1805 – SEPTIÈME BULLETIN DE L’ARMÉE D’ITALIE

SEPTIÈME BULLETIN DE L’ARMÉE D’ITALIE [1].

 

Au quartier-général de Gorizia[2], le 26 brumaire an 14[3].

L’ennemi, en nous abandonnant les rives du Tagliamento avait dirigé sa retraite sur Palma-Nova. Il ne chercha point à défendre cette place, qu’il aurait pu tenir avec avantage, & ce ne fut qu’à plusieurs milles de là, que nous rencontrâmes ses derniers postes. Il s’engagea quelques affaires de peu d’intérêt, qui nous valurent cependant un certain nombre de prisonniers.

Le 24, l’armée se forma en deux colonnes & se porta sur l’Isonzo[4]. L’avant-garde, aux ordres du général Espagne, entra deux heures avant la nuit dans Gradisca[5], où les autrichiens n’opposèrent qu’une faible résistance. Les chasseurs à cheval remontèrent alors la rive droite du fleuve pour se porter sur Gorizia, & la division Seras s’établit en même temps à Sagrado[6], sur la rive gauche.

Le lendemain les divisions Molitor, Gardanne & Partouneaux longèrent la rive droite de l’Isonzo dans le dessein de le passer au-dessous de Gorizia ; mais l’équipage de pont n’étant point encore arrivé, le passage ne put pas s’effectuer sur ce point.

Les divisions Seras & Duhesme marchaient de leur côté sur Rubia[7] & Savogna[8]. Leurs avant-postes talonnaient l’ennemi. Il y eut un engagement à la suite duquel la cavalerie se replia dans le plus grand désordre ; son artillerie ne nous échappa qu’à la faveur de la nuit ; nous l’avions poussé jusque sous les murs de Gorizia.

Le général en chef fit ses dispositions pour une attaque générale dans la matinée du 26 ; les autrichiens ne voulurent pas s’y exposer. Ils avaient profité de la nuit même pour précipiter leur retraite. Le général Espagne les suit avec de la cavalerie & de l’infanterie légère. Il a ordre de les chasser devant lui jusqu’à Leibach[9].

L’armée a pris position en avant de l’Isonzo ; trois cents nouveaux prisonniers sont conduits sur ses derrières, & l’on en voit à chaque instant arriver d’autres. Les magasins établis à Udine[10] & à Palma-Nova sont tombés en nos mains.

Le général en chef se loue de l’activité soutenue de l’armée ; elle surmonte avec courage & gaieté les fatigues & les privations inévitables d’une marche aussi rapide. C’est un témoignage qu’il se plaît à lui rendre auprès de S.M. l’Empereur & Roi.


NOTES

[1] In : Mémorial administratif du département de l’Ourte, n° 300 du 5 frimaire an XIV (26.11.1805), p. 207-208. Liège : J.F. Desoer, 1806. (Mémorial administratif du département de l’Ourte ; IX).

[2] Chef-lieu du comté et province autrichienne du même nom, sur l’Isonzo, au sud-est d’Udine et au nord-ouest de Trieste.

[3] 17 novembre 1805.

[4] Fleuve qui descend des Alpes près de Tarvisio pour se jeter dans le golfe de Trieste. Il porte aujourd’hui le nom de Soča tant qu’il est en territoire slovène.

[5] Gradisca d’Isonzo, ville à l’est de Palmanova et au sud-ouest de Gorizia.

[6] Village au sud-ouest de Gradisca.

[7] Village au nord-est de Sagrado, sur la rive gauche de l’Isonzo.

[8] Savogna d’Isonzo, village de la banlieue sud-ouest de Gorizia, sur la rive gauche de l’Isonzo.

[9] Laibach, aujourd’hui Ljubljana, capitale de la Slovénie et, à l’époque, de la Carniole autrichienne.

[10] Ville au nord-ouest de Passariano, chef-lieu de province vénitienne (Frioul) et future préfecture du département italien de Passariano.