1807 – Siège de Danzig – Le Consulat et le Premier empire
Danzig, port et marché le plus important de la Baltique, a alors environ 60.000 habitants. Dès l’automne 1806, on s’est ici préparé à un siège. Les faubourgs ont été rasés et occupés par des troupes, pour rendre l’approche de la ville plus difficile.

Les travaux d’encerclement
Le 18 février, Lefebvre a reçu l’ordre de se diriger sur Danzig, et, le 25, le maréchal atteint Dirschau, où il installe provisoirement son quartier général. Comme pour tout siège, la tâche principale va incomber au génie et à l’artillerie. Napoléon ordonne donc à son meilleur général du génie, Chasseloup-Laubat et à une de ses plus habiles artilleurs, le général Lariboisière, de se rendre également à Danzig. Pour lui servir de chef d’état-major, l’empereur envoie à Lefebvre l’expérimenté général Drouet. C’est le général Kirgener qui est chargé de diriger l’attaque, mais celui-ci ne sera pas toujours en accord avec son supérieur Chasseloup-Laubat. Enfin, l’empereur envoie ses aides de camp Savary et Bertrand, pour qu’ils l’informent du développement des travaux de siège.
Comme lui-même ne se trouve pas très éloigné de Danzig et envoie les instructions les plus précises, on voit que Lefebvre n’a pas vraiment le pouvoir de décision et qu’en fait, on peut à bon droit considérer Napoléon comme le véritable commandant supérieur des troupes qui vont assiéger la ville.
Les travaux d’encerclement partiel des fortifications, commencés dès le 1er février, dureront jusqu’au 24 mai. Au début, Lefebvre dispose de 12.000 hommes, qui, peu à peu et surtout après l’arrivée des divisions saxonnes, formeront finalement un corps d’environ 26.000 hommes. [1]Les données concernant les troupes du siège sont très variables. Plusieurs sources prussiennes (Goltz, Jany, Lettow-Vorbeck) donnent environ 12.000 hommes au début du siège, les sources … Continue reading
Le manque de troupes, mais aussi de pièces de gros calibre, retarde au début le siège proprement dit. Pour que celui-ci soit efficace, il fallait au moins 100 canons de gros calibre, mais Napoléon n’en possédait pas, et il fallut se les procurer durant l’hiver, sur celles capturées dans les places de Silésie.
Les mauvaises routes et la distance ralenti énormément cette opération. Les canons sont amenés sur des chariots jusqu’à Thorn puis, de là, amenés par bateau sur la Vistule. Mais cette dernière opération ne pourra commencer qu’après le dégel, en mars.
Dans la place de Graudenz, que les bateaux doivent passer, les batteries sont dirigées vers la campagne, contre une éventuelle attaque. Seuls des Depressionsgeschütze (canons pouvant tirer sous un angle « négatif ») auraient pu, depuis le plateau haut d’environ 70 m, combattre efficacement contre les bateaux. Les batteries de la Vistule étaient trop faiblement armées pour barrer efficacement le passage à une flottille, mais là aussi le manque d’artilleur était flagrant. Une seule fois un bateau fut coulé, mais après plus de cent tirs. Il fut également essayé de retarder le trafic des bateaux sur la Vistule en coulant des obstacles, mais, en raison surtout du manque de fiabilité de la garnison polonaise, le général de Courbiere renonça à son projet.
Napoléon fit donc assiéger les fortifications prussiennes avec des batteries lourdes prussiennes. Si Magdebourg et d’autres places n’avaient pas d’elles-mêmes ouvert leurs portes, et si les officiers prussiens n’avaient pas signé de capitulation en rase campagne, la marche en avant de l’armée française se serait arrêtée dès la Vistule, n’ayant avec elle, comme à l’habitude, aucune pièce de gros calibre pour faire tomber les fortifications.
Les fortifications de Danzig se composaient des fortifications de la ville elle-même, du fort de l’embouchure de la Vistule et de Neufahrwasser, sur l’autre rive, également fortifié. Ces deux derniers points revêtaient une très grande importance, du fait de leur communication avec la mer. Les ouvrages des fortifications n’étaient pas en bon état et n’avaient été l’objet que de minimes améliorations depuis que les Prussiens en avaient pris possession en 1793.
Le gouverneur, le général von Manstein était, si l’on en croit le lieutenant von Blumen « un vieillard complètement au bout de sa vie, presque toujours malade », et Blumen pensait du commandant le général Hamberger, qu’il était « vieilli par l’âge et n’inspirait aucune confiance ».
