14 juin 1809 – La bataille de Raab
Ferdi Irmfried Wöber (*) – Robert Ouvrard
Je vous félicite sur la bataille de Raab : c’est une petite fille de Marengo et de Friedland
(Napoléon à Eugène – 16 juin 1809)
(*) Ce travail repose essentiellement sur l’excellent ouvrage de M. Ferdi Wöber, qui renferme en outre un grand nombre de documents et illustrations inédits. Publié en allemand, cet ouvrage a, outre une traduction anglaise, et une version française, parue aux Éditions Anovi.
Introduction à la bataille.


L’armée française, sous les ordres d’Eugène poursuivait, depuis la bataille de Sacile, en Italie, les Autrichiens en retraite vers le nord-est. Elle constituait le renfort espéré par l’armée principale de Napoléon, après la bataille d’Aspern-Essling.
Le 29 mai, l’avant-garde, emmenée par Lauriston, avait atteint Ödenburg (Sopron). Elle sera le 5 juin à Güns (Köszeg). Là, une patrouille hongroise avait été repoussée par la cavalerie française et les chasseurs badois. Une nouvelle attaque des hongrois avait également été repoussée par les cavaliers de Montbrun.<</font color>;
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29 mars 1809. Le « Wiener Zeitung » rapporte que, le 9 mars, on a pu lire, à Augsbourg :
On parle d’une proclamation appelant sous les armes la landwehr autrichienne ainsi que l’insurrection hongroise (…). Les autorités de Presbourg agissent avec le même bel et patriotique esprit, qui se reflète dans toute les parties de la Hongrie…
10 avril 1809. Ordre est donné à l’armée de l’Insurrection hongroise (armée nationale composée essentiellement de nobles et de volontaires) de se rassembler le 15 mai, sous les ordres du général Mecséry, à Raab (l’actuel Györ, en Hongrie) et au village tout proche de Szabadhegy.

10 mai 1809. Le colonel von Petschy, commandant les troupes du génie, reçoit l’ordre de renforcer les fortifications de Raab, afin de mieux résister à toute attaque. Ces fortifications, de forme heptagonale n’étaient plus, depuis des années, entretenues.
20 mai 1809. L’occupation des redoutes en hommes et en canons est complète, et les routes qui mènent à Raab sont contrôlées par l’infanterie. Le même jour, Joseph Wilt, évêque de Raab, transfère son siège à Steinamanger.
26 mai 1809. L’archiduc Joseph, Palatin (L’archiduc Joseph avait été élu Palatin (vice-roi) par les Assemblées hongroises à la Diète de Presbourg, le 12 novembre 1796, alors qu’il n’était âgé que de 21 ans.) et par conséquent la plus haute autorité du royaume de Hongrie, installe son quartier général au palais épiscopal de Raab. C’est de là qu’il organise le rassemblement des différentes troupes. Entre temps, les fortifications de Raab ont été achevées, avec l’aide de milliers de travailleurs. Leur longueur totale est alors de 1200 m. L’armée de l’Insurrection qui se rassemble dans les camps se renforce de jour en jour.
Les fossés entre Raab et la Raabnitz sont sous jusqu’à un mètre d’eau, tout comme les environs au sud de Raab sont, du fait des marécages, difficile à traverser. De plus en plus fréquemment arrivent des nouvelles indiquant que l’infanterie et la cavalerie du général Montbrun repoussent les troupes hongroises, plus vite que prévu, en direction du nord.
La ville de Raab est alors occupée par 2.240 fantassins et 2.020 cavaliers, renforcés par 10 pièces de 12. Un tiers de la garnison (réserve des divisions Jellachich et Wukassowitsch, plus quelques hussards) n’est équipée que de façon sommaire; en fait, on manque ici pratiquement de tout.
Le 2 juin, le FML von Dadovich reçoit l’ordre de mettre en mouvement au plus vite toutes les troupes qui se trouvent sur la rive gauche du Danube, en direction de Raab. L’archiduc Jean atteint, avec son armée, Körmend ce même jour, où il reste jusqu’au 7. Là, il en profite pour approvisionner le mieux qu’il peut ses troupes. Le même jour il écrit à Charles :
J’ai réuni les forces et les ai augmentées ; hier, le général Andrassy est arrivé à Körmönd, avec lui 14.000 hommes d’infanterie, 2.000 cavaliers, 3.000 miliciens (landwehr), 2.000 insurgés ; il peut maintenant entreprendre quelque chose
3 juin 1809. Charles informe Joseph que l’archiduc Jean doit se retirer, avec l’armée d’Italie, en direction de Presbourg, afin de pouvoir faire sa jonction avec l’armée principale, car l’on s’attend à une attaque imminente de Napoléon. Il souhaite également que l’Insurrection soit concentrée autour de Raab, de manière à ne pas l’affaiblir davantage par un éparpillement.
