15-29 août 1810 – Le siège d’Almeida
Extrait de « Journaux des sièges faits ou soutenus par les Français dans la péninsule de 1807 à 1814 », tome 3. J. Belmas.
Aussitôt après la prise de Ciudad-Rodrigo, le maréchal Masséna s’occupa des préparatifs nécessaires pour faire le siège d’Almeida[1], et il acheva d’organiser ses troupes qu’il rapprocha de la frontière du Beira. Le sixième corps prit poste sur l’Azava, à deux lieues en avant de Ciudad-Rodrigo; le huitième corps, qui formait la droite resta échelonné entre l’Agueda et la Tormès, menaçant d’envahir la province de Tras-os-Montes; le deuxième corps, qui formait la gauche, passa sur la rive droite du Tage, et fut posté à Coria, prêt à entrer en Portugal par la vallée du fleuve. L’armée éprouvait les plus grandes peines pour subsister, car déjà elle avait épuisé les plaines de Salamanque et les environs de Ciudad-Rodrigo.
Cependant, il lui fallait former des magasins, pour vivre sous les murs d’Almeida et dans l’intérieur même du Portugal, où les Anglais s’étaient emparés de tous les moyens de subsistance; aussi c’était avec la plus vive impatience qu’elle attendait la moisson nouvelle.
Lettre du maréchal Masséna, prince d’Essling, au prince Berthier, major général.
Au fort de la Conception, le 20 août 1810.
Monseigneur,
Les Anglais occupent toujours les mêmes positions à Viseu, Guardaet Celorico. Bien qu’ils ne croient pas pouvoir empêcher les armées de Sa Majesté de faire la conquête du Portugal, ils emploient des moyens de défense qui appellent les plus grands maux sur le pays. Ils ont ordonné aux habitants de quitter leurs foyers ; aux femmes, aux enfants, aux vieillards, de se mettre derrière leur armée, et aux hommes de seize à cinquante ans de s’armer de fusils, de piques, de haches, de faux, etc., pour agir en partisans. Ils leur ont fourni toutes sortes d’armes, et leur ont enjoint, sous peine de mort, s’ils étaient obligés de se retirer, de ne rien laisser de ce qui pourrait servir à l’entretien et à la subsistance des armées françaises. Ces ordres ont été affichés, et ils ont été vus par nos reconnaissances dans plusieurs villages portugais qui étaient déserts et abandonnés. Mais comme il en coûte aux habitants de se conformer à des ordres aussi contraires à leurs intérêts, les Anglais sont obligés de les emmener de force. Ils pillent et dévastent les maisons, et commettent dans les pays d’où ils s’éloignent des excès qui sont dignes de cannibales. Les habitants des contrées qu’ils occupent encore ne sont pas moins malheureux. Les Anglais les ont organisés en guérillas, et ils font surveiller les paysans, qui sont consignés dans leurs villages, pour qu’ils soient prêts, « quand il le faudra » : ce sont les expressions d’une lettre d’un capitaine Moore, qui a été saisie.
Les troupes portugaises éprouvent aussi leur part de mécontentement. Elles sont traitées avec la plus grande dureté par les Anglais, et elles manquent souvent de pain, tandis que ceux-ci ont toujours ration complète. Tous les déserteurs et prisonniers, tant Anglais que Portugais, confirment tous ces faits, qui abreuvent d’humiliations un peuple à qui il ne manque peut-être que plus de lumières pour secouer le joug des Anglais. Cependant, malgré toutes ces grandes mesures, l’armée anglaise a fait filer sur Coimbra et sur les divers ports du Portugal tous ses gros équipages. Lord Wellington tient à l’embouchure du Mondégo, et près de Lisbonne, des bâtiments de transport, et les fait marquer de manière que chaque officier, sous-officier et soldat, puisse parfaitement connaître celui sur lequel il doit monter ; il a fait mettre à l’ordre de l’armée que chaque soldat, lorsqu’il devra s’embarquer, pourra prendre et emporter tout ce qui sera nécessaire à sa subsistance. Votre Altesse remarquera sûrement que le général anglais ne pouvait autoriser plus formellement le pillage et toutes sortes d’excès. La nouvelle de ces préparatifs de départ, annoncée de la même manière par nos espions et par les déserteurs, nous a été confirmée, il y a quelques jours, par un officier anglais, envoyé en parlementaire. « Nous nous battrons, disait-il, à Viseu et à Coimbra, non pas pour vous empêcher de conquérir le Portugal, mais pour l’honneur et pour faire notre devoir aux yeux de l’Europe. » Les soldats portugais qui connaissent les intentions de leurs alliés, et qui voient le peu d’empressement qu’ils mettent à faire leur devoir, craignent d’en être abandonnés comme l’ont été les Espagnols, ou que les Anglais ne les emmènent dans leurs colonies.
J’ai cru devoir vous faire connaître ces détails, Monseigneur; je ne me permettrai pas d’y joindre les observations qu’ils font naître. Le génie de S. M. est habitué à juger la conduite des Anglais, comme sa puissance à la réprimer.
Je suis avec un respectueux dévouement, etc.
Signé : MASSÉNA.
La réunion du matériel d’artillerie offrait également de grandes difficultés. L’équipage de siège qui avait servi contre Ciudad-Rodrigo se trouvait, il est vrai, augmenté des pièces trouvées dans cette place; mais, après y avoir laissé l’approvisionnement strictement nécessaire pour sa sûreté, il manquait pour l’attaque d’Almeida vingt-cinq mille projectiles, du plomb et de la poudre, et l’on ne pouvait tirer ces approvisionnements que des frontières de France, éloignées de plus de cent cinquante lieues.
Lettre du maréchal Masséna, prince d’Essling, au prince Berthier, major général.
Salamanque, le 17 juillet 1810.
Monseigneur,
Nous éprouvons bien des difficultés pour pouvoir réunir des subsistances à Ciudad-Rodrigo, à l’effet de marcher sur Almeida, et d’investir cette place, difficultés qui retarderont cette opération indispensable pour le siège. La moisson n’est pas encore faite; et ce qui est pour nous le plus embarrassant, c’est de ne pas avoir de transports : l’intendant général fait bien ce qu’il peut, mais tous les moyens nous manquent.
Les Anglais et les Portugais sont toujours dans les mêmes positions, tenant le fort de la Conception et Almeida.
On travaille avec beaucoup d’activité à rétablir la place de Ciudad-Rodrigo, et à réorganiser le parc de siège. Nous aurions besoin de deux cents hommes d’artillerie, parce que le siège nous en a beaucoup consommé, et que notre équipage de siège se trouve augmenté. Je prie Votre Altesse de nous en faire envoyer. Les Espagnols se sont séparés des Anglais; La Romana se recrute, et, si une grande mésintelligence règne entre les Anglais et les Espagnols, les Portugais ne sont guère plus contents des premiers.
Les bandes de guérillas se multiplient et se grossissent tous les jours, et les détachements envoyés pour la rentrée des subsistances sont souvent attaqués : les brigands sont toujours battus, mais nous sommes obligés de renforcer nos détachements et de les multiplier. La position que l’armée occupe lui permet peu ce genre de guerre, et il serait nécessaire qu’il y eût à Salamanque une division chargée exclusivement du maintien de l’ordre dans la province.
J’ai l’honneur d’être avec un respectueux dévouement, etc. Signé : MASSÉNA.
