29 novembre 1814 : Ludwig van Beethoven, la star du Congrès

Dans la salle des Redoutes, devant les deux empereurs et leurs épouses, le roi de Prusse, tout ce qui a un nom alors à Vienne, et six mille spectateurs (selon Schindler ! Les tickets coûtent 3 à 5 Guldens), Ludwig van Beethoven dirige un concert de ses œuvres
Le concert avait d’abord été prévu pour le 20, avant d’être repoussé au 22, à la demande du compositeur lui-même, puis au 27, enfin, la Grande-Princesse de Russie ayant fait connaître qu’elle ne pourrait être présente, au 29. Mais Hager est informé que c’est en fait à cause du rigorisme religieux des Anglais, qui s’interdisent d’assister à un concert le dimanche, qu’un jour de semaine a finalement été choisi !
Au programme, la Septième Symphonie,
« La symphonie était trop dure pour moi, je n’ai pas pu la comprendre la première fois » (Wernigerode).)
la Victoire de Wellington (la bataille de Vitoria).
L’œuvre de Beethoven avait été jouée pour la première fois à Vienne les 8 et 12 décembre 1813, au bénéfice des soldats autrichiens et bavarois blessés à la bataille de Hanau. C’est Johann Nepomuk Mälzel (1772-1838) qui avait convaincu Beethoven d’écrire une musique de bataille, pour son célèbre Panharmonikon, lui conseillant d’en faire une adaptation concertante. Pour cette 1e audition, dans la Salle des Actes de la Vieille Université (aujourd’hui sur la place Ignaz-Seipel), les instruments « guerriers » avaient été placés dans la galerie, sous la direction de Antonio Salieri et Joseph Weigl. Meyerbeer était à la grosse caisse (Beethoven écrivit avec erreur que c’était Hummel). L’œuvre eut aussitôt un très grand succès. Pourtant, Beethoven qualifia cette œuvre de « stupidité ».
Le concert est complété par la première audition de la cantate Der glorreiche Augenblick (le Glorieux Moment)]. Les solistes sont Mme Milder, Mlle Bondra (La Marceline de Fidelio) et MM. Wild et Forti. Dès le début du mois d’octobre, le musicien s’était mis à cette œuvre, conçue comme un hommage au Congrès, et dont il avait remanié le texte original de son admirateur Aloys Weissenbach.
La Cantate avait été commandée à Beethoven par la municipalité, pour saluer les illustres visiteurs de Vienne. « La cantate, une allusion au Congrès, contient de très beaux passages » (Wernigerode). Mais Schindler la considère comme l’une des œuvres du compositeur ayant le moins de valeur. Il semble que Beethoven lui-même n’y attachait pas une grande importance, même si elle lui valut le titre de Citoyen de Vienne.
Les solistes sont Mme Milder, Mlle Bondra (La Marceline de Fidelio) et MM. Wild et Forti. Dès le début du mois d’octobre, le musicien s’était mis à cette œuvre, conçue comme un hommage au Congrès, et dont il avait remanié le texte original de son admirateur Aloys Weissenbach. Pour cette dernière œuvre, Antoine Salieri dirige la canonnade, Johann Nepomuk Hummel les percussions, et le jeune Meyerbeer s’occupe de la machine à faire le tonnerre !
Le concert est un triomphe, tous les comptes rendus de l’époque sont unanimes pour saluer l’accueil « de la symphonie et de la Bataille », ainsi que de la cantate, malgré la pauvreté de son texte. Le compositeur est gratifié de nombreux cadeaux par les souverains.
Chacun semblait ressentir qu’un tel moment ne se reproduirait jamais dans sa vie.
Une nouvelle Symphonie, qui est remarquable, tant par sa richesse que sa clarté, et constitue un magnifique enrichissement de ce type de musique. Une cantate, dont le texte est très moyen (…), la composition merveilleuse (…) La Bataille de Vittoria , une audacieuse peinture musicale, qui commence par l’arrivée des tambours, suivie du Rule Britannia, de la bataille elle-même, avec les salves, puis le bruit s’apaise, se perd au loin, à l’exception de coups de canons isolés. God Save the King. La deuxième partie, Symphonie de la Victoire, a été jouée sous la direction de Beethoven lui-même. Elle est unique. Le monde extérieur est pour lui trop petit, il en ambitionne un plus grand ; il se ploie et se redresse… Étaient présents : l’empereur Alexandre et l’impératrice de Russie, les deux Grandes-Duchesses, le roi de Prusse (mais il n’est resté qu’à la 1e partie), le prince de Sicile (Bertuch)
Hélas, on ne peut éviter des voix discordantes. Les critiques sont en effet loin d’être unanimes pour ce qui concerne la symphonie : certains n’hésitent pas à écrire que les extravagances du génial compositeur ont atteint le Non plus ultra et que
« Beethoven est désormais mur pour la maison de fou. » (Schindler, op. cit.)
La séance qui a été donnée hier, n’a pas servi à augmenter l’enthousiasme pour le talent de ce compositeur qui a ses partisans et ses adversaires. En face du parti de ses admirateurs, au premier rang desquels figurent Razumovsky, Apponyi, Kraft, etc., qui adorent Beethoven, se dresse une écrasante majorité de connaisseurs qui se refusent absolument à entendre désormais les œuvres de Beethoven. (Weil, 938)
La bataille commence avec les tambours dans le lointain, les salves de fusils et les coups de canons sont représentés par des instruments particuliers, le bruit de la bataille elle-même était terrible, seulement je dois dire que la symphonie La Bataille, de Neubauer, m’a fait plus d’effet. (Wernigerode)
Metternich n’a pas assisté au concert : il est au lit, victime d’un urticaire.
L’Empereur (Alexandre) est rétabli et sort. M. de Metternich est malade et ne s’est point levé, ni hier, ni aujourd’hui, ce qui fait qu’il ne peut y avoir de réunion des ministres des huit puissances. (Pallain)
Metternich a aujourd’hui un petit prétexte pour ne pas travailler : il est quelque peu malade ; on dit qu’il a une ébullition : si toute sa fausseté sortait par là, l’ébullition serait forte. (Palewski)
Le tsar est allé, chez le prince Schwarzenberg, à un bal d’enfants, avec lesquels il s’est beaucoup amusé (Weil, 990).
(Extrait de « Le Congrès de Vienne (1814-1815) – Carnet mondain et éphémérides » – Robert Ouvrard – 2014