5 juin 1809. La cavalerie légère de Colbert et les chasseurs de Baden atteignent Güns et repoussent, le lendemain 6, les troupes de l’Insurrection en direction de Sarvar.
6 juin 1809. L’archiduc Joseph apprend de l’archiduc Charles qu’une jonction avec l’armée de l’archiduc Jean doit intervenir. De toutes les directions des troupes se dirigent vers Raab : Andrassy et sa brigade depuis Körmend, Duka depuis Pest, Davidovich depuis Komorn (Komarom) et Hadik depuis Erlau (Eger).
L’approvisionnement de l’Insurrection, de plus en plus importante, s’avère particulièrement déficient. Le vice-président de la Hofkammer de Vienne, le comte Joseph Pergen ayant reçu l’autorisation de l’empereur François (alors à Wolkersdorf) de se procurer de la nourriture en Hongrie, 80.000 rations de pains ont été alors, sur l’ordre de Charles, envoyées à l’armée principale, de sorte que la capacité de production de Raab est dépassée, alors qu’aucun four supplémentaire n’est arrivé.
Une demande de l’archiduc Charles à son frère Joseph de déplacer son armée, pour des raisons tactiques, sur Kitsee, afin de relâcher la pression des français sur la tête de pont de Presbourg, n’est pas suivie d’effet. Il en est de même d’une demande de Bianchi à Mecsery de marcher sur Presbourg. L’archiduc Joseph écrit à l’empereur :
Je suis convaincu que l’Insurrection, qui n’a pu recevoir aucun officier de l’armée régulière, pourrait offrir à l’État des avantages significatifs, plus tard, voire même maintenant, si elle agit conjointement avec des soldats réguliers, comme l’ont montré les régiments attachés à l’armée de l’archiduc Jean. Je ne peux autoriser que la ligne de communication entre l’armée du général en chef et celle de l’archiduc Jean, soit mise en danger à Raab; ce d’autant plus que de grands services peuvent être attendus d’eux, si des officiers de l’armée régulière peuvent être employés à l’entraînement de l’Insurrection. On ne peut assez louer la belle apparence, l’obéissance et le bon ordre des troupes de l’Insurrection. Cependant, dans le même temps on ne doit pas risquer ces troupes, insuffisamment entraînées et encore totalement inexpérimentées, sans soutien ou avant qu’elles ne soient employées à agir ensemble ou qu’elles aient été entraînées, sous peine de les voir désorganisées dès les premiers combats, sans rendre de ce fait le moindre service. (9)
Chaque jour, des échauffourées avec les français sont annoncées, quelques détachements arrivent même jusqu’à Raab, le ruisseau Marcal, près de Megyér est franchi. La situation de l’Insurrection se détériore visiblement : ces troupes non entraînées, qui, de plus en plus, souffrent de la faim, ne sont pas vraiment, pour les français, un obstacle. Chevaux sans selles ni brides, même le nombre de fusils est insuffisant, on ne peut opposer à l’ennemi que courage et sacrifice.
6 juin 1809. Le prince Eugène, de son quartier général à Odenburg (aujourd’hui Sopron) ordonne que la municipalité de la ville renvoie sans délai sa division (374 cavaliers), si elle veut éviter d’être attaquée.
L’archiduc Jean (Archiduc Jean d’Autriche, 1782-1859) voudrait attaquer Macdonald immédiatement, car ce dernier ne dispose que de 10.000 fantassins et 2.000 cavaliers, et on peut empêcher qu’il ne se joigne au vice-roi et à Lauriston (Jacques-Alexandre-Bernard Law, comte de Lauriston, 1768-1828.) Il se met en marche dans la nuit du 7 au 8 juin, et atteint Tüskevar le 10 juin, après être passé par Rába Hidveg, Vasvár, Baltavár et Türje.
Au quartier général autrichien, on est d’avis que l’ennemi n’a qu’environ 12.000 hommes, et que l’armée de l’archiduc Jean, avec ses 21.700 hommes, a l’avantage numérique, et qu’une attaque peut-être facilement repoussée.
Le 7 juin 1809, l’archiduc Charles écrit au prince de Sachsen-Teschen
J’ai ordonné à Jean de marcher à Raab en se couvrant pendant ce mouvement de la Raab et de la Marczal – et de là je compte ou l’attirer aussi à moi ou l’employer sur la rive droite du Danube, mais il n’a que 19.000 hommes en tout.
