1805 – 1er BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
1er BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE [1]
L’Empereur est parti de Paris le 2 vendémiaire[2], & est arrivé le 4 à Strasbourg.
Le Maréchal Bernadotte[3], qui au moment où l’armée était partie de Boulogne, s’était porté de Hanovre[4] sur Gottingue[5], s’est mis en marche par Francfort[6], pour se rendre à Wurtzbourg[7], où il est arrivé le premier vendémiaire.
Le général Marmont[8], qui était arrivé à Mayence[9], a passé le Rhin sur le pont de Cassel[10], & s’est dirigé sur Wurtzbourg, où il a fait la jonction avec l’armée bavaroise & le corps du maréchal Bernadotte.
Le corps du maréchal Davoust[11] a passé le Rhin le même jour sur le pont qui a été jeté à Spire[12], & s’est porté sur Heilbronn[13].
Le corps du maréchal Ney[14] a passé le Rhin le même jour sur le pont qui a été jeté vis-à-vis de Durlach[15], & s’est porté à Stutgard[16].
Le corps du maréchal Lannes[17] a passé le Rhin à Kehl le 3, & s’est rendu à Louisbourg[18].
Le prince Murat[19], avec la réserve de cavalerie[20], a passé le Rhin à Kelh[21] le 3, & est resté en position, pendant plusieurs jours devant les débouchés de la Forêt-Noire ; les patrouilles qui se montraient fréquemment aux patrouilles ennemies, leur ont fait croire que nous voulions pénétrer par ces débouchés.
Le grand parc de l’armée[22] a passé le Rhin à Kehl le 8, & s’est rendu à Heilbronn.
L’Empereur a passé le Rhin à Kehl le 9, a couché à Ettlingen[23] le même jour, y a reçu l’électeur[24] & les princes de Bade & s’est rendu à Louisbourg chez l’électeur de Wurtemberg[25], dans le palais duquel il a logé.
Le 10, les corps du maréchal Bernadotte & du général Marmont, & les bavarois, qui étaient à Wurtzbourg, se sont réunis & se sont mis en marche pour se rendre sur le Danube.
Le corps du maréchal Davoust s’est mis en marche de Necker-Eltz[26] & a suivi la route de Meckmühl[27], Ingefingen[28], Chreilsheim[29], Dunkelsbühl[30], Frembdingen[31], Œttingen[32], Haarburg[33] & Donawerth[34].
Le corps du maréchal Soult[35] s’est mis en marche d’Heilbronn & a suivi la route d’Ochringen[36], Hall[37], Gaildorff[38], Abstgmund[39], Aalen & Nordlingen[40].
Le corps du maréchal Ney s’est mis en marche de Stutgard, & a suivi la route de Eslingen[41], Goppingen[42], Wessenstein[43], Heydenheim[44], Nattheim[45] & Nordlingen.
Le corps du maréchal Lannes s’est mis en marche de Louisbourg, & a suivi la route de Gross-Beutelspach[46] à Pludershausen[47], Gemünd[48], Aalen & Nordlingen.
Position de l’armée au 14.
Le corps du maréchal Bernadotte & les bavarois étaient à Weissenbourg[49].
Le corps du maréchal Davoust à Œttingen, à cheval sur la Reinitz[50].
Le corps du maréchal Soult à Donawerth, maître du pont de Munster, & faisant rétablir celui de Donawerth.
Le corps du maréchal Ney, à Koeffingen[51].
Le corps du maréchal Lannes, à Neresheim.
Le prince Murat avec ses dragons bordant le Danube.
L’armée est pleine de santé, & brûlant du désir d’en venir aux mains.
L’ennemi s’était avancé jusqu’aux débouchés de la Forêt-Noire, où il paraît qu’il voulait se maintenir & nous empêcher de pénétrer.
Il avait fallu fortifier l’Iller[52]. Memmingen et Ulm[53] se fortifiaient en grande hâte.
Les patrouilles qui battent la campagne assurent qu’il a contremandé ses projets, & qu’il paraît fort déconcerté par nos mouvemens aussi nouveaux qu’inattendus.
Les patrouilles françaises & ennemies se sont souvent rencontrées : dans ces rencontres nous avons fait quarante prisonniers du régiment à cheval de Latour.
Ce grand et vaste mouvement nous a portés en peu de jours en Bavière ; nous a fait éviter les montagnes Noires, la ligne de rivières parallèles qui se jettent dans la vallée du Danube, l’inconvénient attaché à un système d’opérations qui auraient toujours en flanc les débouchés du Tyrol, & enfin nous a placés à plusieurs marches derrière l’ennemi, qui n’a pas de temps à perdre pour éviter sa perte entière.