Avant que les préparatifs fussent terminés, le maréchal Masséna voulut s’assurer si le fort de la Conception, carré bastionné, situé sur la frontière de Portugal, à cinq lieues de Ciudad-Rodrigo, n’entraverait pas sa marche, et s’il n’absorberait pas à lui seul tous nos moyens de siège. En conséquence, il donna l’ordre au maréchal Ney, commandant du sixième corps, de pousser une forte reconnaissance sur l’avant-garde anglaise, et de s’avancer même jusqu’à Almeida, afin de sonder les dispositions de lord Wellington, dont l’armée se tenait en position de Guarda à Pinhel en arrière de la Coa.
Le 21 juillet, le maréchal Ney déboucha de Gallegos avec la division d’infanterie du général Loison[2], la division de cavalerie légère du général Treillard[3] et quelques pièces d’artillerie légère. A l’approche des troupes françaises, le général Crawfurd, commandant l’avant-garde anglaise, fit sauter le fort de la Conception auquel il s’appuyait, et battit en retraite. Nos troupes arrivèrent sur le glacis du fort au moment de l’explosion, qui n’endommagea que deux bastions.
L’ennemi fut poursuivi, et défendit le lendemain la rive gauche du Turones, puis le ravin en arrière de Val de la Mula. Mais, tourné dans ses positions, il fut obligé de se retirer sous le canon d’Almeida. Le maréchal Ney, jugeant le moment favorable pour investir la place, réunit tout son corps d’armée et déboucha, le 24 juillet à six heures du matin, de Val de la Mula. Les troupes françaises, formées en quatre colonnes, marchèrent droit sur la ligne anglaise, et l’abordèrent sans répondre à son feu. Dans ce moment, celui de la place devint des plus vifs; mais déjà, la brigade Ferrey, débordant la droite de l’ennemi, allait lui couper la retraite ou le forcer à se jeter dans la place, lorsque le général Crawfurd se décida à se retirer par la grande route; il repassa la Coa, vivement poussé par notre cavalerie, après avoir perdu douze cents hommes, dont une centaine furent faits prisonniers. La Coa coule dans un ravin profond et très escarpé, à une demi-lieue en arrière d’Almeida. Une montagne d’un accès difficile s’élève sur la rive gauche, au débouché du vieux pont en pierre sur lequel passe la grande route de Pinhel. Cette position formidable dominait la rive droite de deux à trois cents pieds, et était couverte de petits murs en amphithéâtre qui formaient autant de retranchements naturels derrière lesquels l’ennemi s’était embusqué. Notre attaque aurait dû s’arrêter là; mais nos troupes, emportées par leur ardeur, voulurent forcer le passage, quoiqu’il ne fût alors pour nous d’aucune utilité. Les bataillons d’avant-garde, harassés par la marche et le combat de la journée, attaquèrent successivement à mesure qu’ils arrivaient, mais aussi ce fut sans succès. Le pont était couvert de morts, lorsqu’à quatre heures du soir, survint une pluie abondante qui mit fin au combat. Notre perte s’éleva à près de huit cents hommes ; celle de l’ennemi ne fut guère que de trois cents. Pendant la nuit, il nous abandonna le pont qu’il s’était opiniâtre à défendre, et se retira sur Pinhel. La journée du 24 se termina par l’investissement d’Almeida.

La place d’Almeida est défendue par quatre régiments portugais : elle est bien pourvue en munitions et en grosse artillerie, et elle a deux gouverneurs, dont un anglais. La garnison a tenté deux sorties dans la journée du 36: l’une, de six cents hommes et soixante chevaux, sur la division Loison, avait pour but de détruire des maisons qui sont à deux cents toises des ouvrages ; et l’autre, de trois cents hommes et quarante chevaux, sur la droite du général Marchand, d’enlever quelques gerbes de blé qui se trouvent près du faubourg; mais toutes deux ont été repoussées de manière à faire échouer les projets de l’ennemi. Il a perdu dans la première une quarantaine de cavaliers, qui ont été fusillés à brûle-pourpoint. Nous n’avons perdu que deux hommes de la légion du Midi. Hier la garnison a tenté une troisième sortie pour enlever les mêmes gerbes de blé : elle n’a pas été plus heureuse que dans les précédentes : nous lui avons pris une pièce de canon, et nous lui avons tué quelques hommes. Le but de toutes ces sorties paraît annoncer que la place n’est pas aussi bien approvisionnée en vivres qu’en artillerie. (Masséna à Berthier – 29 juillet 1810)
Le 25 juillet, une division d’avant-garde, formée de la brigade d’infanterie du général Ferrey et de la brigade de cavalerie légère du général Lamotte, passa la Coa, et se porta sur Pinhel. La division anglaise du général Picton[4], qui occupait cette ville, se retira pendant la nuit, et l’armée anglo-portugaise fit un mouvement général de retraite, l’aile gauche en arrière, pour occuper la ligne de Guarda à Trancoso par Celorico où lord Wellington établit son quartier général. La cavalerie anglaise, seule, resta à Alverca et à Freixadas, où se trouvait un télégraphe au moyen duquel l’ennemi demeura en communication constante avec Almeida. Notre avant-garde prit position sur les bords de la Pinhel, ayant sa droite à la ville de Pinhel même, et sa gauche à Freixo, afin d’observer les routes de Celorico et de Guarda. Le reste du sixième corps resta autour de la place d’Almeida pour en former le blocus. Le maréchal Ney établit son quartier général à Malpartita, à une demi-lieue de la ville. Dès le premier jour de l’investissement, la garnison fit une sortie avec douze cents hommes, pour enlever des meules de grain qui se trouvaient sous le canon de la place; mais, vivement repoussée, elle laissa sur le glacis une pièce de canon et quelques voitures dont s’emparèrent nos voltigeurs.
Bien que le mouvement du sixième corps fût prématuré, puisque les vivres et le matériel n’avaient pu encore être réunis, il eut néanmoins l’avantage de nous faire connaître les intentions de lord Wellington, et de nous faire présumer que rien ne viendrait troubler le siège projeté. Il nous rendit aussi maître de tout le pays compris entre Almeida et Ciudad-Rodrigo, qui, nous offrant une belle récolte en grains, nous dispensait de recourir à de longs transports pour approvisionner nos magasins. Les troupes firent des baraques en bois et en torchis, recouvertes en paille, et organisèrent des manutentions. Chaque régiment eut ses brigades de moissonneurs et de batteurs, avec sep moulins et ses fours, et put ainsi se procurer en pain pour trois ou quatre jours d’avance, et même du biscuit. Cette administration régimentaire rendit les plus grands services, et le soldat n’eut pas à redouter pour le nouveau siège les privations qu’il lavait éprouvées à celui de Ciudad-Rodrigo.
Le 28 juillet, le maréchal Masséna vint visiter les camps et fit la reconnaissance de la place, accompagné du maréchal Ney, et des généraux Éblé et Lazowski[5], commandants de l’artillerie et du génie à l’armée de Portugal. Le lendemain il retourna à Ciudad-Rodrigo activer les préparatifs de l’artillerie et la réunion des subsistances et des moyens de transport.
Almeida est une petite ville d’environ quinze cents âmes, située sur un plateau qui domine tous les environs. Sa forme est celle d’un hexagone bastionné avec demi-lunes et chemins couverts. Un vieux château carré, flanqué de tours, bâti sur un monticule dans l’intérieur de la ville, lui sert de réduit. Cette place passait pour la plus forte du Portugal. Ses abords, hérissés de rochers, offrent les plus grandes difficultés pour creuser des tranchées, et ses fossés eux-mêmes sont en partie taillés dans le roc: quatre-vingt dix-huit bouches à feu armaient ses remparts. Le colonel anglais Williams Cox commandait dans la place avec une garnison d’environ six mille hommes, composée d’un régiment de ligne portugais, d’un détachement de cavalerie, de trois régiments de milice et de trois cents canonniers.
