1806 – Deuxième Bulletin de la Grande Armée
Auma, le 12 octobre 1806.
L’Empereur est parti de Bamberg le 8 octobre , à trois heures du matin , et est arrivé à neuf heures à Cronach. S. M. a traversé la forêt de Franconie à la pointe du jour du 9 , pour se rendre à Ébersdorff , et de là elle s’est portée sur Schleitz , où elle a assisté au premier combat de la campagne. Elle est revenue coucher à Ébersdorff, en est repartie le 10 pour Schleitz, et est arrivée le 11 à Àuma , où elle a couché , après avoir passé la journée à Géra. Le quartier général part dans l’instant même pour Géra. Tous les ordres de l’Empereur ont été parfaitement exécutés.
Le maréchal Soult se portait le 7 à Bayreuth , se présentait le 9 à HofF, a enlevé tous les magasins de l’ennemi , lui a fait plusieurs prisonniers , et s’est porté sur Plauen le 10.
Le maréchal Ney a suivi son mouvement à une demi-journée de distance.

Le 8 , le grand-duc de Berg a débouché avec la cavalerie légère , de Cronach , et s’est porté devant Saalbourg, ayant avec lui le 25e. régiment d’infanterie légère. Un régiment prussien voulut défendre le passage de la Saale ; après une canonnade d’une demi- heure , menacé d’être tourné , il a abandonné sa position et Ula Saale.
Le 9, le grand-duc de Berg se porta sur Schleitz ; un général prussien y était avec 10,000 hommes. L’Empereur y arriva à midi, et chargea le maréchal prince de Ponte-Corvo d’attaquer et d’enlever le village , voulant l’avoir avant la fin du jour. Le maréchal fit ses dispositions , se mit à la tête de ses colonnes ; le village fut enlevé et l’ennemi poursuivi. Sans la nuit , la plus grande partie de cette division eût été prise. Le général Watier, avec le 4e régiment de hussards et le 5e. régiment de chasseurs, fit une belle charge de cavalerie contre trois régimens prussiens. Quatre compagnies du 27e. d’infanterie légère se trouvant en plaine, furent chargées par les hussards prussiens; mais ceux-ci virent comme l’infanterie française reçoit la cavalerie prussienne. Deux cents cavaliers prussiens restèrent sur le champ de bataille. Le général Maisons commandait l’infanterie légère. Le colonel ennemi fut tué , 2 pièces de canon prises , 300 hommes furent faits prisonniers, et 400 tués. Notre perte a été de peu d’hommes; l’infanterie prussienne a jeté ses armes , et a fui épouvantée devant les baïonnettes françaises. Le grand-duc de Berg était au milieu des charges le sabre à la main.

Le 10, le prince de Ponte-Corvo a porté son quartier général à Auma ; le 11 , le grand-duc de Berg est arrivé à Géra. Le général de brigade Lasalle , de la cavalerie de réserve , a culbuté l’escorte des bagages ennemis : 500 caissons et voitures de bagages ont été pris par les hussards français. Notre cavalerie légère est couverte d’or. Les équipages de pount et plusieurs objets importans font partie du convoi.
La gauche a eu des succès égaux. Le maréchal Lannes est entré à Cobourg le 8, se portait le 9 sur Graffenthal. Il a attaqué , le 10 , à Saalfeld , l’avant-garde du prince Hohenlohe , qui était commandée par le Prince Louis de Prusse, un des champions de la guerre.

La canonnade n’a duré que deux heures : la moitié de la division du général Suchet a seule donné. La cavalerie prussienne a été culbutée par les 9e et 10e régiments de hussards. L’infanterie prussienne n’a pu conserver aucun ordre de retraite : partie a été culbutée dans un marais , partie dispersée dans les bois. On a fait 1000 prisonniers ; 600 hommes sont restés sur le champ de bataille ; 30 pièces de canon sont tombées au pouvoir de l’armée.
Voyant ainsi la déroute de ses gens , le prince Louis de Prusse , en brave et loyal soldat , se prit corps à corps avec un maréchal des logis du 10e. régiment de hussards [1]Il se nommait Jean-Baptiste Guindey. Rendez-vous , colonel, lui dit le hussard , ou vous êtes mort. Le prince lui répondit par un coup de sabre ; le maréchal des logis riposta par un coup de pointe , et le prince tomba mort.
Si les derniers instants de sa vie ont été ceux d’un mauvais citoyen , sa mort est glorieuse et digne de regrets. Il est mort comme doit désirer de mourir tout bon soldat. Deux de ses aides de camp ont été tués à ses côtés. On a trouvé sur lui des lettres de Berlin qui font voir que le projet de l’ennemi était d’attaquer incontinent , et que le parti de la guerre , à la tête duquel étaient le jeune prince et la reine , craignait toujours que les intentions pacifiques du roi , et l’amour qu’il porte à ses sujets, ne lui fissent adopter des tempéraments, et ne déjouassent leurs cruelles espérances. On peut dire que les premiers coups de la guerre ont tué un de ses auteurs.
Dresde ni Berlin ne sont couverts par aucun corps d’armée. Tournée par sa gauche, prise en flagrant délit , au moment où elle se livrait aux combinaisons les plus hasardées , l’armée prussienne se trouve , dès le début dans une position assez critique. Elle occupe Eisenach , Gotha , Erfurt , Weimar. Le 12 , l’armée française occupe Saalfeld et Géra , et marche sur Naumbourg et Jena. Des coureurs de l’armée française inondent la plaine de Leipsick.
Toutes les lettres interceptées peignent le conseil du roi déchiré par des opinions différentes , toujours délibérant, et jamais d’accord. L’incertitude, l’alarme et l’épouvante paraissent déjà succéder à l’arrogance, à l’inconsidération et à la folie.
Hier 11, en passant à Géra devant le 27e. régiment d’infanterie légère , l’Empereur a chargé le colonel de témoigner sa satisfaction à ce régiment sur sa bonne conduite.
Dans tous ces combats , nous n’avons à regretter aucun officier de marque : le plus élevé en grade est le capitaine Campobasso, du 27e. régiment d’infanterie légère , brave et loyal officier. Nous n’avons pas eu 40 tués et 60 blessés.