1805 – CINQUIÈME BULLETIN DE L’ARMÉE D’ITALIE
CINQUIÈME BULLETIN DE L’ARMÉE D’ITALIE [1].
Du 14 brumaire.[2]
Après quelques heures de repos à Montebello, l’armée poursuivit l’ennemi sur Vicence[3]. Les portes de la ville avaient été murées ; on le somma de l’évacuer : sa réponse fut négative. Un sentiment d’humanité avait dicté la sommation du général en chef ; il fallut bien forcer le passage, & diriger du canon & des obusiers contre les portes, & malheureusement contre la ville même. Nous y entrâmes à la pointe du jour. La précipitation avec laquelle la retraite de l’ennemi s’opéra lui fit abandonner mille blessés, & laisser quelques restes de magasins à notre disposition. Dans la journée nous lui avons fait 800 prisonniers.
Les autrichiens s’étaient retirés par le chemin de Bassano[4]. L’armée les y suivit, & entama continuellement leur arrière-garde. A l’embranchement des routes de Bassano & de Treviso[5], ils se dirigèrent vers cette dernière ville, en brûlant derrière eux le pont qui se trouve sur le torrent près de la Palu[6]. Arrivés au village de Saint-Pierre in Gu[7], nous le trouvâmes occupé par un corps de troupes, qui fut chargé vigoureusement. Le village fut enlevé après un combat qui nous valut encore 600 prisonniers & une pièce de canon.
Nous marchâmes vers la Brenta. L’avant-garde arriva au moment où l’ennemi tentait de détruire le pont. Il s’engagea d’une rive à l’autre une forte canonnade, que la nuit seule fit cesser.
L’armée bivouaqua sur la rive droite. A quatre heures du matin, je fis passer à gué plusieurs régimens de cavalerie avec les voltigeurs en croupe, pendant qu’on réparait le pont. L’armée défila bientôt, & nous arrivâmes à Cittadella[8] assez à temps pour enlever les derniers postes de l’ennemi. A cinq heures du soir, nous entrions dans Castelfranco[9], & nos chasseurs occupaient déjà en avant Salratrunda[10] & Albaredo[11]. Le général en chef sentit la nécessité d’accorder quelques heures aux besoins de l’armée.
Dans notre marche depuis Montebello, nous avons fait plus de 1800 prisonniers.
La division de droite s’est dirigée sur Padoue[12], où elle arrive aujourd’hui ; celle de gauche s’est portée par les sette communi[13] sur Bassano, qu’elle occupera demain.
L’armée marche vers la Piave[14].
NOTES
[1] In : Mémorial administratif du département de l’Ourte, n° 299 du 30 brumaire an XIV (21.11.1805), p. 187-188. Liège : J.F. Desoer, 1806. (Mémorial administratif du département de l’Ourte ; IX).
[2] 5 novembre 1805.
[3] Vicenza, ville sur le Bacchiglione, au nord-est de Vérone et au nord-ouest de Padoue. Chef-lieu de l’une des provinces de la Terre ferme de Vénétie. Elle deviendra ultérieurement le siège de la préfecture du département du Bacchiglione.
[4] Aujourd’hui Bassano del Grappa, ville sur la Brenta, au nord-est de Vicence. Chef-lieu de province en Terre ferme. Deviendra sous-préfecture du Bacchiglione.
[5] Trévise, en français : ville au nord-est de Vicence et au nord de Venise, chef-lieu de province en Terre ferme. Va devenir préfecture du département du Tagliamento. L’embranchement dont il est question ici se trouve à la sortie nord-est de Vicence.
[6] Près de l’actuelle commune de Quinto Vicentino, sur la Tesina, entre Vicence et San Pietro in Gù.
[7] San Pietro in Gù, village au nord-est de Vicence, mais déjà dans le Padouan et peu avant le passage de la Brenta.
[8] Ville au nord-est de San Pietro in Gù, sur la rive gauche de la Brenta.
[9] Castelfranco Veneto, ville à l’est de Cittadella, sur le Sile. Sera sous-préfecture du Tagliamento.
[10] Salvatronda, village à la sortie est de Castelfranco.
[11] Village un peu à l’est de Salvatronda, sur la route de Castelfranco à Trévise.
[12] Padova. Ville au sud de Castelfranco, future préfecture du département de la Brenta.
[13] Petite communauté autonome du pays vénitien, au nord-ouest de Bassano et au nord de Vicence, avec Asiago pour chef-lieu.
[14] Fleuve à l’est de Trévise.