1806 – Vingtième bulletin de la Grande Armée
Charlottenburg, 27 octobre 1806
Si les événements militaires n’ont plus l’intérêt de l’incertitude du dénouement, ils ont toujours l’intérêt des combinaisons, des marches et des manœuvres. L’infatigable grand-duc de Berg se trouvait à Zehdenick le 26, à trois heures après midi, avec la brigade de cavalerie légère du général Lasalle, et les divisions de dragons des généraux Beaumont et Grouchy étaient en marche pour arriver sur ce point.

La brigade du général Lasalle contint l’ennemi, qui lui montra près de 6,000 hommes de cavalerie. C’était toute la cavalerie de l’armée prussienne, qui, ayant abandonné Magdeburg, formait l’avant-garde du corps du prince de Hohenlohe qui se dirigeait sur Stettin. A quatre heures après midi, les deux divisions de dragons étant arrivées, la brigade du général Lasalle chargea l’ennemi avec cette singulière intrépidité qui a caractérisé les hussards et les chasseurs français dans cette campagne. La ligne de l’ennemi, quoique triple, fut rompue, l’ennemi poursuivi dans le village de Zehdenick et culbuté dans les défilés. Le régiment des dragons de la Reine voulut se reformer; mais les dragons de la division Grouchy se présentèrent, chargèrent l’ennemi et en firent un horrible carnage. De ces 6,000 hommes de cavalerie, partie a été culbuté dans les marais, 300 hommes sont restés sur le champ de bataille, 700 ont été pris avec leurs chevaux : le colonel du régiment de la Reine et un grand nombre d’officiers sont de ce nombre. L’étendard de ce régiment a été pris. Le corps du maréchal Lannes est en pleine marche pour soutenir la cavalerie. Les cuirassiers se portent en colonne sur la droite, et un autre corps d’armée se porte sur Gransee. Nous arriverons à Stettin avant cette armée, qui, attaquée dans sa marche de flanc, est déjà débordée par sa tête. Démoralisée comme elle l’est, on a lieu d’espérer que rien n’en échappera, et que toute la partie de l’armée prussienne qui a inutilement perdu deux jours à Magdeburg pour se rallier n’arrivera pas sur l’Oder.
Ce combat de cavalerie de Zehdenick a son intérêt comme fait militaire; de part et d’autre, il n’y avait pas d’infanterie; mais la cavalerie prussienne est si loin de la nôtre, que les événements de la campagne ont prouvé qu’elle ne pouvait tenir vis-à-vis de forces moindres de la moitié.
Un adjoint de l’état-major, arrêté par un parti ennemi, du côté de la Thuringe, lorsqu’il portait des ordres au maréchal Mortier, a été conduit à Küstrin, et y a vu le Roi. Il rapporte qu’au delà de l’Oder il n’est arrivé que très-peu de fuyards. Soit à Stettin, soit Küstrin, il n’a presque point vu de troupes d’infanterie.