Le général Lazowski, d’accord avec le général Éblé, désigna comme point d’attaque le bastion Saint-Pierre et les deux demi-lunes collatérales. L’escarpe de ces ouvrages se présentait à découvert, et le terrain qui s’étend en avant offrait un beau plateau où l’on trouvait pour les cheminements plus de terre que sur tout autre point. On se mit aussitôt à faire des gabions et des fascines et à compléter tous les autres approvisionnements nécessaires au siège; mais le peu de ressources que présente le pays, l’éloignement des bois et le manque de transports retardèrent beaucoup l’achèvement des préparatifs et l’ouverture de la tranchée. La plus grande partie des gabions furent faits dans des bois de chênes verts, qui se trouvent aux environs du fort de la Conception, à deux lieues d’Almeida. On les apporta sur des charrettes à boeufs, et même à dos d’hommes. On fit faire à Salamanque quinze ou vingt mille sacs à terre; et comme presque toutes les ressources en ce genre avaient été épuisées au siège de Ciudad-Rodrigo, le général Reynier, commandant du deuxième corps, reçut l’ordre de faire des réquisitions de toiles dans la vallée du Tage. Chaque compagnie de sapeurs n’avait que son caisson d’outils ; on manquait de pelles et de pioches ; et il n’y avait ni mineurs ni outils de mines, privation d’autant plus grande que le terrain où l’on devait ouvrir la tranchée était de roc, et qu’il fallait mettre en état, pour les mouvements de l’armée, un grand nombre de chemins pratiqués dans les rochers. A son passage à Bayonne, le général Lazowski avait reçu l’ordre d’y faire confectionner six mille outils et vingt caissons, qui, attelés de mules, devaient suivre les mouvements du quartier général; mais le manque de fonds avait empêché l’exécution de ce projet. Ce général appela auprès de lui une partie des officiers du génie des trois corps d’armée, les sapeurs et leurs caissons. Il fit prendre tous les outils et toutes les charrettes qui se trouvaient dans le pays, et le maréchal Masséna mit à sa disposition des chevaux du train des équipages militaires. Un crédit de 100,000 fr, lui fut ouvert pour les travaux du siège, sur les fonds provenant de la contribution de guerre frappée à Ciudad-Rodrigo.
Lettre du maréchal Masséna, prince d’Essling, au prince Berthier, major général.
Ciudad-Rodrigo, le 10 août 1810.
Monseigneur,
L’ouverture de la tranchée devant Almeida ne pourra avoir lieu que le 15 de ce mois. Les difficultés qu’éprouve le génie à se procurer des bois pour les fascines et les fagots de sape, ainsi que plusieurs autres objets indispensables, donnent nécessairement lieu à ces retards, quoiqu’on ne ménage ni recherches, ni soins, ni activité dans les travaux préparatoires.
Je crois devoir saisir cette occasion de prévenir Votre Altesse que les dépenses qu’exigera le siége s’élèveront au moins à 100,000 francs, parce que les travaux seront considérables, à raison de ce que le sol environnant la place est couvert de rochers. Une semblable somme est approximativement jugée nécessaire pour remettre Ciudad-Rodrigo en état do défense. Je ferai acquitter ce qui sera dépensé pour ces deux objets sur les fonds provenant de la contribution de 500,000 francs que j’ai frappée sur la ville de Rodrigo, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous en prévenir le 17 juillet, et dont nous pourrons à peine recouvrer la moitié. Mais il me semble raisonnable que ces sommes soient comprises dans les crédits ouverts au génie, pour être remplacées dans les caisses de l’armée, dont la situation est loin d’être satisfaisante.
Je prie Votre Altesse de ne pas perdre de vue la demande que je lui ai faite, d’envoyer au moins une division dans la province de Salamanque, pour maintenir les communications, faire rentrer les denrées et les escorter, attendu qu’il me sera impossible d’y laisser aucune troupe des 6e et 8e corps, qui diminuent d’ailleurs tous les jours par suite des maladies que causent les chaleurs excessives.
L’ennemi est toujours dans les mêmes positions, et rien n’annonce l’intention d’un mouvement offensif de sa part.
Je suis, avec un respectueux dévouement, etc. Signé: MASSÉNA.
L’artillerie éprouvait aussi de grandes difficultés pour compléter son matériel, et ce ne fut que le 5 août que l’équipage de siège rassemblé à Ciudad-Rodrigo put commencer à se mettre en route pour Almeida. Il se composait de soixante-cinq bouches à feu, savoir : quinze pièces de 24, dix de 16, quinze de 12, un mortier de douze pouces, cinq de dix pouces, trois de huit, douze obusiers de six pouces et quatre pierriers. Un grand nombre de chevaux du train étaient déjà morts de fatigue ou par suite du manque de fourrage, et beaucoup d’autres étaient hors de service; ceux, qui restaient se trouvaient dans un état si misérable qu’il en mourait dix ou quinze par jour. On fut obligé d’employer une partie des attelages de campagne du cinquième corps et du huitième; néanmoins, les transports éprouvèrent de très grands retards; et, quoique la distance de Ciudad-Rodrigo à Almeida ne fut que de sept lieues, le mauvais état des chemins et la faiblesse des chevaux obligèrent chaque convoi d’employer deux jours à faire ce trajet, même en doublant les attelages.
D’un autre côté, le maréchal Masséna prenait des dispositions pour protéger le siége dans le cas où lord Wellington voudrait le faire lever, et pressait l’exécution des mesures nécessaires pour ouvrir la campagne. Voulant occuper les postes fortifiés qui se trouvaient sur ses flancs, et en même temps menacer l’ennemi sur divers points; afin de le tenir dans l’incertitude sur la direction de nos mouvements ultérieurs, il donna l’ordre le 27 juillet au général Reynier de porter le deuxième corps de Goria à Zarza la Mayor, d’occuper à sa gauche Alcantara, et de s’emparer à sa droite des forts de Penemacor et de Monsanto. Le général Montbrun fut chargé de garder avec la cavalerie de réserve la frontière du Portugal, d’Alfayates à Almeida et de lier la droite du deuxième corps au reste de l’armée. Le général Junot, commandant du huitième corps, dut reconnaître les passages de l’Agueda et se tenir prêt à déboucher, soit sur Castel-Rodrigo, soit sur Almeida. Enfin le général Seras qui, avec dix mille hommes, couvrait l’extrême droite dans le royaume de Léon, dut marcher sur la petite place de Puebla de Sanabria, dont il s’empara.
Le 15 août, jour de la fête de l’Empereur, les préparatifs de siège se trouvèrent à peu près terminés ; le quart du matériel d’artillerie était arrivé sous les murs d’Almeida, et les autres convois devaient se succéder chaque jour sans interruption. Le maréchal Masséna donna l’ordre d’ouvrir la tranchée; et, pour suivre de plus près les opérations du siège, il porta son quartier général au fort de la Conception.
1e. Nuit, du 15 au 16 Août : deux mille cinq cents travailleurs.
