1811 – État de l’empire

Exposé de la situation de l’Empire,
présenté au Corps-Législatif, dans sa séance du 29 juin,
par S. Exc. M. le Comte de Montalivet, ministre de l’intérieur.

Jean Pierre Bachasson de Montalivet
Jean Pierre Bachasson de Montalivet

 

Messieurs,

Depuis votre dernière session, l’Empire s’est accru de seize départements, de cinq millions de population, d’un territoire donnant un revenu de cent millions, de trois cents lieues de côtes
et de tous leurs moyens maritimes. Les embouchures du Rhins, de la Meuse, et de l’Escaut n’étaient point française ; la circulation à l’intérieur de l’Empire était gênées ; les productions des departements de son centte ne pouvaient arriver à la mer que soumises à des douanes étrangères : ces inconvénients ont disparu pour toujours ; l’arsenal marîtime de l’Escaut, auquel se rattachent tant d espérances, a reçu par là tout le développement qu’il doit avoir. Les embouchures de l’Ems, du Wesel et de l’Elbe mettent en notre possession tous les bois que fournit l’Allemagne. Les frontières de l’Empire s’appuient sur la Battique; et ayant ainsi une communication directe avec le Nord il nous sera facile d’en tirer les matures, les chanvres, le cuivre et les autres munitions navales dont nous pourrons avoir besoin. Nous réunissons aujourd’hui tout ce que produisent, en objets qui entrent dans la construction des vaisseaux, la Frante, l’Allemagne et l’Italie.

Le grand empire
Le grand empire

Le Simplon devenu français nous assure une nouvelle communication avec l’Italie.

La réunion de Rome a fait disparaître l’intermédiaire fâcheux qui se trouvait entre nos armées du nord de l’ltalie et celles du midi, et nous a donné sur la Méditerranée de novelles côtes utiles et nécessaires à Toulon, comme celles de l’Adriatique le sont à Venise. Cette réunion porte encore avec elle le double avantage que les papes ne sont plus souverains et ne sont plus étrangers à la France. Il ne faut qu’ouvrir l’histoire pour se souvenir de tous les maux qu’a faits à la religion la confusion du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel. Sans cesse les papes ont sacrifié les choses saintes aux choses temporelles.

Ce n’est pas le divorce de Henri VIII qui a séparé l’Angleterre de l’Eglise de Rome c’est le denier de St-Pierre.

S’il est avantageux à l’Etat et à la religion que le pape ne soit plus souverain, il est également avantageux à l’Empire que l’évêque de Rome, chef de notre Eglise, ne nous soit pas étranger, et qu’on réunisse dans son cœur, à l’amour de la religion celui de la patrie, qui caractérise les âmes élevées. C’est d’ailleurs le seul moyen de rendre compatible la juste influence que doit avoir le pape sur le spirituel, avec les principes de Empire qui ne permettent pas qu’aucun évêque étranger puisse ou doive y exercer quelque influence.

Religion

L’Empereur est satisfait de l’esprit qui règne dans son clergé. Les soins de l’administration se sont portés sur les besoins des diocèses L’établissement des écoles secondaires ecclésiastiques vulgairement appelées petits séminaires ; la fondation de beaucoup de grands séminaires pour les études plus avancées, le rétablissement de des églises partout où elles avaient été détruites et l’achèvement de plusieurs grandes métropoles, dont la révolution avait interrompu la construction, sont des preuves manifestes de l’intérêt que porte le gouvernement à la splendeur du culte et à la prospérité de la religion.

Les dissensions religieuses, suite de nos troubles politiques, ont entièrement disparu: il n’y a plus en France que des prêtres dans la communion de leurs évêques, et réunis dans leurs principes religieux comme dans leur attachement au gouvernement.

Vingt-sept évêchés étant depuis longtemps cacants, le pape ayant refusé à deux époques différentes, de 1805 à 1807, et de 1808 jusqu’à présent d’exécuter les clauses du Concordat qui l’obligent à instituer nommés par l’Empereur, ce refus, rendu a rendu nul le Concordat : il n’existe plus. L’Empereur a donc été obligé de convoquer tous les évêques de l’Empire, afin qu’ils avisassent aux moyens de pourvoir aux sièges vacants, et de nommer à ceux qui viendraient à vaquer, conformément à ce qui se faisait sous Charlemagne, sous Saint-Louis, et et dans tous les siècles qui ont précés le Concordat de François Ier et de Léon X ; car il est de l’essence de la religion catholique de ne pouvoir se passer de ministère et de la mission des évêques.

