1813 – Vingtième Bulletin de la Grande Armée

, 20 août 1813

Les ennemis ont dénoncé l’armistice le 11, à midi, et ont fait connaître que les hostilités commenceraient le 19 après minuit.

Portrait de Metternich
Le chancelier Metternich, Josef Danhauser – Wien, 1830/1835 -© Deutsches Historisches Museum, Berlin

En même temps, une note de M. le comte de Metternich, ministre des relations extérieures d’Autriche, adressée à M. le comte de Narbonne, lui fait connaître que l’Autriche déclarait la guerre à la France.

Le 17 au matin, les dispositions des deux armées étaient les suivantes:

Les quatrième, douzième et septième corps, sous les ordres du duc de Reggio, étaient à Dahme.

Le prince d’Eckmühl, avec son corps, auquel les Danois étaient réunis, campait devant Hambourg, son quartier-général étant à Bergedorf.

Le troisième corps était à Liegnitz, sous les ordres du prince de la Moskwa.

Le cinquième corps était à Goldberg, sous les ordres du général Lauriston.

Le onzième corps était à Lœwenberg, sous les ordres du duc de Tarente.

Le sixième corps, commandé par le duc de Raguse, était à Bunzlau.

Le huitième corps, aux ordres du prince Poniatowski, était à Zittau.

Le maréchal Saint-Cyr était, avec le quatorzième corps, la gauche appuyée à l’Elbe, au camp de Königstein et à cheval sur la grande chaussée de Prague à Dresde, poussant des corps d’observation jusqu’aux débouchés de Marienberg.

Le premier corps arrivait à Dresde, et le deuxième corps à Zittau.

Dresde, Torgau, Wittemberg, Magdebourg et Hambourg avaient chacun leur garnison, et étaient armés et approvisionnés.

L’armée ennemie était, autant qu’on en peut juger, dans la position suivante:

Quatre-vingt mille Russes et Prussiens étaient entrés, dès le 10 au matin, en Bohême, et devaient arriver vers le 21 sur l’Elbe. Cette armée est commandée par l’empereur Alexandre et le roi de Prusse, les généraux russes Barclay de Tolly, Wittgenstein et Miloradovitch, et le général prussien Kleist. Les gardes russe et prussienne en font partie; ce qui, joint à l’armée du prince Schwartzenberg, formait la grande armée et une force de deux cent mille hommes. Cette armée devait opérer sur la rive gauche de l’Elbe, en passant ce fleuve en Bohême.

L’armée de Silésie, commandée par les généraux prussiens Blücher et Yorck, et par les généraux russes Sacken et Langeron, paraissait se réunir à Breslau; elle était forte de cent mille hommes.

Plusieurs corps prussiens, suédois et des troupes d’insurrection couvraient Berlin, et étaient opposés à Hambourg et au duc de Reggio. L’on portait la force de ces armées qui couvraient Berlin, à cent dix mille hommes.

Toutes les opérations de l’ennemi étaient faites dans l’idée que l’empereur repasserait sur la rive gauche de l’Elbe.

La garde impériale partie de Dresde, se porta le 15 à Bautzen, et le 18 à Goerlitz.

Le 19, l’empereur se porta à Zittau, fit marcher sur-le-champ les troupes du prince Poniatowski, força les débouchés de la Bohême, passa la grande chaîne des montagnes qui séparent la Bohême de la Lusace, et entra à Gobel, pendant le temps que le général Lefebvre-Desnouettes, avec une division d’infanterie et de cavalerie de la garde, s’emparait de Hambourg, franchissait le col des montagnes à Georgenthal, et que le général polonais Reminski s’emparait de Friedland et de Reichenberg.

Cette opération avait pour but d’inquiéter les alliés sur Prague, et d’acquérir des notions certaines sur leurs projets. On apprit là ce que nos espions avaient déjà fait connaître, que l’élite de l’armée russe et prussienne traversait la Bohême, se réunissant sur la rive gauche de l’Elbe.

Nos coureurs poussèrent jusqu’à seize lieues de Prague.

