer de Walachie-Illyrie, renforcés d’une compagnie de tireurs d’élite de l’archiduc Ferdinand. Au château trois compagnies du 2e bataillon du RI 29 (von Pflüger). Non loin de là, les premières unités du Ve corps. Sur le Schildenberg, le gros des troupes marche sur de chaque coté de la route, de sorte que le Ve corps forme l’aile droite, le VIe la gauche. A l’extrême droite, les Volontaires Viennois. Au sud de la route se trouve Dedovich, puis la brigade Weißenhoff, devant de nouveau des Volontaires Viennois. Le gros de l’artillerie se trouve déjà vers Pichling et les hussards de Liechtenstein protègent les ailes à Gottschalling. Le IIe corps de réserve est déjà à Asten, ses avant-postes sont à Saint-Florian et occupe le Tillysburg.
À ce moment, un escadron du 19e chasseurs à cheval de la division Marulaz entre en contact avec l’ennemi au bois de Scharlinz. Marulaz s’aperçoit qu’il n’arrivera à rien avec le peu de forces dont il dispose: il demande des renforts à Masséna.
A dix heures et demie, Marulaz lance l’ordre d’attaque sur tout le front: les 19e, 23e et 14e chasseurs à cheval en première ligne, la cavalerie de la confédération en deuxième ligne. Leur but est de tourner la droite autrichienne. Mais la colonne Schustekh, qui survient sur sa droite, paraît à Marulaz plus importante: il ordonne aux dragons badois Trenqualye de tourner sur sa droite. Pourtant, ils n’attaquent pas.
Il est maintenant 11 heures. La brigade Coehorn arrive de Linz sur la position de Marulaz, et se déploie. Mais l’autrichien Vincent ne veut pas se risquer à un véritable combat: il ordonne la retraite. Les français font pression et, malgré le soutien de leur artillerie, les autrichiens se retirent en désordre.
Ce retrait met Radetzky en difficulté. Mal informé, il n’apprend le retrait du centre autrichien que lorsque l’infanterie française approche de Kleinmünchen. Radetzky rassemble toutes ses troupes et se hâte vers le pont sur la Traun, laissant à son sort son avant-garde.
Les combats sur le pont
Au pont règne le tumulte. On essaye de repousser les Français à la baïonnette et à la crosse, mais aux Autrichiens qui passent la Traun se mêlent des Français. Coehorn aperçoit la chance qui s’offre à lui: il se met lui-même à la tête des tirailleurs corses et les emmènent vers l’entrée du pont.
A 11 heures et demie, les combats font rage. L’infanterie et l’artillerie autrichiennes se défendent vaillamment. Mais les français atteignent les premières maisons et la Porte de la Tour d’Ebelsberg: les autrichiens n’ont d’autre ressource que de d’abandonner leurs positions. Pendant ce temps, des unités autrichiennes, mêlées aux français, essayent de gagner la rive gauche de la Traun. Après une courte pause, durant laquelle Coehorn réussi à rassembler ses troupes (il a réussi à éviter la destruction du pont), ce dernier attaque de nouveau: il forme un groupe central et deux groupes latéraux, un à gauche qui s’attaque aux batteries autrichiennes, l’autre à gauche sur le coté sud d’Ebelsberg. Il ne prête pas attention au château, ce qui va lui coûter cher.
En effet, bientôt, le groupe central subit un feu meurtrier à partir du château. Mais il continue son avance. Claparède a amené ici ses brigades Lesuire et Ficatier, ainsi que deux batteries. Son artillerie, par ailleurs, est amenée des deux cotés du pont et ouvre le feu sur les batteries autrichiennes. Marulaz essaye de lancer ses cavaliers: il doit leur faire tourner bride, devant la difficulté du terrain.
Midi et demie. La brigade Coehorn suit les brigades Lesuire et Ficatier. Arrivés à la Tour, ils reçoivent une mauvaise nouvelle: le groupe de gauche a bien réussi à faire retraiter les batteries autrichiennes, mais arrivé au fossé du château, il a été assailli par le RI 58 (Pirquet) et forcé de reculer.