8 juin 1809. Eugène arrive, avec environ 18.000 hommes, à Steinamanger (Szombathely). Lauriston porte ses 4.000 hommes vers Sàrvar, qui a été pris par les chasseurs badois et la cavalerie de Colbert. Le 9 juin 1809, il fait sa jonction, à l’est de Sárvár, avec l’armée principale. La cavalerie occupe les positions suivantes :
- La division Sahuc est à Gógáufa
- Le général Colbert a le 9e hussard à Karakó, le 20e chasseurs à Merse et le 7e chasseur à Kenyeri ;
- Montbrun occupe Pápócz (1e chasseur), Asszonyfa (2e chasseurs) et Marcaltö (7e hussards)
Les défenseurs, sous les ordres du colonel Gosztoryi (une division de cavalerie de Pest, 230 hommes des « Gradiscaner » sous les ordres du major Taza) se retirent, par Jánosháza, jusqu’à Karakó. Mais le lendemain, ils sont de nouveau attaqués, vers deux heures de l’après-midi. Cette fois, ils réussissent à repousser les 900 cavaliers du général Marollet, malgré trois assauts. Les adjudants Clementis (cavalerie de Pest) et Halásszy, se comportent avec bravoure, libérant le colonel Gosztonyi, qui avait été fait prisonnier.
Les français essayent de passer la Raab à Bodonhely, ainsi que la Marcal. Le général Andrásy les en empêche avec ses troupes postées sur la Marcal : cavalerie de Pest (628 hommes), Weszprém (1143 hommes), et les hussards archiduc Joseph (739 hommes) à Gógánfa.
Le 8 juin voit de nouveaux mouvements de troupes. La cavalerie Szala (1100 cavaliers) et le bataillon d’Insurrection n° 2 (1094 hommes) reçoivent l’ordre de se rendre à Tét, le régiment de cavalerie Somogy (1272 cavaliers) est déplacé à Pápa. Ils doivent renforcer la cavalerie d’Andrásy. Des réorganisations de troupes interviennent. Par exemple, les 1e et 3e bataillons de la Landwehr de Graz sont incorporés dans le 2e, qui comprend alors 458 hommes.
Les troupes du général Grenier (7.000 h.) marquent un instant le pas, permettant à celles de l’archiduc Jean, qui bivouaquent à Tüskevar et Torna et y prennent une position défensive, d’avoir un peu de repos et de sécurité.
Le 10 juin, le général Macdonald arrive à Körmend. Le même jour, à 13 h, Karakó est de nouveau attaquée.
Les français ont réuni à Jánoshásza sept divisions de cavalerie et deux bataillons d’infanterie. Le général Andrásy porte à Dobróka deux divisions de cavalerie (Weszprém), une division des hussards archiduc Joseph, une division des hussards Blankenstein et une demi batterie d’artillerie à cheval.
A trois heures de l’après-midi, deux bataillons d’infanterie et trois divisions de cavalerie attaquent à nouveau les hongrois du colonel János Gosztonyi, à Karakó. Malgré des pertes importantes, ils les repoussent jusqu’à Dobróka, suivis du 9e hussards (général Debroc) qui se lance sur l’infanterie, qui se voit obligée de reculer en masse. Bloquée par le terrain boueux, la cavalerie hongroise ne peut attaquer qu’à ce moment. Les français ont mis en place, à une distance de 2.500 pas quatre pièces de 8 et deux obusiers. Les hussards archiduc Joseph et une partie de la cavalerie Weszprém se jettent sur les français, qui reculent immédiatement.
Une contre-attaque avec deux divisions de cavalerie permet de regagner le terrain perdu. Gosztonyi perd 300 hommes.
L’archiduc Jean se retire pied à pied en direction de Pápa, qu’il atteint dans la nuit. Là, il reçoit la réponse écrite de l’archiduc Charles, qui repousse toute ses propositions, comme étant trop défensives. Au sujet de l’armée de l’archiduc Jean, l’archiduc Joseph écrit :
(…) la cavalerie est très faible, en particulier les dragons et les lanciers, et leur aspect n’est pas bon. Mon régiment (les hussards Joseph) est en bon état et suffisamment fort. Les hussards Ott sont également forts, mais leur état est moyen. L’infanterie est faible (à l’exception du 32 RI Esterhazy, du 19 RI Alvinczy et des grenadiers) et ici et là il y a beaucoup de recrues parmi eux. Le bataillon de la Landwehr a un aspect qui laisse à désirer, les soldats ne sont pas instruits, ils ne peuvent résister à l’ennemi (17)
Eugène s’attendait à ce que l’archiduc Jean prenne position, à Papá, pour combattre . La division Grouchy devra donc contourner le village par l’est, pendant que Montbrun attaquera le front autrichien. Lauriston sera à droite et la division Pacthod à gauche.
Vers midi, le 12 juin, le maire de Pannonhalma, Antel Czinege, peut déjà apercevoir d’importants mouvements de troupes autour de Szentivan; l’infanterie Borsod (Insurrection) et la cavalerie Heves (Insurrection) se tiennent prêtes dans la ville.