NOTES
[1] In : Mémorial administratif du département de l’Ourte, n° 293 du 30 vendémiaire an XIV (22.10.1805), p. 88-90. Liège : J.F. Desoer, 1806. (Mémorial administratif du département de l’Ourte ; IX). Le premier bulletin est adressé depuis Nordlingen et est daté du 15 vendémiaire an XIV (07.10.1805).
[2] 24.09.1805.
[3] Jean Baptiste Jules Bernadotte (1763-1844), ministre de la Guerre (1799), maréchal de l’Empire (1804), prince-duc Giovanni Battista (1806-1810) de Pontecorvo, puis (1818) roi Karl XIV Johan de Suède. En provenance du camp d’Utrecht (République batave), le 1er corps que commande Bernadotte comprend les divisions Drouet et Rivaud, et la division de cavalerie du général Kellermann. Voir, pour ces détails de l’organisation militaire : Jacques GARNIER. « Campagne de 1805 en Allemagne », in : Jean TULARD, dir. Dictionnaire Napoléon. Nlle éd. Paris : Paris : Fayard, 1999. Vol. 1, p. 357-360.
[4] Hannover, capitale de l’électorat du même nom (officiellement dit de Brunswick-Lunebourg). L’électeur est par ailleurs le roi du royaume-uni de Grande-Bretagne et d’Irlande. L’électorat est occupé par l’armée française depuis la rupture de la paix d’Amiens, en 1803.
[5] Göttingen, alors chef-lieu d’une principauté rattachée à l’électorat de Hanovre.
[6] Frankfurt am Main, alors ville libre impériale.
[7] Würzburg. La ville a été cédée à l’électeur de Bavière par le recès d’Empire de 1803. À l’issue de la campagne, elle sera cédée par lui à l’électeur de Salzbourg et ancien grand-duc de Toscane, l’archiduc Ferdinand, en échange de sa principauté.
[8] Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont (1774-1852), général (1800), maréchal de l’Empire (1809), duc de Raguse (1808). Le 2e corps qu’il commande vient des camps de Hollande (Texel) et du camp de Boulogne et comprend les divisions Boudet, Grouchy et Dumonceau, ainsi que la division de cavalerie Lacoste.
[9] Mainz. À l’époque, préfecture du département du Mont-Tonnerre.
[10] Kastel. Faubourg transrhénan de Mayence. À l’époque sous souveraineté du duc de Nassau, qui le cédera ultérieurement à la France, à laquelle il sera formellement annexé en 1808 (Kastel formera alors, avec Wesel au nord et Kehl au sud, l’une des trois têtes de pont françaises sur la rive droite du Rhin).
[11] Louis Nicolas d’Avout, dit Davout (1770-1823), maréchal de l’Empire (1804), duc d’Auerstaedt (1808), prince d’Eckmühl (1809), ministre de la Guerre et pair des Cent-Jours (1815), pair de France (1819). Le 3e corps, en provenance du camp de Boulogne, se compose des divisions Bisson, Friant et Gudin et de la division de cavalerie Viallanes. Son premier centre de ralliement en Alsace a été Haguenau.
[12] Speyer, alors sous-préfecture du département du Mont-Tonnerre.
[13] Ancienne ville libre impériale rattachée en 1803 à l’électorat de Wurtemberg.
[14] Michel Ney (1769-1815), maréchal de l’Empire (1804), duc d’Elchingen (1808), prince de la Moskowa (1812), pair de France (1814), pair des Cent-Jours (1815). Le 6e corps que commande Ney provient du camp de Boulogne. Il se compose des divisions Dupont, Loison, Mahler et de la division de cavalerie Tilly. Son centre de ralliement en Alsace a été la ville de Sélestat.
[15] Dans le margraviat de Bade.
[16] Stuttgart, capitale de l’électorat de Wurtemberg.
[17] Jean Lannes (1769-1809), maréchal de l’Empire (1804), duc de Montebello (1808). Le 5e corps vient du camp de Boulogne et est composé des divisions Oudinot (grenadiers), Gazan (infanterie), Treilhard (cavalerie). Il sera le seul des corps de la grande armée, avec la réserve de cavalerie, à pénétrer en Souabe par la Forêt-Noire (défilés du val d’Enfer – Höllenthal -, au sud-est de Fribourg-en-Brisgau) de manière à convaincre les Autrichiens d’une marche directe sur le Danube, comme en 1800. Le trajet signalé dans le présent bulletin ne le laisse pas soupçonner, la route de Kehl à Ludwigsburg indiquant au contraire un trajet centre / centre-nord.
[18] Ludwigsburg, au nord de Stuttgart, dans l’électorat de Wurtemberg.
