1813 – Dix-Septième Bulletin de la Grande Armée

, 25 juin 1813.

Le 24, l’empereur a dîné chez le roi de Saxe. Le soir, la comédie française a donné sur le théâtre de la cour une représentation d’une pièce de Molière, à laquelle LL. MM. ont assisté.

Le roi de Westphalie est venu à Dresde, voir l’empereur.

Le 25, l’empereur a parcouru les différents débouchés des forêts de Dresde, et a fait une vingtaine de lieues. S. M., partie à cinq heures après midi, était de retour à dix heures du soir.

Deux ponts ont été jetés sur l’Elbe, vis-à-vis la forteresse de Königstein. Le rocher de Silienstein, qui est sur la rive droite, à une demi-portée de canon de Königstein, a été occupé et fortifié. Des magasins et autres établissements militaires sont préparés dans cette intéressante position. Un camp de soixante mille hommes, appuyé ainsi à la forteresse de Königstein, et pouvant manœuvrer sur les deux rives, serait inattaquable par quelque force que ce fût.

Le roi de Bavière a établi autour de Nymphenburg, près de Munich, un camp de vingt-cinq mille hommes.

L’empereur a donné au duc de Castiglione le commandement du corps d’observation de Bavière. Cette armée se réunit à Wurtzbourg. Elle est composée de six divisions d’infanterie et de deux de cavalerie.

Eugène de Beauharnais
Eugène de Beauharnais

Le vice-roi réunit entre la Piave et l’Adige l’armée d’Italie, composée de trois corps. Le général Grenier en commande un.

Le nouveau corps qui vient d’être formé à Magdebourg, sous le commandement du général Vandamme, compte déjà quarante bataillons et quatre-vingt pièces d’artillerie.

Le prince d’Eckmühl est à Hambourg. Son corps a été renforcé par des troupes venant de France et de Hollande, de sorte que sur ce point il y plus de troupes qu’il n’y en a jamais eu. La division danoise qui est réunie au corps du prince d’Eckmühl est de quinze mille hommes.

Claude Victor Perrin - Gros-1812 - Château de Versailles
Claude Victor Perrin – Duc de Bellune – Gros-1812 – Château de Versailles

Le deuxième corps, que commande le duc de Bellune, n’avait qu’une division pendant la campagne qui vient de finir; ce corps a été complété, et le duc de Bellune commande aujourd’hui les trois divisions.

Les circonstances étaient si urgentes au commencement de la campagne, que les bataillons d’un même régiment se trouvaient disséminés dans différents corps. Tout a été régularisé, et chaque régiment a réuni ses bataillons. Chaque jour il arrive une grande quantité de bataillons de marche qui passent l’Elbe à Magdebourg, à Wittemberg, à Torgau, à Dresde. S. M. passe tous les jours la revue de ceux qui arrivent par Dresde.

Les équipages militaires de l’armée ont aujourd’hui, soit en caissons d’ancien modèle, soit en caissons du nouveau modèle (dit no. 2), soit en voitures à la comtoise, de quoi transporter des vivres pour toute l’armée pour un mois. S. M. a reconnu que les voitures à la comtoise, ainsi que les caissons d’ancien modèle, ont des inconvénients, et elle a prescrit que désormais les équipages, au fur et à mesure des remplacements, fussent établis sur les modèles des caissons no. 2, attelés de quatre chevaux et qui portent facilement vingt quintaux.

L’armée est pourvue de moulins portatifs pesant seize livres, et faisant chaque jour cinq quintaux de farine. On a distribué trois de ces moulins par bataillon.

On travaille avec la plus grande activité à augmenter les fortifications de Glogau.

On travaille également à augmenter les fortifications de Wittemberg. S. M. veut faire de cette ville une place régulière; et comme le tracé en est défectueux, elle a ordonné qu’on la fit couvrir par trois couronnes en suivant à peu près la même méthode que le sénateur Chasseloup Laubat a mise en pratique à Alexandrie.

Torgau est en bon état.

Le général Francois Nicolas Benoit Haxo
Le général Francois Nicolas Benoit Haxo

On travaille aussi avec une grande activité à fortifier Hambourg. Le général du génie Haxo s’y est rendu pour tracer la citadelle et les ouvrages à établir dans les îles pour lier Harbourg avec Hambourg. Les ingénieurs des ponts et chaussées y construisent deux ponts volants dans le même système que ceux d’Anvers, un pour la marée montante, l’autre pour la marée descendante.

Une nouvelle place sur l’Elbe a été tracée par le général Haxo du côté de Verden, à l’embouchure de la Havel.

Les forts de Cuxhaven, qui étaient en état de soutenir un siège, mais qu’on avait abandonnés sans raison, et que l’ennemi avait rasés, se rétablissent. On y travaille avec activité; ce ne seront plus de simples batteries fermées, mais un fort qui, comme le fort impérial de l’Escaut, protégera l’arsenal de construction et le bassin, dont l’établissement est projeté sur l’Elbe, depuis que l’ingénieur Beaupré, qui a employé deux ans à sonder ce fleuve, a reconnu qu’il avait les mêmes propriétés que l’Escaut, et que les plus grandes escadres pouvaient y être construits et réunies dans ses rades.

