1806 – Vingt-Sixième Bulletin de la Grande Armée
Berlin, 3 novembre 1806
On n’a pas encore reçu la nouvelle de la prise des colonnes du général Blücher et du duc de Weimar.

Voici la situation de ces deux divisions ennemies et celle de nos troupes. Le général Blücher, avec sa colonne, s’était dirigé sur Stettin. Ayant appris que nous étions déjà dans cette ville, et que nous avions gagné deux marches sur lui, il se reploya, de Gransee, où nous arrivions en même temps que lui, sur Neu-Strelitz, où il arriva le 30 octobre, ne s’arrêtant point là et se dirigeant sur Waren, où on le suppose arrivé le 31, avec le projet de chercher à se retirer du côté de Rostock pour s’y embarquer.
Le 31, six heures après son départ, le général Savary, avec une colonne de 600 chevaux, est arrivé à Strelitz, où il a fait prisonnier le frère de la reine de Prusse, qui est général au service du Roi.
Le ler novembre, le grand-duc de Berg était à Demmin, filant pour arriver à Rostock et couper la mer au général Blücher.
Le maréchal prince de Ponte-Corvo avait débordé le général Blücher. Ce maréchal se trouvait le 31, avec son corps d’armée, à Neu-Brandeuburg, et se mettait en marche sur Waren, ce qui a dû le mettre aux prises, dans la journée du 1er, avec le général Blücher.
La colonne commandée par le duc de Weimar était arrivée le 29 octobre à Neu-Strelitz; mais, instruit que la route de Stettin était coupée, et ayant rencontré les avant-postes français, il fit une marche rétrograde le 29 sur Wittstock. Le 30, le maréchal Soult en avait connaissance par ses hussards, et se mettait en marche sur Wüstershausen. Il l’aura immanquablement rencontré le 31 ou le 1er. Ces deux colonnes ont donc été prises hier ou aujourd’hui au plus tard. Voici leur force. Le général Blücher a 30 pièces de canon, sept bataillons d’ infanterie et 1,500 hommes de cavalerie; il est difficile d’évaluer la force de ce corps; ses équipages, ses caissons, ses munitions, ont été pris; il est dans la plus pitoyable situation. Le duc de Weimar a douze bataillons et trente-cinq escadrons en bon état, mais il n’a pas une pièce d’artillerie. Tels sont les faibles débris de toute l’armée prussienne. Il n’en restera rien. Ces deux colonnes prises, la puissance de la Prusse est anéantie, et elle n’a presque plus de soldats. En évaluant à 10,000 hommes ce qui s’est retiré
avec le Roi sur la Vistule, ce serait exagérer.
M. Schulenburg s’est présenté à Strelitz pour demander un passe port pour Berlin. Il a dit au général Savary : « Il y a huit heure que j’ai vu passer les débris de la monarchie prussienne; vous les aurez aujourd’hui ou demain. Quelle destinée inconcevable et inattendue ! La foudre nous a frappés. » Il est vrai que, depuis que l’Empereur est entré en campagne, il n’a pas pris un moment de repos; toujours en marches forcées, devinant constamment les mouvements de l’ennemi. Les résultats en sont tels, qu’il n’y en a aucun exemple dans l’histoire. De plus de 150,000 hommes qui se sont présentés à la bataille d’Iena, pas un ne s’est échappé pour en porter la nouvelle au delà de l’Oder. Certes, jamais agression ne fut plus injuste, jamais guerre ne fut plus intempestive. Puisse cet exemple servir de leçon aux princes faibles que les intrigues, les cris et l’or de l’Angleterre excitent toujours à des entreprises insensées !

La division bavaroise, commandée par le général Wrede, est partie de Dresde le 31 octobre. Celle commandée par le général Deroy est partie le 1er novembre. La colonne wurtembergeoise est partie le 3. Toutes ces colonnes se rendent sur l’Oder. Elles forment le corps d’armée du prince Jérôme.
Le général Durosnel a été envoyé à Oderberg avec un parti de cavalerie, immédiatement après notre entrée à Berlin, pour intercepter tout ce qui se jetterait du canal dans l’Oder. Il a pris plus de 80 bateaux chargés de munitions de toute espèce, qu’il a envoyé à Spandau.
On a trouvé à Küstrin des magasins de vivres suffisants pour nourrir l’armée pendant deux mois.
Le général de brigade Macon, que l’Empereur avait nommé commandant de Leipzig, est mort dans cette ville d’une fièvre putride. C’était un brave soldat et un parfait honnête homme. L’Empereur en faisait cas, et a été très-affligé de sa mort.