La cour du château d’Ebelsberg aujourd’hui
Il est 13 heures. La brigade Lesuire arrive sur la place du marché. Trouvant une entrée vers le château, elle essaye de repousser les autrichiens, mais n’y parvient pas. Claparède se rend compte maintenant que le château est la position clé; il ordonne à Ficatier de s’en saisir. Ce dernier forme trois colonnes: la première monte vers la Wassertor, la deuxième s’attaque à la pente et la troisième s’avance le long de la Traun, pour prendre le château à revers. Les deux premières sont repoussées sévèrement. La troisième est attaquée de flanc par Pirquet et doit reculer. Pourtant, Pirquet et la majorité de ses officiers étant mis hors de combat, cette colonne parvient dans les fossés du château. Les français pensent ainsi pouvoir entrer dans la place, ils arrivent cependant au marché, où la situation s’est profondément modifiée.
13 h 30. Lorsque les tirailleurs de la brigade Coehorn apparaissent sur les hauteurs derrière Ebelsberg, les autrichiens sont à la popote. Ils ne s’attendent pas à une attaque: le bruit de combats qu’ils entendent ne sont sûrement que les bruits de combats d’arrière garde. Maintenant la situation devient critique. Le premier à s’en apercevoir est le colonel Küffel: en quelques minutes, il envoie le 5e bataillon des Volontaires Viennois à gauche, le 4e à gauche, le 6e au centre. Puis il ordonne l’attaque.
Les Français se défendent âprement. Mais lorsque la cavalerie attaque, ils doivent reculer jusqu’à Ebelsberg. Les Volontaires obtiennent du renfort: le RI 29, le 3e bataillon du RI 18,enfin les 1er et 3e bataillon du RI 40. Il ne reste plus aux français qu’à évacuer les faubourgs d’Enns.
Pendant ce temps les combats font également rage dans les fossés du château. Après la défaite de Pirquet, le commandant von Siegler, du RI 7, attaque les français, mais ceux-ci sont plus rapides. Pourtant il réussi à les faire reculer: une partie des français saute dans la Traun, l’autre se rend. Siegler organise alors la défense, et tient bon, malgré trois attaques des français.
Au même moment, les Volontaires Viennois s’avance jusqu’à la place principale, que les français évacuent en catastrophe. Le 1er bataillon du RI 49 s’est joint aux Volontaires: les autrichiens pensent maintenant reprendre le pont.
À 14 heures, la contre-attaque autrichienne a donc réussi. La division Claparède a été repoussée, avec des pertes importantes en tués, blessés et prisonniers.. C’est l’instant où Hiller pourrait frapper. Pourtant, il temporise, et finalement ne se décide pas à engager de troupes supplémentaires pour ce combat: il lui importe seulement de conserver son corps d’armée et de continuer sa retraite en ordre. Par ailleurs, il a été informé que des forces ennemies arrivent de Wels.
Claparède et Coehorn, au contraire, ne démobilisent pas. Ils ont une marche de 30 kilomètres et un combat d’arrière-garde derrière eux, mais ils comptent sur l’aide de leurs maréchaux, et Masséna, effectivement, ne les abandonne pas. Malgré les batteries autrichiennes qui sont à la Ennser Tor, et en dépit des efforts du caporal Gabella pour mettre le feu aux maisons et enfumer les français, ceux-ci tiennent bon, et leur ténacité est récompensée: la division Legrand s’approche, venue de Linz au pas de charge ! Elle est composée de la brigade Ledru (26e léger et 18e de ligne) et des Badois de Kister. Au reçu de l’appel au secours de Masséna, ils ont accéléré le pas, faisant une partie du parcours en courant. Lorsqu’ils arrivent au pont, ils chargent leurs fusils tout en avançant.
« Je m’acheminais sur Ebelsberg en bon ordre et d’un bon pas, quand je vis arriver un cavalier de toute la vitesse de son cheval. C’était un aide de camp du maréchal Masséna qui venait m’apporter l’ordre d’accélérer la marche du régiment sur Ebelsberg, où l’ennemi était en force et dont nous étions encore à une demi-lieue. Je lui dis: <Monsieur, je ne puis mener mon infanterie au trot, je marche d’un bon pas et je serai bien aise d’arriver avec tout mon monde >…. Au bout de dix minutes, arriva un second aide de camp avec pareille mission que le premier… » Pouget (du 26e)
Les combats sur le pont
Deux heures et demie: Legrand et la brigade Ledru s’élance sur le pont. Les boulets sifflent au-dessus des têtes, un flot continu de blessés cherche sa route vers l’arrière. Qu’importe, tout ce qui se met en travers est bousculé, jeté dans la Traun (y compris un officier d’état-major français !).