Ainsi a cessé d’exister cette fameuse transaction de François Ier et de Léon X, contre laquelle l’Église, l’Université et les Cours souverainesont si longtemps réclamé et qui a fait dire aux publicistes et aux magistrats du temps que que le roi et le pape s’étaient cédé mutuellement ce qui n’appartenait ni à l’un ni à l’autre. C’est désormais aux délibérations du Concile de Paris qu’est attaché le sort de l’épiscopat qui aura tant d’influence sur celui même de la religion. Le Concile déciderta si la France sera, comme l’Allemagne, sans épiscopat.

Au reste, s’il a existé d’autres divisions entre l’Empereur et le souverain temporel de Ronme, il n’en a existé aucune entre l’Empereur et le pape, comme chef de la religion, et il n’est rien qui puisse porter la moindre inquiétude dans les âmes les plus timorées.

 

Ordre judiciaire.

On ancvait séparé la justice civile et la justice criminelle ; la magistrature ne poursuivait les délits que lorsqu’ils lui étaient signalés par la police ; le dernier Code que vous avez adopté s réuni la justice civile et la justice criminelle ; il a institué des cours impériales investies du droit de poursuivre er d’accuser, et les armées de toute la force nécessaire pour faire exécuter les lois. Le maintien et le perfectionnement du jury, la confrontation des témoins, et la publicité de l’intruction, ont rassemblé ce qu’avaient de bon l’ancien et le nouveau système.

En nommant aux différentes places, S.M. a recherché les hommes qui restaient encore des anciens parlements, et que leur âge et leurs connaissances rendaient susceptibles d’être employés dans les cours impériales ; elle les y a appelés de son propre mouvement, donnant ainsi une nouvelle preuve de son désir constant de voir les Fançais oublier leurs anciennes querelles, et achever de se confondre dans le seul intérêt de la patrie et du trône.

 

Administration

Bien des réclamations ont été présentées sur les limites des différents départements. Il s’est même fait entendre des opinions qui voudraient substituer de grandes préfectures aux préfectures actuelles ; mais S.M. les a rejetées, et a pris pour principe de regarder comme établi et permanent ce qui a été fait. L’instabilité détruit tout. Une grance révolution a passé sur l’organisation des départements ; c’est comme un acte de propriété auquel S.M. ne veut point toucher. Ces départements ont formés, consolidés au milieu d’imposantes circonstances qui ont rapproché leurs habitants, et ils resteront toujours unis de même.

L’administration communale s’est partout perfectionnée. Les budgets délibérés en conseil d’État dirigent et censurent ainsi l’administration de toutes les communes de l’Empire qui ont plus de 10.000 francs de revenu. Déjà la masse de ces revenus s’est élevée a plus de 80 millions. Jamais dans aucun temps et aucun pays les communes n’ont été aussi riches. Partout ailleurs l’octroi est une imposition souveraine ; S.M. l’a laissé aux communes : aussi tous leurs établissements se trouvent dans le meilleur état, et dans presque toutes, on a entrepris la construction d’hôtels de ville, de halles, de magasins publics, ou d’autres travaux qui doivent les embellir ou augmenter leur prospérité.

Les hôpitaux se sont partout améliorés : on peut dire qu’à aucune époque ils n’ont été mieux tenus. La charité s’exerce avec abondance, et les legs acceptés au Conseil d’État pour les hôpitaux montent à plusieurs millions chaque année.

S.M. a approuvé et doté un grand nombre de congrégations des sœurs de charité, ayant pour but d’assister les malades et de servir les hôpitaux. L’intention de S.M. est que toutes ces sœurs soient, pour les affaires religieuses, sous la direction de leurs évêques, qui seuls ont le pouvoir de se mêler du spirituel dans l’étendue de leur diocèse. Aucune congrégation, sous quelque prétexte que ce soit, ne peut ni ne doit se soustraire à leur juridiction.

