1807 – Le siège de Colberg – Le Consulat et le Premier empire
Les petites fortifications de Colberg [1]Aujourd’hui Kolobrzeg, en Poméranie, qui se situe loin des routes empruntées par les troupes françaises, commencent à gêner ces dernières dès le siège de Danzig, car la route Stettin – Köslin – Stolp – Danzig passe seulement à 25 km de Colberg.

La place se trouve à deux kilomètres de la mer, sur la rive droite de la rivière Persante, et, bien que dans un état d’abandon désolant, est bien protégée par des fossés et des inondations. Elle consiste en un mur principal bastionné, avec ouvrages extérieurs, quelques ouvrages avancés, des escarpes et contre escarpes, tout ceci en terre et équipés de fossés remplis d’eau. Le gouverneur de la place est le vieux colonel von Lucadou, âgé de 65 ans, natif de Genève ; il est secondé par le capitaine von Waldenfels.
Le 13 février 1807, la garnison est forte de 66 officiers et 3.716 hommes, qui, avec le temps, seront presque 6.000.
Le 7 mai arrivent les derniers renforts. A ce moment, la garnison se compose ainsi [2]Höpfner Bd. 4 S. 579 :
Bataillon de Grenadiers Waldenfels 850 hommes
Bataillon de Fusiliers Möller 750 hommes
2e Bataillon de Réserve de Poméranie 540 hommes
3e Bataillon de Réserve de Neumark 420 hommes
3e Bataillon de Mousquetaires von Owstien 800 hommes
3e Bataillon de Mousquetaires von Borcke 800 hommes
5 compagnies Infanterie, Corps Franc de Schill 750 hommes
2 compagnies de Chasseurs (Dobrowolsky, Otto) 300 hommes
Dépôt des Cuirassiers de Baillidoz 110 hommes
1 escadron cavalerie du Corps Franc de Schill 113 hommes
Artillerie 400 hommes
L’artillerie suffit à peine pour occuper utilement le mur principal, et se compose de :
8 pièces de 24 en bronze
4 pièces de 20 en fer
40 pièces de 12 en fer
6 pièces de 6 en fer
6 obusiers de 10 en fer
3 mortiers de 25 en fer
5 mortiers de 50 en fer

Avec les 4 pièces de 3 régimentaires, une demie batterie attelée est formée, pour ainsi disposer de canons mobiles.
Avant l’arrivée des premières troupes d’encerclement, il sera également possible de faire entrer dans la place de Danzig, 6 pièces de 12 en bronze, de Stralsund, 6 pièces de 12 en fer.
Par ailleurs, des provisions et des armes, venant d’Angleterre et de Suède, entrent dans Colberg, en particulier 2.000 fusils suédois démodés, dont d’ailleurs seulement une partie est utilisable, mais au moins le bataillon de grenadiers Waldenfels peut être armé.
Après le cessez-le-feu du 18 avril, il n’est plus possible de compter sur l’aide de la Suède. Lorsque les Suédois effectuent une sortie de Stralsund, une étroite coopération avec les troupes prussiennes se trouvant dans Colberg sous Lucadou aurait été très souhaitable, mais, comme dans des cas similaires, cela ne se produit pas.
Tandis que l’on manque d’armes, l’approvisionnement en nourriture est assuré. Par l’accès direct à la mer, des transports pourront également arriver pendant le siège.
Un rapport au roi du capitaine von Waldenfels, à la mi-mai, décrit le ravitaillement comme suit :
Pour une garnison de 7.000 hommes : du pain jusqu’au début août, viande et lard jusqu’au 10 juillet, eau-de-vie jusqu’au 19 juillet, pois, orge et gruau jusqu’au 1er octobre.
Début janvier, le second-lieutenant Schill, du régiment des dragons de la reine, commence activement à former un corps franc dans les environs de Colberg et à mener une guerre de partisans contre les Français.
L’un des résultats les plus spectaculaire est la capture du général Victor, alors qu’il se rend vers Stettin et qui est amené à Danzig. Il sera peu après échangé contre le général Blücher, mais cet évènement va retarder le siège de Colberg, ordonné par Napoléon.
L’habillement de son infanterie, de sa cavalerie et de son artillerie se heurte à de grosses difficultés, de sorte qu’il lui faut improviser et faire appel à des vêtements civils. Cela conduit au début à une apparence extrêmement colorée. Si bien que les Français les prennent pour des brigands, auxquels aucun pardon ne peut être accordé.
Les uniformes vont s’améliorer au cours du siège, et finalement on pourra reconnaître les différentes armes à leurs uniformes.
L’encerclement de la place
Entre le 19 et le 24 février les troupes de Schill se trouvent engagées à Naugardt et Stargardt dans des combats, quelquefois violents, contre les troupes françaises et italiennes (en particulier le 1er de ligne italien)
C’est alors que commence l’encerclement de la place, par des troupes italiennes, commandées par le général Teulie.