« Lorsque le 26e arriva au pont, il fut canonné par une batterie de douze pièces placée sur une élévation en arrière et à gauche du château, pouvant battre le pont en le prenant en écharpe. Je le fis passer au pas de course par le flanc, et les hommes à distance, précaution qui ne m’empêcha pas d’en perdre sept ou huit; une fois à couvert, nous marchâmes à rangs serrés et toujours sur le flanc sans rencontrer ni amis ni ennemis (sic) » Pouget
Les Autrichiens ne peuvent pas résister à une telle attaque et les Français atteignent rapidement la Ennser Tor, encombrée de canons hors d’usage, de voitures, de chevaux, de cadavres. Là, la résistance des Autrichiens se durcit: un combat de rue recommence, qui tourne au désavantage des Français, tout comme l’attaque du château.
« Nous aboutîmes par une rue étroite et formant des sinuosités telles que nous n’étions plus qu’à vingt-cinq pas quand nous le vîmes (le château). Nous fûmes accueillis par une décharge de mousqueterie partie de dessous la voûte d’entrée. » Pouget
Pourtant Masséna ne renonce pas. Il est au cœur des combats, au milieu de la grande place, qui est de plus en plus la proie des flammes (Pelet, son aide de camp, sera blessé au bras)
Nous étions dans une situation extrêmement dangereuse. La plupart des officiers de mon commandement étaient blessés; mais il y allait du prestige, et nous espérions du renfort, bien que le pont sur la Traun, abîmé par les incendies, ne pouvait plus être utilisé que par l’infanterie. » Masséna
Trois heures. Hiller apprend que Lannes se dirige sur Steyer et Enns, tandis que Molitor et Nansouty s’approche d’Ebelsberg par la rive droite de la Traun. Il donne alors de la retraite.
C’est d’abord le château qui est évacué, occupé aussitôt par Ledru. Sur la grand place, Dedovich manque de peu d’être fait prisonnier, son cheval ayant chuté. À quinze heures trente, quelques autrichiens tiennent encore dans Ebelsberg, parmi lesquels un artilleur qui, à la Ennser Tor, bravant tous les dangers, continue de servir sa pièce et mitraille les français, les empêchant d’avancer.
La cavalerie de Marulaz voit son avancée ralentie par l’incendie, qui a atteint le pont.
A quatre heures de l’après-midi du 3 mai 1809, les combats d’Ebelsberg sont terminés.
Épilogue
Ce « combat inutile » causa des pertes énormes des deux cotés, eu égard à la brièveté de la bataille (à peine cinq heures).
Coté autrichien: 19 officiers tués, 120 officiers blessés ou prisonniers, 7200 soldats tués, blessés, prisonniers ou disparus.
Coté français et alliés, la division Claparède eu 850 tués, 1200 blessés et 800 prisonniers; la division Legrand 150 tués, 550 blessés; les Badois déplorent 3 officiers et 40 tués ou blessés.
« Le champ de bataille est couvet de morts, le nombre des blessés est grand. Le général Coehorn a eu son cheval blessé sous lui; le général Lesuire a eu le sien blessé, celui de mon chef d’état major, l’adjudant-commandant Normand, a été percé d’une balle; le général Ficatier a eu le chapeau traversé par une balle, et moi le bras effleuré par une autre. Le colonel Cardeneau a été tué. 3 autres colonels, MM. Rebin, Landy et Salmon blessés; plusieurs chefs de bataillon tués ou blessés . J’ai éprouvé une très-grande perte dans les autres grades et, parmi les sous-officiers et soldats. » Claparède
« Le 26e régiment a perdu, tant en tués qu’en blessés, environ 400 hommes. Le 18e régiment a perdu à peu près 200 hommes. Le bataillon de tirailleur badois a eu plusieurs hommes blessés.
Le 26e régiment d’infanterie de ligne a eu 2 officiers tués, 8 blessés, 31 soldats tués et 357 soldats blessés; le 18e régiment 30 officiers blessés, 21 soldats tués et 255 blessés; le bataillon de tirailleurs de Son Altesse le grand-duc de bade, un officier blessé, 18 soldats blessés et un de tué; le 1er régiment d’infanterie de ligne, 3 soldats blessés sur le pont et un du 2e régiment, ce qui forme un total de 2 officiers tués, 12 blessés, 53 soldats tués et 634 soldats blessés. »Legrand
« Dans cette journée, la perte fut considérable des deux cotés. Les autrichiens ont avoué 566 morts, 1,731 blessés et 2,216 prisonniers, ou 4,513 hommes hors de combat. Nous en perdîmes 2,800, dont 1,880 blessés. Sur ce total, la division Legrand comptait 55 morts et 646 blessés. Le colonel Cardeneau fut tué et trois autres blessés. Nous restâmes maîtres de 2 canons et d’un drapeau. » Masséna
Plus horrible: dans l’enfer de flammes d’Ebelsberg périrent près de 1 000 blessés !