Le plateau sur lequel on devait ouvrir la tranchée, devant le bastion Saint-Pierre, offrant un terrain rocailleux où le bruit des outils n’aurait pas manqué d’éveiller l’attention de l’ennemi, on jugea convenable, pour distraire son attention, de faire une fausse attaque dans le vallon où coule le ruisseau d’Alvercas, au nord-est de la place. Le capitaine du génie Vincent fut chargé à la chute du jour de faire cette démonstration, avec cinq cents travailleurs et cinquante sapeurs; l’ennemi ainsi trompé dirigea pendant trois heures un feu très vif sur le travail que les plis du terrain dérobaient en partie à ses coups, à la faveur de cette fausse attaque, deux mille cinq cents travailleurs et cent cinquante sapeurs, munis chacun d’une fascine, d’une pelle et d’un pic à roc, ouvrirent devant le bastion Saint-Pierre, et à une distance d’environ quatre cents mètres du chemin couvert, une portion de première parallèle de mille mètres de développement, ainsi que les communications de droite et de gauche . Ces travaux, dirigés par les chefs de bataillon du génie Nempde, Bruley et Morlet, furent protégés par trois bataillons, sous les ordres du général Simon[6]. Bien que la lune brillât dans tout son éclat, le feu de la place inquiéta faiblement les travailleurs, qui se trouvèrent à peu près couverts à trois heures du matin ; mais à cette heure on les releva parce que la nature rocailleuse du terrain avait fait craindre que la parallèle ne fût pas praticable au jour. La tranchée avait à peu près trois pieds de profondeur sur autant de largeur, à l’exception de plusieurs parties tant de la parallèle que des communications qui, n’ayant pu être approfondies à cause du rocher, furent masquées par un double rang de gabions remplis de terre. Nous eûmes quatre hommes de tués et dix de blessés.
Au jour, deux mille travailleurs furent employés à élargir et à approfondir la parallèle et ses communications. On commença à pétarder les blocs de rochers qui s’y trouvaient.
2e Nuit, du 16 au 17 août : deux mille travailleurs.
On prolongea la première parallèle de deux cent quarante mètres à la gauche, afin d’éclairer le vallon situé de ce côté. On ouvrit en même temps une troisième communication pour arriver au centre de la parallèle. Le roc qu’on rencontra partout ne permit pas de mettre la tranchée à profondeur, et l’on fut obligé au jour de suspendre le travail. Le manque de travailleurs força de commander pour cette nuit et pour le jour suivant une partie de ceux qui déjà avaient été employés la nuit précédente. Il se trouva ainsi que des détachements n’eurent pas quatre heures de repos sur vingt-quatre; trente bataillons étaient campés sous les murs de la place, mais le service des manutentions et des vivres absorbait beaucoup d’hommes. Cette nuit et les suivantes, les travaux furent protégés par une ligne des tirailleurs embusqués dans des trous creusés en avant des tranchées. On organisa pour ce service une compagnie de cent cinquante hommes choisis parmi les meilleurs tireurs de l’armée. Cette compagnie fut mise sous le commandement du capitaine Palandre, adjoint à l’état-major, et remplaça le bataillon des chasseurs de siège, qui, formé pour le siège de Ciudad-Rodrigo, avait été presque entièrement détruit lors de l’attaque du pont de la Coa par l’avant-garde du sixième corps, dont il faisait partie. Elle vint camper près des sapeurs, et fournit chaque jour cinquante hommes de service.
Dans la journée, on continua d’élargir la parallèle et ses communications. Vingt sapeurs furent occupés à pétarder le rocher dans la tranchée; ce travail était fort long, parce qu’on n’avait ni mineurs ni outils de mines. Nous eûmes deux hommes de tués et cinq de blessés.
3e Nuit, du 17 au 18 août : deux mille travailleurs.
La droite de la première parallèle fut prolongée de quatre-vingts mètres pour dépasser le prolongement de la face droite de la demi-lune 4, comprise dans l’attaque. Toute la partie gauche de la parallèle fut portée à quatre pieds et demi de largeur. On ouvrit le reste de la communication du centre.
Au jour, les généraux Éblé et Lazowski déterminèrent en avant de la première parallèle la position de onze batteries, savoir :
Le n° 1, de trois obusiers, devant ricocher la face droite du bastion Saint-François.
Le n° 2, de deux pièces de 16 et de deux obusiers, devant ricocher la face droite de la demi-lune 4.
Le n° 3, de deux pièces de 16 et d’un obusier, devant ricocher le chemin couvert de la face droite de la demi-lune 4.
Le n° 4, de quatre mortiers de dix pouces, destiné à rainer les défenses du front d’attaque pendant le jour et à incendier la ville pendant la nuit.
Le n° 5, de trois pièces de 24, de quatre de 16 et d’un obusier, destiné à ricocher la face droite du bastion Saint-Pierre et à en battre de plein fouet la face gauche.
Le n° 6, de deux pièces de 12 et d’un obusier, devant ricocher le chemin couvert de la face droite du bastion Saint-Pierre.
Le n° 7, de deux pièces de 24, de deux de 16 et de quatre de 12, établi sur la capitale du bastion Saint-Pierre, pour ruiner les défenses de ce bastion et celle des courtines collatérales.
Le n° 8, d’un mortier de douze pouces et de trois mortiers de huit pouces, destiné pendant le jour à ruiner les défenses du front d’attaque, et, pendant la nuit, à incendier la ville conjointement avec le n° 4.
Le n° 9, de deux pièces de 12 et d’un obusier, ricochant la branche du chemin couvert de la face gauche du bastion Saint-Pierre.
Le n° 10, de cinq pièces de 24, de deux de 16, et d’un obusier devant ricocher la face gauche du bastion Saint-Pierre, et en battre de plein fouet la face droite.
Le n° 11, d’une pièce de 12 et de deux obusiers, ricochant la face gauche de la demi-lune 2.
Nous eûmes deux hommes de tués et quatorze de blessés.
4e Nuit, du 18 au 19 août : deux mille quatre cents travailleurs.
On continua à pétarder le rocher pour donner une largeur de douze pieds à la parallèle et de neuf aux communications. Le service des tranchées et des manutentions fatiguant beaucoup les soldats, on réduisit la garde de tranchée à neuf compagnies de grenadiers, de trois bataillons qu’elle était d’abord.
L’artillerie travailla à ses batteries.
Dans la journée, on ouvrit à l’extrême gauche de la parallèle une communication pour arriver à la batterie n° 11.
Nous eûmes trois hommes de tués et vingt et un de blessés.
5e Nuit, du 19 au 20 août : huit cents travailleurs.
Afin de protéger contre les sorties la batterie n° 1, qui ne pouvait recevoir aucune protection de la première parallèle, on construisit à côté de cette batterie une flèche pour un poste de cent cinquante hommes. La construction des batteries de mortiers et d’obusiers avança rapidement par la faculté qu’on eut d’enterrer ces batteries.
Au jour, l’ennemi fit un grand feu, principalement sur nos batteries en construction ; vingt-cinq canonniers y furent mis hors de combat. Entre huit et neuf heures du soir, une fusée, donnant beaucoup de clarté, parut à l’horizon dans la direction de Celorico : on présuma qu’elle partait du point où l’ennemi avait un télégraphe pour communiquer avec la place. Nous eûmes six hommes de tués et trente-deux de blessés.
6e Nuit, du 20 au 21 août.
On fit des banquettes dans toute la partie droite de la parallèle, et l’on continua les déblais de rocher, principalement à la gauche et au centre, où il fallut encore plusieurs jours avant que les communications fussent praticables pour l’artillerie. On continua les travaux de la flèche commencée la nuit précédente pour soutenir la batterie n° 1. Le feu de la place fut assez vif, mais mal dirigé.