L’émigré français de Bousmard, officier du génie, prit une part importante à la défense de la place. Il fut tué par un boulet, peu de temps avant la reddition de la place, lors de la défense des fossés sur le Bischofsberg. Comme le roi tenait beaucoup à la conservation des fortifications de la Vistule, il nomma alors, bien qu’il soit déjà âgé de 70 ans mais encore très actif, le général de cavalerie von Kalckreuth gouverneur de la place, ajoutant de sa main à cette nomination :
„Danzig est une des places les plus importantes et vous pourrez rendre à l’État, avec votre activité habituelle et votre connaissance de la guerre, les plus grands services. »
Le nouveau gouverneur arriva à Danzig, par la mer, le 11 mars 1807.
Les renforts continuaient d’arriver dans les fortifications, par la mer. La garnison fut à son maximum le 12 mars 1807, avec 15,587 hommes et 370 officiers.
On ne manque pas de nourriture, d’ailleurs la ville sera approvisionnée encore longtemps par la mer de tout ce qui lui sera nécessaire. Après la reddition de la ville, on trouvera encore des réserves impressionnantes. Le ravitaillement des assiégés fut excellent et, en conséquence, leur moral le fut aussi. Un officier prussien anonyme rapporte que, en mars encore, le soldat recevait quotidiennement ½ livre de bœuf ou de porc, ½ « Metze » (ancienne mesure de volume prussienne – 3,4 l. – et autrichienne – 61,5 l. ) de pommes de terre, ½ « Metze » de pois, 1/8 de quart d’eau de vie, ¼ livre de tabac pour huit jours et 2 quarts de bière deux fois par semaine.
Les officiers recevaient le double de ces quantités, et, à la place de la bière, du vin, à la place de l’eau de vie, du rhum.
Les premières opérations
Ce n’est qu’après la bataille d’Eylau que Napoléon peut disposer de suffisamment de troupes et penser à un siège efficace, d’autant que l’artillerie lourde arrivait de plus en plus devant la place. Depuis Osterode, plus tard depuis Finkenstein, l’empereur suit avec un grand intérêt les progrès du siège. Il comprend rapidement que la tâche primordiale est d’encercler totalement la ville par la mer, et écrit dans ce sens les 6 et 12 mars à Lefebvre.
„ J’apprends avec plaisir que vous avez encerclé Dantzig. C’est la première opération ; maintenant vous en avez encore trois à entreprendre :
Premièrement, lancer un pont sur le bras de la Vistule afin que vous puissiez avoir accès à la mer. Dans ce but j’ai donné l’ordre de vous envoyer un équipage de pont. Comme la Vistule est là large de 100 toises (environ 200 mètres), vous avez assez de matériel pour faire jeter un ou deux ponts.
La deuxième opération est de séparer le fort (Weichselmünde) de la ville, et ainsi empêcher tout trafic entre la ville et la mer.
La troisième opération est de maintenir vos communications avec Stettin afin que le parc d’artillerie puisse arriver. “
Les Français, sous le général Schramm, parviennent relativement facilement, compte tenu des circonstances, à franchir le fleuve et à s’emparer, le 20 mars, du cordon littoral, défendu par les 1.500 hommes sous les ordres du général prussien von Rouquette. 2 bataillons d’infanterie saxonne ont participé à cette opération. Le lieutenant Moritz note dans son Journal :
Le 20 mars à trois heures du matin, les bataillons Süßmilch et Maximilian, 1 bataillon français d’infanterie légère, 2 compagnies de Polonais, une compagnie de chasseurs et de uhlans, sous le commandement du général Schramm et du colonel Braüer, se sont embarqués sur quelques canots sur la Vistule et ont débarqué sur le cordon littoral de Danzig sans aucune résistance. Les troupes ont ensuite marché en colonnes le long de la Vistule, par les bois et par le bord de mer, pour déloger l’ennemi du cordon. Le sable léger de cette île rendit cette marche très difficile, mais les Prussiens ne firent pourtant aucune résistance, se retirant peu à peu. Une seule fois ils prirent position, pour se défendre quelque peu, mais, après avoir lancé quelques grenades et tiré quelques salves de mousquet, ils abandonnèrent de nouveau leur position, en se retirant toujours plus loin, finalement, par Heubude, jusqu’à Danzig. Notre bataillon n’eut pas à ouvrir le feu. [2]cf. Note 4.
La perte de cette position était un coup sévère pour les assiégés, car l’arrivée de renforts, et surtout la communication avec la mer, devenait encore plus difficile. Après la prise du cordon, les Français essayèrent de couper totalement la communication avec la mer et s’installèrent dans l’île Holm, sur la rive occidentale opposée de la Vistule, de sorte que la navigation sur le fleuve devint, de jour, presque impossible.

