18 septembre 1811 – Création du corps des Sapeurs-Pompiers de Paris

RAPPORT ET PROJETS DE DÉCRET

Relatifs à une nouvelle organisation du Corps des Pompiers de Paris.

(Note de la Rédaction : rappelons que c’est le tragique évènement du 1er juillet 1810 – l’incendie de l’ambassade d’Autriche à Paris, qui avait fait au moins 10 morts et de nombreux blessés – qui fut à l’origine de cette création.)

 


SECTION de l’intérieur.

M. le Comte Dubois, Rapporteur.

1e Rédaction.

N° 29,059.

 

RAPPORT.

Sire,

J’ai l’honneur de mettre sous les yeux de votre Majesté, une nouvelle rédaction du projet d’organisation du corps des pompiers de Paris ; elle est le résultat de mes conférences avec MM. les conseillers d’état, préfet de la Seine et préfet de police.

Votre Majesté a reconnu elle-même la nécessité de réorganiser ce corps, dont les officiers sont généralement pris parmi des hommes nuls ou peu capables.

J’ai pensé que tous les officiers devaient être nommés par votre Majesté, et choisis, pour les grades principaux, de préférence parmi des officiers réformés ou en retraite, ayant servi dans une arme qui eût beaucoup d’analogie avec le service du pompier : d’ailleurs les chefs de ce corps ont plus à faire agir qu’à agir eux-mêmes, et l’on peut compter que d’anciens serviteurs seront généralement plus utiles que des hommes exerçant une profession.

Il n’en est pas ainsi des lieutenans et des sous-officiers qui paraissent pouvoir être pris parmi les pompiers, tant pour l’utilité du service, que pour offrir quelque perspective aux gardes et surnuméraires.

Le quartier-maître, le garde-magasin et le chirurgien-major, ne sont que des agens d’administration, qu’il paraît convenable de laisser à la nomination du préfet de la Seine.

Un seul ingénieur a été reconnu suffisant ; le sous-ingénieur de l’ancienne organisation sera très-utilement remplacé par un garde-magasin chargé de la surveillance des ateliers, et toujours prêt à livrer, sur les réquisitions du préfet de police, les fournitures accidentelles que peut réclamer un service urgent.

La première entrée dans le corps, ou le choix des hommes propres à le recruter, est une attribution naturelle du préfet de la Seine, comme matière de recrutement ; mais l’avancement et les récompenses doivent être dans celles du préfet de police, qui est chargé de la surveillance immédiate du corps et de tous les réglemens de discipline et d’emploi des pompiers.

La solde et les masses seront conservées sur le pied ancien, à l’exception du traitement de l’ingénieur, regardé suffisant à 2000 F.

L’établissement de quatre grands postes de pompiers, y compris celui du chef-lieu, est substitué au casernement par compagnie, regardé comme presque impraticable, et doit rendre de meilleurs services.

Trente petits postes complètent le système de répartition des pompiers, qui paraît aussi devoir faire face à tous les besoins.

Chacun des quatre grands postes sera une école où les pompiers seront exercés aux manœuvres, et en même-temps ils serviront d’ateliers principaux pour la construction et réparation des machines.

Dans ces ateliers, le travail de confection ou réparation des machines sera payé à la tâche et non à la journée ; c’est un moyen plus économique, et qui aura de plus l’avantage de mieux fixer les travailleurs dans les grands postes.

La dépense du nouveau projet ; y compris le matériel du corps, arrivera à 308,614 F, c’est-à-dire, environ 40,000 F au-dessous de ce qu’aurait coûté l’organisation de messidor, si elle avait reçu complètement son exécution : elle donnait un nombre d’hommes moindre, puisqu’elle ne comportait que deux cent quatre-vingt-treize hommes ; mais la solde des sous-officiers et pompiers était portée à un taux trop considérable, et dont ils n’ont jamais joui.

La nouvelle organisation n’excédera que de 4 à 500 F la dépense actuelle du corps des pompiers.

Je suis avec le plus profond respect,

SIRE,

De votre Majesté Impériale et Royale,

Le sujet le plus dévoué et le plus fidèle,

MONTALIVE


Officier de sapeur-pompiers en grande tenue - 1812 (Knötel)
Officier de sapeur-pompiers en grande tenue – 1812 (Knötel)

Paris, le 27 Mars 1811.

PROJET DE DÉCRET DU MINISTRE DE L’INTÉRIEUR.

Napoléon, Empereur des Français, Roi d’Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, Médiateur de la Confédération suisse ;

Sur le rapport de notre ministre de l’intérieur,

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

TITRE Ier

Organisation du corps des Gardes-Pompiers de Paris.

Art. 1er Le corps des gardes-pompiers de la ville de Paris sera composé de trois cent quatre-vingt-quatre hommes, non compris l’état-major.

2. Il sera divisé en trois compagnies, composées chacune de cent vingt-huit hommes, savoir :

1 capitaine,

1 lieutenant,

1 sergent-major,

4 sergens,

40 caporaux,

80 pompiers,

1 tambour.

128.

