1805 – DIX-SEPTIÈME BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

DIX-SEPTIÈME BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE  [1]

 

Lambach, le 12 brumaire an 14[2].

Aujourd’hui 12, le maréchal Davoust a ses avant-postes près de Steyer. Le général Milhaud[3], avec la réserve de cavalerie aux ordres du prince Murat, est entré à Lintz le 10. Le maréchal Lannes y est arrivé le 12 avec son corps d’armée. On a trouvé à Lintz des magasins considérables dont on n’a pas encore l’inventaire, beaucoup de malades dans les hôpitaux, parmi lesquels une centaine de russes. On a fait des prisonniers, dont cinquante russes.

Au combat de Lambach, il s’est trouvé deux pièces de canon russes parmi celles qui ont été prises. Un général russe & un colonel de hussards autrichiens ont été tués.

La blessure que le général Bisson, commandant la première division du corps d’armée du maréchal Davoust a reçue au bras, est assez sérieuse pour l’empêcher de servir tout le reste de la campagne[4]. Il n’y a cependant aucun danger. L’Empereur a donné au général Caffarelli[5] le commandement de cette division.

Depuis le passage de l’Inn, on a fait quinze à dix-huit cents prisonniers, tant autrichiens que russes, sans y comprendre les malades.

Le corps d’armée du général Marmont est parti de Lambach le 12 à midi.

L’Empereur a établi son quartier-général à Lambach, où l’on croit qu’il passera toute la nuit du 12.

La saison continue à être rigoureuse ; la terre est couverte de neige ; le temps est très-froid.

On a trouvé à Lambach des magasins de sel pour plusieurs millions. On a trouvé dans la caisse de Lintz plusieurs centaines de milliers de florins.

Les russes ont tout dévasté à Wels, à Lambach & dans tous les villages environnans. Il y a des villages où ils ont tué huit ou dix paysans.

L’agitation & le désordre sont extrêmes à Vienne. On dit que l’empereur d’Autriche est établi au couvent des bénédictins de Molk[6]. Il paraît que le reste du mois de novembre verra des événements majeurs & d’une grande importance.

M. Lezay[7], ministre de France à Salzbourg, a eu une audience de l’Empereur au moment où S.M. partait de Braunau. Il n’avait pas cessé jusqu’alors de résider à Salzbourg.

On n’a point de nouvelles de M. de Larochefoucauld[8] ; on le croit toujours à Vienne. Au moment où l’armée autrichienne passa l’Inn, il demanda des passe-ports qu’on lui refusa.

Il est arrivé aujourd’hui plusieurs déserteurs russes.


NOTES

[1] In : Mémorial administratif du département de l’Ourte, n° 299 du 30 brumaire an XIV (21.11.1805), p. 190. Liège : J.F. Desoer, 1806. (Mémorial administratif du département de l’Ourte ; IX).

[2] 3 novembre 1805.

[3] Edouard Jean Baptiste Milhaud (1766-1833). Ancien député du Cantal à la Convention Nationale (1792-1795), général (1800), comte de l’Empire (1808).

[4] Bisson est grièvement blessé le 1er novembre. Il ne reprendra du service actif qu’en 1807.

[5] Marie François Auguste Caffarelli du Falga (1766-1849). Général (1802), ministre de la Guerre du royaume d’Italie (1806-1810), comte de l’Empire (1809), pair des Cent-Jours (1815), pair de France (1831).

[6] Melk. L’abbaye, fondée en 1089, est célèbre pour sa bibliothèque et son rôle autant culturel que spirituel. A travers le nom du novice (Azzo de Melk) accompagnant le frère Guillaume de Baskerville, dans son roman Le Nom de la rose, Umberto Eco évoque le prestige de ce haut lieu de la chrétienté médiévale.

[7] Paul Adrien François Marie de Lezay-Marnésia (1769-1814). Ministre plénipotentiaire à Salzbourg depuis novembre 1803, il quitte alors ses fonctions. Il deviendra préfet du Rhin-et-Moselle (1806-1810), puis du Bas-Rhin (1810-1814).

[8] Alexandre François de La Rochefoucauld (1767-1841). Ancien émigré rallié au premier Consul, il a commencé sa carrière publique dans la préfectorale pour passer ensuite dans la diplomatie. Après un passage en Saxe, il est ambassadeur à Vienne depuis janvier 1805 et y restera jusqu’en 1808, époque à laquelle il sera transféré à Amsterdam. Il y surveillera le roi Louis, jusqu’à l’annexion de la Hollande à l’Empire (1810). Comte de l’Empire (1809). Pair des Cent-Jours (1815), pair de France (1831).