L’ouverture de la première parallèle
Entre-temps, les assiégeants se sont rapprochés des fortifications proprement dites de la ville. Chasseloup-Laubat reconnaît le Hagelsberg comme l’endroit le plus approprié pour une attaque, et, après un conseil de guerre présidé par le maréchal, la nuit du 1er au 2 avril est choisie pour ouvrir les premiers boyaux sur le Zigankenberg, qui lui fait face. Le Hagelsberg et le Bischofsberg sont certes fortement défendus, mais comme ces deux hauteurs dominent la ville, leur chute entraînera nécessairement celle de l’ensemble des fortifications.
Les murs de la ville sont à cet endroit bien protégés par la Vistule, des inondations et des marais, et ne sont constitués que d’un simple mur dans le style hollandais. Dans la nuit du 7 au 8, le premier boyau est également percé devant le Bischofsberg.
Le lieutenant saxon Moritz raconte
Quartier général de Pietzkendorf, le 10 avril 1807
Grande Armée – Xe corps.
Le Corps est informé que le quartier général de Son Excellence le maréchal Le Fevre (sic) est à Pietzendorf. A partir d’aujourd’hui, Messieurs les Généraux y enverront leurs rapports et y feront conduire les prisonniers et les déserteurs. Le corps se compose désormais de quatre divisions.
La 1e, sous les ordres du général de division Michaud, est formée du 44e régiment d’infanterie, de la Légion du Nord, sous les ordres des généraux de brigade Puthod et Dufour, ainsi que de l’infanterie saxonne, sous les ordres de ses généraux de brigade ;
La 2e, sous les ordres du Grand-Duc Héritier de Baden, est composée de l’infanterie badois, sous les ordres des généraux Clausmann et Vinzenti, et du 19e de ligne, sous les ordres du général Menard ;
La 3e, sous les ordres du général Gielgud, est composée de l’infanterie polonaise et du 2e bataillon du 2e léger, sous les ordres des généraux von der Weydt und Koschinski ;
La 4e, sous les ordres du général de division Gardanne, secondé par le général de brigade Schramm. Elle est formée du 1er bataillon du 2e régiment d’infanterie légère, de 2 bataillons saxons, de 3 bataillons polonais, d’un escadron du 19e Chasseurs et d’un détachement de lanciers polonais.
Le général v. Polenz conserve sous ses ordres le général Sokolnitzki et le général v. Besser, et commande l’ensemble de la cavalerie. Le lieutenant-colonel Stockhorn, au service de Bade, est major de tranchée au centre et reste à Zingankendorf.
Le 10 avril. Les 3 batteries de la première parallèle sont terminées. A l’aile gauche se trouvent les Saxons, puis les Badois, chacun avec 4 pièces de 24, sur la gauche les Polonais, avec 2 pièces de 24….
Extraits de 2 ordres du jour du 11 avril
1 – Les redoutes sont équipées de canons. Le général s’occupe de l’aile gauche et de la redoute n° 3. A partir d’aujourd’hui, les travailleurs n’emporte plus leurs havresacs dans les tranchées.
2 – Tous les jours, 1 général et 1 officier d’état-major commanderont l’attaque du Hagelsberg et du Bischofsberg. Ils prendront leur service à midi, et seront relevés à la même heure. Personne ne doit sortir des tranchées durant ces 24 heures.
3 – La division Gielgud fournira chaque jour 400 hommes en soutien, dont 200 hommes dans les tranchées, 100 hommes dans la redoute n° 1 et 100 hommes dans la redoute n° 2. Elle fournira 300 travailleurs. Tous se rassembleront à 4 heures du matin et à 6 heures du soir derrière la redoute n° 1.
4 – La division du prince de Baden fournira 600 hommes, dont 300 dans les boyaux et devant la 1e tranchée et 300 en réserve, elle fournira également une garde dans la n° 3. Cette division fournira de plus 300 travailleurs, qui se rendront tous les jours à 4 heures du matin et à 6 heures du soir à Zigankendorf.
5 – La division Michaud fournira une garde de 600 hommes pour la garde des tranchées, dont 300 seront répartis dans les lignes de communication et 300 seront en réserve dans la 1e tranchée , une garde dans la n° 4. 200 travailleurs seront de plus envoyés à Zigankenberg, à 4 heures du matin et à 6 heures du soir. Le général de tranchées assure le commandement des travailleurs, des sentinelles et des réserves et les organisera, le cas échéant, pour la défense.
Le 11 avril.
