1806 – Troisième Bulletin de la Grande Armée
Géra , 13 octobre 1806.
Le combat de Schleitz, qui a ouvert la campagne , et qui a été très-funeste à l’armée prussienne , celui de Saalfeld qui l’a suivi le lendemain , ont porté la consternation chez l’ennemi. Toutes les lettres interceptées disent que la consternation est à Erfurt , où se trouvent encore le roi , la reine , le duc de Brunswick, etc. ; qu’on discute sur le parti à prendre, sans pouvoir s’accorder. Mais , pendant qu’on délibère , l’armée française marche. A cet esprit d’effervescence, à cette excessive jactance, commencent à succéder des observations critiques sur l’inutilité de cette guerre , sur l’injustice de s’en prendre à la France , sur l’impossibilité d être secouru , sur la mauvaise volonté des soldats, sur ce qu’on n’a pas fait ceci , et mille et une autres observations qui sont toujours dans la bouche de la multitude , lorsque les princes sont assez faibles pour la consulter sur les grands intérêts politiques au-dessus de sa portée.
Cependant, le 11 au soir , les coureurs de l’armée française étaient aux portes de Leipsick ; le quartier général du grand-duc de Berg entre Zeist et Leipsick ; celui du prince de Ponte-Corvo à Zeist; le quartier impérial à Géra : la garde impériale et le corps d’armée du maréchal Soult à Géra; le corps d’armée du maréchal Ney à Neustadt ; en première ligne , le corps d’armée du maréchal Davoust à Naumbourg ; celui du maréchal Lannes à Jéna ; celui du maréchal Augereauà Kala. Le prince Jérôme, auquel l’Empereur a confié le commandement des alliés et d’un corps de troupes bavaroises , est arrivé à Schleitz, après avoir fait bloquer le fort de Culenbach par un régiment.
L’ennemi, coupé de Dresde, était encore le 11 à Erfurt, et travaillait à réunir ses colonnes, qu’il avait envoyées sur Cassel et Wurtzbourg, dans des projets offensifs, voulant ouvrir la campagne par une invasion en Allemagne. Le Weser , où il avait construit des batteries , la Saale qu’il prétendait égale□ent défendre, et les autres rivières, sont tournées à peu près comme le fut l’Hiller l’année passée; de sorte que l’armée française borde la Saale, ayant le dos à l’Elbe et marchant sur l’armée prussienne, qui, de son côté, a le dos sur le Rhin; position assez bizarre, d’ou doivent naître des événemens d’une grande importance.
Le temps, depuis notre entrée en campagne, est superbe, le pays abondant, le soldat plein de vigueur et de santé. On fait des marches de 10 lieues , et pas un traîneur; jamais l’armée n’a été si belle.
Toutefois les intentions du roi de Prusse se trouvent exécutées : il voulait que le 8 octobre l’armée
française eut évacué le territoire de la confédération . et elle l’avait évacué; mais au lieu de repasser le Rhin elle a passé la Saale.