Des dépôts de mendicité ont été créés dans soixante-cinq départements ; dans trente-deux ils sont déjà en activité, et dans ces trente-deux départements il n’est plus permis de mendier. Ces dépôts ont encore besoin de se perfectionner, afin que les travaux y soient bien établis, et qu’ils puissent alors subvenir à la plus grande partie de leurs dépenses.

 

Instruction publique

L’Université a fait des progrès. Quelques lycées étaient mal constitués : les principes de la religion, fondement de toute institution comme de toute morale, en étaient écartés, ou étaient faiblement pratiqués. Le grand-maître et le Conseil de l’Université ont remédié à la plus grande partie de ces abus. Bien des choses cependant restent à faire pour réaliser les espérances et les vues de l’Empereur dans cette grande création.

Robert Lefèvre (1755–1830), Louis, marquis de Fontanes, Grand-maître de l'Université (1757-1821), huile sur toile (1847), Musée de l'Histoire de France (Versailles).
Robert Lefèvre (1755–1830), Louis, marquis de Fontanes, Grand-maître de l’Université (1757-1821), huile sur toile (1847), Musée de l’Histoire de France (Versailles).

L’éducation de la famille est celle qui mérite le plus d’encouragement ; mais puisque les parents sont obligés de confier si souvent leurs enfants à des collèges ou à des institutions, l’intention de l’Empereur est que l’organisation de l’Université s’étende à tous les collèges et aux institutions de tous les degrés, afin que l’éducation ne soit plus comme une manufacture ou une branche de commerce exercée dans des vues d’intérêt pécuniaire. Diriger l’éducation est une des plus nobles fonctions de père de famille, et un des principaux buts des institutions nationales. Le nombre des lycées et celui des collèges communaux seront augmentés, et le nombre des institutions particulières sera graduellement diminué, jusqu’au moment où elles seront toutes fermées.

Toute l’éducation publique doit se régir par la discipline militaire, et non par la police civile ou ecclésiastique. L’habitude de la discipline militaire est la plus utile, puisque dans tous les états de la vie les citoyens ont besoin de pouvoir défendre leurs propriétés contre les ennemis intérieurs ou extérieurs.

Il faut dix ans encore pour que tout le bien que S.M. attend de l’Université soit réalisé et pour que ses vues soient accomplies ; mais déjà de grands avantages sont obtenus ; et ce qui existe est préférable à ce qui a jamais existé..

Pour l’institution primaire des enfants, S.M. voit avec plaisir l’établissement des petites écoles ; elle en désire la propagation.

Indépendamment des maisons de Saint-Denis et d’Ecouen, six maisons ont été instituées pour l’éducation des filles dont les pères se sont dévoués au service de l’État.

 

Sciences et Arts

La découverte de l’aiguille aimantée a produit une révolution dans le commerce : le sucre a détruit l’usage du miel, l’indigo celui du pastel. Les progrès de la chimie opèrent dans ce moment une révolution en sens inverse : elle est parvenue à tirer le sucre du raisin, de l’érable et de la betterave.. Le pastel, qui avait enrichi le Languedoc et une partie de l’Italie, mais qui n’avait pu, dans l’enfance de l’art, soutenir la concurrence avec l’indigo, reprend à son tour le dessus : la chimie en extrait aujourd’hui une fécule qui lui donne sur l’indigo l’avantage du prix et de la qualité. Toutes les branches des sciences et des arts se perfectionnent.

 

Travaux publics

De grands travaux sont entrepris depuis dix ans, et se poursuivent chaque année avec un nouveau zèle et un nouvel accroissement de moyens. En 1810, cent-trente-huit millions ont été affectés à ces travaux ; cent cinquante-cinq le sont en 1811.

 

Tableau comparatif des dépenses pour les travaux publics en 1810 et 1811

Objets des dépenses18101811
Ministère de la guerre

Construction de places et de nouveaux ouvrages

16.984.600 fr.22.670.000
Ministère de la marine

Ouvrages hydrauliques
Travaux des bassins et des ports

5.757.8407.000.000
Ministère de l’intérieur

Constructions neuves dans les établissements publics.
École des arts et métiers
Réparations, etc.

