1805 – La campagne en Styrie
La Croix des Français – Das Fransozenkreuz
Michel Racinais
La campagne de 1805 en Styrie.
Juillet – Septembre Napoléon prépare son invasion de l’Angleterre, qui de son coté cherche des Alliés. La Russie et l’Autriche sont d’accord. La Prusse hésite entre engagement et neutralité.
La Troisième coalition contre la France est en train de se former (Première 1792-1797, Seconde en 1798-1802). Ainsi à la fin juillet, un traité assure à l’Autriche les subsides anglais et la coopération de la Russie. Le 13 août, la décision de Napoléon est prise. Il attaquera l’Autriche, pour être, avant novembre, à Vienne ! D’ailleurs, cette dernière est déjà prête à entrer en Bavière.
Les ordres de marche sont donnés aux sept corps d’armée qui doivent converger sur le centre de l’Europe. C’est la Grande Armée. Le plan de Napoléon est d’aller surprendre les autrichiens sur le Danube, en n’empruntant pas la traditionnelle route de la Forêt Noire, mais, au contraire, en allant, au travers de l’Allemagne, le tourner par Ingolstadt et Ulm. Les troupes autrichiennes, sous les ordres de l’Archiduc Karl entrent en Bavière. La Bavière se range du côté du Français.
Octobre – L’armée autrichienne persiste à s’avancer vers les débouchés de la Forêt-Noire, choisissant Ulm comme base d’opérations. Napoléon peut alors refermer ce piège. Le 20 octobre l’armée de Mack, enfermée dans Ulm, doit capituler. Le 28 octobre, l’Inn est franchi entre Braunau et Schärding. Le même jour, Koutousov et l’empereur François se rencontrent à Wels, et se mettent d’accord pour reculer jusqu’à l’Enns, et là, résister, dans l’espoir d’arrivée de renforts russes et de l’entrée en guerre de la Prusse.
Novembre – A Vienne, un conseil de guerre, réuni le 4, décide que la rive droite, et donc Vienne, ne peuvent plus être tenus. La ligne de l’Enns est abandonnée. La route de Vienne est maintenant ouverte. Napoléon scinde alors son armée en trois parties: sous son commandement, les IVe (Soult), Ve corps (Lannes) et la Garde impériale poursuivent les russes de Koutousov vers Sankt-Pölten.
Le IIIe corps (Davout) a pour mission de protéger le flanc droit, tout en marchant également sur Vienne, par Steyr, Waidhofen, Lilienfeld et la Forêt Viennoise. Par ce mouvement, il déborderait la gauche de l’armée ennemie, qu’on suppose devoir tenir sur les hauteurs de Sankt-Pölten.
Le 4 novembre, il bouscule à Steyr les forces du maréchal autrichien Maximilian Merveldt, qui prend la route de la Styrie. La bataille de Mariazell et les vives escarmouches (en allemand « Scharmützel ») entre Mariazell et Seewiesen n’auraient peut-être pas eu lieu si Merveldt avait respecté l’ordre oral de Koutousov de rester au contact des forces russes. Le IIe corps (Marmont) marche sur Leoben pour la jonction avec l’Armée d’Italie et barrer la route à l’Archiduc Charles.
Le 8 novembre, la 2ème Division (général Louis Friant) du 3ème Corps rattrape à Neuhaus, entre Gaming et Mariazell, le Corps autrichien du Maréchal Merveldt qui se portait sur Wiener Neustadt et couvrir Vienne de ce côté. L’avant-garde (général Heudelet [1] de Bierre avec le 13ème Léger, le 108ème de ligne et le 12ème Chasseurs à cheval), attaque vigoureusement l’ennemi, le met en déroute. La colonne épuisée et débandée est poursuivie jusqu’à Mariazell, où une bataille s’engage. Les Autrichiens occupent les bois, le village de Rasing, le plateau Sigmundsberg et les pentes de Mariazell.
Au lieu-dit Teichmühle, les tirailleurs français forcent les Autrichiens à reculer. Par le nord (Erlaufsee ?) une compagnie s’achemine sur Mariazell pour couper la retraite à l’ennemi sur Lilienfeld. Trois escadrons d’uhlans et de l’infanterie réussiront à s’échapper avec Merveldt. Le 13ème Léger atteint Rasing et se déploie le long de la Salza. Le pont est franchi par le 108ème de ligne.