La troisième division de la jeune garde, que commande le général Laborde, officier d’un mérite consommé, est campée dans les bois en avant de Dresde, sur la rive droite de l’Elbe.

Louis Friant.
Louis Friant.

La quatrième division de la jeune garde, que commande le général Friant, débouche par Wurtzbourg. Des régiments de cette division ont déjà dépassé cette ville, et se portent sur Dresde.

La cavalerie de la garde compte déjà plus de neuf mille chevaux. L’artillerie a déjà plus de deux cents pièces de canon. L’infanterie forme cinq divisions, dont quatre de la jeune garde et une de la vieille.

Le septième corps, que commande le général Reynier, composé de la division Durutte, qui est une division française, et de deux divisions saxonnes, reçoit son complément. Ce corps est campé en avant de Goerlitz. Toute la cavalerie légère saxonne y est réunie, et va être également complétée. Le roi de Saxe porte aussi ses deux beaux régiments de cuirassiers à leur complet.

S. M. a été extrêmement satisfaite des rois et des grands-ducs de la confédération. Le roi de Wurtemberg s’est particulièrement distingué. Il a fait, proportion gardée, des efforts égaux à ceux de la France, et son armée, infanterie, cavalerie et artillerie, a été portée au grand complet. Le prince Émile de Hesse-Darmstadt, qui commande le contingent de Hesse-Darmstadt, s’est constamment fait distinguer dans la campagne passée et dans celle-ci par beaucoup de sang-froid et beaucoup d’intrépidité. C’est un jeune prince d’espérance, que l’empereur, affectionne Beaucoup. Les seuls princes de Saxe sont en arrière pour le contingent.

Non-seulement la citadelle d’Erfurt est en bon état et parfaitement approvisionnée, mais les fortifications ont été relevées; elles sont couvertes par des ouvrages avancés, et désormais Erfurt sera une place forte de première importance.

Le congrès n’est pas encore réuni: on espère pourtant qu’il le sera sous quelques jours. Si on a perdu un mois, la faute n’en est pas a la France.

L’Angleterre, qui n’a pas d’argent, n’a pu en fournir aux coalisés; mais elle vient d’imaginer un expédient nouveau. Un traité a été conclu entre l’Angleterre, la Russie et la Prusse[1]Traité de Kalitsch – ndlr, moyennant lequel il sera créé pour plusieurs centaines de millions d’un nouveau papier garanti par les trois puissances. C’est sur cette ressource que l’on compte pour faire face aux frais de la guerre.

Dans les articles séparés, l’Angleterre garantit le tiers de ce papier, de sorte qu’en réalité, c’est une nouvelle dette ajoutée à la dette anglaise. Il reste à savoir dans quel pays on émettra ce nouveau papier. Lorsque cette idée lumineuse a été conçue, on espérait probablement que cette émission aurait lieu aux dépens de la confédération du Rhin et même de la France, notamment dans la Hollande, dans la Belgique et dans les départements du Rhin. Cependant le traité n’en a pas moins été ratifié depuis l’armistice. La Russie fait la dépense de son armée avec du papier, que les habitants de la Prusse sont obligés de recevoir; la Prusse elle-même fait son service avec du papier: l’Angleterre aussi a son papier. Il paraît que chacun de ces papiers isolé n’a plus le crédit suffisant, puisque ces puissances prennent le parti d’en créer un en commun. C’est aux négociants et aux banquiers à nous faire connaître s’il faut multiplier le crédit du nouveau papier par le crédit des trois puissances, ou bien si ce crédit doit être le quotient.

La Suède seule paraît avoir reçu de l’argent de l’Angleterre, à peu près cinq à six cent mille livres sterling.

La garnison de Modlin est en bon état; les fortifications sont augmentées. On déchiffrait au quartier-général les rapports des gouverneurs de Modlin et de Zamość. Les garnisons de ces deux places sont restées maîtresses du pays à une lieue autour d’elles, les troupes qui les bloquaient n’étant que des milices mal armées et mal équipées.

L’empereur a pris à sa solde l’armée du prince Poniatowski, et lui a donné une nouvelle organisation. Des ateliers sont établis pour fournir à ses besoins. Avant vingt jours, elle sera équipée à neuf et remise en bon état.

Quelque brillante que soit cette situation, et quoique S. M. ait réellement plus de puissance militaire que jamais, elle n’en désire la paix qu’avec plus d’ardeur.

L’administration a fait acheter une grande quantité de riz, afin que pendant toute la grande chaleur cette denrée entre pour un quart dans les rations du soldat.

 

References

References
1Traité de Kalitsch – ndlr