1805 – VINGT-TROISIÈME BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

VINGT-TROISIÈME BULLETIN [1]

 

Du Château de Schoenbrunn[2], le 23 brumaire an 14[3].

crie légère & les centième[7] & trente-deuxième[8] régimens d’infanterie de ligne se sont couverts de gloire. Le général Gazan y a montré beaucoup de valeur & de conduite. Les russes, le lendemain du combat ont évacué Crems[9] & quitté le Danube, en nous laissant quinze cents de leurs prisonniers dans le plus absolu dénuement. On a trouvé dans leurs ambulances beaucoup d’hommes qui avaient été blessés, & qui étaient morts dans la nuit.

L’intention des russes paraissait être d’attendre à Crems des renforts & de se maintenir sur le Danube.

Le combat de Diernstein a déconcerté leurs projets. Ils ont vu par ce qu’avaient fait 4000 français, ce qui leur arriverait à forces égales.

Le maréchal Mortier s’est mis à leur poursuite ; pendant que d’autres corps d’armée passent le Danube sur le pont de Vienne pour les déborder par la droite, le corps du maréchal Bernadotte est en marche pour les déborder par la gauche.

Hier 22, à dix heures du matin, le prince Murat traversa Vienne. À la pointe du jour, une colonne de cavalerie s’est portée sur le pont du Danube, & a passé, après différens pourparlers avec des généraux autrichiens. Les artificiers ennemis chargés de brûler le pont, l’essayèrent plusieurs fois, & ne purent y réussir.

Le maréchal Lannes, & le général Bertrand, aide-de-camp de l’EMPEREUR, ont passé le pont les premiers. Les troupes ne se sont point arrêtées dans Vienne, & ont continué leur marche pour suivre leur direction.

Le prince Murat a établi son quartier-général dans la maison du duc Albert[10]. Le duc Albert a fait beaucoup de bien à la ville. Plusieurs quartiers manquaient d’eau, il en a fait venir à ses frais & a dépensé des sommes notables pour cet objet.

Ci-joint l’état de l’artillerie & des munitions trouvées dans Vienne. La maison d’Autriche n’a pas d’autre fonderie ni d’autre arsenal que Vienne. Les autrichiens n’ont pas eu le temps d’évacuer au-delà du cinquième ou du quart de leur artillerie & d’un matériel considérable. Nous avons des munitions pour faire quatre campagnes & renouveler quatre fois nos équipages d’artillerie, si nous les perdions. Nous avons aussi des approvisionnemens de siége pour armer un grand nombre de places.

L’EMPEREUR s’est établi au palais de Schoenbrunn. Il s’est rendu aujourd’hui à Vienne, à deux heures du matin. Il a passé le reste de la nuit à visiter les avant-postes sur la rive gauche du Danube, ainsi que les positions, & à s’assurer si le service se faisait convenablement. Il était rentré à Schoenbrunn à la petite pointe du jour.

Le temps est devenu très-beau. La journée est une des plus belles de l’hiver, quoique froide. Le commerce & toutes les transactions vont à Vienne comme à l’ordinaire ; les habitans sont pleins de confiance & très-tranquilles chez eux. La population de cette ville est de 250,000 âmes. On ne l’estime pas diminuée de dix mille personnes par l’absence de la cour & des grands seigneurs.

L’EMPEREUR a reçu à midi M. de Wrbna, qui se trouve à la tête de l’administration de toute l’Autriche.

Le corps d’armée du maréchal Soult a traversé Vienne aujourd’hui à neuf heures du matin. Celui du maréchal Davoust la traverse en ce moment.

Le général Marmont a eu à Léoben différens petits avantages d’avant-postes.

L’armée bavaroise reçoit tous les jours un grand accroissement.

L’EMPEREUR vient de faire à l’Electeur[11] de nouveaux présens. Il lui a donné quinze mille fusils pris dans l’arsenal de Vienne, & lui a fait rendre toute l’artillerie que dans différentes circonstances l’Autriche avait prise dans les Etats de Bavière.

La ville de Kuffstein[12] a capitulé entre les mains. du colonel Pompeï[13].

Le général Milhaud a poussé l’ennemi sur la route de Brünn jusqu’à Vulkersdorff[14]. Aujourd’hui à midi il avait fait six cents prisonniers, & pris un parc de quarante pièces de canon attelées.

Le maréchal Lannes est arrivé à deux heures après-midi à Stokerau[15]. Il y a trouvé un magasin immense d’habillemens, huit mille paires de souliers & de bottines, & du drap pour faire des capotes à toute l’armée.

On a aussi arrêté sur le Danube plusieurs bateaux qui descendaient le fleuve & qui étaient chargés d’artillerie, de cuir & d’effets d’habillement.

Relevé de l’inventaire général des bouches à feu & armes existantes dans ce moment à Vienne au grand arsenal.

Canons de campagne. – De 3, 2 ; de 12, 5.

De divers calibres & états de différentes nations, 82.

Canons de siége, en bronze. – De 12, 70 ; de 18, 106 ; de 24, 100.

Obusiers en bronze. – (Par livre, on veut dire que le boulet en pierre pèserait 10 livres.) – De 10 livres, 68 ; de 12, 2 ; de 20, 2.

Mortiers en bronze. – De 10 livres, 99 ; de 30, 72 ; de 60, 50 ; de 100, 10 ; de 500, 1.