1.095.25412.678.000
Ponts et Chaussées.

Routes

Ponts

Navigation, canaux, dessèchements

Ports de commerce, digues à la mer, polders

Travaux de Paris et des palais

Travaux dans les villes des départements

 

36.299.413

4.505.711

21.621.735

7.823.486

22.330.753

19.745.075

 

40.580.635

5.101.172

18.715.947

4.218.622

23.007.836

20.200.000

 

Ministère des cultes

Construction et réparation des églises

 

1.917.860

 

2.728.788

138.141.727154.901.000

 

Au milieu des guerres, des dépenses que nécessitent des armées immenses, la création et l’organisation de flottes nombreuses, les sacrifices que fait le trésor impérial pour les travaux publics sont tels, qu’ils surpassent dans une seule année tout ce qui était employé sous l’ancienne monarchie, dans une génération.

 

Fortifications.

Une grande partie de ces dépenses a pour but la création de nouvelles places fortes : ce sont des travaux faits en faveur de l’avenir pour consolider et fortifier l’Empire.

Une place de second ordre est fondée au Texel pour défendrel’embouchure du Zuyderzee ; trois mille hommes porront y soutenir un siège de plusieurs mois. Anvers, Breskens, le fort impérial de Cadsand, Wilhemstadt, l’Écluse, le Sa-de-Gand, sont déjà d’imposantes barrières ; Flessingue, entourée de forts au-delà de la portée de la bombe, couverte par des inondations règlées et par des ouvrages multipliés, est désormais à l’abri de toute tentative.

En 1810 et 1811, on a dépensé aux places de l’Escaut plus de huit millions : il était naturel de faire de grands travaux sur un point qui sera toujours l’objet de la jalousie et des craintes de nos ennemis naturels.

De nouveaux ouvrages sont construits à Ostende ; il y existait déjà une enceinte, mais elle était de peu de valeur. Il a été également commencé de grands travaux à Boulogne, au Havre et à Cherbourg. Le Have avait été construit par Vauban : quelques années avant la révolution, sous de vains prétextes, on imagina d’en détruire les fortifications. On avait laissé démantelée et ouverte cette ville, la clef de la Seine, et qu’on peut justement appeler le port de Paris. Des ouvrages considérables y sont exécutés : la place est déjà fermée et en état de soutenir un siège.

L’établissement du port de Cherbourg exige de vastes fortifications ; et dès la fin de cette année, cette ville sera susceptible de soutenir un siège. Les plans adoptés sont sur une grande échelle. Ce sera une place de premier rang.

Dès l’année passée, on a repris les travaux de Dunkerque, de Montreuil et d’Abbeville, qui avaient été négligés. Ces boulevards sont rétablis sur le meilleur pied. On complète et on répare la défense de Brest. On a établi un nouveau système de fortifications pour Lorient et pour Rochefort.

Les travaux des îles Saint-Marcouf, de Belle-Isle et de l’Isle d’Aix se continuent. De nouveaux ouvrages sont ajoutés aux fortifications de Toulon, se construisent aux Iles d’Hyères, à Gênes, à La Spezzia. On a travaillé et l’on travaille à agrandir considérablement du côté de la terre les importantes fortifications de Porto-Ferrajo.

A Corfou, place déjà très forte, on traville depuis quatre ans à de grandes constructions. De nouveaux projets ont été adoptés, et cette clef de l’Adriatique est gardée par 12.000 hommes de troupes, ayant des vivres pour un siège de la plus longue durée.

Restes du fort Napoléon
Restes du fort Napoléon

Le fort Napoléon s’élève sur la rive gauche du Rhin, en face de Wesel, dont les anciennes défenses sont corrigées et perfectionnées. Venloos et Juliers sont mis dans le meilleur état. Cassel et Kehl sont créés : les travaux commencés depuis 1807 ont déjà un résultat satisfaisant ; et les ponts importants de Wesel, Mayence et Strasbourg sont couverts sur les deux rives par autant de placess du premier ordre. Alexandrie, qui est le centre formidable de nos magasins et notre point d’appui au-delà des Alpes, est depuis dix ans l’objet d’une dépense annuelle de 3.000.000 fr.