Sur ordre de Merveldt, le général Ludwig von Mondet [2] ne devait abandonner ses positions d’arrière-garde de Mariazell qu’à la nuit. Mais menacés d’être coupés en deux, les Autrichiens se retirent en hâte. Le 108ème se heurte à Wegscheid à deux bataillons de Mondet qui finissent par se rendre.
Bilan de la journée :
« Die Toten der Österreicher liegen haufenweise [3]», 4000 prisonniers, 6 drapeaux, 17 canons et une centaine de voitures pris par les français. La ville de Mariazell est fortement endommagée. « La Basilique sert de prison à plus de 2000 soldats ; des bestiaux y sont abattus et cuits sur plus de 70 feux ; bancs et confessionnaux sont brûlés ; les vitraux, cassés pour évacuer les fumées. La chapelle Heiligenbrunn sert d’écurie. Viendront ensuite des blessés tant autrichiens que français. 400 occuperont le monastère. Tous seront entretenus gratuitement. » (Tagebuch des Mariazellers Georg Lemmer).
Le maréchal Davout s’y installe avec la cavalerie légère ; le 13ème Léger est à Sigmundsberg ; le 108ème de ligne à Wegscheid ; le reste du Corps entre Mariazell et Gaming.
Au vu de la progression des troupes napoléoniennes, et donc des échauffourées avec les Autrichiens qui se replient dans leur vallée, la population de Seewiesen (1000m) trouve refuge et protection les 7, 8 et 9 novembre 1805 au lieu-dit Höllkampl – Untere Dullwitz à 1450m d’altitude. Lieu propice s’il en est car entouré de falaises de 600m culminant à 2000m et défendu par un seuil glaciaire de 400m, à plus de 4 kilomètres de Seewiesen. C’était donc peu risqué, bien qu’il y fasse frisquet en cette saison !
Le même jour, le II. Corps de Marmont tombe à Weyer sur le régiment autrichien Gyulay et fait 400 prisonniers. Il s’installe à Altenmarkt et Reifling, et avancent sur Palfau et Admont.
Le 9 novembre, Davout installe le QG du III. Corps à Turnitz. Son avant-garde va jusqu’à Gollrad (et au Brandhof, future propriété de l’Archiduc Johann). Un escadron du 7ème Hussards est envoyé sur Seeberg et Seewiesen à la poursuite du Corps autrichien Merveldt. Il sera combattu toute la journée. Les plus hautes pentes sont occupées par les Français qui canonnent la vallée. Les Autrichiens doivent se replier. Merveldt recule vers Aflenz et Bruck. Une partie des troupes s’échappera par le Rotsohl Alm (Veitschalpe) vers la vallée de la Mur, puis Fischbach, Birkfeld jusqu’à Fürstenfeld.
Le II. Corps de Marmont est à Eisenerz.
Le 10 novembre, Napoléon s’installe à l’Abbaye de Melk. Davout, à Lilienfeld. L’escadron envoyé à la poursuite de Merveldt capture 300 Autrichiens de son arrière-garde à Aflenz. Marmont arrive à Leoben.
Le 11 novembre, bataille de Dürnstein entre les Russes de Koutousov et Mortier. Napoléon est à Sankt-Pölten, Murat aux portes de Vienne à Purkersdorf, Oudinot à Hütteldorf et Suchet à Sankt-Veit ! L’avant-garde du III. Corps de Davout bivouaque dans la forêt viennoise. L’escadron du 7ème Hussards marche sur Kapfenberg. Merveldt a évacué Bruck.
Le 13 novembre, Murat entre dans Vienne, par la Burgtor, drapeaux déployés et clairons sonnant. Il traverse la ville, par le Kohlmarkt, le Graben, Stephanplatz, Rotenturm, Leopoldstadt pour atteindre, par une ruse audacieuse faisant croire à un armistice, le pont de Tabor intact, qui donne accès à l’autre rive. Murat pousse ses troupes sur Korneuburg. Napoléon porte son QG à Purkersdorf, mais dans la nuit, s’installe, seul, à Schönbrunn. Le II. Corps de Marmont stationne à Bruck, Leoben et Eisenerz.