Général Jean Baptiste Antoine Marcellin de Marbot
« Il (Masséna) attaqua donc pour passer une rivière < déjà passée >; il réussi, mais il eut plus de 1 000 soldats tués et 2 000 blessés !. L’Empereur blâma ce déplorable abus du sang des hommes. » Marbot
« Bientôt un incendie général se manifesta dans toute la ville, les cadavres dont les rues étaient jonchées y furent brûlés… spectacle horrible ! » Marulaz
« Ebersberg était en flammes, démoli à moitié par le canon. Des milliers de blessés s’étaient jetés dans les maisons, où les flammes les atteignirent; ils moururent dans les tourments de l’enfer. Les maisons vis-à-vis le pont, en étaient remplies; des monceaux de cadavres plus ou moins brûlés gisaient pêle-mêle avec les décombres; les poutres embrasées faisaient le plus affreux spectacle; lorsque nous y entrâmes, il y régnait un silence de mort. Un grand nombre de corps étaient encore sur le pont; d’autres, jetés par dessus, pour faire place à l’artillerie, formaient des entassements sur les bas-fonds. Les pertes, sur ce point, étaient immenses; on pouvait juger par les victimes entassées du nombre de celles que le torrent avait entraînées, près de la porte si bien attaquée et défendue. Un détachement de troupes de la confédération du Rhin, bivouaquant sur le pont, avait formé avec des corps un retranchement circulaire pour se mettre à l’abri du vent. C’est au milieu de ce mur de morts qu’étaient son feu et sa marmite.
La rivière passée, l’horreur augmentait à la vue de cette ville dont le feu n’avait rien épargné, excepté l’église. Nous marchions à pied avec précaution au milieu des cadavres et des poutres renversées. Une odeur insupportable s’exhalait de ces corps. Les horribles contorsions de leurs membres exprimaient les plus affreuses douleurs. Ne pouvant les éviter, nos roues les écrasaient. La chaleur, les exhalaisons effrayaient quelquefois nos chevaux, qui reculaient ou se cabraient. Nous apercevions parfois quelques blessés sortant des ruines éteintes; leurs souffrances nous eussent déchiré l’âme si, au milieu de ces diverses scènes, nous n’eussions été étourdis comme le soldat l’est au milieu du feu…. Plus on approchait du château, plus on trouvait de morts » Bello de Kergore
Bivouac de Napoléon à Ebersberg, 4 mai 1809. – Antoine-Pierre Mongin (1761-1827); Versailles, Château et Trianons.AKG
Napoléon accourt, averti par ses aides de camp. Un spectacle affreux s’offre à ses yeux: à la clarté des flammes, il avance sur un sol jonché de milliers de cadavres français et autrichiens. Une odeur épouvantable de chair grillée soulève le cœur; son cheval glisse sur des corps déchiquetés. Ici, ce n’est qu’un bourbier sanglant.