Dans la nuit du 10 au 11, un détachement (du régiment saxon von Sänger) et de l’infanterie française ont fait prisonnier la garnison d’une nouvelle redoute construite par les Prussiens sur l’aile gauche de la première parallèle, 1 capitaine et 60 soldats, le reste ayant pris la fuite. Cette redoute se trouvait sur une colline isolée, dont les Prussiens voulaient s’emparer, et d’où ils auraient pu infliger beaucoup de dommages à nos travaux de tranchées. On s’est emparé de 200 carabines, quelques Doppelhaken (ancien mousqueton lourd pour la défense des murs), des havresacs et beaucoup d’outils. La redoute a été aussitôt rasée et abandonnée. A deux heures et demi du matin, un feu violent a éclaté sur le Hagelsberg et la Neugartenthor, où l’on s’attendait à une sortie, qui ne s’est pas produite. Avec la cavalerie, nous sommes allés en position et sommes revenus à 6 heures. Les batteries ont été équipées de canons. Le général Lariboisière commande l’artillerie, le général Kirgener le génie.
Le 12 avril.
Les Gardes de Paris, venant de Ohra et Maschkau, où ils se trouvaient hier, sont arrivés au camp de Zigankendorf. Le major Thielmann est arrivé comme aide de camp chez nous. Le soir, à huit heures, tirs de canons et fusillade sous le Bischofsberg et le Hagelsberg. Nous avons reculé, les cuirassiers sont restés à Wonneberg. J’ai du chevaucher jusqu’à Stolzenberg et dans la tranchée sur le Zigankenberg, pour avoir des nouvelles du combat, qui at été sérieux Les Prussiens s’étaient de nouveau installés dans la redoute que nous avions rasée le 10. L’attaque a eu lieu ici et sur la Kalkschanze. La Légion du nord a occupé les tranchées.
Le 13 avril.
Dans la nuit, la redoute prussienne a été attaquée et prise ; mais les Prussiens l’ont reprise, nous l’avons de nouveau attaquée, prise et occupée. Le lieutenant-colonel Cerrini, le major Keiserlinge, l’enseigne Häußler et le capitaine Thalwitz ont été faits prisonniers et emmenés jusqu’à Danzig. Le lieutenant Kracht a été blessé et le lieutenant Westin fait prisonnier. Le capitaine Britzki, les enseignes Klösterlein, Hille, Dürfeld, Bauern, le major Kaintz, le capitaine Guden ont été blessés.
A huit heures du matin, je suis allé à cheval avec le lieutenant-général et le major Thielmann à la redoute de Ohra et sur toute la position, dans la tranchée, par Langfurth et Neuschottland, pour être de retour à 2 heures. A Fahrwasser, il y avait des Français en marche
Le 14 avril.
Dans la nuit, entre 11 et 12 heures, fusillade dans l’allée qui mène à Langfurth, il semble que les Prussiens ont tenté une sortie.
Toutes les troupes se sont avancées. Le lieutenant-général m’a envoyé sur la position de la cavalerie à Zigankendorf. Il faisait nuit noie, avec mon ordonnance nous nous sommes perdus, sommes d’abord arrivés à Stolzenberg, puis au bivouac polonais et sommes ensuite retournés au camp saxon, en passant par Schiedlitz. Tout le monde était sous les armes, les bataillons rentrés, et comme tout était calme, nous sommes restés avec les généraux et les aides de camp dans la baraque de service, jusqu’à ce que le jour vienne. Le maréchal avait traversé le camp saxon au pas de course avec les régiments de ligne. Mais tout est resté calme et il ne s’est rien passé.
Dans les bivouacs
Jusqu’au 24 avril, 72 pièces de sièges sont mises en position, dont quelques mortiers de 50. Sur l’ordre du général Lariboisière, ces batteries ouvrent le feu le 24, à une heure du matin, sur les ouvrages ennemis.
L’empereur vient lui-même le 25 à Marienburg et Dirschau, mais retourne le soir du 26 à Finkenstein. Ce soir là, 4 compagnies saxonnes des régiments Sänger et Prince Anton, repousse victorieusement une attaque prussienne sur la grande redoute, au cloître des Jésuites. Bien que les assiégés font souvent des sorties, les Français réussissent à continuer les travaux d’approche du Hagelsberg.
Le lieutenant Moritz nous renseigne sur les installations et les conditions des bivouacs,
Tous les bivouacs sont maintenant embellis et améliorés, et vraiment remarquables. La où les où on peut trouver du bois d’arbres en quantité suffisante, on a convenablement charpenté les baraques, revêtues extérieurement et intérieurement de planches, le sols revêtu de plancher et dotées de portes et de fenêtres. On a des fours ou des cheminées, que les soldats ont, dans les villages, les faubourgs, les maisons et les fermes, incendiés par les Prussiens, sauvés des flammes ou récupérés dans les bâtiments à demi calcinés.