On travaille dans le royaume d’Italie avec la même ardeur aux fortifications de Palma-Nova et d’Osopo, ainsi qu’à accroître les ouvrages d’Ancône, de Venise et de Mantoue.

A voir l’activité qui règne depuis huit ans dans les travaux sur toutes nos frontières, on dirait que la France est menacée d’une prochaine invasion. Je n’aurai pas besoin de mettre sous vos yeux, pour contraster avec cette idée, la situation de tous nos voisins qui sont nos alliés et qui sont réunis à notre système, et la prépondérance que nous ont donnée les dernières campagnes ; mais je dirai seulement que lorsque dans de pareilles circonstances on a sacrifié en peu d’années plus de 100 millions pour une dépense qui n’intéresse que l’avenir, il faut rendre grâce au gouvernement, qui, non content d’assurer le bonheur de la génération actuelle, veut aussi garantir la sécurité de la postérité, et maîtriser ainsi jusqu’aux chances les plus éloignées de la fortune.

 

Ports

On travaille à nos ports avec la même activité. A Anvers, dès la fin de l’année dernière, on a enlevé le bâtardeau du bassin. Dix-huit vaisseaux de ligne, même à trois ponts, peuvent y être reçus et en sortir tout armés. Au commencement de cette année, deux vaisseaux de 80 y ont été doublés en cuivre et radoubés. Les travaux se continuent avec ardeur. Avant la fin du mois de septembreprochain, le bassin pourra contenir 30 vaisseaux.

Les vaisseaux de ligne ne pouvaien t entrer que désarmés dansd le bassin de Flessingue ; on a désséchée et isolé l’écluse ; on s’occupe à en baisser le radier de manière que vingt vaisseaux pourrontentrer dans ce bassin, tout armés. Les quais que les Anglais avaient renversés sont rétablis. On travaille à reconstruire le magasin général, et on le met à l’abri de la bombe.

Les premiers fonds ont été faits pour le bassin de Terneuse ; ses fondements se jettent. Vingt vaisseaux de ligne tout armés pourront sortir de ce bassin dans une seule marée. Il pourra en contenir plus de quarante.

L’écluse de chasse d’Ostende est terminée : elle fait le plus grand bien au port. Celle de Dunkerque jouera à la fin de l’année : on en attend de grands résultats pour le creusement de la passe. L’écluse du Havre est achevée : elle a d’heureux effets.

A Cherbourg, les dépenses de la rade sont de deux espèces. Il s’agit, 1° d’élever la digue au-dessus des basses mers, ce but sera atteint cette année ; 2° d’établir des forts aux extrémités de la digue, afin de défende la rade. Le fort du centre vient d’être achevé. La rade aisni assurée, il restait à creuser un poprt : ce grand travail est exécuté aux neuf-dixièmes, trente vaisseaux de ligne pourront être reçus dans le bassin et l’avant-port. Déjà, un vaisseau qui avait été endommagé par un accident de mer a pu entrer dans le bassin, et y a été radoubé. L’avant-port et le bassin seront achevés en 1812. Les cales de construction et les formes existent déjà. Les travaux de Cherbourg seuls exigent plus de 3 millions par an.

Tous les ports du deuxième et du trosième ordre sont l’objet de plus ou moins de travaux ; tous s’améliorent avec une très grande rapidité.

 

Canaux

Le canal de Saint-Quentin est achevé ; dès cette année il a été dans une grande activité de navigation : il influe sur le prix du bois et du charbon dans la capitale.

Le canal du Nord, qui unit le Rhin et l’Escaut, était fait au tiers ; mais la réunion de löa Hollande l’ayant rendu inutile, on a suspendu ces travaux.

Le canal Napoléon, qui joint le Rhin à la Saône, sera terminé en quatre ans ; trois millions par année y sont affectés. Le canal de Bourgogne, qui joint la Saône à la Seine, se poursuit vivement : on y dépensera cette année 1.500.000 fr. Le canal d’Arles, qui fait arriver le Rhône à Port-du-Bouc, est fait au tiers ; celui qui coupe la presqu’ile de Bretagne en joignant la Rance à la Vilaine, s’exécute. Le canal du Blayet, qui joint Napoléonville à Lorient, et qui un jour de Napoléonville ira à Brest, est presque achevé. Beaucoup d’autres canaux de moindre importance sont, ou terminés ou en grande activité de construction.