« Napoléon parcourait le champ de bataille, encore jonché de cadavres à demi brûlés, examinait les positions qui venaient d’être conquises, et se faisait rendre compte de toutes les circonstances du combat. On remarquait que sa figure, ordinairement impassible, exprimait tour à tour le regret et l#admiration; les tirailleurs corses, qui s’étaient particulièrement distingués, reçurent de lui des éloges; il leur demanda en italien s’ils avaient perdu beaucoup de monde, l’un deux lui répondit < Oh ! il y en a encore pour deux fois !> Il fit un à Coehorn un accueil plus paternel que sévère, et lui reprocha cependant son imprudente ardeur. < Si vous aviez attendu > lui dit-il < les troupes qui vous suivaient pour attaquer, le même résultat eût été obtenu, et nous n’aurions pas à déplorer la mort de tant de braves gens > » Masséna
« Napoléon se rendit de Wels à Ebelsberg (… ) Arrivé sur le champ de bataille, la vue de ce grand nombre d’hommes, si inutilement tués, le navra de douleur; il s’éloigna et ne vit personne de la soirée ! »… ) Arrivé sur le champ de bataille, la vue de ce grand nombre d’hommes, si inutilement tués, le navra de douleur; il s’éloigna et ne vit personne de la soirée ! » Marbot
« Tous les malheureux blessés qui s’y étaient réfugiés furent brûlés. Les rues et les maisons présentaient le plus hideux spectacle des maux que souffre l’humanité pour les querelles des rois et il n’y a pas d’amour de la gloire qui puisse justifier pareil massacre. Pour achever le tableau, il suffira de dire que l’incendie était à peine achevé que l’on fut obliger de faire passer les cuirassiers d’abord, puis l’artillerie, à travers la ville pour les porter sur la route de Vienne. Que l’on se figure tous ces hommes morts cuits par l’incendie, foulés ensuite aux pieds des chevaux, et réduits en hachis sous les roues du train d’artillerie. Pour sortir de la ville par la porte où le général Coehorn avait perdu tant de monde, on marchait dans un bourbier de chair humaine cuite qui répandait une odeur infecte. Cela fut au point que, pour tout enterrer, on dut se servir de pelles comme pour nettoyer un chemin boueux. »figure tous ces hommes morts cuits par l’incendie, foulés ensuite aux pieds des chevaux, et réduits en hachis sous les roues du train d’artillerie. Pour sortir de la ville par la porte où le général Coehorn avait perdu tant de monde, on marchait dans un bourbier de chair humaine cuite qui répandait une odeur infecte. Cela fut au point que, pour tout enterrer, on dut se servir de pelles comme pour nettoyer un chemin boueux. » Savary
« Les jambes des chevaux s’enfonçaient dans cette boue de chair et de sang humain encore chaud; nous éprouvâmes un vif sentiment de dégoût et d’horreur dont je n’ai jamais perdu le souvenir. » Lejeune
« Le tableau qu’offrait cette malheureuse ville, quelques heures après le combat, réunissait tous les genres d’horreurs; le pont couvert de morts et de blessés; la rivière remplie de cadavres et de débris ; toutes les maisons écroulées et fumantes, les rues jonchées de corps mutilés et brûlés, conservant encore après la mort l’attitude et l’expression de la plus horrible douleur; des femmes, des malheureux enfants consumés dans les bras l’un de l’autre; et, dans ce désastre général, une armée traversant ce théâtre de destruction au bruit d’une musique guerrière, les voitures roulant sur quinze cents morts, brisant leurs crânes et emportant les lambeaux de leur dépouille. » Cadet de Gassicourt
« Pour sortir de la ville par la porte où le général Cohorn avait perdu tant de monde, on marchait dans un bourbier de chair humaine cuite qui répandait une odeur infecte. Ce fut au point que pour tout enterrer, on fut obligé de se servir de pelles comme pour nettoyer un chemin bourbeux. L’ Empereur vint voir cet horrible tableau; en le parcourant, il nous dit: < Il faudrait que tous les agitateurs des guerres vissent une pareille monstruosité ; ils sauraient ce que leurs projets coûtent de maux à l’humanité >. » Savary
Combat inutile, car le but poursuivi ne fut pas atteint: Hiller alla passer le Danube à Krems
Les témoignages de ceux qui passèrent par Ebelsberg, dans les jours et les semaines qui suivirent, sont éloquents.
Stendhal: qui est alors dans l’état-major de Daru:
« A trois heures, nous partîmes de Wels pour Ebelsberg, sur la Traun. Chemin superbe dans une plaine bordée de jolis coteaux, mais d’ailleurs assez plate, jusqu’à un poteau; à coteau du poteau, un homme mort. Nous prenons à droite, la route se complique, les voitures se serrent, et enfin il s’établit une file. Nous parvenons enfin à un pont de bois extrêmement long sur la Traun, semée de bas fonds.
Le corps du maréchal Masséna s’est battu ferme pour passer ce pont, et, dit-on, mal à propos, l’empereur tournant ce pont.