Lorsque le terrain le permet, les soldats ont préparé des allées et des tonnelles de verdure, ainsi que des pelouses, des bordures, des plates bandes et autres enjolivements. Dans les bivouacs français on voit en particulier beaucoup d’arrangements artistiques, et les monticules sur lesquels sont installés les aigles et les tambours, ainsi que les râteliers sont toujours artistiquement recouverts de gazon. Souvent, il y a des petits jardins près des baraques des officiers, entourés de clôtures.
Maintes baraques sont revêtues de tentures, et sont décorées de miroirs, de tableaux et de meubles. A l’extérieur, on a apporté des décorations et des signes distinctifs. Par exemple, une baraque a comme enseigne un soleil doré, un ours brun, une étoile et une main dorée, d’autres sont décorées avec boutons de balustrades ou de lit dorés, avec des personnages en plâtre, des statues, des bustes, des peintures. Dans le camp français de Ohra on a apporté des jardins plusieurs statues et des grenadiers peints. Sur le toit d’une baraque trône un Socrate, sur un autre la tête de celui-ci. Dans le camp des Badois, les neufs Muses ont été installés. On a des chaises et des sofas, des canapés, des chaises, des tables, des pianofortes et des garde-feux. On peut voir dans les jardins des kiosques et de grands parasols venant des jardins. Assiettes, plats, poêlons et pots en porcelaine, comme les verres et les carafes sont assez habituels.
L’avis de l’Empereur
Lefebvre est particulièrement actif. Il se rend souvent dans les boyaux, pour encourager ses soldats, car dans son corps d’armée il n’y a pas seulement que de très jeunes soldats, mais également des troupes de la Confédération, dont la motivation est faible [3]L’historique du régiment de grenadiers de la garde raconte : „Un soir, il se mit à la tête d’un bataillon badois, fit battre la charge, et conduisit la colonne par monts et par vaux, les … Continue reading.
Le maréchal préférerait prendre les ouvrages d’assaut, et, souvent, il dit à ses officiers du génie et de l’artillerie :
„ Je n’entends rien de votre affaire, mais fichez moi un trou et j’y passerai. “
Durant un conseil de guerre, la question d’un assaut est soulevée, mais, après une longue discussion, il est décidé de demander d’abord l’avis de l’empereur. Ce dernier n’est pas vraiment d’accord avec l’impatience du maréchal, car il sait que les fortifications de Danzig ne pouvaient être prises qu’après un siège en règle. Agacé, il écrit à Lefebvre :
„ Vous ne savez que vous plaindre de vos alliés et modifier votre avis au gré d’idées venues d’on ne sait où. Vous voulez des troupes : je vous en ai envoyé quelques-unes unes, je prépare aussi de nouveaux envois. Comme un ingrat vous continuez à vous plaindre, sans même penser à me remercier. Vous traitez les alliés, et surtout les Badois et les Polonais, sans la moindre considération. Ils ne sont pas habitués au feu, mais cela viendra avec le temps. Croyez-vous qu’en 1792 nous étions aussi courageux que maintenant après 15 années de guerre ? Ayez de l’indulgence, vieux soldat, avec les jeunes gens, qui commencent seulement et qui n’ont pas encore au milieu des dangers la présence d’esprit nécessaire…
La poitrine de vos grenadiers, que vous voulez utiliser partout, ne casse aucun mur. Laisser faire vos ingénieurs, écoutez les conseils du général Chasseloup, qui est un homme habile, et vous ne devez pas lui retirer votre confiance sur les dires du premier critique venu, qui veut porter un jugement sur ce qu’il est incapable de comprendre. Garder le courage de vos grenadiers pour le moment où la science vous dira qu’il peut être utilement employé, et en attendant armez-vous de patience. Quelques jours de perdus, dont du reste je n’aurai pas du tout l’usage, ne valent pas, que vous fassiez tuer quelques milliers d’hommes, que l’on peut garder en vie. Montrez du calme, de l’esprit de suite et l’attitude ferme qui sied à votre âge. Votre gloire repose sur la prise de Dantzig. Prenez cette place et vous serez satisfaits de moi.“ [4]Napoléon fit l’éloge de l’engagement des Alliés : „Les Saxons, les Polonais ainsi que les Badois depuis que le prince héréditaire de Bade est à leur tête, rivalisent entre eux … Continue reading
De leur coté, les alliés russes et prussiens reconnaissent de plus en plus la valeur des importantes fortifications de la Vistule dans le dos de Napoléon, et, en conséquence, des renforts sont constamment envoyés à Danzig. En mars, 3.000 hommes sont arrivés, et le général comte Kamenskii, le fils du maréchal, doit y conduire 7.000 Russes et Prussiens.