Dans la journée, les travaux des batteries se trouvèrent très avancés. Le maréchal Masséna, pensant que lord Wellington n’attendait que le signal de notre feu pour venir au secours de la place, ordonna au général Junot de concentrer tout le huitième corps sur l’Agueda, pour pouvoir au besoin se porter en quelques heures sur Castel Rodrigo ou sur Almeida. Il ordonna en même temps au général Reynier de s’avancer avec le deuxième corps vers Alfayates, lui recommandant surtout d’observer le pont de Sabugal sur la Coa, par lequel les Anglais pouvaient déboucher sur le flanc gauche du sixième corps.
Nous eûmes trois hommes de tués et treize de blessés, dont un sapeur.
7e Nuit, du 21 au 22 août.
Douze cents travailleurs furent employés à ouvrir, en avant de la première parallèle, deux longs boyaux qui furent se joindre sur la capitale du bastion Saint-Pierre; ce travail, quoique très rapproché de la place, fut tracé à la fascine, et exécuté malgré la mitraille de l’ennemi.
Au jour, les nouveaux boyaux furent portés partout à une largeur de six pieds, si ce n’est à l’entrée du boyau de gauche, où l’on trouva l’eau en abondance, ce qui força d’abandonner le travail. On perfectionna aussi la portion de parallèle qui servait de communication à la batterie n° 11. Il s’y trouvait plusieurs blocs de rocher qu’il fallut pétarder.
Nous eûmes quatre hommes de tués et vingt de blessés, parmi lesquels se trouva le sapeur Demarsies. Au moment où ce brave tomba, frappé d’une balle qui lui traversait les deux cuisses, ses camarades l’entourèrent pour lui donner des secours. Craignant d’affaiblir leur courage par la vue de ses blessures, il leur dit : « Ce n’est rien, mes amis, retournez au travail, je puis marcher seul. Je n’ai qu’un seul regret, c’est de ne pas entrer par la brèche avec vous. » Il persista à se traîner seul jusqu’à la queue de la tranchée, où se trouvait l’ambulance. Le général Simon le recommanda d’une manière particulière dans son rapport.
8e Nuit, du 22 au 23 août : douze cents travailleurs.
On prolongea la première parallèle à la droite, afin de communiquer avec la batterie n° 1. On travailla aux deux boyaux ouverts la nuit précédente en avant de la première parallèle. On refit par un nouveau tracé en zigzag; celui de gauche, afin d’éviter les eaux qui s’y trouvaient; mais on rencontra le rocher qu’il fallut pétarder. Les tirailleurs furent portés en avant, et placés de manière à mieux voir les embrasures du front d’attaque. Les batteries de droite purent être approvisionnées à cent coups par pièce ; mais pour approvisionner celles de gauche, il fallut attendre que leurs communications fussent praticables aux voitures. Le lieutenant d’artillerie Lemoine fut blessé, ainsi qu’un officier du cinquante-neuvième de ligne.
Dans la journée, on perfectionna la communication de la batterie n° 11 et les deux boyaux entrepris en avant de la première parallèle; on porta à six pieds de largeur la portion de tranchée ouverte pendant la nuit pour arriver à la batterie n° 1, et l’on refit, sur un chemin qu’elle traversait, le parapet de la tranchée que l’ennemi avait détruit à coups de canon. Le capitaine du génie Coffinhal fut blessé dans ce travail par un gabion qu’un boulet renversa sur lui.
Nous eûmes cinq hommes de tués et vingt-six de blessés.
9e Nuit du 23 au 24 août : douze cents travailleurs. |
On continua la communication de la batterie n° 1. On transporta dans les deux boyaux ouverts en ayant de la première parallèle, des gabions et des fascines pour les travaux ultérieurs, et l’on fit une place d’armes à l’angle saillant formé par leur rencontre. On acheva de déblayer la parallèle et ses communications des rochers qui les obstruaient, et l’on y fit des rampes pour faciliter l’armement des batteries. Le lieutenant d’artillerie Davezac et un officier du vingt-septième régiment de ligne furent blessés.
Nous eûmes un homme de tué et vingt-trois de blessés.
10e Nuit, du 24 au 25 août : douze cents travailleurs.
On ouvrit la deuxième parallèle à environ deux cents mètres de la place. Ce travail, tracé au gabion et à la fascine, fut exécuté dans le rocher, malgré un feu des plus vifs de la place. Les capitaines Beaufort d’Haupoul et Vauvilliers furent bléssés par des éclats de pierres. Au jour, la tranchée n’étant pas encore assez avancée pour qu’on pût s’y maintenir, on en retira les travailleurs. Toutes les batteries furent terminées et approvisionnées, et l’on commença l’armement de celles de droite. Nous eûmes six hommes de tués et trente-neuf de blessés.
11e Nuit, du 25 au 26 août.
La deuxième parallèle fut élargie et approfondie dans les trois quarts de sa longueur; mais, au jour, on ne put travailler vers ses extrémités, où le terrain ne présentait que le roc nu. On acheva l’armement de toutes les batteries : les obusiers furent placés dans le prolongement de la crête des chemins couverts, pour briser les palissades.
Nous eûmes quatre hommes de tués et vingt-quatre de blessés.
A six heures du matin, notre artillerie commença son tir avec cinquante-deux bouches à feu, réparties dans les batteries n° 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11. Elle obtint bientôt une supériorité marquée sur celle de l’ennemi. Quelques maisons dans la ville furent incendiées, et plusieurs dépôts de poudre firent explosion sur le rempart du front d’attaque : à quatre heures du soir, la place ne tirait presque plus. A sept heures, une détonation épouvantable se fit entendre; la terre trembla tout à coup, et l’on vit s’élever du centre de la ville un immense tourbillon de feu et de fumée; deux bombes lancées de la batterie n° 4, étaient tombées à la fois sur le grand magasin à poudre du château, qui renfermait cent cinquante mille livres de poudre, et y avaient mis le feu : ce fut l’éruption d’un volcan. La cathédrale et les trois quarts des maisons de la ville furent détruites. Cinq cents habitants et un grand nombre de soldats de la garnison, parmi lesquels cent quatre-vingts canonniers, furent ensevelis sous les ruines. Le reste des troupes ne furent préservées que par les casemates qu’elles habitaient. Nous-mêmes, nous perdîmes quelques hommes. Les tranchées furent remplies de décombres, et des blocs énormes de pierres et des pièces du plus gros calibre furent projetés dans la campagne, par-dessus les remparts. Néanmoins les fortifications de la place restèrent intactes, et il n’y eut qu’une partie de la courtine voisine du château qui fut un peu endommagée. A la suite de cette explosion, un violent incendie se manifesta dans la ville, et dura toute la nuit. Le gouverneur, craignant une attaque, avait fait battre la générale, et avait mis toutes ses troupes sous les armes. Nos batteries de mortiers et d’obusiers continuèrent le bombardement
Après la prise de cette place (Ciudad-Rodrigo), nous passâmes la Coa et fûmes investir Almeida, Wellington se retira, laissant dans la place cinq mille hommes de garnison, Anglais et Portugais. Le maréchal Ney fut encore chargé de ce siège ; les autres corps durent le couvrir. Almeida était à juste titre regardé comme le boulevard du Portugal de ce côte ; nous attendions une résistance très sérieuse que celle que nous avions éprouvée à Rodrigo. L’ennemi fit plusieurs sorties dès l’ouverture de la tranchée, il fut chaque fois refoulé dans la place. Le quatorzième jour, nous ouvrîmes le feu de toutes nos batteries ; mon bataillon était de service dans la tranchée. L’ennemi répondait par un feu très vif, lorsqu’une de nos bombes tomba sur un baril de poudre, au moment où les Portugais tiraient des munitions de l’arsenal pour alimenter les magasins de service sur les remparts. Le feu se communiqua dans l’intérieur du grand magasin à poudre; celui-ci sauta avec un fracas épouvantable. Il est impossible de voir à la fois un spectacle plus affreux et plus terrible. Des pièces de 24 furent lancées dans la plaine, brisées en plusieurs morceaux; une grêle de pierres nous arriva dans la tranchée, tuant ou blessant plus de quatre cents hommes. La terre trembla, nous fûmes tous renversés; une colonne de feu s’élevait dans les airs, la ville entière était embrasée. Il était onze heures du soir. La colonne de feu se vit à plus de six lieues. L’artillerie cessa de tirer immédiatement de part et d’autre. Nous entendîmes bientôt de lamentables gémissements venant de la place ; il était facile de reconnaître que le magasin à poudre principal venait de sauter. Je crois qu’il est impossible de voir un spectacle plus imposant. Nous entendîmes avec anxiété la pointe du jour.