Le 16 novembre, bataille d’Hollabrunn-Schöngrabern contre l’arrière-garde russe. Le soir même, Napoléon dormira à Znaïm ! Koutousov, remontant sur la Moravie, fait sa jonction avec le 2e corps russe de Buxhöwden et les Autrichiens de l’Empereur d’Autriche.
La suite des événements est connue de tous : AUSTERLITZ, le 2 décembre, jour du 1er anniversaire du couronnement de Napoléon, et le Traité de Presbourg le lendemain de Noël. Ce qui calmera quelque temps les trois Empereurs jouant aux petits soldats. Six mois plus tard débutera la Campagne de Prusse !
L’archiduc Johann et le massif du Hochschwab.

Après la troisième « visite » des armées napoléoniennes en Styrie (1797, 1805 et 1809 – en 1797, les armées françaises sous les ordres de Bonaparte, généralissime de l’armée d’Italie, occupent Leoben, Bruck et Graz), la province est exsangue, le nombre d’habitants a baissé, le produit intérieur brut ainsi que le niveau de vie ont fortement diminué. Une personnalité relève alors le défi de la « renaissance » du Land, l’archiduc d’Autriche Johann-Baptist (Florence 1782-1859 Graz), fils du futur Empereur Leopold II et jeune frère du futur Empereur Franz II. Général en 1800 (Deuxième coalition), il est battu la même année à Hohenlinden mais y gagne du prestige et devient responsable de la fortification du Tyrol. En 1809, il soutiendra Andreas Hofer dans le vain soulèvement contre l’occupant bavarois. Son empereur de frère l’interdit alors de séjour au Tyrol. Retiré des affaires politiques et militaires après 1809, il est rappelé en 1848 par l’Assemblée Nationale d’Allemagne, qui l’élit (29 juin) Administrateur de l’Empire allemand, i.e. régent, fonction qu’il abdiquera le 10-12-1849, après quoi il se retirera en Styrie.
La Styrie lui doit encore aujourd’hui son expansion grâce à son engagement, son dynamisme, ses initiatives et son mécénat propices à la modernisation du pays tant dans l’éducation, l’économie et la culture: Ecole des mines de Vordernberg, qui deviendra la Montanuniversität de Leoben, Caisse d’épargne de Styrie – Steiermärkische Sparkasse, Archives de Styrie – Steiermärkische Landesarchiv, Musée provincial – Landesmuseum Joanneum).
Grand chasseur et « alpiniste », Johann aimait la région du Hochschwab.
Il disait être « le premier touriste » à avoir gravi le sommet le 13 juillet 1803, considérant qu’il était le premier à aller en montagne seulement pour le plaisir et la performance, sans aucune contrainte professionnelle (chasseur, pâtre). Au sommet, une plaque dithyrambique rappelle une de ses ascensions « touristiques »:
« Am 24 Juny 1821 Seine Heimath, er hellt vom Strahle des hirtlichen Johann, preiset der steyerer Hoch – Hoeher dies waermende Licht. DIR ALLGELIEBTEN JOHANN! » (sic).
Il aimait résider dans sa propriété du Brandhof, achetée en 1818, au bord de la route de Mariazell, à Gollrad. Par son mariage morganatique autorisé par son empereur de frère avec Anna PLOCHL (1804-1885) en 1827 et la naissance de leur enfant, François-Louis en 1839, une nouvelle branche Habsbourg-Lorraine est créée, celle des Comtes de Meran. Anna sera anoblie par son beau-frère, et titrée baronne de Brandhofen en 1834, d’après le nom de la propriété et comtesse de Meran en 1850. Ce château est aujourd’hui habité par l’actuel fidéiscommis, le Comte François-Joseph de MERAN, son arrière-arrière-arrière-petit-fils, et descendant agnatique de l’Impératrice Marie-Thérèse, sa sextaïeule.
En 1841, cet archiduc si populaire et libéral, qui aimait porter le costume traditionnel styrien, acheta le domaine de Stainz où il fut en 1850, le premier maire à être élu au suffrage universel.