En attendant, le chef d’état-major de Lefebvre, le général Drouet, a, dans la nuit du 6 au 7 mai, lancé une attaque sur l’île Holm, au nord de la ville et s’est emparé, le jour suivant, de cette importante position. Les défenseurs de l’île, 1.500 Russes et 200 Prussiens, sont pour la plupart faits prisonniers. [5]Kalckreuth confirme que la situation de Danzig se détériora après perte des îles de la Vistule : „Cette nuit a été la plus malheureuse durant toute la défense“. La rapide défaite de la … Continue reading
Napoléon a trouvé le temps de préparer des mesures de précaution et, le 12, donné l’ordre à Oudinot et à ses grenadiers de se diriger immédiatement sur Danzig, pour être en mesure, le 15, de soutenir les attaques.
Les Alliés amènent des renforts
Désormais Dantzig est entouré de tous les côtés et les communications avec la mer totalement interrompues. Plusieurs évènements malheureux retardent l’arrivée de Kamenskii à Neufahrwasser. L’absence de vent a empêché le départ des troupes, prévu pour le 8 mai à Pillau. Finalement, les vaisseaux ont été sortis du port tirés par des barques et ont pris la mer, par des vents contraires. La flotte s’est enfin rassemblée.
2 frégates anglaises de 18 et 24 canons, 1 brick anglais de 16 canons et 2 cutters, ainsi que le vaisseau de ligne suédois Adolph Friedrich, de 71 canons, et 5 vaisseaux de commerce.
La persistance des vents défavorables fait que les vaisseaux n’atteignent Neu-Fahren, en ordre dispersé, qu’entre les 11 et 14 juin. Le dernier jour, 3 chaloupes basses anglaises de 20 canons et un cutter suédois armé de 12 canons se joignent à la flotte.
Lorsque, finalement, l’attaque, de nombreuses fois repoussée, depuis l’embouchure de la Vistule de l’île d’Holm est lancée, elle est repoussée par les Français. [6]Le plan avait été déjà préparé en avril. La perte de Holm resta inconnue de Kamenskij.
Le terrain est très favorable à ces derniers. Un bois épais, avec des fossés et des marais, entoure le fort devant l’embouchure de la Vistule. Il est par ailleurs entouré de redoutes.
Le général Schramm se trouve dans les retranchements de l’embouchure, Lannes et Oudinot sur la rive gauche de la Vistule, Lefebvre avec la réserve dans les boyaux du Hagelsberg.
Les colonnes d’attaque russes ne peuvent, en raison des obstacles du terrain, se déployer, de sorte qu’un combat de position s’engage, ce qui est un désavantage pour les Russes. Bientôt, la menace que présente sur leur flanc gauche les grenadiers d’Oudinot les décident à rompre le combat.
Le lieutenant Moritz raconte :
« Le 15 mai
A cinq heures du matin, forte canonnade depuis l’embouchure, toutes les troupes sont parties. Je suis allé à cheval, avec le capitaine Lehmann, dans notre batterie n° 6. Nos batteries sur le Holm et sur le cordon littoral tiraient vivement. Les Russes avaient fait une sortie, la fusillade était particulièrement forte du côté de la mer. On apportait déjà des prisonniers. Je galopais jusque là, pour recueillir des renseignements. Des grenadiers von Clemens amenèrent 9 Russes. Après avoir informé le lieutenant-général, je fus envoyé, avec Lehmann, dans l’île, nous embarquâmes, avec un bataillon français, et traversâmes la Vistule en direction de Holm, et nous dirigeâmes vers l’embouchure. Le combat continuait, on tirait encore fortement. Mais les Russes avaient déjà été repoussés une fois et commençaient à retraiter. Le champ de bataille était couvert de Russes, plusieurs Saxons blessés étaient également restés. Depuis l’embouchure on tira encore sur nous vivement. Je fis prisonnier un Russe, que je ramenais au quartier général. 4.000 Russes avaient participé à l’attaque, qui s’était terminée si malheureusement, que la moitié était restée sur le terrain, l’autre moitié étant blessée ou faite prisonnière. Le major Klitzing, le capitaine Taube, les lieutenants Planitz, Funke, Franken, Wolfersdorf et Taubenheim étaient blessés.
Bien que, grâce au télégraphe optique entre Danzig et Neufahrwasser, Kalckreuth se soit trouvé en contact permanent, celui-ci a omis de lancer la sortie prévue dans les dispositions de bataille, et qui aurait pu poser de grand problèmes aux Français [7]„la garnison de Danzig a fait une sortie par la Neugartener Tor, avec toutes les forces disponibles, dont une grande partie de cavalerie. Celle-ci doit frayer son chemin jusqu’au troupes de … Continue reading
Les Russes et les Prussiens perdent environ 1.500 hommes, soit un tiers de leur effectif, se répartissant ainsi : Russes: 14 officiers, 422 hommes tués ; 41 officiers, 895 hommes blessés ; Prussiens: 2 officiers, 42 hommes tués ; 4 officiers, 110 hommes blessés. Total: 61 officiers, 1.469 hommes.