3. L’état-major de ce corps sera composé ainsi qu’il suit :

1 commandant en chef,

1 commandant en second,

1 ingénieur,

1 chirurgien-major,

1 quartier-maître secrétaire-greffier,

1 garde-magasin des machines, agrès, etc.

4. Outre les gardes-pompiers appointés, il pourra être admis dans chaque compagnie soixante gardes-pompiers surnuméraires, dont trente de première classe et trente de deuxième classe.

TITRE II.

Conditions d’admission dans le corps des Pompiers, Nomination des Chefs, et Avancement.

5. A l’avenir, nul ne sera admis parmi les gardes-pompiers qu’en qualité de garde surnuméraire et aux conditions suivantes :

1° Avoir un mètre 60 centimètres de taille ;

2° Être âgé de seize ans au moins, et de trente ans au plus ;

3° Savoir lire et écrire ;

4° A l’âge de vingt ans et au-delà, avoir exercé pendant deux ans une des professions ci-après : maçon, charpentier, couvreur, plombier, menuisier, charron, serrurier, fumiste, ferblantier, ouvrier en cuir ;

5° Produire un certificat de probité, bonne vie et mœurs, délivré par le maire du lieu de sa résidence.

6. Tous les officiers du corps des gardes-pompiers seront nommés par nous sur la présentation de notre ministre de l’intérieur, d’après l’avis du préfet de police.

7. Les commandans et les capitaines seront pris de préférence parmi d’anciens officiers d’artillerie, de mineurs, sapeurs, ou officiers d’ouvriers d’artillerie réformés ou en retraite.

8. Le quartier-maître secrétaire-greffier et le garde-magasin seront nommés par le préfet du département de la Seine, ainsi que le chirurgien-major, et confirmés par notre ministre de l’intérieur.

9. Le choix des gardes-pompiers surnuméraires sera fait par le préfet de la Seine, qui sera juge des qualités des candidats qui se présenteront pour entrer dans ce corps.

10. L’avancement parmi les surnuméraires, les gardes-pompiers, pompiers, les caporaux et sergens, appartiendra exclusivement au préfet de police : il proposera de même au ministre de l’intérieur l’avancement qui pourrait être demandé à sa Majesté pour les officiers, jusque au grade le plus élevé.

11. A l’avenir, tout garde-pompier sera tenu, au moment de son admission dans le corps, de souscrire l’engagement d’y servir jusqu’à l’âge de vingt-six ans s’il est âgé de vingt ans et au-dessous ; s’il est âgé de plus de vingt ans, il souscrira un engagement de six ans.

12. Les gardes-pompiers faisant en ce moment partie du corps ne pourront le quitter qu’après en avoir averti leurs chefs par écrit un an d’avance : il n’est rien changé aux engagemens des gardes-pompiers qui en auraient contracté.

TITRE III.

Conseils d’Administration et de Discipline.

13. Il y aura un conseil d’administration composé de sept membres, savoir ;

Le commandant en chef,

Le commandant en second,

Un capitaine,

Un lieutenant,

L’ingénieur,

Un sergent-major,

En cas de partage d’opinions, le commandant aura voix prépondérante.

14. Les capitaines, lieutenans et sergens devront être pris dans des compagnies différentes.

15. Le quartier-maître remplira les fonctions de secrétaire du conseil d’administration ; il tiendra tous les contrôles du corps, les livres relatifs à la comptabilité, ainsi que le registre des rapports relatifs au service.

16. Les capitaines, lieutenans et sergens, membres du conseil d’administration, seront renouvelés chaque année.

17. Le conseil d’administration fera les fonctions de conseil de discipline.

18. Les délibérations du conseil d’administration ne pourront être exécutées qu’avec l’approbation des préfets du département et de police, chacun en ce qui le concerne.

19. Les délibérations du conseil de discipline ne seront exécutées qu’après avoir été approuvées par le préfet de police.

TITRE IV.

De la Solde et des Masses.

20. Le corps des gardes-pompiers sera soldé par la ville de Paris.

21. A compter du 1.er mai prochain, le traitement de chacun des membres qui composent le corps des pompiers, est fixé ainsi qu’il suit :

Commandant en chef : 4200,00 F

Commandant en second : 3600,00 F

Ingénieur : 2000,00 F

Garde-Magasin : 1500,00 F

Chirurgien-major : 1500,00 F

Quartier-maître : 1500,00 F

Capitaines : 2000,00 F

Lieutenans : 1500,00 F

Sergens-majors (à 1,50 F par jour) : 549,00 F

Sergens (à 1,25 F par jour) : 457,50 F

Caporaux (à 1 F par jour) : 365,00 F

Gardes-pompiers (à 0,90 F par jour) : 329,40 F

Tambour (à 0,90 F par jour) : 329,40 F

Le préfet de la Seine, sur la demande qui lui en sera faite par le préfet de police, en raison du zèle et de la bonne conduite des surnuméraires, pourra accorder à quinze d’entre eux par compagnie, une demi-solde de 50 centimes par jour.

22. Indépendamment de la solde ci-dessus, il sera accordé à chaque sous-officier, pompier et surnuméraire, une ration de pain par jour.