La Croix des Français
Les réfugiés de Höllkampl érigeront en guise d’action de grâce une croix de bois en ce lieu pour célébrer « la libération du pays ». Une façon de voir toute locale quand on sait la fin de la Campagne. Cette croix est surnommée « la Croix des Français », das Franzosenkreuz.
En 1931, le Club alpin Voisthaler en charge du refuge du même nom bâtie en 1898, remplace la Croix en bois plus que centenaire par une en bronze décorée d’une couronne de lauriers métallique et d’une plaque émaillée :
« Im Kämpfe mit den Franzosen vom 7. bis 9.11.1805 auf der Strecke Neuhaus-Mariazell-Aflenz bezog die Bevölkerung von Seewiesen eine gesicherte Stellung auf dieser Höhe. Zum Dank für die Befreiung vom Feind wurde damals hier ein hölzernes Kreuz, im Volksmund Franzosenkreuz benannt, errichtet. Die Alpine Gesellschaft Voisthaler erstellte im Jahr 1931 dieses eherne Kreuz zum bleibenden Gedächtnis nie versagender Vaterlandsliebe aller Steirer ».

En 1972, cette nouvelle croix est restaurée. Le quart de couronne encore sur la croix est enlevée. La plaque a disparue. Une nouvelle en cuivre la remplace.
Dans l’hiver 2006-2007 des avalanches dévalent du Höllmauer, engloutissant et endommageant gravement la croix, le poids et la pression de la neige transformée en glace finissant de la plier à 90°. Gerald ROUTIL, membre du Secours en montagne de Turnau, victime lui-même en 2007 d’un grave accident d’escalade dans la paroi d’Höllmauer, décide, en remerciement de son propre sauvetage, de faire, avec sa fille Ines, une « Nouvelle Croix des Français ». Les 20 et 27 août 2009, Johann LEITINGER, aussi du Secours en montagne de Turnau, et son ami Günther de Kapfenberg démontent la croix pour la descendre dans la vallée par le « câble » du refuge Voisthaler.
La nouvelle Croix des Français
Septembre 2009 – Le hasard de nos chemins nous mène, l’ami François-Michel PASTRE et moi, en plein brouillard, dans le Massif du Hochschwab deux semaines après le démontage de la fameuse croix !!! Etonnés de ne pas la trouver à sa place, malgré notre carte neuve au 25000ème et mes souvenirs de randonnées des années 80, nous demandons à des Autrichiens passant là ce qu’il en est. Ils nous disent brièvement que la croix est à l’abri dans la vallée : « Lawine, Kreuz kaputt, Demontage, Depot ins Tal ».
Nous les retrouverons attablés au refuge Voisthaler (1654m) au milieu d’un groupe en tenue rouge du Secours en montagne. Nous (re)lions conversation. L’un est Hans Leitinger et l’autre son ami Günther ! Ils sont là pour le montage d’une croix (encore une !) sur un sommet voisin en souvenir d’un ami mort en service commandé. Le brouillard empêche l’hélicoptère de sortir. Ils attendent donc au chaud. Hans explique qu’une nouvelle croix des Français est prévue, que le propriétaire terrien, le Comte de Meran, habitant le Brandhof, est lui-même intéressé par cette opération.