Aux premiers rayons du soleil, nous cherchâmes à reconnaître les objets. Almeida n’existait plus. Un immense amas de pierres couvrait toute la ville ; les remparts renversés dans les fossés les avaient comblés. Nous eûmes beaucoup de peine à pénétrer dans ce monceau de ruines. De tous cotés, nous entendions des cris plaintifs ; des hommes mutilés et à moitié ensevelis sous des décombres demandaient du secours ; d’autres, à moitie brûlés, accablés par la douleur, demandaient pour toute grâce qu’on les achevât. Il n’y avait plus de rues, pas une maison debout ; jamais l’image de la destruction ne se présenta plus complète. Nous quittâmes cette scène de désolation et fûmes camper en avant de la ville. Le maréchal Ney occupa une partie de ses troupes pendant quatre jours à rechercher les malheureux qui vivaient encore. On put en ramasser quatre cents ou cinq cents qui furent transportés aux hôpitaux de Rodrigo et de Salamanque. La population, qui en raison du bombardement s’était presque toute retirée dans les caves, avait moins souffert que la garnison, mais sa position n’était pas moins affreuse. Les maisons renversées bouchaient toutes les issues, des familles entières étaient ensevelies vivantes et ne pouvaient se faire entendre ; il était impossible de les découvrir. Leur agonie dut être bien cruelle ; la plupart ayant des vivres purent exister longtemps avant que la mort vint mettre un terme à leurs souffrances. Quelques mois après, lorsque les troupes qui nous avaient relevées eurent un peu déblayé, on entra dans une des caves où l’on trouva dix-sept cadavres ; plusieurs avaient les poings rongés. Il était facile de voir qu’ils étaient morts de faim. Cette catastrophe, affreuse pour l’humanité, n’était pas moins un fait de guerre heureux pour nous. Nous nous étions rendus maîtres d’Almeida bien plus promptement que nous l’espérions. (Mémoires du général d’Hauptoul)
12e Nuit, du 26 au 27 août.
On profita du désordre qui régnait dans la place pour reconnaître le chemin couvert, et s’avancer en zigzags sur le glacis; mais le temps qu’on mit à déblayer les terres et les décombres jetés par l’explosion dans la deuxième parallèle, ne permit pas de pousser le cheminement aussi rapidement qu’on l’espérait. A minuit, les assiégés ayant aussi débarrassé leurs banquettes, commencèrent un feu de mousqueterie assez vif, tant du chemin couvert que du rempart.
Nous eûmes quatre hommes de tués et vingt-huit de blessés.
A neuf heures du matin, le maréchal Masséna comptant sur le désordre qui régnait dans la place, envoya un parlementaire au gouverneur, pour l’engager à se rendre.
Sommation adressée au gouverneur d’Almeida, par le maréchal Masséna.
Au camp devant Almeida, le 27 août 1810.
Monsieur le gouverneur, la ville d’Almeida est incendiée. Toute mon artillerie de siège est en batterie, et l’armée anglaise est dans l’impossibilité de venir à votre secours. Rendez-vous donc à ta générosité des armées de Sa Majesté impériale et royale ; je vous offre des conditions honorables. Pour les accepter, consultez ce qui s’est passé à Ciudad-Rodrigo, l’état déplorable dans lequel cette ville se trouve, et les malheurs qui seraient réservés à Almeida, si vous prolongiez une défense inutile.
Agréez, Monsieur le gouverneur, les assurances de ma considération distinguée.
Signé : MASSÉNA.
Les hostilités et les travaux cessèrent de part et d’autre. Pendant qu’on parlementait, le marquis d’Alorna, général de division portugais, et plusieurs autres officiers généraux ou supérieurs de cette nation, qui suivaient l’armée française, s’approchèrent de la place. Ils furent reconnus du haut des remparts par une grande partie de leurs compatriotes qui témoignèrent une vive satisfaction d’être bientôt débarrassés du joug des Anglais. Leur joie s’accrut encore, lorsqu’ils apprirent que l’Empereur avait attaché à son service, et dans leurs grades, les officiers portugais qui se trouvaient en France, et les avait admis dans les rangs de l’armée française. Cependant le gouverneur cherchait par des réponses évasives à gagner du temps.
Votre Excellence m’a proposé de lui remettre la place et de me rendre ainsi que la garnison à la générosité des armées françaises. Comme je ne me trouve pas réduit à la dernière extrémité, je désire connaître auparavant les termes de cette proposition. Je me détermine simplement à entrer en négociation, si les conditions nous sont avantageuses. En attendant la réponse de Votre Excellence, je fais suspendre les hostilités et les travaux, dans la persuasion qu’elle en fera autant de son côté.
Le maréchal Masséna voyant qu’il ne répondait pas catégoriquement, rompit toute négociation. Notre feu recommença à huit heures du soir, et nous réprimes nos travaux de cheminement, sur le glacis pour faire le couronnement du chemin couvert. La place ne tirait plus. Les soldats de la garnison s’assemblèrent, et signifièrent à leurs officiers que si le gouverneur ne capitulait pas, ils allaient ouvrir les portes aux troupes françaises. A onze heures du soir, le gouverneur envoya donc un nouveau parlementaire portant l’acceptation de la capitulation qui lui avait été proposée.
Lettre du maréchal Masséna, prince d’Essling, au prince Berthier, major général.
Au fort de la Conception, le 28 août 1810.
Monseigneur,
Par ma dernière dépêche, j’avais eu l’honneur de vous prévenir que, dans la journée du 26, le feu de la place d’Almeida avait répondu au nôtre jusqu’à quatre heures du soir; qu’alors il avait cessé entièrement; qu’à sept heures, une explosion considérable s’était manifestée dans la place, et que les incendies avaient été entretenus toute la nuit par nos bombes et nos obus. Cet état de choses me détermina à sommer, hier matin, le gouverneur de se rendre. Il m’envoya des officiers pour parlementer. Je leur fis connaître les conditions de la capitulation que j’offrais. Plusieurs heures de la journée furent employées à une négociation qui n’eut pas le succès que je désirais. Je fis donc recommencer le feu à huit heures du soir, et ce ne fut que trois heures après que le gouverneur signa la capitulation dont j’ai l’honneur d’envoyer copie à Votre Altesse, ainsi que de ma sommation. Almeida se trouve de cette manière au pouvoir de S. M. l’Empereur et Roi. Nous y sommes entrés ce matin, à neuf heures. La garnison est prisonnière de guerre et sera conduite en France. Nous avons trouvé dans la place : quatre-vingt-dix-huit pièces en batterie, dix-sept à réparer, trois cent mille rations de biscuit, cent mille rations de viande salée, et une grande quantité d’autres munitions de bouche, qu’on inventorie en ce moment, et dont une note approximative est ci-jointe.