23. Les pompiers et les surnuméraires seront tenus de s’habiller et équiper à leurs frais : en indemnité de cette charge, ils recevront, pour chaque pompier, 10 F par mois, et pour chaque surnuméraire jouissant de la demi-solde, 5 F par mois. Les surnuméraires non appointés s’habilleront et équiperont sans aucune indemnité.

24. Le commandant en chef, le commandant en second et l’ingénieur, seront tenus d’avoir constamment un cheval de main ; ils recevront une ration de fourrage, fixée à 1,50 F.

TITRE V.

Du Matériel du corps.

25. Indépendamment du chef-lieu actuel des pompiers, il y aura trois grands postes, et au moins trente postes ordinaires. Le préfet de la Seine pourvoira à l’entretien, à l’ameublement, au chauffage et à l’éclairage des postes.

26. Les postes seront placés, autant que possible, près des édifices publics ; le préfet de police se concertera avec le préfet de la Seine, sur le choix des emplacemens.

27. Il sera conservé, autant que faire se pourra, au chef-lieu des pompiers, et dans les trois grands postes, des emplacemens propres à former des ateliers pour l’instruction et les travaux des pompiers.

28. Les pompiers et surnuméraires seront exercés aux manœuvres : à cet effet, il y aura une école à chacun des grands postes.

29. La fourniture et l’entretien des pompes, machines et agrès servant aux incendies, seront faits par les soins du préfet de la Seine, et de préférence dans les ateliers dont il est parlé à l’article 27.

Les travaux qui se feront dans lesdits ateliers, et où seront admis de préférence les gardes-pompiers et les surnuméraires, seront payés sur séries de prix arrêtés d’avance par le préfet de la Seine.

30. Le garde-magasin chargé de la surveillance des ateliers, de la garde et réception des ustensiles, agrès, etc., sous l’autorité du préfet de la Seine, déférera, sans autre autorisation, aux réquisitions qui lui seront faites par le préfet de police pour les objets de petit entretien et pour les fournitures accidentelles.

TITRE VI.

De la Surveillance du corps.

31. Le préfet de police exercera une surveillance immédiate sur le corps des pompiers. Il fera, sous l’approbation du ministre de l’intérieur, tous les réglemens relatifs au service, à la discipline, et à l’emploi du temps des pompiers.

TITRE VII.

De la Composition des postes, des Fonctions des individus composant le corps des pompiers, et de leur Instruction.

32. Le poste du chef-lieu des pompiers, et chacun des trois grands postes, seront composés de quinze hommes, savoir :

1 officier ou un sergent,

2 caporaux,

6 pompiers,

6 surnuméraires.

15. 

Il y aura toujours un officier commandant le poste du chef-lieu.

33. Chacun des postes ordinaires sera composé d’un caporal et de deux gardes-pompiers.

34. Les gardes-pompiers et surnuméraires seront instruits par leurs officiers et sous-officiers, dans les manœuvres nécessaires pour éteindre les incendies.

35. L’ingénieur sera tenu de faire toutes visites, vérifications, levées de plans et rapports qui lui seront demandés, tant par le préfet du département que par le préfet de police.

36. Le chirurgien-major visitera gratuitement les pompiers malades, et leur donnera les soins nécessaires.

37. Le service des travailleurs dans les théâtres sera fait par les surnuméraires du corps des gardes-pompiers.

TITRE VIII.

Des Récompenses et Encouragemens.

38. Il sera accordé des gratifications aux pompiers qui s’en seront rendus dignes par leur zèle, leur dévouement et leur intrépidité. A cet effet, il sera mis chaque année à la disposition du préfet de police une somme de 6000 F, faisant partie de la dépense des Pompiers à la charge de la ville de Paris.

Les états de distribution seront soumis à l’approbation du ministre de l’intérieur par le préfet de police, et le paiement en sera ordonnancé par le préfet de la Seine pour l’ordre de la comptabilité.

TITRE IX.

Soldes de Retraite, Pensions et Secours.

39. Les officiers, sous-officiers et pompiers, auront droit à des pensions et retraites, suivant le mode prescrit par la loi du 8 floréal an 11 pour tous services militaires.

40. Néanmoins, la pension de retraite, dont jouiraient les officiers au moment de leur entrée dans le corps des pompiers, et qu’ils cumuleront avec le traitement d’activité de ce corps, sera précomptée sur le montant de la pension ou retraite à laquelle ils auraient droit lorsque cessera leur activité.

41. Les veuves des officiers, sous-officiers et pompiers, ainsi que leurs orphelins, seront traités pour les pensions et secours, conformément au titre II de la même loi du 8 floréal an 11.

42. Ces pensions, retraites et secours seront proposés par le préfet de la Seine, sur l’avis du préfet de police et la présentation du conseil d’administration, et approuvés par nous sur le rapport du ministre de l’intérieur.

La dépense en sera acquittée par la ville de Paris sur le fonds destiné au corps des pompiers.

43. Nos ministres de l’intérieur et de la police générale sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret


Sapeur-pompier de 1812 (Knötel)