Le 28 février arrive le 1er bataillon du 1er léger et le 1er de ligne italiens, ainsi que 2 escadrons des dragons de la Reine et 12 canons.
Le 25 mars, c’est au tour du commandant de l’armée de siège, le général Loison, d’arriver à Colberg (il a reçu sa nomination depuis le 9 mars).
Fin mars, les combats d’avant-postes se durcissent et il y a pratiquement chaque jour des combats dans les faubourgs alentours, dont deux doivent finalement être incendiés, ce qui naturellement suscite la colère de leurs habitants contre le commandement.
Le 5 avril, le maréchal Mortier arrive devant la place avec le 72e de ligne et 600 cavaliers du 2 cuirassiers hollandais et le 3e chasseur à cheval. En conséquence, les attaques sur Fichtkamp et Maykuhle se durcissent.
Lorsque, le 8 avril, arrive la nouvelle d’une attaque victorieuse des Suédois à Stralsund, le maréchal s’y rend aussitôt avec le 72e de ligne et le 2e bataillon du 1er de ligne italien, laissant Loison devant Colberg, avec 4.000 hommes, 10 canons et 84 cavaliers.
Peu après, les défenseurs lancent une grande sortie, le 12 avril, s’emparant les redoutes de Neu Werder, qu’il s’empresse de raser aussitôt. Les bivouacs des assiégeants, derrière les redoutes, sont également mis en flammes.
Entre-temps, Napoléon a envoyé des renforts, pour remplacer les troupes parties à Stralsund : un régiment polonais, un wurtembergeois et un italien, ainsi que les contingents des ducs de Saxe. Pour ces derniers, il s’agit du bataillon de Saxe-Weimar et de Gotha-Altenburg (Meiningen). En raison d’une très forte désertion (105 et 202 hommes respectivement), les deux contingents ont été fondus en un seul régiment avec un bataillon léger (Weimar) et deux faibles bataillons de lignes.
Les troupes prennent leurs cantonnements dans un camp de huttes, qui se trouvent dans un endroit où la nappe phréatique se trouve être très haute. L’eau qui suinte de partout entraîne bientôt l’apparition de fièvres chez les soldats. La situation est encore plus aggravée par les nécessités du service de siège et par l’alarme permanente.
Par suite du manque d’artillerie lourde, il n’est pas possible d’effectuer un bombardement en règle des fortifications. On se contente donc d’attaques d’avant-postes et de se défendre contre les nombreuses sorties sur les ouvrages avancés, essayant de cette façon d’encercler complètement la place. Mais comme on ne dispose pas du moindre bateau ni même de marins et d’embarcations, le côté mer reste en permanence ouvert, permettant l’arrivée non seulement de ravitaillement, mais également de petits renforts en troupes.
Le 24 avril, les assiégeants essayent de dériver le cours de la rivière (Persante), afin d’assécher la zone d’inondation et d’ensabler le port. Le terrain difficile met rapidement un terme à cette tentative, malgré tous les efforts engagés dans cette entreprise.
Le nouveau gouverneur
Gneisenau, nommé par le roi, le 10 avril, nouveau gouverneur, et qui est arrivé le 29 avril, ne se contente pas de mesures défensives, mais cherche à rendre le travail des assiégeants difficile, au moyen de nouveaux ouvrages et de sorties répétées, et à les tenir éloignés du cœur des fortifications.
Ainsi que l’écrit le général Chambarliac :
» Une justice à rendre à M. le major Neissnau (sic) Gouverneur de la place, est qu’il a fait une défense très bien entendue. Ses sorties ont été fréquentes et hardies; enfin, il a profité des ressources que lui ont fourni le terrain environnant Colberg pour nous retarder par une foule d’ouvrages avancés qui nous ont fait perdre beaucoup de monde et de temps » [3] Relations du siège de Colberg par le Général du Génie Chambarliac, Archives du Génie, manuscrits relies, tome V
Par exemple, l’entreprenant gouverneur fait construire sur le Wolfsberg une forte redoute, dont le général Teulié est chargé de s’emparer, dans la nuit du 17 au 18 mai, mais son attaque est repoussée. Ce n’est que 11 juin que les assaillants parviennent à prendre possession de cet important ouvrage.
Répartition des troupes
Après que des renforts soient arrivés, le général Loison, le 4 mai, réparti le corps de siège en 4 brigades.