[19] Joachim Murat (1767-1815), maréchal de l’Empire (1804), prince grand-amiral (1805), prince français (1805), duc Joachim Napoleon (1806) de Clèves, grand-duc Joachim Napoleon (1806-1808) de Berg, puis roi Giacchino Napoleone (1808-1815) des Deux-Siciles.
[20] La réserve de cavalerie est formée des divisions Nansouty, d’Hautpoul, Klein, Walther, Beaumont, Bourcier et Baraguey d’Hilliers. Voir note xvii pour le début de sa marche en Souabe.
[21] Kehl, dans le margraviat de Bade, qui a déjà par deux fois promis par traité de le céder à la France, ce qui sera définitivement chose faite à l’issue de la campagne (annexion officialisée par sénatus-consulte en 1808 seulement).
[22] C’est à dire le 4e corps, commandé par Soult, composé des divisions Saint-Hilaire, Vandamme, Legrand, Suchet, et de la division de cavalerie Margaron ; son centre de ralliement en Alsace était Strasbourg ; la Garde impériale est sous le commandement du chef d’état-major de la grande armée, le maréchal Berthier. La grande armée comprend encore un 7e corps, formant la réserve, qui est sous le commandement du maréchal Augereau et comprend les divisions Desjardins et Mathieu.
[23] Cité au sud de Karlsruhe, dans le margraviat de Bade.
[24] Le margrave Karl-Friedrich I. de Baden-Durlach (1728-1811) est devenu électeur par le recès d’Empire de 1803 ; il deviendra grand-duc à l’issue de la campagne.
[25] Le duc Friedrich III. de Wurtemberg (1797-1816) est devenu électeur par le recès d’Empire de 1803 ; il deviendra roi (Friedrich I.)à l’issue de la campagne.
[26] Neckarelz, au sud-ouest de Mosbach (Bade), sur le Neckar.
[27] Möckmühl, sur le Jagst, en Wurtemberg.
[28] Ingelfingen, sur la Kocher ; alors dans la principauté de Hohenlohe.
[29] Crailsheim, sur le Jagst ; alors dans la principauté d’Ansbach (à la Prusse).
[30] Dinkelsbühl, sur la Wörnitz, en Bavière.
[31] Fremdingen, à mi-chemin sur la route de Dinkelsbühl à Nördlingen (Bavière).
[32] Öttingen, à l’est de Fremdingen, sur la Wörnitz (Bavière).
[33] Harburg, sur la Wörnitz, au nord-ouest de Donauwörth (Bavière).
[34] Donauwörth, ville de Bavière au confluent de la Wörnitz et du Danube ; au nord d’Augsbourg et au nord-est d’Ulm.
[35] Jean de Dieu Soult (1769-1851), maréchal de l’Empire (1804), duc de Dalmatie (1808), pair de France (1814 et 1827), pair des Cent-Jours (1815), ministre de la Guerre (1814-1815 ; 1830-1834 ; 1840-1845), ministre des Affaires étrangères (1839-1840), président du Conseil (1832-1834 ; 1839-1840 ; 1840-1847).
[36] Öhringen, dans la principauté de Hohenlohe, à l’est d’Heilbronn.
[37] Aujourd’hui Schwäbisch Hall, ville libre impériale annexée au Wurtemberg en 1803, sur la Kocher.
[38] Gaildorf, sur la Kocher, au sud de Hall. Appartient alors aux comtes de Limpurg.
[39] Petite cité au confluent de la Kocher et de la Lein, en Wurtemberg.
[40] Nördlingen, en Bavière.
[41] Esslingen, sur la Fils, au sud-est de Stuttgart, en Wurtemberg.
[42] Göppingen, sur la Fils, à l’est d’Esslingen. En Wurtemberg.
[43] Weißenstein, petite cité sur la route reliant Göppingen à Heidenheim ; aux seigneurs de Rechberg.
[44] Heidenheim, sur la Brenz ; en Wurtemberg.
[45] Nattheim, petite cité sur la route de Heidenheim à Nördlingen. En Wurtemberg.
[46] Aujourd’hui Beutelsbach, sur le Rems, au sud-est de Waiblingen.. En Wurtemberg.
[47] Plüdershausen, sur le Rems, en Wurtemberg.
[48] Aujourd’hui Schwäbisch Gmünd, sur le Rems, ancienne ville libre impériale rattachée au Wurtemberg en 1803.
[49] Weißenburg, ville de Bavière au nord-est de Nördlingen.
[50] C’est-à-dire la Wörnitz.
[51] Kösingen, à l’est de Neresheim (sud de Nördlingen).
[52] Rivière descendant des contreforts du Tyrol pour se jeter dans le Danube à Ulm après avoir traversé les villes de Kempten et de Memmingen, en Bavière.
[53] Ulm a été attribué à la Bavière en 1803. Il deviendra wurtembergeois en 1810.