 

Routes

En améliorant les routes, on raccourcit les distances. On évalue que Turin a déjà été rapproché de Paris de 36 heures ; savoir, vingt-quatre heures pour le passage du Mont-Cenis, et douze heures pour la nouvelle route de la Laurienne. S.M. a décrété l’établissement d’une nouvelle route de Paris à Chambéry par Tournus. Cette route, évitant les montagnes, sera plus courte de huit heures. Ainsi Turin aura été rapproché de Paris de quarante-quatre heures, ce qui fait presque la moitié de la distance.

Milan est rapproché de Paris, par la route du Simplon, de plus de cinquante heures de marche, en comparant la route actuelle à ce qui existait il y a dix ans.

Bayonne et l’Espagne ont été rapprochées de Paris de dix-huit heures, par la chaussée faite dans les sables des landes entre Bordeaux et Bayonne.

Mayence et l’Allemagne ont été rapprochées de douze heures par la chaussée construite dans les sables de Mayence à Metz. Hambourg le sera l’année prochaine de plus de soixante heures, par la chaussée faite à travers les sables de Maestricht à Wesel et de Wesel à Hambourg ; et ce sera le premier exemple dans l’Histoire, de 80 lieues de routes faites dans le cour de deux années. Dix ateliers y sont occupés, et avant la fin de 1811, beaucoup plus de la moitié de cette route sera achevée. Amsterdam sera également rapproché de Paris de douze heures, par la chaussée dans les sables d’Anvers à Amsterdam, à laquelle on travaille sur plusieurs points. De nouvelles routes s’ouvrent de la Spezzia à Parme, de Florence à Rimini, de Nice à Gênes.

Tous les conseils généraux des départements rivalisent de zèle pour seconder les intentions du souverain, et partout des routes s’ouvrent pour établir des communications entre les différents points des départements.

La construction d’un grand nombre de ponts est entreprise. Ceux de Bordeaux, de Rouen, d’Avignon sur le Rhône, de Turin sur le Pô sont les plus notables. Ceux de Bordeaux et de Roeun, ainsi que celui sur la Durance, qui a été achevé l’année dernière, étaient regardés comme impossibles. Un grand nombre d’autres ponts sont de même achevés.

 

Travaux de Paris.

Le canal de l’Ourcq et la distribution de ses eaux dans les différentes parties de Paris sont l’objet d’une dépense de 2.500.000 francs par an. Dans queslques années ces travaux seront complètement achevés. Déjà soixante fontaines répandent les eaux de l’Ourcq dans les principaux quartiers et marchés e la capitale, l’eau y arrive et les arrose continuellement. La Seine, la Marne, l’Yonne, l’Oise sont l’objet de travaux considérables pour améliorer leur navigation. La coupure de Saint-Maur, qui sera achevée l’année prochaine, abrègera la navigation de la Marne de cinq lieues, et donnera de l’eau pour de nombreuses usines. Les écluses établies au Pont-de-l’Arche, à Vernon et à…. Faciliteront la navigation de la Seine, et d’autres écluses la prolongent jusqu’à Troyes et à l’Aube- Les ponts de Choisy, de Bezons et d’Iéna facilitent les communications ou concourent à l’embellissement de la capitale.

Le Louvre s’achève ; on abat cette quantité de maisons qui se trouvent entre le Louvre et les Tuileries. Une seconde galerie réunit les deux palais.

 

Marine.

Nous avons perdu la Guadeloupe et l’Isle-de-France. La volonté de secourir ces colonies ne devait point faire tenter la sortie de nos escadres dans l’état d’infériorité relative où elles se trouvaient.

Depuis la réunion de la Hollande ce pays nous a fournidix mille matelots et treize vaisseaux de ligne. Nous avons des flottes considérables dans l’Escaut et à Toulon. Des divisions de vaisseaux de ligne plus ou moins fortes sont dans les différents ports, et quinze vaisseaux sur les chantiers d’Anvers. Tout y est disposé de manière à ajouter chaque année un grand nombre de bâtiments de guerre à notre escadre de l’Escaut. Deux vaisseaux de ligne sont en construction à Cherbourg, et l’approvisionnement en bois et en matériaux de toute espèce y est si considérable, que nous en pouvons mettre cinq sur le chantier avant la fin de 1811. Lorient, Rochefort, Toulon ont toutes leurs cales occupées. De nombreux vaisseaux se construisent à Venise. Naples devait, selon les traités, avoir cette année six vaisseaux de ligne et six frégates. Ce royaume ne les a pas. Le gouvernement de ce pays se convaincra de la nécessité de réparer cette négligence.