Nous décidons de poursuivre notre chemin prévu vers le refuge Schiestlhaus (2153m) pour y passer la nuit. J’émets l’idée de notre présence à l’installation et à la bénédiction de la nouvelle Croix des Français avec, pourquoi pas (!?), les Présidents du Souvenir Français et du Souvenir Napoléonien. Une dernière tournée, échange de coordonnées avec la promesse que je serai prévenu en temps utile. Je me fends alors d’une lettre protocolaire de politesse, mais non moins sincère au Comte Meran le 29.09.09 :
« Sehr geehrter Herr Graf MERAN,
Mitte September während einer Bergtour am Hoschschwabmassif, sind wir beim „Franzosenkreuz“ vorbei gekommen. […] Erstaunt das Kreuz nicht zu sehen, setzten wir unser Weg zur Voisthalerhütte fort. Dort treffen wir eine Bergrettungsgruppe aus TURNAU, die uns die Abwesenheit des Kreuzes erklärte. […] Dieses Kreuz wird im Oktober 2009 neuaufgestellt […] Ein Telefon Kontakt mit Herrn Hans LEITINGER aus Turnau erklärte uns, dass, Sie, Herr Graf, der Landeigentümer sind. Als Franzosen, wohnhaft in Österreich, würden wir gerne dieser Zeremonie beiwohnen. Deshalb wollen wir Sie über unsere Absicht informieren dort einen Kranz, im Namen du Souvenir Français et du Souvenir Napoléonien, niederzulegen. […] Wir wären sehr über Ihre Patronage und eventuelle Anwesenheit geehrt. […] »
Plusieurs téléphones après, nous apprenons que la croix a été érigée à la mi-octobre 2009. La plaque commémorative, fort endommagée, est aussi remise à neuf et refixée en mai 2010. Les saisons passent, un nouvel hiver, un nouvel été. Silence radio du camarade Hans du Secours en montagne, tout autant du Comte Meran. Pas d’annonce urbi et orbi d’inauguration-bénédiction ! On n’y croit plus !
Les 3 et 4 septembre 2011, nous reprenons le chemin du Hochschwab, motivés par le besoin de voir cette fameuse nouvelle « Franzosenkreuz », installée certes, mais, à notre connaissance, pas inaugurée.
La Croix est là, resplendissante au soleil. Elle est neuve, ça se voit, en acier inoxydable, sobre, parfaitement proportionnée. La plaque en cuivre est celle de 1972. Je dépose mon bouquet de fleurs. Hé oui, des fleurs perdues en chemin par des mains pieuses ou amoureuses qui attendaient qu’elles soient ramassées par le premier pèlerin venu. Aussitôt vu, presque aussitôt fait. Car, après hésitation et réflexion, je reviendrai sur mes pas ramasser le bouquet esseulé ! Et en montagne, ça veut dire regrimpette ! Bref, croix fleurie, cœur réjoui !
Au ressaut de Voisthaler, trois hommes piochent, coupent et scient ! Ils restaurent le chemin d’accès très pentu à cet endroit en rafistolant quelques marches, repositionnent grosses pierres et petits cailloux, dégagent la végétation. Coucher de soleil à la Schiestlhaus !
Le lendemain, descente via Häuslalm vers Bodenbauer. Chamois, mouflons nous surveillent, peinards dans les herbes ; une perdrix des neiges se ballade un temps à nos côtés. Si !
Ô surprise, la Croix coudée est là au détour du chemin, au coin d’une prairie, à l’orée du bois, esseulée, à plusieurs heures de marche de son destin historique ! Pourquoi là ? Restaurée par les élèves de l’Ecole d’apprentissage de l’Entreprise Böhler-Uddeholm, elle a été offerte au Musée du Hochschwab qui se situe justement à Bodenbauer sur le territoire de la commune de Saint-Ilgen. Aussitôt vient l’exclamation interrogative: quitte à ne pas l’avoir redressée et replacée en lieu et place, pourquoi alors ne pas l’avoir plutôt placée à l’entrée de SA vallée à Seewiesen !? Surtout qu’aucune mention tant à l’entrée de cette vallée que sur la nouvelle croix n’indique le devenir de l’ancienne. Dommage ! Une plaque donne une version différente de celle de 1931: « …en souvenir du combat avec les Français à Höllkampl ». L’histoire n’est pas finie. Rebondissement…

Quelques jours après notre expédition, coup de fil de la Mairie de Turnau annonçant la bénédiction de la nouvelle Croix des Français le samedi 16 octobre à 14h précises « an Ort und Stelle ». Quel hasard ! Notre passage à Schiestlhaus a été remarqué car le gardien ayant noté « Michelle, ma belle » sur sa liste de réservation de châlits, attendaient deux françaises et fut très déçu (rires) de voir arriver deux mâles, certes beaux mais en sueur ! Notre passage aurait-il précipité le déclenchement de la cérémonie ? Que nenni ! Et quel orgueil, quelle impudence de subodorer une telle influence de notre part ! En fait, une affichette – que nous n’avions pas repérée – annonçait déjà la date à l’entrée du refuge. Quel hasard !