En arrivant sur le pont nous trouvons des cadavres d’hommes et de chevaux, il y en a une trentaine encore sur le pont; on a été obligé d’en jeter une grande quantité dans la rivière qui est démesurément large; au milieu, à quatre cent pas au-dessous du pont, était un cheval droit et immobile; effet singulier. Toute la ville d’Ebersberg achevait de br1uler; la rue où nous passâmes était garnie de cadavres, la plupart français, et presque tous brûlés. Il y en avait de tellement brûlés et noirs qu’à peine reconnaissait-on la forme humaine du squelette. En plusieurs endroits, les cadavres étaient entassés; j’examinais leur figure. Sur le pont, un brave Allemand, mort, les yeux ouverts; courage, fidélité et bonté allemande étaient peints sur sa figure, qui n’exprimait qu’un peu de mélancolie.
Peu à peu, la rue se resserrait, et enfin, sous la porte et avant, notre voiture fit obligée de passer sur ces cadavres défigurés par les flammes. Quelques maisons brûlaient encore, Ce soldat qui sortait d’une maison avait l’air irrité. J’avoues que cet ensemble me fit mal au cœur.
Ce spectacle frappant, je l’ai mal vu. Montbadon, que j’ai retrouvé à Enns toujours se faisant adorer partout, est monté au château, qui était bien pire que la rue, en ce que cent cinquante cadavres y brûlaient actuellement, la plupart français, des régiments de chasseurs à pied. Il a visité une charge à la baïonnette, faites sur quelques pièces de bois entreposées au bord e la Traun, où il a trouvé les rangées entières à leur poste de bataille. Il distinguait les Français aux favoris.
Un très bel officier mort; voulant voir par où, il le prend par la main; la peau de l’officier y reste, Ce beau jeune homme était mort d’une manière qui ne lui faisait pas beaucoup d’honneur; d’une balle qui, entrant par le dos, s’était arrêtée dans le cœur. »
Il écrira aussi:
« J’eus réellement envie de vomir (… ) en voyant les roues de ma voiture faire jaillir les entrailles des corps des pauvres petits chasseurs à moitié brûlés… »
« La veille, après un combat acharné, on l’avait (l’ennemi) chassé d’Ebersberg. Pendant le combat, le village avait été incendié, et le feu s’étant mis aux ponts, une division qui avait passé la rivière se trouva alors isolée des autres corps et eut à supporter les attaques de toute l’armée autrichienne.
Pendant ce temps, le malheureux village d’Ebersberg continuait de brûler. Comme le combat de la veille avait été très meurtrier, les maisons, les rues, les bords de la rivière étaient encombrés de morts et de blessés qui furent atteints par l’incendie, et, lorsque l’on put pénétrer dans le village, on n’y trouva plus que des monceaux de cadavres à demi brûlés. Le spectacle était si horrible, qu’on voulut en épargner la vue à l’armée; on la fit défiler à droite du village, sur un chemin que l’on fit exprès. La curiosité me porta à aller visiter cette scène de carnage. Jamais je n’ai rien vu de plus effrayant que ces cadavres grillés n’ayant plus aucune ressemblance humaine. Près de l’extrémité du village, il y en avait un tas qui bouchait l’entrée d’une rue: c’était un amoncellement de bras et de jambes, de corps informes à moitié carbonisés. A cette vue, le cœur me manqua, les jambes se dérobaient sous moi et je ne pouvais plus ni avancer, ni reculer, restant malgré moi immobile à contempler cet affreux spectacle. Il y avait là plusieurs officiers et généraux que la curiosité avait, eux aussi, poussés là. Ils étaient comme moi atterrés. Des larmes roulaient dans tous les yeux et personne n’osait proférer une parole. Mon général me fit signe de me retirer. Je ne me le fis pas dire deux fois, et je m’éloignai de ce lieu de désolation. J’avais parcouru bien des champs de bataille, mais je n’avais jamais éprouvé autant d’émotion. » Girault
Et le 22 mai (le jour d’Essling !), Maurice de Tascher découvre une ville morte:
« Nous sommes venus passer la Traun à Ebersberg. La ville et ses environs attesteront longtemps l’horreur des batailles: de longs corps de cheminées isolés, des pans de murailles, des toits demi-croulés et fumants encore, les rues parsemées de débris, les murs teints de sang et criblés de mitraille, tel est le hideux spectacle qu’offre aujourd’hui la ville d’Ebelsberg… Que dis-je ?… La ville !.. La ville n’est plus… Ce qui existe encore n’est que le squelette d’une ville ! Ce n’est plus qu’un amas de ruines fumantes et de cadavres, et, de ces affreux débris, on chercherait vainement une maison intacte, un habitant vivant. »