Nos ressources, notre navigation intérieure suffisent pour porter en peu d’années le matériel de notre marine au même point que celui de nos ennemis.

Les essais faits sur la conscription maritime ont réussi : les jeunes gens de 18, 19 et 20 ans mis à bord de nos vaisseaux montrent la meilleure volonté, et se forment rapidement. Les fréquentes sorties de nos escadres, le cabotage, les évolutions de nos flottes et flottilles dans le Zuydersée, l’Escaut et nos rades, ont fait faire à nos jeunes conscrits des grogrès qui donnent lieu de concevoir les meilleures espérances.

 

Guerre

En une année, la plupart des places fortes de l’Espagne ont été prises après des siéges qui honorent le génie et l’artillerie de l’armée française. Plus de deux cents drapeaux, quatre-vimgt mille prisonniers et des centaines de pièces de canon ont ét´ße enlevés aux Espagnols dans plusieurs batailles rangées. Cette guerre toutnait à sa fin, lorsque l’Angleterre, sortant de sa politique accoutumée, est venue se présenter en première ligne. Il est facile de prévoir le résultat de cette lutte, et d’en comprendre tous les effets sur les destins du monde.

La population de l’Angleterre ne pouvant suffire à l’occupation des Deux-Indes, de l’Amérique et de plusieurs établissements dans la Méditerranée, à la défense de l’Irlande et de ses propres côtes, aux garnisons et aux équipages de ses immenses flottes, à la consommation d’hommes d’une guerre opiniâtre soutenue contre la France dans la péninsule espagnole, bien des chances sont pour nous ; et l’Angleterre s’est placée entre la ruine de sa population, si elle persiiste à soutenir cette guerre, ou la honte, si elle l’abandonne après s’être si fortement mise en avant.

La France a 800.000 hommes sous les armes ; et lorsque de nouvelles forces, de nouvelles armées marchent sur l’Espagne pour y combattre nos éternels ennemis, 400.000 hommes, 50.000 chevaux restent dans notre intérieur, sur nos côtes, sur nos frontières, prêts à se porter à la défense de nos droits partout où ils pourraient se trouver menacés.

Le système continental, qui se suit avec la plus grande constance, sape la base des finances de l’Angleterre : déjà son change perd 33 pour 100 ; ses colonies sont sans débouchés pour leur production ; la plupart de ses fabriques sont fermées….. et le système continental ne fait que de naître ! Suivi pendant dix ans, il suffirait seul popur détruire les ressources de l’Angleterre.

Ses revenus ne sont pas basés sur les produits de son sol, mais sur le produit du commerce du monde ; dès à présent, ses comptoirs sont à moitié fermés. Les Anglais espèrent en vain du bénéfice du temps et des événements que leurs passions allument, que les débouchés s’ouvriront pour leur commerce.

Quant à la France, le système continental n’a rien changé à sa position : nous étions depuis dix ans sans commerce maritime, et nous serons encore sans commerce maritime. La prohibition des marchandises anglaises sur le contient a ouvert un débouché à nos manufactures ; mais celui-là leur manquerait , que la consommation de l’Empire leur en offre un raisonnable : c’est à nos fabriques à se régler sur les besoins de plus de 60 millions de consommateurs.

La prospérité du trésor impérial n’est pas fondée sur le commerce de l’univers : plus de 900 millions, qui sont nécessaires pour faire face aux dépenses de l’Empire, sont le résultat d’impôts directs ou indirects naturels. Il faut à l’Angleterre, pour solder ses dépenses, deux milliards, et son revenu propre ne pourrait pas lui en fournir plus du tiers. Nous croirons que l’Angleterre pourra soutenir aussi longtemps que nous cette lutte, lorsqu’elle aura passé plusieurs années sans emprunts, sans consolidation de billets de l’échiquier, et lorsque ses paiements se feront en argent, ou du moins en papier échangeable à volonté.

