1805 – SEPTIÈME BULLETIN DE LA GRANDE ARMÈE

SEPTIÈME BULLETIN [1]

 

Elchingen, 21 vendémiaire an XIV

(19 octobre 1805.)

 

Le 26 vendémiaire à cinq heures du matin, le prince Murat est arrivé à Nordlingen, & avait réussi à cerner la division Werneck. Ce général avait demandé à capituler. La capitulation qui lui a été accordée n’arrivera que dans la journée de demain. Les lieutenants-généraux Werneck, Baillet, Hohenzollern, les généraux Vogl[2], Mackery[3], Hohenfeld, Weiber[4] & Dienersberg[5] sont prisonniers sur parole, avec la réserve de se rendre chez eux. Les troupes sont prisonnières de guerre & se rendent en France. Plus de deux mille hommes de cavalerie ont mis pied à terre, & une brigade de dragons à pied a été montée avec leurs chevaux. On assure que le parc de réserve de l’armée autrichienne, composé de cinq cents chariots, a été pris. On suppose que tout le reste de la colonne du prince Ferdinand doit, à l’heure qu’il est, être investi ; le prince Murat ayant débordé sa droite par Aalen, & le maréchal Lannes, sa gauche, par Nordlingen. On attend le résultat de ces manœuvres : il ne reste au prince Ferdinand que peu de monde.

Aujourd’hui, à deux heures après-midi, l’Empereur a accordé une audience au général Mack ; à l’issue de cette audience, le maréchal Berthier a signé avec le général Mack une addition à la capitulation, qui porte que la garnison d’Ulm évacuera la place demain 28. Il y a dans Ulm 27 mille hommes, trois mille chevaux, dix-huit généraux & soixante ou quatre-vingts pièces de canon attelées.

La moitié de la garde de l’Empereur était déjà partie pour Augsbourg ; mais S.M. a consenti à rester la journée de demain pour voir défiler l’armée autrichienne. Tous les jours on est davantage dans la certitude que de cette armée de cent mille hommes, il ne s’en sera pas échappé vingt mille ; & cet immense résultat est obtenu sans effusion de sang.

L’Empereur n’est pas sorti aujourd’hui d’Elchingen. Les fatigues & la pluie continuelle que, depuis huit jours, il a essuyées, ont exigé un peu de repos. Mais le repos n’est pas compatible avec la direction de cette immense armée. A toute heure du jour & de la nuit, il arrive des officiers avec des rapports, & il faut que l’Empereur donne des ordres. Il paraît fort satisfait de l’activité & du zèle du maréchal Berthier.

Demain 28, à trois heures après-midi, vingt sept mille soldats autrichiens, soixante pièces de canon, dix-huit généraux défileront devant l’Empereur, & mettront bas les armes. L’Empereur a fait présent au sénat des drapeaux de la journée d’Ulm. Il y en aura le double de ce qu’il a annoncé, c’est-à-dire quatre-vingts.

Pendant ces cinq jours, le Danube a débordé avec une violence qui était sans exemple depuis cent ans. L’abbaye d’Elchingen, dans laquelle est établi le quartier-général de l’Empereur, est située sur une hauteur d’où l’on découvre tout le pays.

On croit que demain au soir l’Empereur partira pour Munich. L’armée russe vient d’arriver sur l’Inn.

Capitulation additionnelle sur la reddition d’Ulm.

Le maréchal Berthier, major-général de l’armée française, autorisé par ordre exprès de l’Empereur des français, donne sa parole d’honneur,

     1°. Que l’armée autrichienne est aujourd’hui au-delà de l’Inn, & que le maréchal Bernadotte, avec son armée, est en position entre Munich & l’Inn ;

     2°. Que le maréchal Lannes, avec son corps d’armée, est à la poursuite du prince Ferdinand, & était hier à Aalen ;

     3°. Que le prince Murat, avec son corps d’armée, était hier à Nordlingen ; que les lieutenants-généraux Werneck, Baillet, Hohenzollern, & sept autres généraux, ont capitulé avec leurs corps d’armée au village de Trochtelfingen[6] ;

     4°. Que M. le maréchal Soult est entre Ulm & Bregentz[7], surveillant la route du Tyrol ; qu’il n’y a donc aucune possibilité à ce qu’Ulm soit secouru.

     5 ° M. le lieutenant-général, quartier-maître général Mack, portant croyance aux déclarations ci-dessus, est prêt à évacuer, dans la journée de demain, la ville d’Ulm, y mettant pour condition,

        6° Que le corps entier de M. le maréchal Ney, composé de douze régiments d’infanterie & de quatre régiments de troupes à cheval, ne quittera pas Ulm & un rayon de dix lieues, jusqu’au 25 octobre, à minuit ; époque où expire la capitulation.

        7° le maréchal Berthier & le baron de Mack, lieutenant-général, quartier-maître général, conviennent des articles ci-dessus.

En conséquence, demain à 3 heures après-midi, l’armée autrichienne défilera devant S.M. l’Empereur des français, avec tous les honneurs de la guerre : elle posera les armes, & des ordres de route seront donnés à MM. les officier, qui conserveront leurs armes, pour se rendre en Autriche par les deux routes de Kempten & de Bregenz pour le Tyrol.

Fait double à Elchingen, le 19 octobre 1805,

                                                        (27 vendémiaire an 14.)

                                                                        Signé, le maréchal BERTHIER.

                                                                        Le lieutenant-général MACK.


NOTES

[1] In : Mémorial administratif du département de l’Ourte, n° 294 du 5 brumaire an XIV (27.10.1805), p. 105-107. Liège : J.F. Desoer, 1806. (Mémorial administratif du département de l’Ourte ; IX).

[2] Lire : Vogel..

[3] Daniel, baron Mecsery de Tsoor (1760-1823). Général-major (1800), Lieutenant Feld-maréchal (1809).

[4] Lire : Weber.

[5] Lire : Dinnersberg.

[6] Village à l’ouest de Nordlingen.

[7] Bregenz, à l’époque chef-lieu de l’un des districts de la Souabe autrichienne, sur le lac de Constance.