1re Brigade : Général Berndes (Württemberg)
Infanterie Polonaise Prince Sulkowski – 1200 hommes
2 bataillons wurtembergeois – 1500 hommes
2e Brigade : Colonel Fontane
1er Ligne italien Colonel Valleriani
Régiment combiné des Ducs de Saxe – 600 hommes
3e Brigade : Colonel Castaldini
3e Léger italien (2 bat.) – 1686 hommes
4e Brigade : Général Bonfanti
1er Léger italien (2 bat.) – 1380 hommes
L’ensemble des compagnies de grenadiers se trouve, en réserve, au quartier général. Loison envoie bien ces troupes jusqu’à Bullenwinkel, Altstadt et Sellnow, mais en même temps fait reculer les avant-postes qui se trouvent entre Alt-Weder et la côte. Les positions du corps de siège sont alors les suivantes :
- Aile droite : infanterie polonaise (régiment Sulkowski) à Stadtwald, près de la plage, sa gauche se liant au régiment wurtembergeois ;
- Aile gauche (à Bullenwinkel) : le contingent des ducs de Saxe.
Derrière les redoutes à Klosterfeld : le 2e léger et le 1er de ligne italiens, sur la rive gauche de la Persante le 1er léger italien.
Le 5 mai arrive un nouveau renfort, le 4e de ligne italien.
Une attaque de Teulié
Une attaque en règle, menée par 1.600 hommes (Italiens, Wurtembergeois, Polonais) sous le commandement du général Teulie, est lancée dans la nuit du 17 au 18 mai contre la redoute encore en construction sur le Wolfsberg, défendue par 160 hommes du bataillon de réserve de Poméranie.
La position est rapidement conquise, mais une contre-attaque immédiate la retourne aux mains des Prussiens. Dans cette action, la cavalerie et une compagnie de chasseurs sont envoyées par la plage, pour menacer le flanc des Français.
Les combats prennent fin à 4 heures du matin, avec des pertes sensibles des deux côtés. Mais la position est restée aux mains des défenseurs.
Situation fin mai
Le 20 mai, un important transport anglais d’armes arrive, à bord d’un brick, dans le port de Colberg. C’est le capitaine Petersdorff qui en a négocié, en Angleterre, la livraison. Il comprend : 10.000 fusils anglais en parfait état, accompagnés de leurs cartouchières et Bandeliers, 300 cartouches et 30 pierres à feu pour chaque fusil, 6.000 sabres de cavalerie, 30 tubes de canons en fer et 10 obusiers, également en fer, chacun avec 300 obus.
Tous les charrons, mécaniciens et forgerons de la ville sont mobilisés pour remplacer les vieux et inutilisables canons par les nouveaux. Gneisenau utilise une partie de ces armes pour équiper de neuf le corps franc de Schill, et envoie 6.000 fusils et leurs accessoires, ainsi que les sabres, au général Blücher qui se trouve à Stralsund.

Depuis quelque temps, une frégate suédoise se trouve devant la côte, mais, compte tenu de son tirant d’eau trop important, ne peut intervenir dans les combats, mais ses pièces de 24 et 32 gêne considérablement les assiégeants. On voit ici combien l’absence d’une flotte française de siège fut alors importante.
Vers la mi-mai, le parc de siège s’est renforcé, et les bombardements de la ville et des fortifications s’intensifient. Mais, surtout, du côté prussien l’épuisement et le manque de munitions pour l’artillerie commencent à se faire sentir.
La fin du siège
Entre le 21 et le 30 juin, les assiégeants reçoivent de nouveau des renforts : les 3e léger et 93e de ligne français, ainsi que le contingent de Nassau.
De jour en jour la situation de la place se détériore. Loison entoure désormais la ville de tous les côtés, et, à l’est, en est très proche, jusqu’aux ouvrages intérieurs. De sorte que, dès le 1er juillet, à 3 heures du matin, le bombardement de la ville peut s’effectuer avec toutes les batteries.
Le résultat de cette journée est la prise de la Maykuhle, sur la rive gauche de la Persante, jusqu’aux défenses de la ville et au faubourg de Gelde. Sur la rive droite, les Français arrivent jusqu’à la deuxième ligne de défense. Le bombardement continue toute la nuit et la matinée suivante, comme si l’attaque finale doit se passer à la fin de la journée. Pourtant, vers 4 heures de l’après-midi, les tirs ralentissent, car un officier est arrivé, envoyé par le roi de Prusse, avec la nouvelle d’un cessez-le-feu ainsi que la nomination de Gneisenau au grade de lieutenant-colonel.
D’après les sources officielles, les Prussiens ont perdu 55 officiers, 2.806 soldats et environ 65 miliciens. Selon les estimations prussiennes, les Français ont à déplorer 8.000 tués ou blessés, 1.632 prisonniers et 200 déserteurs. Mais il est permis de fortement douter de ces chiffres.
Mais on peut voir, à l’occasion de ce siège, comme partiellement durant celui de Danzig et quelques autres en Silésie, que le déroulement de la guerre avec Napoléon, malgré les défaites en Thüringe, aurait été totalement différent, si les commandants des places et ceux qui étaient sous leurs ordres avaient fait leur devoir. Les sous-officiers et les hommes de troupes ne manquèrent pas, pour la plupart, de bonne volonté.

References[+]