Je crois devoir dire à Votre Altesse quelque chose de l’esprit de la garnison, M. le marquis d’Alorna, général de division portugais, et plusieurs autres officiers généraux ou supérieurs de sa nation, employés dans l’armée française, s’approchèrent de la place pendant qu’on négociait. Ils furent reconnus du haut des remparts par une grande partie de leurs compatriotes, qui manifestèrent bien vivement leur satisfaction d’être bientôt débarrassés du joug des Anglais; satisfaction qui s’accrut encore lorsqu’ils apprirent que S. M. l’Empereur avait attaché à son service, et dans leurs grades, les officiers portugais qui se trouvaient en France, et que, bien loin de les avoir réduits à l’état d’humiliation que les Anglais leur font éprouver aujourd’hui, il les a admis à l’honneur de combattre à ses côtés dans les grandes campagnes.
Je suis, avec un respectueux dévouement, etc. Signé : M ASSÉNA.
Le 28 août au matin, la garnison, forte d’environ cinq mille hommes, sortit de la place avec les honneurs de la guerre, et déposa les armes sur le glacis. A neuf heures, nos troupes prirent possession de la place.
Capitulation d’Almeida.
Capitulation accordée, au nom de S. M. l’empereur des Français, roi d’Italie, protecteur de la Confédération du Rhin, etc., par le maréchal Masséna, prince d’Essling, commandant en chef de l’armée de Portugal, à M. le général anglais Cox[7], gouverneur de la place d’Almeida, pour la reddition de cette place aux troupes de Sa Majesté.
Article 1er. La garnison sortira de la place avec les honneurs de la guerre ; elle posera ses armes sur le glacis et sera prisonnière de guerre. Les milices rentreront chez elles après avoir déposé les armes ; elles ne pourront servir, pendant la présente guerre, contre la France ni contre ses alliés.
ART, II. Les officiers de toutes armes conserveront leurs épées et leurs bagages ; les soldats conserveront leurs bagages seulement.
ART. III. Les habitants conserveront leurs propriétés et ne seront aucunement inquiétés pour leurs opinions.
ART. IV. Les munitions de guerre et l’artillerie resteront au pouvoir de l’armée française, et seront remises au commandant de l’artillerie.
ART, V. Les caisses et les magasins seront remis aux commissaires des guerres français, nommés à cet effet.
ART. VI. Les plans et mémoires de la place seront remis au commandant du génie de l’armée française.
ART. VII. Les malades de l’armée anglaise et de l’armée portugaise seront soignés et entretenus aux frais de l’armée française, et suivront la destination de la garnison, à leur rétablissement.
Au camp devant Almeida, le 28 août 1810.
Le maréchal prince d’Essling, commandant en chef l’armée de Portugal.
Signé: MASSÉNA. Le gouverneur d’Almeida.
Signé: WILLIAM COX.
Ainsi tomba Almeida, après douze jours de siège; conquête importante pour les opérations ultérieures de l’armée française de Portugal, en ce qu’elle lui ouvrait les routes de Pinhel et de Celorico, et lui donnait un lieu de dépôt sur la frontière même. Lord Wellington ne voulant pas compromettre son armée peu aguerrie encore, ne fît rien pour secourir cette place. Il avait espéré que le siège nous arrêterait six semaines ou deux mois, et qu’alors la saison des pluies et l’hiver nous forceraient à ajourner à l’année suivante l’invasion du Portugal. Un événement imprévu dérangea ses calculs.
On trouva dans la place cent soixante-quatorze bouches à feu, peu de poudre, cinq cent mille cartouches d’infanterie, trois cent mille rations de biscuit, cent mille rations de viande salée, et un approvisionnement considérable de riz et de vin. Notre artillerie ne tira que dix mille coups. Nous eûmes cinquante-huit hommes de tués et trois cent vingt de blessés. Près de quinze cents chevaux du train d’artillerie périrent par suite des fatigues et du manque de fourrage.
D’après la capitulation, la garnison, formée du vingt-quatrième régiment d’infanterie portugaise, d’un détachement de soixante cavaliers du douzième régiment, et de cent douze canonniers, restait prisonnière de guerre; les milices devaient rentrer dans leurs foyers après s’être engagées à ne pas servir pendant la guerre. Mais la joie qu’avaient manifestée les troupes portugaises lorsqu’elles avaient reconnu du haut des remparts le marquis d’Alorna et les officiers portugais, ayant redoublé après la capitulation, le marquis vint au nom de cette garnison demander au prince d’Essling d’en former un corps au service de France, pour l’opposer à ceux que les Anglais avaient organisés, et qu’on disait supporter impatiemment leur joug. Il rappela au prince, ainsi que les autres généraux portugais, que les troupes de leur nation, passées au service de la France, en 1807, y étaient encore, que le reste était au moment de se séparer des Anglais, et tous s’offrirent comme garants de la fidélité de la garnison. Masséna conçut l’espoir de diminuer les horreurs de cette guerre, rendue si terrible par les ordres des généraux anglais, en détachant ainsi d’eux une partie de la population; il accéda donc à la demande des Portugais. Le marquis d’Alorna forma des troupes une brigade sous les ordres du général Pampelona; et, après avoir reçu leur serment de fidélité, le prince d’Essling leur fit rendre leurs armes. Parmi les miliciens, douze cents de bonne volonté s’étant présentés également pour prendre du service, on en forma un corps de pionniers qu’on employa, partie à combler les tranchées et à déblayer la ville, partie à réparer la route d’Almeida à Pinhel.
Lettre du maréchal Masséna, prince d’Essling, au prince Berthier, major général.
Au fort de la Conception, le 30 août 1810.
Monseigneur,
Aux termes de la capitulation pour la reddition d’Almeida, les milices portugaises doivent rentrer dans leurs foyers. Cependant je leur ai fait dire que nous garderions les hommes qui voudraient entrer au service de S. M. l’empereur et roi : douze cents se sont présentés de bonne volonté, et j’en ai fait un corps du pionniers dont moitié va être employée à combler les tranchées et à déblayer la ville, et l’autre moitié à la réparation de la route d’Almeida à Pinhel
J’ai pris à l’égard du vingt-quatrième régiment de ligne, portugais, un parti qui me semble convenable au bien du service de Sa Majesté : je le retiens ici au lieu de l’envoyer en France, et je vais lui donner pour chefs et pour officiers une partie de ceux de leur nation attachés à l’armée de Portugal. J’utiliserai aussi les bonnes dispositions reconnues dans ce régiment, sa haine envers les Anglais et le zèle de MM. les officiers portugais qui m’ont été envoyés. J’ai mis à la disposition du général commandant l’artillerie les na canonniers portugais qui ont demandé à servir, et je retiens en outre soixante cavaliers qui ont témoigné le même désir. J’aurai cependant soin d’avoir toujours les yeux sur ces troupes et de ne les placer que dans les postes les moins importants. Il me sera bien agréable d’apprendre par Votre Altesse que Sa Majesté approuve ces différentes dispositions.
