1812 – Quinzième Bulletin de la Grande Armée

Slawkova, le 27 août 1812.

Le général de division Zayoncheick, commandant une division polonaise au combat de Smolensk, a été blessé. La conduite du corps polonais à Smolensk a étonné les Russes, accoutumé à les mépriser ; ils ont été frappés de leur constance et de la supériorité qu’ils ont déployée sur eux dans cette circonstance.

Au combat de Smolensk et à celui de Valoutina, l’ennemi a perdu vingt généraux tués, blessés ou prisonniers, et une très-grande quantité d’officiers. Le nombre des hommes tués, pris ou blessés dans ces différentes affaires, peut se monter à vingt-cinq ou trente mille hommes.

Le lendemain du combat de Valoutina, S. M. a distribué aux douzième et vingt-unième régiments d’infanterie de ligne, et septième régiment d’infanterie légère, un certain nombre de décorations de la Légion d’honneur pour des capitaines, pour des lieutenants et sous-lieutenants, et pour des sous-officiers et soldats. Le choix en a été fait sur-le-champ, au cercle devant l’empereur, et confirmé avec acclamation par les troupes.

L’armée ennemie en s’en allant, brûle les ponts, dévaste les routes, pour retarder autant qu’elle peut la marche de l’armée française. Le 21, elle avait repassé le Borysthène à Slob-Pniwa, toujours suivie vivement par notre avant-garde.

Les établissements de commerce de Smolensk étaient tout entiers sur le Borysthène, dans un beau faubourg ; les Russes ont mis le feu à ce faubourg, pour obtenir le simple résultat de retarder notre marche d’une heure. On n’a jamais fait la guerre avec tant d’inhumanité. Les Russes traitent leur pays comme ils traiteraient un pays ennemi.

Le pays est beau et abondamment fourni de tout. Les routes sont superbes.

Le maréchal duc de Tarente continue à détruire la place de Dunabourg ; des bois de construction, des palissades, des débris de blockhaus, qui étaient immenses, ont servi à faire des feux de joie en l’honneur du 15 août.

Le prince Schwarzenberg mande d’Ossiati, le 17, que son avant-garde a poursuivi l’ennemi sur la route de Divin, qu’il lui a fait quelques centaines de prisonniers, et l’a obligé à brûler ses bagages. Cependant le général Bianchi, commandant l’avant-garde, est parvenu à saisir luit cents chariots de bagages que l’ennemi n’a pu ni emmener, ni brûler. L’armée russe de Tormazow a perdu presque tous ses bagages.

L’équipage du siège de Riga a commencé son mouvement de Tilsitt pour se porter sur la Dwina.

Le général Saint-Cyr a pris position sur la Drissa. La déroute de l’ennemi a été complète au combat de Polotsk du 18. Le brave général bavarois Deroy a été blessé sur le champ d’honneur, âgé de soixante-douze ans, et ayant près de soixante ans de service : S. M. l’a nommé comte de l’empire, avec une dotation de trente mille francs de revenu. Le corps bavarois s’étant comporté avec beaucoup de bravoure, S. M. a accordé des récompenses et des décorations à ce corps d’armée.

L’ennemi disait vouloir tenir à Doroghobouj. Il avait, à son ordinaire, remué de la terre et construit des batteries ; l’armée s’étant montrée en bataille, l’empereur s’y est porté ; mais le général s’est ravisé, a battu en retraite, et a abandonné la ville de Doroghobouj, forte de dix mille âmes ; il y a huit clochers.

Le quartier-général était, le 26, dans cette ville ; le 27, il était à Slawkova. L’avant-garde est sur Viazma.

Le vice-roi manœuvre sur la gauche, à deux lieues de la grande route ; le prince d’Eckmühl sur la grande route ; le prince Poniatowski sur la rive gauche de l’Osma.

La prise de Smolensk paraît avoir fait un fâcheux effet sur l’esprit des Russes. C’est Smolensk-la-Sainte, Smolensk-la-Forte, la clef de Moscou, et mille autres dictons populaires. Qui a Smolensk, a Moscou, disent les paysans.

La chaleur est excessive : il n’a pas plu depuis un mois.

Le duc de Bellune, avec le neuvième corps fort de trente mille hommes, est parti de Tilsitt pour Wilna, devant former la réserve.