L’empereur était de retour de Bohême à Zittau le 20 à une heure du matin; il laissa le duc de Bellune avec le deuxième corps à Zittau, pour appuyer le corps du prince Poniatowski; il plaça le général Vandamme, avec le premier corps, à Rumburg, pour appuyer le général Lefebvre-Desnouettes, ces deux généraux occupant en force le col, et faisant construire des redoutes sur le mamelon qui domine sur le col. L’empereur se porta par Lauban en Silésie, où il arriva le 20 avant sept heures du soir.

L’armée ennemie de Silésie avait violé l’armistice, traversé le territoire neutre dès le 12. Ils avaient le 15 insulté tous nos avant-postes, et enlevé quelques vedettes.

Le 16, un corps russe se plaça entre le Bober et le poste de Spiller, occupé par deux cents hommes de la division Charpentier. Ces braves qui se reposaient sur la foi des traités, coururent aux armes, passèrent sur le ventre des ennemis et les dispersèrent. Le chef de bataillon la Guillermie les commandait.

Le 18, le duc de Tarente donna l’ordre au général Zucchi de prendre la petite ville de Lahn; il s’y porta avec une brigade italienne; il exécuta bravement son ordre, et fit perdre à l’ennemi plus de cinq cents hommes: le général Zucchi est un officier d’un mérite distingué. Les troupes italiennes ont attaqué, à la baïonnette, les Russes, qui étaient en nombre supérieur.

Le 19, l’ennemi est venu camper à Zobten. Un corps de douze mille Russes a passé le Bober et a attaqué le poste de Siebenicken, défendu par trois compagnies légères. Le général Lauriston fait prendre les armes à une partie de son corps, part de Lœwenberg, marche à l’ennemi et le culbute dans le Bober. La brigade du général Lafitte, de la division Rochambeau, s’est distinguée.

Cependant, l’empereur, arrivé le 20 à Lauban, était, le 21, à la pointe du jour, à Lœwenberg, et faisait jeter des ponts sur le Bober. Le corps du général Lauriston passa à midi. Le général Maison culbuta, avec sa valeur accoutumée, tout ce qui voulut s’opposer à son passage, s’empara de toutes les positions, et mena l’ennemi battant jusqu’auprès de Goldberg. Le cinquième et le onzième corps l’appuyèrent. Sur la gauche, le prince de la Moskwa faisait attaquer le général Sacken par le troisième corps, en avant de Bunzlau, le culbutait, le mettait en déroute, et lui faisait des prisonniers.

L’ennemi se mit en retraite.

Jacques-Alexandre-Bernard Law, comte Lauriston
Jacques-Alexandre-Bernard Law, comte Lauriston

Un combat eut lieu le 23 août devant Goldberg. Le général Lauriston s’y trouvait à la tête des cinquième et onzième corps. Il avait devant lui les Russes qui couvraient la position de Flensberg, et les Prussiens qui s’étendaient à droite sur la route de Liegnitz. Au moment où le général Gérard débouchait par la gauche sur Nieder-au, une colonne de vingt-cinq mille Prussiens parut sur ce point; il la fit attaquer au milieu des baraques de l’ancien camp; elle fut enfoncée de toutes parts; les Prussiens essayèrent plusieurs charges de cavalerie qui furent repoussées à bout-portant; ils furent chassés de toutes leurs positions, et laissèrent sur le champ de bataille près de cinq mille morts, des prisonniers, etc. A la droite, le Flensberg fut pris et repris plusieurs fois; enfin, le cent trente-cinquième régiment s’élança sur l’ennemi et le culbuta entièrement. L’ennemi a perdu sur ce point mille morts et quatre mille blessés.

L’armée des alliés se retira en désordre et en toute hâte sur Jauer.

L’ennemi ainsi battu en Silésie, l’empereur prit avec lui le prince de la Moskwa, laissa le commandement de l’armée de Silésie au duc de Tarente, et arriva le 25 à Stolpen. La garde vieille et jeune, infanterie, cavalerie et artillerie, fit ces quarante lieues en quatre jours.