Je suis, avec un respectueux dévouement, etc. Signé ; MASSÉNA.
Mais en moins de huit jours, les troupes de ligne et les miliciens désertèrent, et lord Wellington, prétextant que Masséna avait enfreint la capitulation, ne balança pas à les incorporer dans son armée.
Le général Brenier[8], nommé gouverneur d’Almeida, occupa cette place avec une garnison de deux bataillons du sixième corps. On se mit à débarrasser la ville de ses décombres, et l’on put encore sauver un grand nombre de victimes. On travailla à réparer les fortifications. La plupart des voûtes des casemates ayant été ébranlées par l’explosion du magasin à poudre, laissaient filtrer les eaux, et presque tous les établissements publics avaient été détruits ou découverts. On entreprit de grands travaux pour les réparer et y mettre à couvert les poudres, les vivres et les hommes; mais on manquait de matériaux, d’ouvriers et d’argent. On fut réduit à démolir les maisons des villages voisins pour avoir du bois et des tuiles; la chaux était si rare dans le pays, que c’est à peine si on en trouva assez pour réparer la brèche de Ciudad-Rodrigo.
Après de nouveaux efforts pour se procurer des vivres et des moyens de transport, Masséna commença son mouvement offensif le 15 septembre. Le deuxième corps marcha sur Guarda, tandis que le sixième et le huitième se portèrent sur Pinhel. L’armée se dirigea ensuite sur Viseu. Déjà le prince d’Essling avait annoncé son entrée en Portugal par une proclamation qui peut être citée comme un monument de l’époque et de l’esprit du temps.
Proclamation du maréchal Masséna, prince d’Essling, adressée aux Portugais.
Ciudad-Rodrigo, le 1er août 1810.
Portugais !
Les armées du grand Napoléon sont sur vos frontières, et vont entrer sur votre territoire, en amis et non en vainqueurs. Elles ne viennent pas pour vous faire la guerre, mais pour combattre ceux qui vous portent à la faire.
Portugais, ouvrez les yeux sur vos intérêts. Qu’a fait l’Angleterre pour que vous souffriez la présence de ses soldats sur votre sol ? Elle a détruit vos fabriques, ruiné votre commerce et paralysé votre industrie dans la seule vue d’introduire chez vous des objets manufacturés dans ses ateliers, et de vous rendre ses tributaires. Que fait-elle aujourd’hui pour que vous embrassiez la cause injuste qui a soulevé contre elle toutes les puissances du continent ? Elle vous trompe sur les résultats d’une campagne où elle ne veut rien risquer ; elle se fait un rempart de vos bataillons, comme si votre sang devait être compté pour rien ; elle se tient en mesure de vous abandonner quand cela conviendra à ses intérêts, dût-il en résulter des dommages pour les vôtres; et, pour mettre le comble à vos maux et à son insatiable ambition, elle envoie ses vaisseaux dans vos ports, pour emmener dans ses colonies ceux de vos enfants qui auront échappé aux dangers auxquels elle les aura exposés sur le continent. La conduite de son armée devant Ciudad-Rodrigo ne vous dit-elle pas assez ce que vous devez attendre de semblables alliés ? N’ont-ils pas excité la garnison et les malheureux habitants de cette place, par des promesses trompeuses, et ont-ils brûlé une seule amorce pour les secourir ? Plus récemment encore, ont-ils jeté quelques-uns des leurs dans Almeida, si ce n’est un gouverneur chargé de vous engager à une défense aussi mal entendue que celle de Ciudad-Rodrigo ? Et ne vous ont-ils pas fait outrage, en mettant ainsi dans la balance un seul Anglais contre six mille de vos compatriotes ?
Portugais, ne vous laisser pas abuser plus longtemps; le puissant souverain dont tant de peuples bénissent les lois, la force et le génie, va assurer votre prospérité. Mettez-vous sous sa protection. Accueillez ses soldats en amis, et vous trouverez sûreté pour vos personnes et vos propriétés. Les maux qui résultent de l’état de guerre vous sont connus : vous savez qu’ils vous menacent dans tout ce que vous avez de plus cher, dans vos enfants, vos parents, vos amis, vos fortunes et votre existence politique et privée. Prenez donc une résolution qui vous offre tous les avantages de la paix. Restez tranquilles dans vos habitations; livrez-vous à vos travaux domestiques; et ne regardez comme vos ennemis que ceux qui vous conseillent une guerre dont toutes les chances sont contre le bien de votre pays.
Signé : MASSÉNA
Lettre de Wellington au duc de Liverpool[9]
Gouves, 5 septembre 1810
My Lord
Ci-joint une lettre du colonel Cox, gouverneur d’Almeida, contenant une copie de la capitulation d’Almeida, et un récit des circonstances qui ont amené à la reddition prématurée de cette place.
Il était impossible d’espérer que le colonel Cox puisse continuer la défense de la place après l’évènement malheureux qu’il mentionne ; et je suis heureux d’ajouter, que tous les comptes-rendus que j’ai reçus d’officiers et de soldats de la milice qui ont y sont entrés en vertu des termes de la capitulation, sont unanimes à applaudir la conduite du Gouverneur durant tout le siège, et à souligner la position difficile dans laquelle il s’était trouvé à la fin de ce siège.
Il est certain que, jusqu’à l’explosion des magasins de la place, la garnison n’a eu à souffrir que de faibles pertes et qu’elle a gardé le meilleur esprit ; et que, encouragée par l’exemple du Gouverneur et la confiance qu’elle avait en lui, elle était déterminée à résister jusqu’au dernier moment.
J’ai l’honneur de joindre une copie d’une lettre reçue du maréchal Beresford, qui contenait la lettre du colonel Cox ; je dois y ajouter que les deux officiers mentionnés, Teniente del Rey et le major d’artillerie, sont passés au service de la France, et que ce dernier a été promu colonel. J’ai également été informé que, lorsqu’il a été envoyé par le Gouverneur dans les lignes ennemies pour négocier la capitulation, après avoir informé l’ennemi de la situation désespérée de la garnison, il n’est pas revenu dans la place lorsque les hostilités reprirent, mais est resté dans les lignes ennemies.
J’ai l’honneur…. Wellington
Lieux de mémoire
- Du fort, qui explosa durant le siège, il ne reste que les fondations, en cours de restauration

- Au bastion nord, stèle en pierre à la mémoire du lieutenant John Beresford

NOTES
[1] Almeida (Portugal) se trouve à 40 km au nord-est de Guarda et à environ 20 km de Fuentes de Oñoro.
[2] Brigade Simon (26e de ligne, Légion du Midi, Légion hanovrienne), brigade Ferrey (82e léger, 65e et 92e de ligne)
[3] 3e hussards, 15e chasseurs
[4] Thomas Picton (1758 – 1815)
[5] Joseph-Felix Lazowski /1759 – 1812)
[6] Edouard-François Simon (1769 – 1827)
[7] William Cox (1776 – 1864), Entré au service portugais en 1809, il a été promu colonel cette même année colonel du 24e régiment d’infanterie. A Almeida, il a le grade de brigadier. Fait prisonnier à la chute de la place, il restera prisonnier de guerre jusqu’en 1814.
[8] Antoine-François Brenier de Montmorand (1767 – 1832)
[9] Robert Jenkinson (1770 – 1828), à cette époque Secrétaire d’État à la Guerre et aux Colinies.