Bien que les tentatives de secours aient été victorieusement repoussées, Lefebvre est découragé par la longue résistance des Prussiens, et comme le général Kirgener le harcèle de trouver un autre point d’attaque, il questionne l’empereur, ce qui lui vaut de violents reproches pour sa versatilité. [8]Attaquez le Hagelsberg: maître du Hagelsberg, vous l‘êtes de la place“ Napoléon à Lefebvre, 18 mai, de Finckenstein, Correspondance. 12 600
L’avancement du siège
Le lieutenant Moritz nous renseigne sur l’avancement du siège :
19 mai. Une demie heure après mon arrivée, il y eut une alarme, les troupes s’avancèrent. C’était une frégate anglaise qui remontait la Vistule depuis l’embouchure, pour arriver jusqu’à Danzig par la force. Le bateau avait 24 canons, ils tirèrent avec violence sur nos défenses, mais ce fut encore mieux de notre côté. Finalement, le bateau perdit son gouvernail, en dessous du pont de pontons qui avait été jeté sur la Vistule en direction de l’île Holm ; il tourna sur lui-même et s’échoua. Aussitôt il ramena ses voiles et hissa un drapeau blanc. 300 hommes furent faits prisonniers de guerre, on s’empara de1.600 Zentner de poudre, de boulets et de beaucoup de nourriture.
Le 20 Mai. A trois heures du matin je suis allé, avec 40 hommes, occuper la grande redoute, j’avais encore avec mois un officier, le lieutenant v. Schubart von Maximilian et 40 hommes. Le commandant français de la redoute était le capitaine La Bouche. Jour et nuit on tira, depuis l’embouchure sur le bateau qui avait été capturé, de temps en temps sur la redoute, d’où on nous répondit souvent
Le 21 mai. A trois heures du matin j’ai été remplacé dans notre bataillon par le lieutenant Ueditritz. A six heures du matin je suis revenu au camp. Dans l’après-midi, les bataillons saxons ont été remplacés par un régiment de Wurzbourg. Par la forêt, nous avons marché jusqu’à Heubude, et nous avons marché jusqu’à la nuit. Depuis les redoutes des écluses, on nous a tiré dessus avec violence. Sur le Hagelsberg et sur l’île de Holm il y avait un violent combat, qui parvint jusqu’à nous. Nous bivouaquâmes le reste de la nuit.
Devant Danzig, tout était prêt pour l’attaque, elle allait même commencer, lorsque le colonel Lacoste, qui avait été envoyé en parlementaire, indiqua que le général Kalckreuth (…) voulait capituler (…) ; ce fut accepté.
Le 22 mai, on prit nos quartiers dans des maisons. Il y avait un cessez-le-feu.
Kalckreuth décide de négocier
Dès le 24 avril, lorsque le vrai bombardement de la ville par les Français avait commencé, Lefebvre avait offert au gouverneur prussien de se rendre, mais le maréchal avait reçu une réponse négative.
Maintenant, l’espoir d’être secouru par la terre ou par la mer diminuant de plus en plus, et toute les tentatives d’approvisionner la place en poudre ayant échoué, Kalckreuth pense qu’il ne peut pas une nouvelle fois repousser l’offre de se rendre. Alors que les Français se préparent à l’attaque, Lefebvre envoie, sous quelque prétexte, un négociateur au gouverneur prussien, qui n’accepte cependant de se rendre qu’à la condition que lui et sa garnison seront libres.
(…) mais selon les conditions de la capitulation de Mayence (1793), que la garnison de Danzig méritait, après sa belle défense, et qu’il pouvait aussi bien revendiquer qu’alors le maréchal Boufflers… [9]Höpfner Bd. 3 S. 517
Lefebvre ne veut cependant rien promettre, tant qu’il n’aura pas reçu une réponse de l’empereur. Lannes prend sur lui de se rendre à Finkenstein, pour prendre connaissance des souhaits de l’empereur. Napoléon se montre prêt à accepter, et le 24 mai les 24 articles de la capitulation sont finalisés.

Il est convenu que, si aucun renfort ne parvient avant le 26, la garnison pourra sortir sans contrôle et se rendre à Pillau, mais elle devra toutefois promettre sur l’honneur ne pas combattre contre les Français, durant une année.
Le 26 mai, Napoléon approuve les conditions de la reddition.
Comme les Russes se trouvant à Neufahrwasser ne peuvent plus s’y maintenir longtemps, Kamenski les fait rembarquer dans la nuit du 25 au 26 mai.