Aussitôt invité, aussitôt décidé. J’appelle Hans pour confirmer notre venue. Deux ans après notre première rencontre avec les gens du Sauvetage en montagne, au jour J et à l’heure H, nous étions présents au lieu dit… avec deux couronnes et bandeaux correspondants. Et tenez-vous bien : les « cantonniers » croisés deux semaines plus tôt sous Voisthaler, c’étaient nos copains Hans et Günther !!! On s’était croisé et pas reconnu sous la sueur de nos efforts, autant pour eux que pour nous.
Une cinquantaine de personnes, dont le Dr. Peter SOUSTAL, Président de la section « Voisthaler », entourent le curé Giovanni de Kapfenberg. Présentation, conversations, allocutions, bénédiction. Hans, Giovanni et Gerald y vont de leur speech. Moi itou. Je résume notre rencontre, j’explique les couronnes. Elles en imposent, surtout les bandeaux tricolore et vert impérial. Ça peut paraître hors de propos et mal venu dans le contexte historique évoqué. Mais on sent les gens contents et fiers de la présence de ces deux Français. En outre, ça colore la cérémonie et ça euphorise les contacts ! La preuve en est qu’on se retrouve au refuge Voisthaler à boire à la santé de tous les montagnards qui sont là et aussi à la mémoire de ceux qui n’y sont plus ! Qui sait si un de nos aïeux n’est pas passé dans la vallée en 1805 !? Seul bémol à cette fête de l’amitié entre les peuples, et plus particulièrement l’amitié franco-autrichienne, l’absence remarquée du Comte, propriétaire du lieu ! Dommage…
A Gauche : la nouvelle Croix des Français – A droite, l’inauguration. Michel Racinais est le premier à droite de la Croix, M. François-Michel Pastre à l’extrême gauche.
Au dessus de Voisthaler, la neige est là. Le Graf-Meran-Steig est cependant franchi allègrement. Nous arrivons juste avant le coucher du soleil au refuge Schiestlhaus. Nous aurons beau temps, belle vue. Une aube à ne pas manquer avant de gravir le sommet et d’admirer un des plus beaux panoramas qui soit !
Ainsi décrit l’Archiduc Johann, sa première ascension touristique en 1803 du Steirischen Gamsgebirg’, nom donné au Hochschwab autrefois :
« Nous allions, par les hauteurs des Alpes d’Aflenz, vers le Weichsel, une belle et imposante montagne. […] Du haut de cette crête avions-nous les plus belles vues, tantôt au sud sur les vallées d’Aflenz, Tragöß et les régions lointaines de Bruck et Leoben, tantôt au nord sur les vallées de Zeller et de Weichselboden. Je n’ai presque jamais vu une région aussi sauvage. […] Ensuite en avant, et là plus rien, je gravissais le Schwab. Les Alpes étaient claires, le temps calme. […] Ici pouvais-je enfin me convaincre que c’était le plus haut des monts à la ronde…
Sources :
– les Bulletins de la Grande Armée,
- la compilation de Jean-Marie BERJAUD, Sur les pas de la Grande Armée en 1805, mis en ligne en 2010 par la Société d’Etudes Historiques Révolutionnaires et Impériales (1789-1815),
- le dépliant édité en 2005 par la Mairie de Turnau: Gedenkaustellung zum Scharmützel von Seewiesen
Crédits photos – Neue Galerie Graz am Landesmuseum Joanneum: Erzherzog Johann am Hochschwab, Johann Huber nach Johann Peter Krafft, 1839; Blick am Brandhof, Matthäus Loder, 1827. Gemeinde Turnau : das Franzosenkreuz 1931 ; Michel Racinais : « Campagne 1805 », das Franzosenkreuz et paysages.
NOTES
[1] ´Tienne Heudelet de Brierre (1770 – 1857)
[2] Generalmajor Louis Ferdinand de Mondet (1748 – 1819), originaire des Pays-Bas autrichiens.
[3] « Les morts des Autrichiens gisaient en grande quantité. »