Tout homme raisonnable doit être persuadé que la France peut rester dix ans dans l’état actuel sans éprouver d’autres embarras que ceux qu’elle éprouve depusi dix ans, sans augmenter sa dette et en faisant face à toutes ses dépenses.

L’Angleterre doit chaque année de guerre emprunter 800 millions, ce qui, en dix ans, ferait huit milliards. Comment concevoir qu’elle puisse parvenir à supporter une augmentation de contributions de 400 millions pour faire face aux intérêts de ses emprunts, elle qui ne peut suffire aujourd’hui à ses dépenses qu’en empruntant 800 millions chaque année ? Le système actuel des finances de l’Angleterre ne peut être fondé que sur la paix. Tous les systèmes de finances, basés sur des emprunts, sont en effet pacifiques de leur nature, puisqu’emprunter c’est appeler les ressources de l#avenir au secours des besoins présents. Cependant, l’administration actuelle de l’Angleterre a proclamé le principe de la guerre perpétuelle ; c’est comme si le chancelier de l’échiquier avait annoncé qu’il proposera dans quelques années le bill de la banqueroute. Il est en effet mathématiquement démontré que vouloir pourvoir aux dépenses avec 800 millions d’emprunts annuels, c’est déclarer que dans quelques années on n’aura plus d’autre ressource que la banqueroute.Cette observation frappe chaque jour les hommes claivoyants : à chaque campagne, elle deviendra plus frappante encore pour tous les capitalistes.

Nous sommes à la quatrième année de la guerre d’Espagne ; mais, ne fut-ce même qu’après quelques campagnes, l’Espagne sera soumise et les Anglais en seront chassés. Que sont quelques années pour consolider le grand Empire et assurer la tranquillité de nos enfants ? Ce n’est pas que le gouvernement ne désire la paix ; mais elle ne peut se faire tant que les affaires de Angleterre seront dirigées par des hommes qui toute leur vie ont fait profession de la guerre perpétuelle ; et sans garantie, que serait cette paix pour la France ? Au bout de deux ans, les flottes anglaises arrêteraient nos bâtiments et ruineraient nos places de Bordeaux, de Nantes, d’Amsterdam, de Marseille, de Gênes, de Livourne, de Venise, de Naples, de Trieste, de Hambourg, comme ils l’ont déjà fait : une telle paix ne serait qu’un piège tendu à notre commerce ; elle ne serait utile qu’à l’Angleterre, qui retrouverait un débouché pour son commerce, et qui changerait le système continental. Le gage de la paix est dans l’existence de notre flotte et de notre puissance maritime. Nous pourrons faire la paix avec sûreté quand nous aurons cent cinquante vaisseaux de ligne ; et malgré les entraves de la guerre, la situation de l’Empire est telle qu’avant peu nous aurons ce nombre de vaisseaux. Ainsi la garantie de notre flotte, et celle d’une administration anglaise fondée sur des principes différents de ceux du cabinet actuel peuvent seuls donner la paix à l’univers. Elle nous serait utile sans doute ; mais elle est désirable sous toute espèce de rapport. Nous dirons plus : le continent, le monde entier la réclament ; mais nous avons une consolation, c’est qu’elle est bien plus désirable encore pour nos ennemis que pour nous ; et quelques efforts que fasse le ministère anglais pour étourdir la nation par la foule des pamphlets et par tout ce qui peut tenir en action une population avide de nouvelles, il ne peut cacher au monde combien la paix devient tous les jours plus indispensable à l’Angleterre.

Ainsi, Messieurs, tout nous garantit, dans le présent, un avenir aussi heureux que plein de gloire ; et cet avenir, nous en trouvons un gage de plus dans cet enfant si désiré, qui, enfin accordé à nos vœux, va perpétuer la plus illustre dynastie ; dans cet enfant qui, au milieu des fêtes dont votre réunion semble faire partie, reçoit déjà avec le grand Napoléon et avec l’auguste Princesse qu’il a associée à ses hautes destinées, les hommages d’amour et de respect de tous les peuples de l’Empire.