Fusils de nouveau modèle, garnis en cuivre, 33,306. – Idem, de vieux modèle, à baguettes cylindriques, 15,986. – Idem, de remparts, de paysans & de diverses espèces, 12,000. – Carabines de hussards ou dragons, 23,000. – Pistolets d’officiers, de hussards & autres, 23,000. – Carabines carabinées, 2,000. – Cuirasses en fer, 8,000. – Quantité de canons, de fusils & de carabines, & pièces de recharge & moulures de platines. – Bois de carabines & de pistolets, 26,000. – Pelles rondes & quarrées, 50,000. – Pioches, 25,000. – Pierres à fusil ou à pistolet, 18,000,000. – Plomb en balles divers calibres, 1,700 quintaux. Plomb en saumon, 426 quintaux. – Fer en barre, 1,800 quintaux. – Poudre hors de la ville, 600,000 quintaux. – Cartouches confectionnées, 6,000,000.

Canons de campagne de métal. – D’une livre, 100 ; de 3, 384 ; de 6, 290 ; de 12, 141 ; de 18, 37 ; de 4, 4 ; de 8, 2.

Obusiers. – De 7, 2 ; de 10, 53 ; de 6, 15 ; de 8, 2.

Canons de fer. – De 6, 2 ; de 12, 1.

Mortiers. – De 6, 145 de nouveau modèle ; de 6, 96 de vieux modèle.

Effets de différens calibres, 350. – Bombes de différens calibres, 160,000. – Obus de différens calibres, 52,000. – Boulets de différens calibres, 600,000.

Etat des pièces de canon qui étaient parquées sur la rive gauche.

80 pièces de canon.

200 caissons de différens calibres.

Les pièces & caissons chargés, approvisionnés & prêts à partir.

ETAT-MAJOR GÉNÉRAL.

Au quartier-général impérial à Vienne, le 23 brumaire an 14.

 

ORDRE DU JOUR.

L’EMPEREUR témoigne sa satisfaction au 4e régiment d’infanterie légère, au 100e de ligne, au 9e d’infanterie légère, au 32e. de ligne pour l’intrépidité qu’ils ont montrée au combat de Diernsthein, où leur fermeté à conserver la position qu’ils occupaient, a forcé l’ennemi à quitter celle qu’il avait sur le Danube.

Sa Majesté témoigne sa satisfaction au 17e[16] régiment de ligne & au 30e.[17] qui, au combat de Lambach, ont tenu tête à l’arrière-garde russe, l’ont entamée & lui ont fait 400 prisonniers.

L’EMPEREUR témoigne également sa satisfaction aux grenadiers d’Oudinot qui, au combat d’Amstetten, ont repoussé de ses belles & formidables positions, les corps russes & autrichiens, & ont fait 1500 prisonniers, dont 600 russes.

S.M. est satisfaite des 1er [18], 16e[19] & 22e.[20] régimens de chasseurs ; 9e.[21] & 10e.[22] régimens de hussards, pour leur bonne conduite dans toutes les charges qui ont eu lieu depuis l’Inn jusqu’aux portes de Vienne, & pour les 800 prisonniers russes faits à Stein.

Le prince Murat, le maréchal Lannes, la réserve de cavalerie avec leurs corps d’armée, sont entrés à Vienne le 22, se sont emparés le même jour du pont sur le Danube, ont empêché qu’il ne fût brûlé, l’ont passé sur-le-champ, & se sont mis à la poursuite de l’armée russe.

Nous avons trouvé dans Vienne plus de deux mille pièces de canon ; une salle d’armes garnie de cent mille fusils ; des munitions de toutes espèces ; enfin de quoi former l’équipage de campagne de trois ou quatre armées.

Le peuple de Vienne a paru voir l’armée avec amitié.

L’EMPEREUR ordonne que l’on porte le plus grand respect aux propriétés, & que l’on ait les plus grands égards pour le peuple de cette capitale, qui a vu avec peine la guerre injuste qu’on a faite, & qui nous témoigne par sa conduite, autant d’amitié, qu’il montre de haine contre les russes, peuple qui, par ses habitudes & ses moeurs barbares, doit inspirer le même sentiment à toutes les nations policées.

Le major-général, maréchal BERTHIER.


NOTES

[1] In : Mémorial administratif du département de l’Ourte, n° 301 du 10 frimaire an XIV (01.12.1805), p. 212-216. Liège : J.F. Desoer, 1806. (Mémorial administratif du département de l’Ourte ; IX).

[2] Le château de Schönbrunn se trouve à la limite nord-est du quartier de Hietzing (sud-ouest de l’agglomération viennoise).

[3] 14 novembre 1805.

[4] Lire : Dürnstein.

[5] Commandé par J.B. Lecat de Bazancourt (déjà évoqué dans de précédents bulletins).

[6] Commandé par C.M. Meunier.

[7] Commandé par J.M. Ritay.

[8] Commandé par L. Duranteau.

[9] Lire : Krems.

[10] Albert de Saxe-Teschen. (C’est le père adoptif de l’archiduc Charles – Son palais est aujourd’hui connu sous le nom d’Albertina)

[11] Maximilien-Joseph de Bavière.

[12] Kufstein, ville sur l’Inn, à la sortie du Tyrol, juste avant la frontière bavaroise.

[13] Vincenzo, comte Pompei, colonel (grenadier) de l’armée bavaroise.

[14] Wolkersdorf, village au nord-est de Vienne, sur la route de Poysdorf et de Brno.

[15] Stockerau, ville au nord-ouest de Vienne, sur la rive gauche du Danube.

[16] Commandé par N.F. Conroux (déjà évoqué dans de précédents bulletins).

[17] Commandé par F. Valterre.

[18] Commandé par L.P. Montbrun.

[19] Commandé par A.J. Durosnel.

[20] Commandé par M.V. de Fay de Latour-Maubourg.

[21] Commandé par Étienne Guyot.

[22] Commandé par L.C. Carrière de Beaumont.