La garnison de l’embouchure de la Vistule, dont les unités viennent en grande partie de Pologne, se mutine le 26 mai et une partie passe du côté des français. Selon les termes de l’accord de reddition, les Français occupent ce jour là un certain nombre de position importantes des défenses.
Le 27 mai, à 9 heures du matin, la garnison sort de la place, avec ses armes et ses bagages, drapeau déployé, musique en tête et avec des flambeaux.

Dès le départ des Prussiens, Lefebvre fait une entrée triomphale dans la ville. Les maréchaux Lannes et Mortier, et le général Oudinot ne veulent pas diminuer le triomphe de leur collègue et se tiennent à l’écart des festivités.
Dans les places de Danzig, de l’embouchure de la Vistule et de Neufahrwasser les Français trouvent 778 pièces d’artillerie de tous calibres et de tous types [10]Cela montre que plus de la moitié des canons disponibles pour la défense n’étaient plus utilisables. Beaucoup dataient du siège de 1734., 108.881 boulets ou grenades, 45.000 livres de poudre, 15.600 cartouches, 170.000 balles, plus 285.000 Zentner de blé, plusieurs milliers de bouteilles de vin de Bordeaux, de la farine, du drap, des tissus etc., le plus souvent chez les habitants, car les réquisitions, ordonnées par le gouvernement prussien, n’avaient pas été effectuées.
Le roi de Prusse, estimant que Kalckreuth a fait plus que son devoir, le nomme feld-maréchal après son retour au quartier général prussien. La chute de Danzig tombe à point pour Napoléon, car il peut ainsi considérablement renforcer son armée de campagne.
Le 28 mai, il nomme Lefebvre duc de Danzig. C’est fut le premier titre ducal qu’il décerne, lequel toutefois ne sera officiellement confirmé que le 10 septembre 1808.
Napoléon veut voir lui même les fortifications conquises et ses ouvrages extérieurs. Le 31 mai, il part à 5 heures du matin de Finkenstein, arrivant le soir à l’abbaye d’Oliva. Le jour suivant il visite les fortifications de Danzig, de l’embouchure de la Vistule et de Neufahrwasser, ainsi que les travaux français, qui ont finalement conduit la chute de la place.
Après avoir nommé le général Rapp gouverneur de Danzig, il quitte la ville le matin du 2 juin, passe la nuit au château de Marienbourg, et retrouve Finkenstein le 3, à 7 heures du soir.
References[+]
↑1 | Les données concernant les troupes du siège sont très variables. Plusieurs sources prussiennes (Goltz, Jany, Lettow-Vorbeck) donnent environ 12.000 hommes au début du siège, les sources françaises (Madelin, Dumas, Sauzey) vont jusqu’à 18 000. Durant les mois qui suivirent, le nombre d’assiégeants atteignit 23 -27 000 hommes (23.423 selon le lieutenant saxon Moritz |
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↑2 | cf. Note 4. |
↑3 | L’historique du régiment de grenadiers de la garde raconte : „Un soir, il se mit à la tête d’un bataillon badois, fit battre la charge, et conduisit la colonne par monts et par vaux, les ramenant, en sueur, au camp… Il s’exclama : „Voilà comment il faudra faire lorsqu’on vous enverra au combat ! ». |
↑4 | Napoléon fit l’éloge de l’engagement des Alliés : „Les Saxons, les Polonais ainsi que les Badois depuis que le prince héréditaire de Bade est à leur tête, rivalisent entre eux d’ardeur et de courage.“ Correspondance, T.XV S.117 |
↑5 | Kalckreuth confirme que la situation de Danzig se détériora après perte des îles de la Vistule : „Cette nuit a été la plus malheureuse durant toute la défense“. La rapide défaite de la garnison russe engendra aussitôt des rumeurs de trahison. |
↑6 | Le plan avait été déjà préparé en avril. La perte de Holm resta inconnue de Kamenskij. |
↑7 | „la garnison de Danzig a fait une sortie par la Neugartener Tor, avec toutes les forces disponibles, dont une grande partie de cavalerie. Celle-ci doit frayer son chemin jusqu’au troupes de secours, l’infanterie de la garnison ne réussissant pas à entrer en liaison étroite avec celles-ci. Höpfner Bd 3. S. 477 |
↑8 | Attaquez le Hagelsberg: maître du Hagelsberg, vous l‘êtes de la place“ Napoléon à Lefebvre, 18 mai, de Finckenstein, Correspondance. 12 600 |
↑9 | Höpfner Bd. 3 S. 517 |
↑10 | Cela montre que plus de la moitié des canons disponibles pour la défense n’étaient plus utilisables. Beaucoup dataient du siège de 1734. |